COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative
ORDONNANCE
DU 23 JUILLET 2024
N° 2024/1074
N° RG 24/01074 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNOSB
Copie conforme
délivrée le 23 Juillet 2024 par courriel à :
-l'avocat
-le préfet
-le CRA
-le JLD/TJ
-le retenu
-le MP
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de NICE en date du 21 Juillet 2024 à 13h05.
APPELANT
Monsieur [R] [L]
né le 13 Février 1986 à [Localité 8]
de nationalité Tunisienne
Comparant, assisté de Maître Yann LE DANTEC, avocat au barreau de D'AIX EN PROVENCE, avocat choisi
assisté de Madame [E] [C] interprète en langue arabe, inscrite sur la liste des experts de la cour d'appel d'Aix en Provence.
INTIMÉ
Monsieur le Préfet des Alpes-Maritimes
Avisé et non représenté
MINISTÈRE PUBLIC
Avisé et non représenté
******
DÉBATS
L'affaire a été débattue en audience publique le 23 Juillet 2024 devant Madame Hélène PERRET, Conseillère à la cour d'appel délégué e par le premier président par ordonnance, assistée de M. Corentin MILLOT, Greffier,
ORDONNANCE
Par décision réputée contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 23 Juillet 2024 à 16H30 ,
Signée par Madame Hélène PERRET, Conseillère et M. Corentin MILLOT, Greffier,
PROCÉDURE ET MOYENS
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 18 juillet 2024 par le préfet des Alpes-Maritimes , notifié le même jour à 10h20 ;
Vu la décision de placement en rétention prise le 18 juillet 2024 par le préfet des des Alpes-Maritimes notifiée le même jour à 10h20;
Vu l'ordonnance du 21 Juillet 2024 rendue par le Juge des libertés et de la détention de NICE décidant le maintien de Monsieur [R] [L] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;
Vu l'appel interjeté le 22 Juillet 2024 à 7h26 par Monsieur [R] [L] ;
Monsieur [R] [L] a comparu et a été entendu en ses explications ; il déclare
'Je suis en Europe depuis 2007 et en France depuis 2008, je suis ici, je travail comme jardinier à mon compte, je suis berger également à [Localité 5] et à [Localité 4], je fais de la maçonnerie aussi.
Je fais de bons boulots, je travaille beaucoup.
Je suis ici parce que la loi, le juge, ils m'ont expliqué que j'aimerai bien continué en France, travailler et continuer ici pour demander les papiers. La loi française a inspiré la loi Tunisienne, ma soeur travaille au ministère de l'intérieur en Tunisie, j'ai aussi une soeur juge, une autre avocate.
Je viens d'une famille de commerçants, moi je n'ai pas eu l'occasion de finir l'école, depuis mes 6 ans et demi j'ai travaillé pour aider mes parents, on est des français, on aimerait vivre dans nos quartiers, des jeunes comme des personnes âgées, j'ai bien appris à parler le Français. '
Son avocat a été régulièrement entendu ; il conclut à l'infirmation de la décision querellée et sollicite de la cour qu'elle ordonne la mainlevée de la rétention de son client. A l'appui de ses prétentions, il réitère oralement ses développements écrits.
Il soulève notamment l'irrégularité de la garde à vue en ce que :
- La dégradation d'un bien étant une contravention ne pouvait justifier un placement en garde à vue ;
- Il existe un doute quant à la notification des droits de garde à vue ;
- L'intéressé n'a pas été avisé de la possibilité de faire prévenir toute personne de son choix pendant la garde à vue ;
Il affirme qu'il ne ressort pas du dossier que l'agent ayant consulté le fichier FAED était habilité à cet effet.
Concernant la violation du secret de l'enquête, il explique que l'avis au préfet a été initié en violation du code pénal, le grief tenant à la notification d'une mesure privative de liberté à l'issue de la procédure de garde à vue et à la transmission des pièces servant à la motivation de l'arrêté de placement en rétention.
