COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative
ORDONNANCE
DU 23 AOUT 2024
N° 2024/1285
N° RG 24/01285 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNS5P
Copie conforme
délivrée le 23 Août 2024 par courriel à :
-l'avocat
-le préfet
-le CRA
-le JLD/TJ
-le retenu
-le MP
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 22 Août 2024 à 14h55.
APPELANT
Monsieur [L] [I] [S] [K] [E]
né le 06 Mars 1998 à [Localité 5] (ESPAGNE)
de nationalité Espagnole
Comparant en visio conférence, par application des dispositions de la loi immigration du 26 janvier 2024
assisté de Me CHARAMNAC Yann, avocat au barreau de Aix-en-Provence, commis d'office, et de Madame [G] [P], interprète en langue arabe, inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
INTIMÉ
Monsieur le Préfet des Bouches-du-Rhône
Représenté par Madame [H] [M]
MINISTÈRE PUBLIC
Avisé et non représenté
******
DÉBATS
L'affaire a été débattue en audience publique le 23 Août 2024 devant Mme Angélique NETO, Conseillère à la cour d'appel délégué e par le premier président par ordonnance, assistée de M. Corentin MILLOT, Greffier,
ORDONNANCE
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Août 2024 à 13H30,
Signée par Mme Angélique NETO, Conseillère et M. Corentin MILLOT, Greffier,
PROCÉDURE ET MOYENS
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 27 juin 2019 par le préfet des Bouches-du-Rhône , notifié le 04 juillet 2019 à 15h00 ;
Vu la décision de placement en rétention prise le 07 juin 2024 par le préfet des des Bouches-du-Rhône notifiée le 08 juin 2024 à 08h43;
Vu l'ordonnance du 22 Août 2024 rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE décidant le maintien de Monsieur [L] [I] [S] [K] [E] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;
Vu l'appel interjeté le 22 Août 2024 à 15h46 par Monsieur [L] [I] [S] [K] [E] ;
Monsieur [L] [I] [S] [K] [E] a comparu et a été entendu en ses explications. Il indique comprendre le français. Il déclare s'appeler [E] [K] et être de nationalité espagnole, bien que d'origine marocaine.
Son avocat a été régulièrement entendu. Il réitère les termes de sa déclaration d'appel à laquelle il convient de reporter pour un exposé plus ample des prétentions et moyens. Il sollicite de la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise et de prononcer sa remise en liberté ou son assignation à résidence.
Il se prévaut du non-respect des conditions requises par l'article L 742-5 du CESEDA s'agissant d'une demande de 4ème prolongation en ce que l'intéressé n'a pas fait obstruction à la mesure d'éloignement dans les 15 derniers jours précédent l'audience, qu'il n'a pas demandé de protection contre l'éloignement ni déposé une demande d'asile, qu'il n'a jamais menti sur son identité, que la preuve de la délivrance de documents de voyage à bref délai n'est pas rapportée en l'absence de réponse des autorités consulaires qui ont été saisies, et ce, nonobstant les déligences effectuées par l'administration, qu'aucune laissez-passer ne sera délivré à bref délai, qu'aucun vol ne pourra être organisé à bref délai et qu'il ne représente pas une menace actuelle à l'ordre public dès lors que sa condamnation pénale est isolée.
Le représentant de la préfecture a été régulièrement entendu. Il sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise.
Il fonde sa demande de 4ème prolongation sur la menace à l'ordre public que représente l'intéressé, faisant observer que c'est cette menace qui a conduit la cour de céans à confirmer la décision prise par le JLD de faire droit à la demande de 3ème prolongation qui avait été faite. Par ailleurs, il indique que, si le Maroc et l'Espagne n'ont pas reconnu l'intéressé, et que la Suisse a refusé de le reprendre, c'est uniquement parce que l'intéressé dissimule son identité et sa nationalité. Il souligne avoir saisi le consultat d'Algérie et être dans l'attente d'une réponse, faisant observer que les relations diplomatiques entre la France et l'Algérie peuvent s'améliorer à tout moment, comme cela a déjà été le cas par le passé.
La parole a été donnée en dernier à Monsieur [L] [I] [S] [K] [E]. Il indique n'avoir rien à ajouter.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'appel
La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.
Sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L742-5 du CESEDA
Selon les dispositions de l'article L 742-5 du CESEDA, à titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :
1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;
2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :
a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;
b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.
L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.
Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours.
Selon les dispositions de l'article L 741-3 du CESEDA, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.
