La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/08/2024 | FRANCE | N°22/14860

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 06 août 2024, 22/14860


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6



ARRÊT AU FOND

DU 06 AOUT 2024

N° 2024/221









Rôle N° RG 22/14860 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKJEY







COMMUNE D'ANTIBES





C/



[N] [O]

Organisme CAISSE DES DEPOTS ETCONSIGNATIONS

S.A. ALLIANZ IARD





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Patrick DAVID

- Me François xavier GOMBERT


- Me Paul GUEDJ

-Me Pierre-Alain RAVOT









Décision déférée à la Cour :



Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de GRASSE en date du 05 Juillet 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 20/01727.





APPELANT



COMMUNE D'[Localité 5], demeura...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 06 AOUT 2024

N° 2024/221

Rôle N° RG 22/14860 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKJEY

COMMUNE D'ANTIBES

C/

[N] [O]

Organisme CAISSE DES DEPOTS ETCONSIGNATIONS

S.A. ALLIANZ IARD

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Patrick DAVID

- Me François xavier GOMBERT

- Me Paul GUEDJ

-Me Pierre-Alain RAVOT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de GRASSE en date du 05 Juillet 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 20/01727.

APPELANT

COMMUNE D'[Localité 5], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Patrick DAVID, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Fabienne DARBOISSE, avocat au barreau de GRASSE

INTIMES

Monsieur [N] [O]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 7], demeurant [Adresse 8]

représenté par Me François xavier GOMBERT de la SELARL BREU-AUBRUN-GOMBERT ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

CAISSE DES DEPOTS ETCONSIGNATIONS, agissant par sa directiion des Gestions Mutualisées elle-même prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié es-qualités [Adresse 9]., demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assisté par Me Michel DRAILLARD, avocat au barreau de GRASSE

S.A. ALLIANZ IARD au capital de 991 967 200 € prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité audit siège., demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Pierre-Alain RAVOT de la SAS RAVOT PIERRE- ALAIN, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 mars 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, et Madame Elisabeth TOULOUSE,Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre

Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Premier Président de chambre

Greffier lors des débats : Madame Emmanuelle FINET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 juin 2024 puis prorogé au 06 août 2024.

ARRÊT

contradictoire

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Août 2024.

Signé par Mme Elisabeth TOULOUSE Présidente de chambre, M. Jean-Wilfrid NOEL, Président légitimement empêché et Mme Sancie ROUX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M. [N] [O], responsable d'une cantine scolaire, a été victime d'un accident de trajet le 3 novembre 2014. Alors qu'il se trouvait à bicyclette et rentrait chez lui , il a été renversé par le véhicule de M. [E], assuré auprès de la compagnie Allianz.

M. [N] [O] a été blessé et pris en charge par les pompiers puis accueilli au Service des urgences du Centre Hospitalier d'[Localité 5]. Il a présenté de nombreuses blessures, notamment des membres.

Il a été placé en arrêt de travail et a subi pendant plusieurs mois des soins.

Le 12 juillet 2016, le docteur [C] a établi un nouveau certificat, en sa qualité de rhumatologue, faisant état d'une aggravation de l'état de la victime consécutivement à l'accident du 3 novembre 2014.

Estimant qu'il n'avait pas obtenu d'indemnisation provisionnelle suffisante de la part de M.[E] et son assureur Allianz, M. [N] [O] a saisi le juge des référés de Grasse au contradictoire de ces derniers, de la commune d'[Localité 5] (organisme social) et de la Caisse des Dépôts et Consignation (CDC) aux fins d'expertise médicale et de provision.

Par ordonnance du 22 mars 2017, le juge des référés a désigné le docteur [V] en qualité d'expert et a alloué à M. [Y] [O] une provision de 6 137,19 euros à valoir sur son préjudice corporel.