Il affirme la nullité de la prolongation garde à vue et que toutes les pièces et actes ont été notifiés à un illettré sans relecture préalable.
Il ajoute l'existence d'un délai de transfert excessif.
Il soutient également l'irrégularité de la saisine, son auteur n'étant pas identifiable. L'administration n'a pas effectué les diligences et il remet en cause la proportion du placement en rétention et l'existence de garanties de représentation.
Il conteste enfin l'arrêté de placement en rétention, son auteur étant incompétent, la décision étant insuffisamment motivée.
Le représentant de la préfecture n'a pas comparu à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.
Sur l'arrêté portant placement en rétention
L'article L741-6 du CESEDA dispose que la décision de placement en rétention est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée. Elle prend effet à compter de sa notification.
Il résulte de cette disposition que le contrôle du juge à ce stade doit porter sur l'existence de la motivation et non pas sur sa pertinence, la décision de placement en rétention devant être écrite et motivée en fait et en droit.
En l'espèce, l'appelant considère que l'arrêté de placement en rétention est insuffisamment motivé. Il sera toutefois observé que le préfet vise les dispositions légales servant de fondement à sa décision, à savoir les articles L612-3, L741-1, L741-6 et L744-4 du CESEDA mais aussi l'arrêté portant obligation de quitter le territoire. Il développe ensuite plusieurs éléments de fait au soutien de sa décision, tels que sa situation administrative depuis trois années, les observations formulées le 17 juillet 2024 préalablement à l'édiction de la décision administrative, et qu'il ne justifie pas d'une résidence principale. Ces éléments suffisent à considérer que l'arrêté de placement en rétention est suffisamment motivé. Le moyen soulevé sera donc rejeté.
En outre, l'appelant ne démontre pas que la décision de placement en rétention présente un caractère disproportionné eu égard à ses garanties de représentation. En effet, l'intéressé se trouve en situation irrégulière en France et ne justifie pas de domicile, de profession ou de situation stable. Aucun élément de preuve n'est d'ailleurs produit dans ce sens. Ce moyen sera rejeté.
Enfin, l'auteur de l'arrêté de placement en rétention, Monsieur [V] [H], chef du bureau de l'éloignement et du contentieux et du séjour est identifiable et compétent pour rédiger l'arrêté susvisé.
En conséquence, le moyen soulevé est également rejeté.
Sur les irrégularités relatives à la garde à vue et à la procédure pénale soulevées par l'appelant
Aux termes des dispositions de l'article 63-1 du code de procédure pénale, 'La personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, dans une langue qu'elle comprend, le cas échéant au moyen du formulaire prévu au treizième alinéa :
1° De son placement en garde à vue ainsi que de la durée de la mesure et de la ou des prolongations dont celle-ci peut faire l'objet ;
2° De la qualification, de la date et du lieu présumés de l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre ainsi que des motifs mentionnés aux 1° à 6° de l'article 62-2 justifiant son placement en garde à vue ;
3° Du fait qu'elle bénéficie :
-du droit de faire prévenir un proche et son employeur ainsi que, si elle est de nationalité étrangère, les autorités consulaires de l'Etat dont elle est ressortissante, et, le cas échéant, de communiquer avec ces personnes, conformément à l'article 63-2 ;
-du droit d'être examinée par un médecin, conformément à l'article 63-3 ;
-du droit d'être assistée par un avocat, conformément aux articles 63-3-1 à 63-4-3 ;
-s'il y a lieu, du droit d'être assistée par un interprète ;
-du droit de consulter, dans les meilleurs délais et au plus tard avant l'éventuelle prolongation de la garde à vue, les documents mentionnés à l'article 63-4-1 ;
-du droit de présenter des observations au procureur de la République ou, le cas échéant, au juge des libertés et de la détention, lorsque ce magistrat se prononce sur l'éventuelle prolongation de la garde à vue, tendant à ce qu'il soit mis fin à cette mesure. Si la personne n'est pas présentée devant le magistrat, elle peut faire connaître oralement ses observations dans un procès-verbal d'audition, qui est communiqué à celui-ci avant qu'il ne statue sur la prolongation de la mesure ;
-du droit, lors des auditions, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.
