COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-8a
ARRÊT AU FOND
DU 25 JUILLET 2024
N°2024/.
Rôle N° RG 22/16234 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKOFI
CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE
C/
S.A.S. [1] (ANCIENNEMENT [2])
Copie exécutoire délivrée
le : 25.07.24
à :
- CPCAM des BDR
- Me Renaud GUIDEC, avocat au barreau de NANTES
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 28 Octobre 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 17/01558.
APPELANTE
CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 4]
dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée à l'audience
INTIMEE
S.A.S. [1] (ANCIENNEMENT [2]), demeurant [Adresse 3]
ayant Me Renaud GUIDEC, avocat au barreau de NANTES, dispensé en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée à l'audience
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Juin 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente
Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller
Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Juillet 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Juillet 2024
Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M.[R] [H], employé par la société [2], devenue [1] en cours d'instance, en qualité de soudeur, a sollicité, le 8 juillet 2009, la reconnaissance du caractère professionnel de l'affection de surdité neurosensorielle sur le fondement du tableau de maladie professionnelle n°42.
Le 20 janvier 2010, la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône (CPAM) a notifié à la société [2] sa décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle.
Le 4 novembre 2016, la société [2] a saisi la commission de recours amiable qui a déclaré son recours irrecevable pour cause de forclusion le 3 janvier 2017.
Le 27 février 2017, la société [2] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône.
Le 1er janvier 2019, l'affaire a été transférée au pôle social du tribunal de grande instance de Marseille.
Par jugement du 28 octobre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a :
infirmé la décision de rejet de la commission de recours amiable;
fait droit à la demande de la société [2] en inopposabilité de la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'affection dont M.[R] [H] a été victime le 30 juin 2009;
déclaré inopposable à la société [2] la décision de la CPAM du 20 janvier 2010 de prise en charge ;
laissé les dépens de l'instance à la charge de la CPAM;
Les premiers juges ont estimé que :
la forclusion ne pouvait pas être opposée à la société [2] dans la mesure où la nouvelle rédaction des articles R.441-11 et -14, entrée en vigueur le 1er janvier 2010, n'était pas applicable aux procédures d'instruction engagées avant cette date par les caisses primaires d'assurance maladie ;
la procédure concernant M.[R] [H] a été instruite à compter du 8 juillet 2009;
la CPAM ne justifiait pas avoir respecté son obligation d'information envers l'employeur;
La société [2] et la CPAM ont respectivement émargé les accusés de réception de notification du jugement les 31 octobre et 17 novembre 2022.
Le 7 décembre 2022, la CPAM a relevé appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dispensée de comparaître sur le fondement de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile, la CPAM, dans ses conclusions régulièrement communiquées à la partie adverse, auxquelles il est expressément référé, demande l'infirmation du jugement et :
à titre principal:
- l'irrecevabilité pour cause de forclusion du recours de l'intimée;
- la confirmation de la décision de la commission de recours amiable ;
à titre subsidiaire :
- l'irrecevabilité pour cause de prescription du recours de l'intimée;
- la confirmation de la décision de la commission de recours amiable ;
- le rejet des demandes de l'intimée;
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :
l'intimée est forclose à contester devant la commission de recours amiable la décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par son salarié puisque:
- l'instruction de la demande de maladie professionnelle de M.[R] [H] était bien en cours au 1er janvier 2010 de telle manière que les nouvelles dispositions de l'article R441-14 du code de la sécurité sociale s'appliquaient;
- la décision de prise en charge du 20 janvier 2010 a été transmise par courrier recommandé avec accusé de réception à la société, cette décision mentionnant bien les délais et voies de recours ;
la demande de l'intimée est prescrite au titre de la prescription quinquennale;
Dispensée de comparaître sur le fondement de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile, la société [2], devenue [1], dans ses conclusions régulièrement communiquées à la partie adverse, auxquelles il est expressément référé, demande la confirmation du jugement et qu'il soit statué ce que droit sur les dépens.
Elle expose que :
les nouvelles dispositions de l'article R441 ' 14 du code de la sécurité sociale ne s'appliquent pas aux instructions engagées avant le 1er janvier 2010 de telle façon qu'elle ne peut pas être déclarée forclose en son recours ;
elle n'avait pas à formaliser un recours préalable ;
elle n'a jamais été destinataire d'une lettre de clôture de l'instruction par la caisse;
MOTIFS
Sur la demande de la CPAM relative à la décision de la commission de recours amiable
Si la caisse conclut sur le sort de la décision de la commission de recours amiable, la juridiction du contentieux de la sécurité sociale n'a ni à infirmer, ni à confirmer ladite décision.
En effet, l'objet du présent litige est la décision initialement prise par cet organisme, le rejet par la commission de recours amiable de la contestation de celle-ci ayant pour unique conséquence d'ouvrir la voie d'un recours juridictionnel.
Sur la forclusion du recours de la société [2] devenue [1]
Vu les articles 2 du code civil, R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, et 2 du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009 ;
Il résulte du premier et du dernier de ces textes que les nouvelles dispositions modifiant, notamment, l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, entrées en vigueur le 1er janvier 2010, ne sont pas applicables aux procédures d'instruction des accidents ou maladies engagées avant cette date par la caisse primaire (Cass, 2e civ, 2 avril 2015, 1413396).
En l'espèce, la procédure d'instruction de la demande de prise de M.[R] [H] a été engagée le 8 juillet 2009, soit avant le 1er janvier 2010.
Dès lors que la procédure d'instruction était en cours antérieurement au 1er janvier 2010, la caisse ne peut pas se prévaloir des nouvelles dispositions de l'article R.441-14 du code de la sécurité sociale.
Il s'en évince que la forclusion de son recours ne peut pas être opposée à la société [2], devenue [1], comme l'ont justement estimé les premiers juges.
Sur la prescription de l'action engagée par la société [2], devenue [1]
En l'absence de texte spécifique, l' action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute est au nombre des actions qui se prescrivent par 5 ans en application de l'article 2224 du code civil (Cass, 2e civ, 18 février 2021, 1925886 et 1925887).
La cour relève que l'intimée ne répond en aucune manière au moyen tiré de la prescription soulevé par la caisse.
En l'espèce, la société [2] a été destinataire de la décision de prise en charge de la CPAM datée du 20 janvier 2010 et dont l'accusé de réception, produit aux débats par l'appelante, a été signé par l'intimée le 25 janvier 2010 ainsi qu'en atteste son timbre humide.
En application de l'article 2224 du code civil, elle disposait donc d'un délai de cinq ans à compter du 25 janvier 2010, soit jusqu'au 25 janvier 2015, pour contester cette décision.
Or, la société [2] n'a contesté l'opposabilité de la prise en charge afférente à la décision du 20 janvier 2010 que le 4 novembre 2016, soit postérieurement à l'expiration du délai de prescription.
Il en résulte que, par infirmation du jugement entrepris, l'action de la société [2], devenue [1], est irrecevable car prescrite.
Sur les dépens
La société [2], devenue [1], succombe à la procédure et doit être condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Infirme, en ses dispositions soumises à la cour, le jugement rendu le 28 octobre 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille,
Déclare irrecevable pour cause de prescription le recours de la société [2], devenue [1], contre la décision de prise en charge de la CPAM en date du 20 janvier 2010 concernant la maladie professionnelle déclarée par M.[R] [H] le 8 juillet 2009,
Y ajoutant,
Condamne la société [2], devenue [1], aux dépens.
La greffière La présidente