COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-3
ARRÊT AU FOND
DU 25 JUILLET 2024
N° 2024/ 129
RG 20/00622
N° Portalis DBVB-V-B7E-BFN6Q
[A] [M]
C/
SASU ONET TECHNOLOGIES NUCLEAR DECOMMISSIONING NSEIGNE ONET
Copie exécutoire délivrée le 25 juillet 2024 à :
- Me Julie ANDREU, avocat au barreau de MARSEILLE
- Me Martine DESOMBRE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
V311
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 18 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/01670.
APPELANT
Monsieur [A] [M], demeurant [Adresse 1]
comparant en personne, assisté de Me Julie ANDREU de la SELARL TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Philippe DE CASTRO, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
SASU ONET TECHNOLOGIES NUCLEAR DECOMMISSIONING, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Martine DESOMBRE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Michel DOSSETTO, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre
Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 25 Juillet 2024.
ARRÊT
CONTRADICTOIRE,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Juillet 2024
Signé par Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
M. [A] [M] a été engagé par la société Onet Technologies Nuclear Decommissioning (OTND) selon contrat à durée indéterminée à compter du 30 septembre 2013, en qualité de décontamineur débutant, niveau 1, échelon 3, coefficient 155.
La convention collective nationale applicable était celle de l'industrie et de la métallurgie de la Manche.
Le salarié était convoqué le 1er mars 2017 à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 13 mars suivant. Il était licencié pour faute grave par lettre recommandée du 24 mars 2017.
M. [M] saisissait le 13 juillet 2017 le conseil de prud'hommes de Marseille en nullité du licenciement, à tout le moins abusif, et en paiement d'indemnités.
Par jugement du 18 décembre 2019, le conseil de prud'hommes en sa formation de départage a statué comme suit :
« Requalifie le licenciement de [A] [M] en licenciement pour faute sérieuse,
Condamne en conséquence la société Onet Technologies Nuclear Decommissioning à payer à [A] [M] les sommes suivantes :
1 252,45 € à titre d'indemnité de licenciement,
3 599,74 € à titre d'indemnité de préavis, outre 359,97 € de congés payés afférents,
Condamne la société Onet Technologies Nuclear Decommissioning :
- à remettre au salarie un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, une attestation Pôle-Emploi, un certificat de travail et un solde de tout compte rectifiés conformément à la présente procédure ;
- à régulariser la situation du salarié auprès des organismes sociaux,
Précise :
- les condamnations concernant des créances de nature indemnitaire porteront intérêt au taux léga1 à compter de la présente décision,
- les condamnations concernant des créances de nature salariale porteront intérêt au taux légal à compter de la demande en justice,
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire des dispositions du présent jugement qui ne sont pas de plein droit exécutoires par provision,
Condamne la société Onet Technologies Nuclear Decommissioning à payer à [A] [M] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande,
Condamne la société Onet Technologies Nuclear Decommissioning aux dépens ».
Par acte du 15 janvier 2020, le conseil du salarié a interjeté appel de cette décision.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 17 septembre 2020, M. [M] demande à la cour de :
«Confirmer le Jugement de départage du Conseil de Prud'hommes de MARSEILLE du 18 décembre 2019 en ce qu'elle a condamné la société Onet à verser à Monsieur [M], avec intérêts aux taux légal, les sommes de :
- 1.252,45 euros à titre d'indemnité de licenciement ;
- 3.599,74 euros à titre d'indemnité de préavis, outre 359,97 euros de congés payés afférents
Infirmer le Jugement de départage du Conseil de Prud'hommes de MARSEILLE du 18 décembre 2019 en ce qu'il a débouté Monsieur [A] [M] de ses demandes au titre de la nullité du licenciement dont il a fait l'objet ;
Statuant à nouveau :
Déclarer Monsieur [A] [M] recevable et bien fondé en ses demandes ;
Dire et Juger que les propos tenus à l'encontre de Monsieur [A] [M] par ses collègues de travail revêtent un caractère raciste et xénophobe ;
Dire et Juger que Monsieur [M] a été victime de faits de discrimination sur son lieu de travail;
Dire et Juger que la société Onet a manqué à son obligation de sécurité au profit de Monsieur [M] ;
Déclarer que le licenciement de Monsieur [A] [M] est abusif ;
Déclarer la nullité du licenciement prononcé à l'encontre de Monsieur [M] ;
Par conséquent :
Condamner la société Onet à verser à Monsieur [A] [M] les sommes suivantes :
- 21.598,44 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 5.399,61 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
- 10.799,22 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination sur le lieu de travail ;
En tout état de cause :
Débouter la société Onet de l'ensemble de ses demandes ;
Condamner la société Onet à verser à Monsieur [A] [M] la somme de 5.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ».