Dans son pré -rapport du 12 septembre 2018, l'expert a retenu les postes de préjudices suivants avec une consolidation au 3 novembre 2016 :

- dépenses de santé actuelles du 3/11/14 au 3/11/14,

- frais divers : ANHS 1h/j du 3/11/14 au 18/12/14,

- perte de gains professionnels actuelle du 3/11/14 au 19/04/15, le 8/07/15 et du 10/05/2016 au 22/05/16,

- dépenses de santé futures : une genouillère et une paire de semelles orthopédiques une fois par an pendant 3 ans,

- perte de gains professionnels future du 19/01/2017 au 1/02/2017,

- déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % du 3/11/2014 au 18/12/2014,

- déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % du 19/12/14 au 19/04/15,

- déficit fonctionnel temporaire partiel à 10 % du 20/04/15 au 3/11/2016,

- des souffrances endurées à hauteur de : 2,5/7

- déficit fonctionnel permanent de 4 %,

- un préjudice d'agrément pour le cyclisme et le football,

- préjudice esthétique permanent de 1/7.

Invoquant subir une nouvelle aggravation de son état de santé, M. [N] [O] a sollicité l'extension de la mission de l'expert à cette aggravation et une nouvelle provision.

Par ordonnance en date du 9 janvier 2019, le juge des référés a fait droit à la demande d'extension de l'expertise mais a rejeté la demande de provision.

Le 23 janvier 2019, la Compagnie Allianz a fait une offre d'indemnisation que M.[N] [O] a refusé.

L'expert judiciaire a déposé son nouveau rapport (pré rapport sans observations) le 23 août 2018 et a conclu que la consolidation devait être fixée au 3 novembre 2017 mais a dit n'y avoir lieu de retenir la nouvelle aggravation.

Par acte des 3, 6 et 18 mars 2020, M. [N] [O] a assigné la compagnie Allianz Iard, devant le tribunal judiciaire de Grasse en la présence de la commune d'Antibes et de la Caisse des dépôts et de consignations en réparation de son préjudice corporel.

Par jugement en date du 5 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Grasse a :

- condamné la SA Allianz Iard, venant aux droits de la SA Allianz eurocourtage à payer à Monsieur [N] [O] la somme de 1 636,57 euros en réparation de son préjudice corporel, déduction faite de la somme de 11 137,19 euros'd'ores et déjà versée à titre provisionnel ;

- dit qu'en application des dispositions de l'article 1231-7 du Code civil, la somme de 1 636,57 euros est assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- condamné la SA Allianz Iard, venant aux droits de la SA Allianz eurocourtage, à payer à la Caisse des dépôts et consignations la somme de 16 400,00 euros dans le cadre de son recours subrogatoire, des suites du versement à M [N] [O] d'une allocation temporaire d'invalidité, suite à l'accident du 3 novembre 2014 ;

- dit qu'en application des dispositions de l'article 1231-7 du Code civil, la somme de 16 400,00 euros est assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- rejeté les écritures et demandes de la mairie d'[Localité 5] ;

- condamné la SA Allianz Iard, venant aux droits de la SA Allianz eurocourtage, à payer en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à M.[N] [O] la somme de 2 000,00 euros et à la Caisse des dépôts et consignations la somme de 2 000,00 euros ;

- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire ;

- condamné la SA Allianz Iard, venant aux droits de la SA Allianz eurocourtage, au paiement des entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;

- dit qu'en application des dispositions de l'article 514 du Code de procédure civile, le jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.

Par déclaration du 8 novembre 2022, la Commune d'[Localité 5] a interjeté appel du jugement et a limité son appel à l'annulation, l'infirmation et à tout le moins la réformation de la décision en ce qu'elle avait rejeté les écritures et demandes de la mairie d'[Localité 5], écartant ainsi la créance de la Commune d'[Localité 5] restée à sa charge en suite de l'accident de trajet dont avait été victime M. [N] [O], employé dans les services municipaux, le 3 novembre 2014.

La clôture de l'instruction est en date du 12 mars 2024.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par la voie électronique le 27 février 2024, la Commune d'[Localité 5] demande à la cour de :

- réformer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les écritures et demandes de la Commune d'[Localité 5], dès lors qu'il est justifié de :

' l'acte de signification dressé par la SELARL Rague et Associés le 17 décembre 2021 au tribunal judiciaire de Grasse ;

' l'acte de signification dressé par la SELARL Rague et Associés le 15 décembre 2021 à maître Ravot, conseil de la SA Allianz Iard, venant aux droits de la SA Allianz Eurocourtage ;

' l'acte de signification dressé par la SELARL Rague et Associés le 15 décembre 2021 à la SELARL, conseil de la Caisse des dépôts et consignation ;