Si la personne est atteinte de surdité et qu'elle ne sait ni lire, ni écrire, elle doit être assistée par un interprète en langue des signes ou par toute personne qualifiée maîtrisant un langage ou une méthode permettant de communiquer avec elle. Il peut également être recouru à tout dispositif technique permettant de communiquer avec une personne atteinte de surdité.
Si la personne ne comprend pas le français, ses droits doivent lui être notifiés par un interprète, le cas échéant après qu'un formulaire lui a été remis pour son information immédiate.
Mention de l'information donnée en application du présent article est portée au procès-verbal de déroulement de la garde à vue et émargée par la personne gardée à vue. En cas de refus d'émargement, il en est fait mention.
En application de l'article 803-6, un document énonçant ces droits est remis à la personne lors de la notification de sa garde à vue.'
Selon les dispositions de l'article L743-12 du CESEDA, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger.
D'une part, le placement en garde à vue de l'intéressé est régulier dès lors que ce n'est qu'à l'issue de celui-ci et après les diverses enquêtes policières qu'il est possible de caractériser ou non les infractions initialement mentionnées dont la menace de mort réitérée visée au début de la procédure.
En outre, Monsieur [L] a été placé en garde à vue le 16 juillet 2024 à 21h30. Il ressort du procès-verbal de placement en garde à vue qu'il a refusé de signer. Si cette mention est contradictoire avec la dernière ligne du PV aux termes de laquelle il « persiste et signe », force est de constater qu'il est mentionné qu'il refuse de signer et que sa signature n'apparaît pas sur les 3 pages dudit PV. Dès lors, et comme l'a très justement apprécié le premier juge, il est démontré qu'il a eu connaissance de ses droits et qu'il a pu solliciter un avocat qui était présent lors de son audition.
D'autre part, si l'appelant affirme qu'il n'a pas été avisé de son droit à avoir la possibilité de faire prévenir toute personne de son choix en application de l'article 63-2 du code de procédure pénale, il est clairement indiqué sur le procès-verbal de notification de la garde à vue qu'il a pris acte de son droit de communiquer avec la personne de son choix (page 2). D'ailleurs, il est indiqué dans le billet de garde à vue qu'il n'a pas sollicité de communication avec un tiers. Dès lors, il ne justifie d'aucun grief, son droit ayant été respecté.
En outre, si l'appelant affirme que la prolongation de sa garde à vue constitue un détournement de procédure, force est de constater que celle-ci est régulière et est conforme aux dispositions du code de procédure pénale : les services de police ont ainsi sollicité dans les délais légaux le procureur de la République le 17 juillet 2024 d'une demande de prolongation motivée qui a été autorisée par une décision motivée du parquet du tribunal judiciaire de GRASSE du 17 juillet 2024. Cette prolongation a ensuite été notifiée à l'appelant qui a refusé de signer le procès-verbal. Il convient de rejeter également ce moyen.
Par ailleurs, si l'appelant affirme l'existence de la violation du secret de l'enquête, il n'en justifie pas, toutes les dispositions légales ayant été respectées par le Prefet qui a pu avoir connaissance de la procédure pénale.
Enfin, s'il affirme ne savoir ni lire ni écrire le français, les actes ayant été notifiés sans relecture préalable selon lui, force est de constater que Monsieur [L] a été assisté pendant la procédure de garde à vue par un avocat commis d'office, notamment lors de son audition, qui n'a jamais évoqué cette difficulté. D'ailleurs, cette irrégularité supposée n'est pas justifiée par l'appelant.