Dans ses dernières écritures communiquées au greffe par voie électronique le 7 août 2020, la société Onet Technologies Nuclear Decommissioning demande à la cour de :
«Faire droit à l'appel incident d'Onet Technologies Nuclear Decommissioning.
Infirmer le jugement critique en ce qu'il n'a pas retenu la faute grave.
Réformer le jugement et dire et juger que Monsieur [M] a été licencié pour faute grave et le Débouter dès lors de toutes ses demandes, fins, et conclusions.
A Titre Subsidiaire :
Confirmer intégralement le jugement de première instance.
Condamner Monsieur [M] a verser à la société Onet Technologies Nuclear Decommissioning la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Le Condamner aux entiers dépens d'appel ».
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les « Dire et Juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi. En conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.
Sur la discrimination
Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte en raison, notamment, de son état de santé.
En application des articles L.1132-1, L.1134-1 et L.2141-5 du code du travail, il appartient au salarié qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte de présenter des éléments de fait laissant supposer son existence. Il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En l'espèce, le salarié fait valoir que le licenciement fait suite à ses dénonciations de racisme.
Il explique qu'à de nombreuses reprises des propos racistes et xénophobes ont été dirigés à son encontre dans l'entreprise, tels que « travail d'arabe » et « Bougnoule », qui sont directement discriminatoires en raison de son origine marocaine, et sans qu'il soit nécessaire qu'il y ait une répétition. Il précise en outre que les salariés, mandatés par la société, se seraient abstenus de venir le chercher le matin pour son travail alors qu'il ne disposait pas d'un véhicule.
Il estime que les entretiens avec les deux salariés à l'origine de ces propos et le fait qu'une réunion ait été organisée ne peuvent être considérés comme suffisants et qu'imputer ces paroles discriminantes à une pratique prétendument courante sur les chantiers ne saurait leur retirer tout caractère raciste ou xénophobe.
Il conteste par ailleurs une partie de la transcription de l'entretien du 23 septembre 2016 qui ne lui a été transmis que le 26 octobre 2016, qui n'est pas fidèle à la teneur des propos échangés et qu'il n'a pas signé.
Il produit notamment les pièces suivantes :
- un courrier du directeur du 22 novembre 2016 adressé au salarié « Compte tenu de vos allégations, nous avons reçu plusieurs collaborateurs afin de prendre la mesure de la situation. Certains de vos collègues ont reconnu que l'expression « travail d'arabe » pouvait être employée sur les chantiers mais qu'à aucun moment, elle ne visait une personne en particulier. Elle a été employée pour décrire un travail bâclé, mal fait. Courante dans le milieu du bâtiment, cette expression provocante et péjorative ne saurait caractériser un comportement raciste à votre égard. Toutefois, nous ne pouvons pas cautionner de tels propos sur un chantier et avons ainsi pris la décision de sensibiliser et vos collègues de travail sur les propos qu'ils pourraient tenir sur le lieu de travail.
Par ailleurs, vous avez évoqué le fait qu'un de vos collègues de travail ait employé le terme «bougnoule» à votre égard, le salarié concerné conteste formellement avoir employé ce terme à votre égard.