' l'acte de signification dressé par la SELARL Rague et Associés le 17 décembre 2021 à maître Pujol, conseil de M. [N] [O] ;

Statuant à nouveau,

- juger fondée l'intégralité de ses demandes;

- fixer la créance définitive de la Commune d'[Localité 5], intégrant les frais d'huissiers, à la somme de 27 843,33 euros ;

- condamner la SA Allianz Iard, venant aux droits de la SA Allianz eurocourtage, assureur du responsable ou tout succombant au versement de la somme de somme de 27 843,33 euros au profit de la Commune d'[Localité 5] ;

- juger que la somme susmentionnée sera majorée des intérêts de droit à compter du 17 décembre 2021, date de la signification de son mémoire ;

- confirmer pour le surplus le jugement du 5 juillet 2022;

- débouter purement et simplement les intimés de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamner la SA Allianz Iard venant aux droits de la SA Allianz Eurocourtage, assureur du responsable, au paiement d'une somme de 4 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance.

Elle fait valoir en substance qu'elle dispose d'un recours subrogatoire au titre des salaires qu'elle a continué à verser à M. [N] [O] pendant la maladie traumatique et jusqu'au 3 novembre 2017 date de la consolidation de l'état de santé de M.[N] [O] retenue par l'expert judiciaire, et qu'elle peut exercer sur le poste de perte de gains professionnels actuelle quand bien même la victime ne demanderait rien à ce titre.

Elle soutient qu'elle dispose également d'une action directe contre le responsable de l'arrêt de travail conformément aux dispositions de l'article L 825-2 du code général de la fonction publique pour les charges patronales ;

Enfin elle est toute aussi fondée à recouvrer les frais médicaux, d'hospitalisation et d'appareillage qu'elle a assumés sur les postes de dépenses de santé actuelles et futures.

Par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 28 avril 2023, M.[N] [O] demande à la cour de :

- confirmer en tous points le jugement déféré ;

Y ajoutant,

- condamner la Commune d'[Localité 5] à verser à M. [N] [O] la somme de 2 500,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, en cause d'appel, outre les entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 8 août 2023La SA Allianz Iard demande à la cour de :

- infirmer le jugement du déféré quant au rejet du recours de la Commune d'[Localité 5]';

Statuant de nouveau de ce chef

- admettre le recours de la Commune d'[Localité 5] en derniers et quittances à hauteur de la somme de 20 659,90 euros';

- rejeter toute prétention plus ample ou contraire de la Commune d'[Localité 5] ou de la Caisse des

dépôts et consignations';

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

- dire n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit des parties et laisser à chacune d'elle la charge de ses dépens d'appel dont distraction au profit des avocats postulants dans la cause.

Elle soutient que la répartition des sommes dues au titre des recours subrogatoires, entre les organismes payeurs et de l'employeur, se fait au marc-le franc.

Ainsi, le recours à la fois de la CDC et de la Commune d'[Localité 5] doit s'articuler comme suit:

- Créance totale de la CDC : 34 569,09 euros ;

- Créance totale de la Commune : 14 685,75 + 5 842,81 + 348,76 = 20 877,32 euros ;

- [Localité 6] des deux en cumul : 55 446,41 euros ;

- Proportions des créances respectives : CDC : 62,34% : Commune : 37,66%.

Elle en déduit que les postes susceptibles de recours qui ne sont pas personnels à la victime et qui ont été admis par l'expert judiciaire médical, sont avec une mise à jour tenant compte du recours admissible de la Commune à établir comme suit :

- Dépenses de santé actuelles : 5 842,81 euros (frais médicaux pris en charge par la Commune de 2014 à 2017) ;

- Dépenses de santé futures : 348,76 euros : le recours sur ce poste est conjoint à la fois par la CDC et la Commune ;

- Perte de gains professionnels actuels : 14 685,75 euros (perte de salaires nets pour la victime de 2014 à 2017 si le maintien du traitement n'avait pas existé) ;

- Incidence professionnelle : liquidé à 8 000 euros par le tribunal : le recours sur ce poste est propre à la seule CDC eu égard la nature de la rente temporaire d'invalidité capitalisée au sujet de laquelle la Cour de cassation a pu juger qu'elle était recouvrable sur la perte de gains professionnels futurs,

- Déficit fonctionnel permanent : liquidé à 8 400 euros par le tribunal : le recours sur ce poste est propre à la seule CDC pour les mêmes raisons que ci-dessus.