Il convient donc de rejeter l'intégralité des moyens développés précédemment par l'appelant.
Sur le délai de transfert
Selon les dispositions de l'article L744-4 du CESEDA, 'L'étranger placé en rétention est informé dans les meilleurs délais qu'il bénéficie, dans le lieu de rétention, du droit de demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil et d'un médecin, et qu'il peut communiquer avec son consulat et toute personne de son choix. Ces informations lui sont communiquées dans une langue qu'il comprend.
En cas de placement simultané en rétention d'un nombre important d'étrangers, la notification des droits mentionnés au premier alinéa s'effectue dans les meilleurs délais.
Les modalités selon lesquelles s'exerce l'assistance de ces intervenants sont précisées, en tant que de besoin, par décret en Conseil d'Etat.'
Selon les dispositions de l'article L743-12 du CESEDA, 'En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger.'
Il est constant que les droits du retenu s'exercent au centre de rétention. Cependant, le juge judiciaire doit exercer un contrôle sur le délai de transfèrement jusqu'au centre de rétention afin de s'assurer de la possibilité pour l'étranger d'exercer ses droits dans des délais raisonnables, la suspension temporaire de ses droits devant être limitée dans le temps, proportionnée et ne devant pas s'apparenter à une privation de l'exercice des droits.
En l'espèce, il ressort des pièces de la procédure et notamment des différents procès-verbaux de police que le transfert entre le commissariat de [Localité 6] et le CRA de [Localité 9] a duré moins d'une heure, ce qui n'est pas un délai excessif au regard du temps de trajet. Au surplus, il n'est justifié d'aucun grief, alors même que les droits de l'intéressé ont été respectés et que le formulaire de ses droits et un téléphone lui ont été remis.
La procédure est donc régulière et le moyen est rejeté.
Sur la consultation du FAED
En application de l'article L. 142-2 du CESEDA, en vue de l'identification d'un étranger qui n'a pas justifié des pièces ou documents mentionnés à l'article L. 812-1 ou qui n'a pas présenté à l'autorité administrative compétente les documents de voyage permettant l'exécution d'une décision de refus d'entrée en France, d'une interdiction administrative du territoire français, d'une décision d'expulsion, d'une mesure de reconduite à la frontière, d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, d'une interdiction de retour sur le territoire français ou d'une peine d'interdiction du territoire français ou qui, à défaut de ceux-ci, n'a pas communiqué les renseignements permettant cette exécution, les données des traitements automatisés des empreintes digitales mis en 'uvre par le ministère de l'intérieur peuvent être consultées par les agents expressément habilités des services de ce ministère dans les conditions prévues par le règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
Le traitement automatisé des empreintes digitales, mentionné à l'article L. 142-2 du CESEDA est régi par le décret n° 87-249 du 8 avril 1987 modifié relatif au fichier automatisé des empreintes digitales géré par le ministère de l'intérieur selon l'article R. 142-41 du CESEDA.
L'article 8 du décret en date du 8 avril 1987 relatif au FAED dispose que :
Les fonctionnaires et militaires individuellement désignés et habilités des services d'identité judiciaire de la police nationale, du service central de renseignement criminel de la gendarmerie nationale ainsi que des unités de recherches de la gendarmerie nationale peuvent seuls avoir accès aux données à caractère personnel et aux informations contenues dans le traitement :
1° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande de l'autorité judiciaire, des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, ou des agents des douanes habilités à effectuer des enquêtes judiciaires en vertu des dispositions de l'article 28-1 du code de procédure pénale ;
2° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande de l'autorité judiciaire, des fonctionnaires de la police ou des militaires de la gendarmerie dans le cadre des recherches aux fins d'identification des personnes décédées prévues aux articles L. 2223-42 du code général des collectivités territoriales et 87 du code civil et du décret n° 2012-125 du 30 janvier 2012 relatif à la procédure extrajudiciaire d'identification des personnes décédées ;
3° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale en vertu des dispositions des articles L. 611-1-1 , L. 611-3 et L. 611-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
4light2 ° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale en vertu des dispositions de l'article 78-3 du code de procédure pénale .