Il s'est avéré qu'au cours des différents entretiens réalisés, votre hiérarchie et vos collègues de travail ont insisté sur l'impossibilité de vous faire des remarques, sous peine de se faire traiter de « raciste » ou de « fasciste ». À titre d'exemple, vous n'avez pas hésité à traiter notamment de raciste un collègue de travail qui avait refusé de vous ramener exceptionnellement à votre domicile alors que vous pouviez utiliser les transports en commun. Il convient de préciser que vos collègues de travail vous transportent régulièrement car vous ne disposez pas du permis voiture, pouvant les conduire à augmenter leur temps de trajet pour venir vous chercher ou pouvoir vous ramener à votre domicile.
Par ailleurs, vous avez traité le magasinier amiante de fasciste lorsqu'il vous a demandé de mettre des chaussures de sécurité pour traverser le magasin, et ce pour des raisons évidentes de sécurité.
(...) S'agissant de l'événement du 29 septembre 2016, M.. [N] a reconnu qu'il n'avait pas voulu initialement vous ramener le soir, et ce suite aux propos menaçants et insultants que vous aviez tenu à son égard. À aucun moment, Monsieur [N] n'a pas voulu vous ramener pour des considérations racistes (...) ».
- des sms attestant que le salarié était véhiculé par d'autres employés pour les trajets sur son lieu de travail (pièce 48)
- son dépôt de plainte du 22 février 2018 auprès de la police nationale pour des faits de discrimination en raison de l'origine ethnique ou de la nationalité
- son courrier de plainte auprès du procureur de la république de Marseille du 7 novembre 2017 (pièce 19)
- son courriel du 26 septembre 2016 à [W] [P] invoquant une discrimination de la part de M.[N] qui a refusé de le déposer à son domicile et un discours xénophobe de M. [V] et M. [O] et déclarant « j'attire votre attention car depuis que je vous ai mis au courant des dérives de certaines personnes, mis à part la réunion organisée avec les chefs contre le racisme au travail, je n'ai vu de votre part aucune mesure concrète ni aucun entretien avec ces personnes » (pièce de la société 4 ter)
- un courrier du Docteur [D] en vue d'une évaluation et d'un soutien psychologique aux motifs que M. [M] [A] se dit victime de discrimination au travail entraînant de souffrance morale.
Les éléments présentés pris globalement dans leur ensemble peuvent permettre de présumer une discrimination à raison de l'ethnie ou de la nationalité.
La société conteste les arguments du salarié et explique que c'est M. [M] qui accuse sans raison ses collègues de travail, dès qu'ils ne vont pas dans son sens.
Elle indique que les faits sont démentis par les témoignages et qu'il n'a jamais été prévu contractuellement que le salarié se fasse accompagner sur le site du travail le matin et ramené chez lui.
La société produit notamment les éléments suivants :
- le compte rendu d'entretien du 23 septembre 2016, le salarié ayant sollicité un entretien avec le chef de site, le responsable amiante et le délégué du personnel, pour faire un point sur sa situation professionnelle et son souhait de passer chef d'équipe «(...) M. [T] : Nous entendons votre souhait d'évolution. Toutefois comme M. [P] vous l'avez indiqué, l'activité du secteur de l'amiante industriel ne nécessite pas de chef d'équipe supplémentaire (...) un chef d'équipe doit créer une dynamique avec son équipe. Cela passe par un bon relationnel. Cela est indispensable pour créer un esprit d'équipe.
Vous sentez-vous éventuellement mis à l'écart, discriminé '
M. [M] : non » (pièce 4 bis)
- la réponse du 12 octobre 2016 de M. [T], au courriel du salarié du 26 septembre 2016, relevant que ce message intervient à peine 3 jours après l'entretien 26 septembre 2016 au cours duquel le salarié a eu une réponse négative s'agissant de passer de chef d'équipe sur le secteur de l'amiante et qu'à aucun moment, il n'a été évoqué au cours de l'entretien être victime de propos xénophobes (pièce 6)
- un courrier du salarié du 27 septembre 2016 sollicitant l'autorisation de suivre une formation près du Fongecif afin d'obtenir la qualification de conducteur de travaux (pièce 5)
- l'enquête interne du service de ressources humaines qui a abouti à l'absence de situation de racisme ou de discrimination à l'égard du salarié (pièces 7 à 11)
- le témoignage de M. [B] , désamianteur qui atteste : « avoir contacté M. [N] [C] le samedi pour connaître l'heure de départ du lundi. [C] me propose de partir à 6h45 pour arriver au dépôt machines pour 7h15 pour chargement du camion (...) [A] se plaint que [C] ne l'a pas pris le matin pour pouvoir dire qu'il était en retard à son poste de travail. [A] devient menaçant envers [C] et le menace de le faire virer et l'insulte de fasciste et de raciste » (pièce 12)
- le témoignage de M. [C] [N] : «(...) En fin de poste à 17 h M . [M] se plaint envers moi de ne pas l'avoir pris le matin pour pouvoir dire qu'il était en retard à son poste de travail.