Par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 25 avril 2023, la CDC demande à la cour de :

-confirmer le jugement du 5 juillet 2022 en ce qu'il a condamné la société Allianz à lui payer la somme de 16 400 euros, outre 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

Y ajoutant,

- lui donner acte de ce qu'elle ne s'oppose pas à une provision qui puisse être allouée à M. [N] [O] sous réserve que le montant de cette provision corresponde uniquement à son préjudice purement personnel';

- débouter le cas échéant M.[N] [O] de toutes demandes tendant à obtenir une provision sur le montant de son préjudice soumis à recours des organismes sociaux';

- condamner tout succombant à lui payer la somme de 34 569,09 euros, outre intérêts au taux légal à compter du fait générateur des sommes versées, soit la date de l'accident, sous déduction des sommes reçues d'ores et déjà';

- dire que ce remboursement sera limité à l'évaluation du préjudice patrimonial et extra-patrimonial soumis à son recours calculé en droit commun, à savoir les pertes de gains professionnels futurs, l'incidence professionnelle et le déficit fonctionnel permanent';

- condamner tout succombant au paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et en tous les dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Cohen Guedj avocats sur son offre de droit.

Elle soutient qu'en application des dispositions du décret 2005-442 du 2 mai 2005, relatif à l'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales, elle est fondée à exercer son recours pour la rente qu'elle verse à M.[N] [O] dés lors que lorsque la décision d'attribution de la rente est définitive, l'organisme de sécurité sociale est tenu au versement de cette prestation tant pour les arrérages à échoir que pour les arrérages futurs, de sorte que la condition de versement effectif et préalable de la prestation est remplie au cas d'espèce.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux dernières écritures déposées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

1-Sur le rejet des écritures de première instance de la commune

Pour écarter des débats les écritures et les pièces de la commune d'Antibes, le tribunal a retenu que les autres parties n'avaient pu en prendre connaissance avant la clôture de l'instruction, les conclusions n'ayant été signifiées selon le tribunal qu'à la juridiction le 17 décembre 2021 de Grasse et non aux parties. Il a ainsi considéré que ces conclusions portaient atteinte au principe du contradictoire et donc à la loyauté des débats, et a rejeté les demandes de la commune.

Or, il sera rappelé en premier lieu que seule l'irrecevabilité des écritures constitue la sanction du non-respect du'contradictoire et non le débouté prononcé par le tribunal.

En second lieu, il résulte des significations produites en pièces 6,7 et 8 par la commune d'[Localité 5] que les écritures et pièces litigieuses avaient été signifiées les 15 décembre et 17 décembre 2021 aux autres parties de sorte qu'au jour de la clôture des débats fixée au 10 mars 2022 , la Commune d'[Localité 5] avait fait connaître à l'ensemble des parties en'première instance' l'ensemble de ses moyens et prétentions et communiqué ses pièces.

Ainsi c'est à tort que le premier juge a soulevé d'office l'irrecevabilité des écritures de la Commune d'[Localité 5] qui avaient été communiquées et la cour constate qu'aucune atteinte n'a été porté au contradictoire.

La décision sera infirmée en ce qu'elle a débouté la Commune d'[Localité 5] de ses demandes et statuant à nouveau, la cour déclare les écritures et pièces de la commune d'[Localité 5] déposées et signifiées aux parties le 15 décembre 2021 aux conseils de la SA Allianz Iard et à la CDC et le 17 décembre 2021 au conseil de M.[N] [O], recevables.

2-Sur les recours subrogatoires des organismes payeurs et employeur

Il sera à titre liminaire rappelé que la fixation des postes de préjudices ne fait l'objet d'aucune contestation.

Par ailleurs, il n'est pas contesté non plus que la Commune d'[Localité 5] dispose d'un recours subrogatoire prévue aux articles L 825-1 à L 825-8 du code général de la fonction publique lorsqu'une maladie ou une infirmité imputable à un tiers affecte un de ses agents. Il résulte également des dispositions de l'article 32 de la loi du 5 juillet 1985 que l'employeur est admis à poursuivre directement contre le responsable des dommages ou son assureur le remboursement des charges patronales aux rémunérations maintenues ou versées à la victime pendant la période d'indisponibilité de celle-ci.