En l'espèce, il n'est pas contesté que l'intéressé n'a pas, dans les 15 jours qui ont précédé la demande de 4ème prolongation, fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement, ni présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement une demande de protection contre l'éloignement ou une demande d'asile.
Par ailleurs, le représentant de l'Etat justifie de diligences tendant à l'exécution de la mesure d'éloignement. Alors même qu'il a entrepris de nombreuses démarches pour parvenir à l'identification de l'intéressé et a saisi les autorités consulaires d'Espagne, du Maroc et de Suisse, aucune de ces autorités n'a, à ce jour, répondu positivement à la demande de reconnaissance sollicitée par l'administration, la Suisse ayant, quant à elle, refusé le retour de l'intéressé sur son territoire. Il s'avère que l'administration vient de saisir le consulat algérien aux fins, là encore, d'identification de l'intéressé.
Dès lors que l'administration ne dispose d'aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires, il ne peut lui être fait grief de ne pas avoir procédé à plus de relances. Les démarches entreprises par la préfecture constituent donc des diligences en vue de l'exécution de la mesure d'éloignement.
Il reste que la réponse positive de reconnaissance par un consulat est une condition requise par le 3° de l'article L 742-5 du CESEDA, dès lors que cet alinéa exige que l'administration démontre que la délivrance d'un laissez-passer doit intervenir à bref délai. Tel n'est pas le cas en la cause. En effet, si la décision déloignement n'a pas pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par une autorité consulaire dont relève l'intéressé, il n'est pas établi que cette délivrance interviendra à bref délai en l'absence de réponse positive des autorités qui ont été saisies.
Enfin, si le préfet fonde sa demande de prolongation exceptionnelle de la rétention sur la menace réelle et actuelle à l'ordre public que représente l'intéressé en rappelant ses condamnations pénales, ce qui a été retenu par le premier juge et par la cour d'appel de céans lors de la demande de troisième prolongation en rétention administrative, il résulte de l'article L742-5 du CESEDA qu'une telle menace doit survenir durant les quinze derniers jours de rétention s'agissant de l'examen d'une demande de quatrième prolongation.
Tel n'est pas le cas en la cause dès lors que la préfecture ne se réfère qu'à la condamnation pénale de l'intéressé, par le tribunal correctionnel de Marseille, le 29 septembre 2022, à 4 ans d'emprisonnement et une interdiction du territoire français pendant 5 ans pour des faits de violence avec usage ou menace d'une arme suivie d'incapacité n'excèdant pas 8 jours et arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire suivi d'une libération avant le 7ème jour.
Les conditions requises pour une quatrième prolongation de la rétention administrative de l'intéressé n'étant pas réunies, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise et d'ordonner la remise en liberté de Monsieur [L] [I] [S] [K] [E].
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,
Infirmons l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 22 Août 2024 ;
Statuant à nouveau,
Mettons fin à la rétention de Monsieur [L] [I] [S] [K] [E] ;
Lui rappelons son obligation de quitter le territoire et les dispositions de l'article L.624-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger qui, faisant l'objet d'un arrêté d'expulsion, d'une mesure de reconduite à la frontière, d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une interdiction judiciaire du territoire, se sera maintenu irrégulièrement sur le territoire français sans motif légitime, après avoir fait l'objet d'une mesure régulière de placement en rétention ou d'assignation à résidence ayant pris fin sans qu'il ait pu être procédé à son éloignement, sera puni d'un an d'emprisonnement et de 3 750 € d'amende.
Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.
Le greffier Le président
Reçu et pris connaissance le :
Monsieur [L] [I] [S] [K] [E]
né le 06 Mars 1998 à [Localité 5] (ESPAGNE) [Localité 5]
de nationalité Espagnole
Assisté d'un interprète
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-11, Rétentions Administratives
[Adresse 7]
Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX03] - [XXXXXXXX01]
Courriel : [Courriel 4]
Aix-en-Provence, le 23 Août 2024
À
- Monsieur le préfet des Bouches-du-Rhône
- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 6]
- Monsieur le procureur général
- Monsieur le greffier du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE
- Maître Yann CHARAMNAC
NOTIFICATION D'UNE ORDONNANCE
J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 23 Août 2024, suite à l'appel interjeté par :
Monsieur [L] [I] [S] [K] [E]
né le 06 Mars 1998 à [Localité 5] (ESPAGNE)
de nationalité Espagnole
Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.
Le greffier,
VOIE DE RECOURS
Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.