M . [M] devient menaçant envers moi, m'insulte de raciste et de fasciste me menace de me faire virer de la société. Le ton monte, je refuse de le ramener à son domicile. M. [P] me contacte pour que je ramène M. [M] à son domicile car il n'a pas d'argent prendre le bus. Donc je l'ai ramené à son domicile» (pièce 13)
La cour constate que le contrat de travail du salarié ne prévoit que la possibilité d'utiliser un véhicule de service sous certaines conditions. M. [M], ne disposant pas d'un permis de conduire, ne pouvait donc en bénéficier et si la société a demandé à certains salariés de l'entreprise de le véhiculer afin de lui permettre de se rendre sur les chantiers, il ne saurait leur être reproché d'être racistes au motif que ces derniers ont refusé de le prendre en charge eu égard à son comportement.
S'agissant des propos discriminatoires, ceux-ci ne sont pas établis au vu des pièces produites, le salarié ne justifiant d'aucun propos raciste direct à son encontre et ne pouvant s'attribuer les termes de 'travail d'arabe' prononcé dans un contexte général de discussion de chantier.Quant au terme 'bougnoule', aucun élement n'est établi en ce sens, le salarié mis en cause contestant fermement ces propos de sa part.
Quant au dépôt de plainte auprès des services de police et du procureur de la république, ces plaintes ne sont intervenues qu'après le licenciement et aucune suite n'a manifestement été donnée.
La société a pris en considération les plaintes du salarié puisqu'il a non seulement engagé une sensibilisation des salariés de l'entreprise sur le racisme au travail mais conduit une enquête interne qui n'a mis en évidence ni discrimination ni racisme à l'égard du salarié.
Ce dernier a déclaré dans son entretien du 23 septembre 2016 ne pas avoir été discriminé d'une quelconque façon. S'il conteste le compte rendu, il est néanmoins relevé que l'entretien a été rédigé par le délégué du personnel présent à l'entretien avec d'autres salariés de l'entreprise qui n'ont pas contredit ce compte rendu.
Enfin, le courrier médical ne fait que reprendre les dires du salarié.
En conséquence, il s'en déduit que le salarié échoue à démontrer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte en raison de l'ethnie ou de la nationalité et c'est à juste titre que le premier juge a considéré que la matérialité d'éléments de faits précis et concordants, laissant supposer l'existence d'une discrimination, n'est pas établie et a rejeté la demande à ce titre.
Le salarié doit être débouté de sa demande d'indemnité pour discrimination sur le lieu de travail.
Le jugement entrepris doit être confirmé de ce chef.
Sur l'obligation de sécurité
Le code du travail impose cette obligation à l'employeur aux termes des articles L.4121-1 et suivants, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 22 septembre 2017, en ces termes:
L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1 Des actions de prévention des risques professionnels;
2 Des actions d'information et de formation ;
3 La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
Le salarié estime que sa santé mentale n'a pas été protégée par l'entreprise et que les entretiens et réunions effectuées par la société ne sont pas suffisantes, ce qui a conduit ce dernier à subir un préjudice moral en lien direct avec les faits.
La société soutient le courrier du Dr [D] ne peut à lui seul suppléer la carence dans l'apport de la preuve en la matière et que le lien entre une altération éventuelle de son état moral et le manquement reproché à l'employeur n'est pas établi.
La cour constate que le salarié n'invoque pas de manquement précis et il ne saurait justifier de l'altération de son état moral au vu de l'unique courrier du Dr [D], qui ne fait que rapporter les dires du patient et qui renvoie sur une évaluation et un soutien psychologique.