Enfin, aux termes de l'article L 825-6 du code général de la fonction publique l'agent public victime ou ses ayants-droit engageant une action contre le tiers responsable doivent appeler en déclaration de jugement commun la personne publique intéressée et indiquer la qualité qui leur ouvre droit aux prestations de celle-ci à peine de nullité du jugement.

La commune d'[Localité 5] réclame le paiement de la somme de 21 200,25 euros au titre des salaires versées pendant la maladie traumatique ainsi que le montant des débours qu'elle a pris en charge au titre des frais de séances de kinésithérapie, de semelle orthopédique et de visco supplémentation s'élevant à la somme de 6 353,16 euros. Elle demande enfin le paiement des frais d'huissier pour un montant de 289,92 euros.

La CDC demande outre la confirmation du jugement, le paiement de la somme de 34 569,09 euros au titre de l'allocation temporaire d'invalidité.

La SA Allianz pour sa part rappelle que l'action subrogatoire des tiers payeurs pour les indemnités journalières s'exerce dans la limite de la perte de gains et au prorata de leurs créances respectives. Elle ajoute que le quantum de la créance de l'employeur doit être corrigé car le recours ne peut prospérer que dans la limite de la perte réelle de rémunération de la victime.

Ceci étant, il convient de déterminer l'assiette des recours exercés par la Commune et la CDC qui s'exerce sur les seuls postes patrimoniaux de perte de gains professionnels actuels, dépenses de santé actuelles et future, incidence professionnelle, étant rappelé que depuis le revirement opéré par la Cour de cassation sur l'imputation des créances des tiers payeurs relatives au pension d'invalidité ou rente AT (Civ 2 ème 20 janvier 2023 et Civ 2 ème 6 juillet 2023 n° 21-24. 283), ces créances qui réparent des préjudices subis dans la vie professionnelle ne s'imputent plus sur le préjudice personnel de déficit fonctionnel permanent. Toutefois, en l'espèce et dès lors qu'aucune des parties n'a fait appel sur l'imputation de la rente de la CDC sur le déficit fonctionnel permanent, les dispositions du jugement doivent être considérées comme définitivement tranchées.

S'agissant du préjudice de perte de gains professionnels actuelle, le tribunal ne l'a pas calculé dès lors que M.[N] [O] ne demandait aucun reste à charge, son salaire ayant été maintenu.

Cependant, la Commune d'[Localité 5] est pleinement fondée à demander la reconstitution de ce poste de préjudice afin de pourvoir exercer son recours.

Ce poste de préjudice se calcule sur la base du salaire antérieur net fiscal à l'accident et il ressort des pièces versées aux débats qu'au mois d'octobre 2014 mois précédent l'accident, M. [N] [O] percevait un salaire moyen en net fiscal de 1 761, 70 euros.

La période d'arrêt de travail imputable à l'accident initial retenue par l'expert dont le rapport n'a pas été contesté et le décompte de la commune, a été fixée du':

- 03/11/2014 au 19/04/ 2015,

- 07/07/2015 au 08/07/2015,

soit un total de 5 mois et 18 jours, soit une perte de gains de (5 x 1 761,70) + (16/30 x 1 761,70 ) = 9 748,07 euros.

Il ressort également des pièces versées aux débats qu'antérieurement à mai 2015 date de la rechute, M. [N] [O] percevait un salaire moyen en net fiscal de 1 828,17 euros.

La période de la première rechute' a été fixée' par l'expert du :

-10/05/2016 au 22/05/2016 ,

-19/01/2017 au 08/02/2017 ,

soit 1 mois et 2 jours, soit une perte de gains de (1 828,17 + (2/30 X 1828,17))= 1 950,05 euros.

La date de consolidation est au 3 novembre 2017. La perte de gains postérieure à cette date ne peut être retenue et il n'est rien demandé par la commune au titre de la perte de gains future.

Au total, la perte de gains professionnels actuelle au titre de l'accident initial et de la première rechute s'établit à la somme de 11 698,12 euros.

La Commune fait état à juste titre de ce qu'elle dispose d'un recours sur les charges patronales versées en application des dispositions de l'article L.825 2 du code général de la fonction publique qui s'élèvent suivant son décompte (pièce 3 ) sur la période d'arrêt de travail retenue, à la somme de 6 514,49 euros.