Le fichier FAED, fichier automatisé des empreintes digitales, a été créé par le décret no 87-249 du 8 avril 1987.Il est également utilisé pour vérifier l'identité des personnes retenues en application de l'article 78-3 du code de procédure pénale ou dans les conditions de l'article L. 142-2 du CESEDA. Plus précisément, il permet d'identifier les personnes par comparaison biométrique des traces et empreintes relevées sur les lieux de commission d'infractions et de s'assurer de la véritable identité des personnes mises en cause dans une procédure pénale ou condamnées à une peine privative de liberté. L'enregistrement de traces d'empreintes digitales ou palmaires donne lieu à l'établissement d'une fiche alphabétique qui comporte de très nombreux renseignements, dont en particulier l'identification de la personne, la nature de l'affaire et la référence de la procédure, l'origine de l'information et les clichés anthropométriques dans le cas d'empreintes. Toutes les informations peuvent être conservées pendant 25 ans. L'accès au FAED est prévu par le décret en date du 8 avril 1987.
Au regard de l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée que constituent, au sens de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la conservation dans un fichier automatisé des empreintes digitales d'un individu identifié ou identifiable et la consultation de ces données, l'habilitation des agents à les consulter est une garantie institutionnelle édictée pour la protection des libertés individuelles.
S'il ne résulte pas des pièces du dossier que l'agent ayant consulté les fichiers d'empreintes était expressément habilité à cet effet, la procédure se trouve entachée d'une nullité d'ordre public, sans que l'étranger qui l'invoque ait à démontrer l'existence d'une atteinte portée à ses droits ( CIV 1ère, 14 octobre 2020).
La CEDH juge par ailleurs'que la conservation, dans un fichier des autorités nationales, des empreintes digitales d'un individu identifié ou identifiable constitue une ingérence dans le droit au respect de la vie privée' (M. K. c. France du 18 avril 2013, requête no 19522/09, point 29 ' S. et Marper c/ Royaume-Uni, § 86) et d'autre part, que la législation interne doit donc ménager des garanties appropriées pour empêcher toute utilisation de données à caractère personnel qui ne serait pas conforme aux garanties prévues dans l'article 8 CEDH (S. et Marper, précité, § 103, Gardel c/ France, requête no 16428/05, § 62 ; Bouchacourt c/ France, requête no 5335/06, § 61).
L'article 15-5 du code de procédure pénale rappelle que seuls les personnels spécialement et individuellement habilités peuvent procéder à la consultation de ces traitements informatiques, que la réalité de cette habilitation peut être contrôlée à tout moment par un magistrat à son initiative ou à la demande d'une personne intéressée et que l'absence de mention de cette habilitation sur les différentes pièces de la procédure résultant de la consultation de ces traitements n'emporte pas, par elle-même, la nullité de la procédure.
Comme le prévoit l'article 15-5 du code de procédure pénale, l'absence de mention de l'habilitation sur les pièces de procédure résultant de la consultation du fichier FAED n'emporte pas par elle-même la nullité de la procédure.
En l'espèce, l'appelant expose dans les motifs de sa déclaration d'appel qu'« il ne ressort pas du dossier de la procédure que l'agent ayant consulté le fichier FAED était habilité à cette effet ».
En l'état, il ressort du rapport d'identification dactyloscopique que Mme [G] [K] qui a consulté ledit fichier le 17 juillet 2024 appartient au service national de la police technique et scientifique, sous-direction des systèmes d'information et de la biométrie. Conformément à l'article 15-5 du code de procédure pénale, elle est présumée être habilitée à consulter ledit fichier. Dès lors, la procédure ne saurait être entachée de nullité. Le moyen sera donc rejeté.