La société établit par ailleurs avoir rempli son obligation de sécurité en termes de prévention dans l'entreprise par une réunion sur le racisme et en termes d'investigation, compte tenu de l'enquête interne menée.
Par ailleurs, aucun préjudice n'est rapporté.
Le jugement entrepris doit être confirmé sur ce point.
Sur le licenciement
1. Sur la nullité du licenciement
La discrimination et le manquement à l'obligation de sécurité n'ayant pas été retenus, le salarié doit être débouté de sa demande.
2. Sur le bien fondé du licenciement
La lettre de licenciement est citée in extenso dans le jugement entrepris.
La société reproche au salarié un vol de cuivre le 2 février 2017 sur un chantier de désamiantage de la société RTE (réseaux de transport d'électricité) à [Localité 3] avec violation des règles de sécurité.
Elle fait valoir que le salarié n'a pas contesté la matérialité des faits reprochés mais qu'il s'est contenté de dire qu'il avait eu l'autorisation du chef de chantier, alors que le matériel n'appartenait pas à la société et qu'elle a dû rembourser le matériel volé à hauteur de 1902 €.
Elle précise que les deux autres salariés impliqués dans le vol ont fait l'objet d'un licenciement pour faute grave, qu'aucun n'a contesté le licenciement et que l'absence de sanction disciplinaire antérieure ne peut écarter la faute grave, si les faits sont matériellement établis.
Le salarié soutient que l'élément moral de l'infraction à savoir la conscience et la volonté de s'approprier le bien d'autrui font défaut et qu'il pensait de bonne foi que le cuivre désigné par M. [N] était réellement destiné à être partagé entre les salariés présents de la société, comme l'équivalent d'une prime pour compenser les conditions de travail dégradé sur ce chantier.
Il précise que le fait que les salariés aient été licenciés sans contester cette mesure ne saurait en justifier le bien-fondé.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.
L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
Le salarié, qui allègue une autorisation du chef de chantier et une pratique courante, a déclaré dans son audition aux services de police que le cuivre se trouvait dans un local fermé à clé et que seuls les responsables de chantier en détenaient la clé.
Or, le procès-verbal de constatation du 2 février 2017 de la société RTE a relevé qu'il s'agissait d'une 'dépose de câbles' de la mise à terre, sans confirmation de la mise hors exploitation définitive du réseau électrique, et non de simples câbles entreposés dans un local, de sorte que cette fausse déclaration révèle la mauvaise foi du salarié.
Par ailleurs, même si le chef de chantier avait donné une autorisation, M. [M] ne pouvait qu'avoir conscience du caractère frauduleux de cette appropriation d'un bien appartenant à la société RTE et du caractère dangereux de l'opération en raison du fort risque d'électrisation des personnes.
L'élément matériel et l'élément moral de l'infraction sont donc caractérisés et la modicité du vol, l'ancienneté du salarié et l'absence de sanction disciplinaire retenus par le juge départiteur pour requalifier le licenciement ne peuvent ôter le caractère de gravité à cet acte fautif qui rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis
En conséquence, la cour dit le licenciement justifié par une faute grave et infirme le jugement entrepris, le salarié étant débouté de ses demandes d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le salarié n'établit pas le caractère abusif et vexatoire de la rupture, ni ne justifie d'un quelconque préjudice moral et doit être débouté sur ce point.
Sur les autres demandes
La demande de remise de bulletin de salaire et de régularisation auprès des organismes sociaux doit également rejetée.
M. [M] qui succombe au principal, doit s'acquitter des dépens, et être débouté de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile
Des considérations d'équité justifient de ne pas faire droit à la demande de la société.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute M. [A] [M] de sa demande de nullité du licenciement sur le fondement de la discrimination et du manquement à l'obligation de sécurité,
Dit le licenciement justifié par une faute grave,
Déboute M. [A] [M] de l'ensemble de ses demandes,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [A] [M] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER Pour Mme MARTIN empéchée,
Mme MARTI en ayant délibéré