L'assiette de son recours est donc de 11 698,12 + 6 514,49 euros au titre des salaires maintenus et des charges patronales récupérables.

Il revient ainsi à la Commune d'[Localité 5] la somme 18 212,61 euros.

S'agissant des dépenses de santé actuelles et futures':

- dépenses de santé actuelles avant consolidation,

Il résulte des pièces produites aux débats par la Commune d'[Localité 5] qu'elles se sont élevés à la somme de 5 842,81 euros que la SA Allianz ne contestent pas.

M.[N] [O] n'a formé aucune demande à ce titre et le tribunal n'a pas liquidé ce poste. Il est donc reconstitué à hauteur des débours de la Commune cette somme de 5 842,81 euros lui revient intégralement.

- dépenses de santé futures post consolidation,

Le tribunal a fixé ce poste de préjudice à la somme de 348,76 euros en ne retenant que les sommes restées à la charge de la victime.

Il est démontré par la Commune au titre de son décompte mais également des pièces produites aux débats qu'elle a engagé des dépenses de santé post-consolidation de l'accident initial, de la rechute de mai 2015 et d'une nouvelle rechute en avril 2018 pour la somme de 1 454,70 euros.

Ainsi les dépenses engagées par l'employeur au titre de la seconde rechute sont imputables et augmentent le poste de dépenses de santé futures de ce montant soit un total de 1803,46 euros dont 1 454,70 euros revenant à la Commune d'[Localité 5].

- incidence professionnelle,

Le tribunal a accordé à ce titre à M.[N] [O] la somme de 8 000 euros absorbée intégralement par la créance de la CDC au titre de la rente versée pour un total de 34 569,09 euros.

Ces dispositions du jugement sont définitives de sorte que c'est à tort que la CDC demande en cause d'appel la condamnation d'Allianz à lui payer une somme représentant la totalité du montant de la rente et elle en sera déboutée.

S'agissant des frais d'huissiers demandés par la Commune d'[Localité 5], ils font partie des frais irrépétibles qui seront examinés ci-dessous.

Ainsi, la créance que la Commune d'[Localité 5] peut recouvrer au titre de son recours subrogatoire contre l'assureur du tiers responsable la SA Allianz s'établit à la somme de': 11 698,12 + 6 514,49 + 5 842,81 + 1 454,70 = 25 510,12 euros.

La SA Allianz sera condamnée à lui payer cette somme. S'agissant d'une demande en paiement, cette somme produira intérêt à compter de la demande en justice soit aux termes de ses conclusions signifiées le 17 décembre 2021.

3-Sur les demandes accessoires

Partie perdante au principal, la SA Allianz supportera la charge des dépens d'appel et recouvrement direct sera ordonné au profit du conseil qui en a fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Enfin l'équité commande d'allouer à la commune d'[Localité 5] la somme de 2 289 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile que la SA Allianz sera condamnée à lui payer. De même, la SA Allianz sera condamnée à payer à M.[O] la somme de 2 000 euros aux titre des frais irréptibles d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirme le jugement en ce qu'il a rejeté les écritures et demandes de la Commune d'[Localité 5]';

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare les écritures et pièces de la commune d'[Localité 5] déposées et signifiées aux parties le 15 décembre 2021 aux conseils de la SA Allianz Iard et à la CDC et le 17 décembre 2021 au conseil de M. [N] [O], recevables';

Fixe la créance que la Commune d'[Localité 5] peut recouvrer au titre de son recours subrogatoire contre l'assureur du tiers responsable la SA Allianz à la somme de'25 510,12 euros';

Condamne la SA Allianz à lui payer cette somme et dit que cette somme produira intérêt à compter de la demande en justice soit aux termes de ses conclusions signifiées le 17 décembre 2021';

Déboute la Caisse des dépôts et consignation de ses demandes';

Condamne la SA Allianz à supporter la charge des dépens d'appel';

Ordonne leur recouvrement direct au profit du conseil qui en a fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile';

Condamne la SA Allianz à payer à la commune d'[Localité 5] la somme de 2 289 euros et à payer à M.[N] [O] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-6
Numéro d'arrêt : 22/14860
Date de la décision : 06/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-06;22.14860 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award