Sur la régularité de la saisine de la Préfecture
En l'espèce, l'appelant expose que l'auteur de la requête du 20 juillet 2024 de la préfecture n'est pas identifiable.
Force est de constater que les documents adressés par courrier au premier juge et notamment la requête de l'administration comportent une date, une signature, un tampon peu lisible. Toutefois, le Préfet a communiqué par courriel du 21 juillet 2024 reçu à 09h21 les mêmes documents plus lisibles. Comme l'a très bien apprécié le premier juge, cet envoi des mêmes documents davantage lisibles ne constitue pas une régularisation de la procédure mais uniquement une confirmation des documents adressés dans un premier temps qui sont conformes à l'article R 743-2 du CESEDA, étant datés et signés. Au surplus, l'appelant ne justifie d'aucun grief.
Ce moyen sera donc rejeté.
Sur le moyen tiré de l'insuffisance des diligences de l'administration
La directive européenne n°2008-115/CE dite directive 'retour' dispose en son article 15§1 que toute rétention est aussi brève que possible et n'est maintenue qu'aussi longtemps que le dispositif d'éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. La rétention doit reposer sur des circonstances de fait qui la rendent nécessaire et proportionnée ( CJUE 5 juin 2014 M. MAHDI, C-146/14).
Aux termes de l'article L741-1 du CESEDA, l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Aux termes de l'article 742-3 du CESEDA, si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court pour une période de 26 jours à compter de l'expiration du délai de précité.
Selon les dispositions de l'article L741-3 du CESEDA, 'Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.'
Si ce texte impose en effet au préfet d'effectuer sans désemparer les démarches nécessaires à l'exécution, dans les meilleurs délais, de la décision d'éloignement, l'appréciation des diligences qu'il a effectuées doit être faite in concreto en tenant compte des circonstances propres à chaque cas.
S'il est constant qu'il n'appartient pas au juge judiciaire de se prononcer sur la légalité de la décision fixant le pays de retour, il lui incombe d'apprécier les diligences mises en 'uvre pour reconduire l'intéressé dans son pays ou tout autre pays.
La cour déplore en premier lieu que le moyen opposé par l'appelant ne soit appuyé sur aucun élément précis alors que le procès civil est la chose des parties et qu'il leur appartient au surplus en application de l'article 9 du code de procédure civile de démontrer la réalité des faits nécessaires au succès de leurs prétentions.
En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que Monsieur [L] ne dispose pas de passeport en cours de validité et n'a pas de garantie de représentation. En outre, l'administration démontre avoir transmis aux autorités tunisienne une demande de laissez-passer dès le 18 juillet 2024, dont elle attend la délivrance. Elle justifie donc dans ce contexte de diligences suffisantes.
Ce moyen doit donc être rejeté.
En conséquence, il convient de confirmer la décision querellée en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,
Confirmons l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de NICE en date du 21 Juillet 2024.
Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.
Le greffier Le président
Reçu et pris connaissance le :
Monsieur [R] [L]
né le 13 Février 1986 à [Localité 8]
de nationalité Tunisienne
Assisté d'un interprète
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-11, Rétentions Administratives
Palais Verdun , bureau 443
Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX03] - [XXXXXXXX01]
Courriel : [Courriel 7]
Aix-en-Provence, le 23 Juillet 2024
À
- Monsieur le préfet des Alpes-Maritimes
- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 9]
- Monsieur le procureur général
- Monsieur le greffier du Juge des libertés et de la détention de NICE
- Maître LE DANTEC
NOTIFICATION D'UNE ORDONNANCE
J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 23 Juillet 2024, suite à l'appel interjeté par :
Monsieur [R] [L]
né le 13 Février 1986 à [Localité 8]
de nationalité Tunisienne
Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.
Le greffier,
VOIE DE RECOURS
Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.