COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-8a
ARRÊT AU FOND
DU 30 JUILLET 2024
N°2024/259
Rôle N° RG 22/17105 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKQTP
[P] [N]
C/
S.A.R.L. [6] ([5]) représentée par Me [F] [C] - Mandataire de S.A.R.L. [6] ([5])
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU-RHONE
Copie exécutoire délivrée
le : 30/07/2024
à :
- Me Pierre-Yves IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
- Me Luc ALEMANY, avocat au barreau de MARSEILLE
- CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU-RHONE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 24 Novembre 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 19/00423.
APPELANTE
Madame [P] [N], demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Pierre-Yves IMPERATORE de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEES
S.A.R.L. [6] ([5]) dont le siège social est [Adresse 1] représentée par Me [C] [F], mandataire judiciaire désigné par jugement du 6 mars 2024 du Tribunal de commerce de Marseille, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Luc ALEMANY de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU-RHONE , demeurant [Adresse 2]
dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée à l'audience
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Juin 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente
Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller
Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Juillet 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Juillet 2024
Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La CPCAM des Bouches-du-Rhône a pris en charge l'accident dont a été victime Mme [P] [N], salariée de la SARL [6], le 17 juin 2018, au titre de la législation sur les risques professionnels. Le certificat médical initial du 17 juin 2018 a constaté la 'section extenseur ulnaire du carpe poignet droit'.
La caisse a déclaré l'état de santé de Mme [N] consolidé au 19 novembre 2018 et lui a attribué un taux d'incapacité permanente partielle de 5 %.
Mme [N] a saisi la caisse d'une demande tendant à voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur mais un procès-verbal de non conciliation a été dressé, le 17 octobre 2018.
Le 18 décembre 2018, Mme [N] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône afin que la juridiction déclare l'accident du travail imputable à la faute inexcusable de la SARL [6].
Par jugement contradictoire du 24 novembre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a :
- déclaré Mme [N] recevable en son action,
- l'a déboutée de ses demandes,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [N] aux dépens.
Le tribunal a, en effet, considéré qu'il était établi que l'employeur avait conscience du danger que représentaient les sols glissants de la cuisine pour ses employés mais qu'il avait pris les mesures nécessaires pour les en préserver par la dotation d'équipements spécifiques et la règlementation de l'accès aux cuisines des personnels de salle.
Par déclaration électronique du 22 décembre 2022, Mme [N] a relevé appel du jugement.
Par acte de commissaire de justice du 28 mai 2024, la CPCAM des Bouches-du-Rhône a fait assigner en intervention forcée Me [C], es qualités de mandataire judiciaire de la SARL [6], placée en redressement judiciaire.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions transmises le 21 mars 2023, dûment notifiées aux parties adverses et auxquelles elle s'est expressément référée, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de :
- la déclarer recevable en son action,
- constater l'existence de la faute inexcusable de l'employeur,
- lui octroyer une provision de 10 000 euros à valoir sur la liquidation de son préjudice,
- désigner un expert avec mission habituelle,
- à titre très subsidiaire, fixer à 50 000 euros la somme qui lui sera attribuée,
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir que, lors des pauses, il était imposé aux salariés de passer par les cuisines. Elle soutient encore qu'aucun des équipements nécessaires, en particulier les chaussures de sécurité, n'était rendu possible par l'employeur.
Par conclusions transmises le 28 mai 2024, dûment notifiées aux parties adverses et auxquelles elle s'est expressément référée, la SARL [6] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sauf sur les frais irrépétibles et de condamner l'appelante à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'intimée réplique que Mme [N] ne rapporte pas la preuve de sa faute inexcusable. Elle fait valoir qu'elle a identifié le risque de chute pour le personnel travaillant en cuisine et l'a doté de chaussures de sécurité et organisé un nettoyage précis et régulier de cet espace. Elle précise encore avoir anticipé le risque de chute, dans la salle de restaurant, au niveau du passe-plat et a pris des mesures pour éviter la présence d'éléments glissants et poser l'interdiction de courir. Elle mentionne encore qu'à la dernière mise à jour du document d'évaluation des risuqes, il a été décidé et effectué l'installation d'un tapis et d'un revêtement antidérapant. Elle conclut donc à ce qu'elle a pris les mesures adaptées aux risques identifiés.
