COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-11 référés
ORDONNANCE DE REFERE
du 05 Août 2024
N° 2024/
Rôle N° RG 24/00260 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNDOT
S.A.S. FORMATIO
C/
[K] [L] [S]
Copie exécutoire délivrée
le : 05 Août 2024
à :
Me Djaouida KIARED, avocat au barreau de MARSEILLE
Me François GOMBERT, avocat au barreau de MARSEILLE
Prononcée à la suite d'une assignation en référé en date du 23 Mai 2024.
DEMANDERESSE
S.A.S. FORMATIO, demeurant [Adresse 2] [Adresse 3]
représentée par Me Djaouida KIARED, avocat au barreau de MARSEILLE
DEFENDERESSE
Madame [K] [L] [S], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me François GOMBERT, avocat au barreau de MARSEILLE
* * * *
DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ
L'affaire a été débattue le 22 Juillet 2024 en audience publique devant
Mme Audrey BOITAUD,,
déléguée par ordonnance du premier président.
En application des articles 957 et 965 du code de procédure civile
Greffier lors des débats : Suzie BRETER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Août 2024.
ORDONNANCE
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Août 2024.
Signée par Mme Audrey BOITAUD, et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Par acte en date du 23 mai 2024, la SAS Formatio a fait assigner devant le premier président de cette cour Mme [L] [O] pour l'audience du 10 juin 2024, renvoyée contradictoirement successivement au 24 juin 2024 pour constitution d'avocat par l'intimée, au 1er juillet 2024 compte tenu de pourparlers en cours, au 15 juillet 2024 pour le même motif, puis au 22 juillet 2024 pour conclusions de l'intimée.
À l'audience du 22 juillet 2024, la requérante, représentée par son conseil, reprend oralement les termes de ses conclusions récapitulatives datées du jour de l'audience. Elle demande à la cour de :
à titre principal,
-ordonner l'exécution provisoire de droit sur les créances de nature salariale :
- 2.800,31 euros bruts soumis à contributions et charges sociales,
- 556,87 euros bruts non soumis à contributions et charges sociales,
- ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire des créances suivantes :
- 5.000,00 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
- 15.274,44 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,
- 2.500,00 euros pour licenciement vexatoire,
- 1.000,00 euros pour frais irrépétibles,
- à titre subsidiaire,ordonner la consignation auprès de la caisse des dépôts et consignations des sommes qui seront versées en exécution du jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Marseille le 24 janvier 2024,
- en tout état de cause, dire que les dépens restent à chacune des parties et qu'il n'y a pas lieu aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, sur l'exécution provisoire de plein droit, elle indique avoir émis un bulletin de salaire à titre de solde de tout compte et avoir procédé au règlement des sommes de 5.263,26 euros le 21 février 2024 et 500 euros le 8 janvier 2024 à titre d'acompte sur indemnité. Elle entend exécuter les condamnations provisoires de plein droit selon le bulletin de salaire établi à cet effet.
Sur l'exécution provisoire facultative, elle fait valoir qu'il existe des moyens sérieux d'annulation ou de réformation de la décision entreprise et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
En réponse, la requise, représentée par son conseil, reprend oralement les conclusions visées par le greffe le jour de l'audience . Elle demande à la cour de débouter la société de ses prétentions et de la condamner à lui payer la somme de 2.000 euros pour l'indemnisation de ses frais irrépétibles, ainsi qu'au paiement des dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions, il convient de se référer aux écritures oralement reprises par les parties à l'audience.
MOTIFS DE LA DECISION
Par jugement du 24 janvier 2024, assorti de l'exécution provisoire sur les condamnations prononcées, le conseil de prud'hommes de Marseille a condamné la société requérante à payer à Mme [L] [O] les sommes suivantes:
- 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
- 15.274,44 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
- 556,87 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement,
- 2.500,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,
- 2.433,40 euros nets d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 2.545,74 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 254,57 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,
- outre les intérêts au taux légal à compter de la demande en justice sur les créances de nature salariale,
- 1.500,00 euros à titre de frais irrépétibles.
Selon les dispositions de l'article 517-1 du code de procédure civile, lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d'appel, que par le premier président et dans les cas suivants:
1° si elle est interdite par la loi ;
2° lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 et 518 à 522.
Ainsi , c'est seulement si les deux conditions de l'article 517-1 2° sont cumulativement remplies que l'exécution provisoire peut être arrêtée.
En l'espèce, Mme [L] [O] a été embauchée le 5 février 2020 par la société Formatio en contrat à durée indéterminée, à temps complet, en qualité d'opératrice vendeuse téléphonique, moyennant une rémunération brute mensuelle de 2.036,05 euros et une rémunération variable versée sous forme de commissions, liées à l'atteinte des objectifs commerciaux fixés par la Direction.
En date du 20 novembre 2020, l'employeur a remis à la salariée un bon de sortie exceptionnelle, à la suite de la délivrance duquel, la salariée a été placée en arrêt de travail, déclaré en accident du travail.
Par requête en date du 5 juin 2023, Mme [L] [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins de contester les motifs de la rupture de son contrat de travail et de voir condamner la société Formatio pour des faits de harcèlement moral.
Au soutien de l'existence de moyens sérieux de réformation, la requérante fait valoir que les motifs de la décision concernant le harcèlement sont en grande partie justifiés, par le conseil de prud'hommes, par les autres condamnations dont elle a fait l'objet sans qu'il soit caractérisé de comportement répétitif et des agissements qu'aurait personnellement subis la salariée. Elle considère, en outre, qu'une attestation arguant de reproches perpétuels de l'accusé et le syndrome dépressif de la salariée sont insuffisants à caractériser le harcèlement.
Cependant, il résulte des motifs du jugement que la caractérisation des faits de harcèlement moral est fondée sur :
- l'analyse de plusieurs décisions du conseil de prud'hommes rendues à l'encontre de la société Formatio reconnaissant de manière générale un management agressif et harcelant de l'employeur envers ses salariés,
- le caractère violent, sans motif légitime, et traumatisant par des propos outranciers, de la rupture contractuelle,
- et une attestation, de laquelle il ressortirait des pressions permanentes et des discours philippiques de la part du directeur, qui n'aurait de cesse de dévaloriser professionnellement Mme [L] [O] par de multiples réprimandes verbales, de façon répétée pendant la durée de la relation de travail.
Il s'en suit que si l'analyse des pièces demeure toujours susceptible d'être différente en cause d'appel, il n'en demeure pas moins que la motivation des premiers juges, consistant dans le recueil de faits pertinents pour vérifier la matérialité des éléments répondant à la définition légale du harcèlement moral, ne permet pas de retenir des moyens sérieux de réformation.
En conséquence, sans qu'il soit besoin de vérifier si l'exécution provisoire risque d'avoir des conséquences manifestement excessives pour la société, la requête tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire sera rejetée.
Par ailleurs, à défaut pour la société Formatio de justifier que la salariée, dans l'hypothèse où elle succomberait à l'instance en appel, serait dans l'incapacité de restituer les sommes allouées par le jugement critiqué et payées par exécution provisoire, sa demande subsidiaire de consignation à la caisse des dépôts, sera également rejetée.
PAR CES MOTIFS
Nous, premier président, statuant publiquement et contradictoirement sur délégation ;
Rejetons la demande d'arrêt de l'exécution provisoire assortissant le jugement critiqué,
Rejetons la demande subsidiaire de consignation à la caisse des dépôts et consignations,
Condamnons la société Formatio aux dépens,
Rejetons les demandes formées au titre des frais irrépétibles.
Le Greffier le Président