Dispensée de comparution, et par conclusions remises au greffe le 15 mai 2024, la CPCAM des Bouches-du-Rhône demande à la cour d'acter qu'elle s'en rapporte à justice quant à l'existence de la faute inexcusable de la SARL [6] et, qu'en cas de reconnaissance de cette faute, il soit fixé les indemnisations en application des dispositions de l'article L 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale et de la décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010, l'employeur condamné à lui rembourser toutes les sommes dont elle serait tenue de faire l'avance et désigné un expert sur l'évaluation des préjudices de l'article L 452-3 et ceux non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.
MOTIVATION
En cause d'appel, la recevabilité de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur n'est pas contestée de sorte que cette demande de Mme [N] est sans objet.
1- Sur la faute inexcusable de l'employeur:
Il résulte des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (civ.2e, 8 octobre 2020, pourvoi n° 18-25.021 ; civ.2e, 8 octobre 2020, pourvoi n° 18-26.677). Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage (Cass . Ass plen, 24 juin 2005, pourvoi n°03-30.038).
Il est de jurisprudence constante qu'il appartient au salarié de rapporter la preuve que l'employeur avait conscience du danger auquel il était exposé et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (civ.2e 8 juillet 2004, pourvoi no 02-30.984, Bull II no 394 ; civ.2e 22 mars 2005, pourvoi no 03-20.044, Bull II no 74). Cette preuve n'est pas rapportée lorsque les circonstances de l'accident dont il a été victime sont indéterminées. (Soc., 11 avril 2002, pourvoi n° 00-16.535).
En l'espèce, les circonstances de l'accident et son caractère professionnel ne sont pas remis en cause par l'employeur. Ce dernier conteste uniquement l'existence d'une faute inexcusable de sa part.
Il appartient donc à Mme [N] de rapporter que la société avait conscience du danger auquel elle l'exposait et qu'elle n'avait pas pris les mesures nécessaires à l'en préserver.
En cause d'appel, l'appelante ne produit aux débats que son contrat de travail en saisonnier prévoyant son activité en salle mais également en cuisine et l'attestation de son ancienne collègue selon laquelle les employés de salle étaient tenus de passer par la cuisine, pendant les temps de pause, sans équipements de protection.
Ces éléments sont largement insuffisants à rapporter la preuve de la conscience du danger, d'une part et de l'absence de mesures prises par l'employeur, d'autre part.
En effet, le règlement intérieur de la société prévoit que les membres du personnel sont tenus d'utiliser les moyens de protection individuels et/ou collectifs mis à sa disposition et de respecter les consignes particulières données à cet effet. Or, la seule attestation de Mme [E], peu circonstanciée, ne saurait à elle seule démontrer le manquement de l'employeur à son obligation de préserver la santé et la sécurité de son personnel au travail alors que le document d'évaluation des risques produit par l'employeur établit que ce dernier avait conscience du risque de chute encouru par son personnel en cuisine et en salle et qu'il avait mis en place les mesures de prévention propres à assurer la sécurité de ses employés.
Les premiers juges ont donc, à juste titre débouté Mme [N] de l'emsemble de ses demandes. Leur jugement est confirmé en toutes ses dispositions.
2- Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile:
Mme [N] est condamnée aux dépens et à verser à la SARL [6], prise en la personne de Me [C], es qualités de mandataire judiciaire de la société, la somme de 800 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Sa propre demande au titre des frais irrépétibles est nécessairement rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Condamne Mme [P] [N] aux dépens,
Condamne Mme [P] [N] à payer à la SARL [6], prise en la personne de Me [C], es qualités de mandataire judiciaire, la somme de 800 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute Mme [P] [N] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente