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18/07/2024 | FRANCE | N°22/16044

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8a, 18 juillet 2024, 22/16044


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a



ARRÊT AU FOND



DU 18 JUILLET 2024



N°2024/





RG 22/16044

N° Portalis DBVB-V-B7G-BKNRH







[K] [O]





C/



LA CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PREVOYANCE ET D' ASSURANCE VIEILLESSE (C.I.P.A.V)

























Copie exécutoire délivrée

le 18 Juillet 2024 à :



-Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PAR

IS



- Me Malaury RIPERT, avocat au barreau de PARIS



















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 14 Novembre 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 22/04279.





APPELANT



Monsie...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a

ARRÊT AU FOND

DU 18 JUILLET 2024

N°2024/

RG 22/16044

N° Portalis DBVB-V-B7G-BKNRH

[K] [O]

C/

LA CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PREVOYANCE ET D' ASSURANCE VIEILLESSE (C.I.P.A.V)

Copie exécutoire délivrée

le 18 Juillet 2024 à :

-Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS

- Me Malaury RIPERT, avocat au barreau de PARIS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 14 Novembre 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 22/04279.

APPELANT

Monsieur [K] [O], demeurant [Adresse 1]

dispensé de comparaître, ayant pour conseil Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PREVOYANCE ET D'ASSURANCE VIEILLESSE (C.I.P.A.V), demeurant [Adresse 2]

dispensée de comparaître, ayant pour conseil Me Malaury RIPERT de la SCP LECAT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Mai 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Juillet 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Juillet 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

M. [O] a été affilié à la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV) du fait de son activité de thérapeuthe du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2022.

Le 14 juillet 2020, M. [O] s'est procuré un relevé de situation individuelles sur le site internet du groupement d'intérêt public Info Retraite et dont il conteste le nombre de points de retraite complémentaire indiqué et l'assiette de revenus retenue par la CIPAV pour calculer ses points de retraite de base.

Par courrier du 24 août 2020, M. [O] a formé un recours devant la commission de recours amiable de la CIPAV.

Par courrier recommandé expédié le 13 juillet 2021, M. [O] a élevé son recours devant le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille.

Par jugement rendu le 14 novembre 2022, le tribunal a :

- déclaré irrecevable le recours contentieux formé par M. [O] le 13 juillet 2021 à l'encontre d'un relevé de situation individuelle, faute de décision préalable de l'organisme de sécurité sociale,

- débouté M. [O] de sa demande en dommages et intérêts à l'encontre de la CIPAV,

- condamné M. [O] aux dépens,

- condamné M. [O] à payer à la CIPAV la somme de 500 euros à titre de frais irrépétibles.

Par déclaration enregistrée sur RPVA le 2 décembre 2022, M. [O] a interjeté appel du jugement.

A l'audience du 30 mai 2024, M. [O], dispensé de comparaître, se réfère aux conclusions communiquées le 29 avril 2024. Il demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- condamner la CIPAV à rectifier les points de retraite complémentaire acquis sur la période 2014-2019 selon le détail suivant :

- 36 points en 2014,

- 36 points en 2015,

- 36 points en 2016,

- 36 points en 2017,

- 36 points en 2018,

- 36 points en 2019,

- condamner la CIPAV à rectifier les points de retraite de base acquis sur la période 2014-2019 selon le détail suivant :

- 283,3 points en 2014,

- 237,4 points en 2015,

- 238,8 points en 2016,

- 257,4 points en 2017,

- 294,5 points en 2018,

- 304,3 points en 2019,

- condamner la CIPAV à lui transmettre et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision et, passé ce délai, sous astreinte de 250 euros par jour de retard,

- condamner la CIPAV à lui verser la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral subi,

- condamner la CIPAV à lui verser la somme de 3.000 euros à titre de frais irrépétibles.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que le relevé de situation individuelle étant un document recelant une comptabilisation de droits à la retraite susceptible de faire grief, la recevabilité d'une contestation de son contenu à une date antérieure à la liquidation des droits est reconnue par la Cour de cassation et la critique de la comptabilisation par la CIPAV des points de retraite d'un auto-entrepreneur, telle qu'elle résulte d'un relevé de situation individuelle collecté auprès du groupement d'intérêt public Info Retraite auquel appartient la CIPAV est admise par toutes les cours d'appel. Il considère que la CIPAV ne peut valablement se prévaloir de n'avoir pris aucune décision alors que la comptabilisation des droits à la retraite de ses adhérents et leur enregistrement constituent sa mission exclusive et qu'elle renvoie elle-même ses adhérents sur le site Info Retraite pour avoir accès à la comptabilisation de leurs droits.

Sur le fond, il fait valoir, en se prévalant de l'arrêt Tate de la Cour de cassation (23 janvier 2020 n°18-15.542), que le nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement à l'auto-entrepreneur inscrit à la CIPAV procède directement de la classe de cotisation de l'affilié, déterminée en fonction de son revenu d'activité, de sorte que la CIPAV n'a pas à allouer des points de retraite complémentaire d'un montant inférieur à ceux de la première classe. Il considère que les relations financières entre l'Etat et la caisse sont étrangères à la comptabilisation des droits à la retraite des adhérents. Il précise que pour déterminer la classe de revenu applicable de l'auto-entrepreneur, l'assiette à retenir est le chiffre d'affaires qui constitue l'assiette spécifique des cotisations et le BNC (bénéfice non commercial) théorique auquel la caisse a recours sur la période de 2009 à 2015 est à proscrire.

Il reproche en outre à la caisse de calculer les points de retraite de base en pratiquant à tort un abattement de 34% sur le chiffre d'affaires pour déterminer l'assiette de revenus.

Enfin, il se fonde sur la jurisprudence de certaines cours d'appel qui ont accepté d'indemniser le préjudice de l'adhérent, le stress lié au sentiment d'impossibilité d'obtenir la rectification de ses droits et la mauvaise foi de la caisse qui va jusqu'à nier avoir pris une décision relativement à la comptabilisation de ses droits, pour justifier que son préjudice moral doit être réparé.

La CIPAV, dispensée de comparaître, se réfère aux conclusions transmises par RPVA le 30 avril 2024. Elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

subsidiairement,

- attribuer à M. [O] les points de retraite de base suivants :

- 187 points en 2014,

- 156,7 points en 2015,

- 166,1 points en 2016,

- 175,7 points en 2017,

- 196,5 points en 2018,

- 203,2 points en 2019,

- attribuer à M. [O] les points de retraite complémentaire suivants :

- 18 points en 2014,

- 9 points en 2015,

- 24 points en 2016,

- 24 points en 2017,

- 27 points en 2018,

- 27 points en 2019,

- débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [O] à verser à la CIPAV la somme de 600 euros à titre de frais irrépétibles.

Au soutien de ses prétentions, la caisse se fonde sur les dispositions de l'article R.142-1 du code de la sécurité sociale et le fait que le relevé de situation individuelle n'est pas une décision d'un organisme de sécurité sociale pour faire valoir que M. [O] était irrecevable à saisir la commission de recours amiable sans avoir formulé de demande auprès de la caisse. Elle rappelle que le relevé de situation individuelle mentionne expressément qu'il n'engage pas la CIPAV dès lors qu'il n'a qu'un but informatif. Elle cite plusieurs décisions de pôles sociaux en ce sens.

Subsidiairement, sur le fond, la caisse explique que les auto-entrepreneurs cotisent auprès de l'URSSAF qui redistribue ensuite un pourcentage des cotisations à chaque organisme collecteur dont la CIPAV, de sorte qu'elle ne perçoit que 52,5% du forfait social acquitté par l'auto-entrepreneur, dont 30% sont affectés au régime de retraite de base, 20% au régime complémentaire et 2,5% au régime d'invalidité décès. Elle insiste sur le fait que le système de retraite français reposant sur une système contributif, il est prévu une stricte proportionnalité entre les droits acquis et les cotisations payées, de sorte qu'elle applique ce taux de répartition dans son calcul.

Elle fait valoir qu'aux fins d'obtenir une assiette de cotisations équivalente au régime de droit commun dans le cadre duquel les cotisations sont calculées sur le revenu professionnel déclaré, c'est-à-dire le bénéfice non commercial (BNC) pour la période antérieure à 2016, les cotisations de l'auto-entrepreneur sont calculées sur son chiffre d'affaires après abattement de 34% pour reconstituer un revenu correspondant au BNC. Elle en conclut que M. [O] fait erreur en se fondant sur son chiffres d'affaires pour calculer ses points de retraite de base et complémentaire sur la période antérieure à 2016. Elle détaille le calcul opéré pour les points de retraite de base pour chaque année de 2014 et 2015 en prenant en compte le BNC de l'assuré, calculé à partir de son chiffre d'affaires déclaré sur l'année, duquel est déduit un abattement de 34% et en le divisant par la valeur du point d'achat prévu par tranche de revenus. Elle détaille ensuite les points de retraite de base pour chaque année de 2016 à 2019 en appliquant le forfait social au chiffres d'affaire déclaré sur l'année, puis en appliquant le taux de 25% sur la tranche 1 et de 5% sur la tranche 2, avant de diviser le résultat par la valeur du point d'achat.

En outre, elle rappelle que le décret n° 79-262 du 21 mars 1979 ayant institué le régime de retraite complémentaire obligatoire pour les affiliés de la CIPAV a prévu 8 classes de cotisations portant attribution annuelle d'un certain nombre de points. Elle précise que les assurés ont droit aux prestations pour lesquelles ils justifient du versement de cotisations, qu'il s'agisse de cotisations acquittées personnellement ou de cotisations versées par l'Etat en application de dispositions législatives ou règlementaires. Sur ce point, elle explique qu'il convient de distinguer d'une part, la période de 2009 à 2015 sur laquelle la loi a prévu le versement d'une compensation de l'Etat au régime de protection sociale pour couvrir la perte de recette induite par le régime et pendant laquelle, il convient, en conséquence, de vérifier ce qui a été versé par l'adhérent et par l'Etat au titre de la compensation pour déterminer le nombre de points, et d'autre part, la période à compter du 1er janvier 2016 date à laquelle la compensation de l'Etat a été supprimée, pour laquelle il convient de vérifier ce qui a été versé par l'adhérent au titre de la retraite complémentaire pour attribuer les droits correspondant aux cotisations payées. Elle considère que dès lors que le bénéfice du régime d'auto-entrepreneur est subordonné au chiffre d'affaires inférieur à un seuil réglementaire, l'adhérent ne peut bénéficier du nombre de points attribué en cas de revenus supérieurs à ce montant. Elle détaille ainsi le calcul du nombre de points attribué, opéré pour chaque année en fonction de ces principes et fait valoir que sa méthode de calcul a été validée par des pôles sociaux et par le Ministère de l'économie et des finances, le Ministère des affaires sociales et de la santé ainsi que le secrétaire d'Etat chargé du budget au regard du rapport public annuel 2017 de la Cour des comptes.

Enfin, elle considère qu'à défaut de démontrer une quelconque faute de sa part, qui ne saurait résulter d'une divergence d'interprétation des textes applicables à la situation litigieuse, la demande en dommages et intérêts doit être rejetée.

Il convient de se reporter aux écritures auxquelles les parties se son référées à l'audience pour un plus ample exposé du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité du recours formé à l'encontre d'un relevé de situation individuelle

Il résulte des dispositions des articles L. 142-4, R. 142-1-A et R. 142-1 du code de sécurité sociale que les réclamations contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale sont, préalablement à la saisine de la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale, soumises à une commission de recours amiable, l'intéressé pouvant considérer sa demande comme rejetée lorsque la décision de la commission n'a pas été portée à la connaissance du requérant dans le délai de deux mois.

Le relevé de situation individuelle que les organismes et services en charge des régimes de retraite adressent, périodiquement ou à leur demande, aux assurés comportant notamment, pour chaque année pour laquelle des droits ont été constitués, selon les régimes, les durées exprimées en années, trimestres, mois ou jours, les montants de cotisations ou le nombre de points pris en compte ou susceptibles d'être pris en compte pour la détermination des droits à pension, l'assuré est recevable à contester devant la commission de recours amiable puis la juridiction du contentieux général le montant des cotisations ou nombre de points figurant sur ce relevé (Civ 2ème 11 octobre 2018 n° 17-25.956).

En revanche, en cas d'absence de données figurant sur le relevé de situation individuelle, cette absence ne peut caractériser une ou des décisions prises par les organismes de sécurité sociale compétents pour la détermination des droits à retraite d'un assuré social, à la différence de mentions qui feraient apparaitre une absence de droits. Il s'ensuit qu'un assuré social ne saurait former une réclamation en se fondant sur ce relevé individuel de situation en ce qu'il ne matérialise aucune décision par la caisse (Civ 2ème 1er décembre 2022 n° 21-12.784).

En l'espèce, le relevé de situation individuelle émis le 14 juillet 2020 et contesté par M. [O],

mentionne bien le nombre de trimestres et le nombre de points retenus pour chacun des régimes de l'assurance vieillesse de base et complémentaire, par la CIPAV de 2014 à 2019.

Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, les éléments d'information enregistrés par la CIPAV et consignés dans le relevé de situation individuelle constituent une décision de la part de la caisse et M. [O] est recevable à les contester devant la commission de recours amiable, puis devant la juridiction de sécurité sociale.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable le recours de M. [O] à l'encontre de ce relevé de situation individuelle et le recours sera déclaré recevable.

Sur la rectification des points de retraite de base

En application de l'article L.133-6-8 du code de la sécurité sociale, dans ses versions successives issues de la loi n°2009-431 du 20 avril 2009, de la loi n°2012-1404 en date du 17 décembre 2012, et de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, et devenu L. 613-7 du même code à compter du 14 juin 2018 : par dérogation à l'article L. 131-6-2, les travailleurs indépendants bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts peuvent opter, sur simple demande, pour que l'ensemble des cotisations et contributions de sécurité sociale dont ils sont redevables soient calculées mensuellement ou trimestriellement en appliquant au montant de leur chiffre d'affaires ou de leurs revenus non commerciaux effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent un taux fixé par décret pour chaque catégorie d'activité mentionnée aux dits articles du code général des impôts de manière à garantir un niveau équivalent entre le taux effectif des cotisations et contributions sociales versées et celui applicable aux mêmes titres aux revenus des travailleurs indépendants.

Il résulte de ces dispositions que les auto-entrepreneurs bénéficient d'un régime dérogatoire quant à l'assiette et aux taux des cotisations et contributions de sécurité sociale et que celles dont ils sont redevables sont calculées mensuellement ou trimestriellement, sur la base de leur chiffre d'affaires.

En outre, les dispositions de l'article R. 133-30-10 du code de la sécurité sociale, pris dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2016, définissant les modalités de la compensation financière de l'Etat aux fins d'inciter une adhésion au statut des auto-entrepreneurs, sont étrangères aux rapports entre la CIPAV et ses cotisants auto-entrepreneurs, d'autant que l'adhésion de ces derniers résulte non point d'une adhésion volontaire mais du caractère obligatoire des dispositions législatives et réglementaires applicables.

Il s'ensuit que la caisse ne peut utilement arguer de l'incidence d'un dispositif législatif et réglementaire ayant pour objet l'incitation à l'adhésion au statut d'auto-entrepreneur aux fins de justifier l'application d'un abattement sur le chiffre d'affaires réalisé par l'auto-entrepreneur pour déterminer l'assiette du calcul des points de retraite de base.

De même, la répartition des montants de cotisations sociale recouvrées pour les adhérents de la CIPAV relevant du régime de l'auto-entrepreneur, prévue à l'article D.131-5-3 du code de la sécurité sociale, à compter du 13 décembre 2018, n'a aucune incidence sur les modalités de calcul des droits à la retraite.

Il s'en suit que dès lors que le montant des revenus d'activité de l'adhérent et le paiement afférent de ses cotisations ne sont pas discutés, il convient de condamner la CIPAV à rectifier l'assiette de calcul des points de retraite de base en prenant en compte les revenus d'activité de l'adhérent sans appliquer aucun abattement pour les années 2014 et 2015 et en n'appliquant pas un taux de répartition des montants de cotisations.

Le calcul des points de retraite de base proposé par M. [O], conforme à ces principes, sera entériné et la CIPAV devra rectifier dans le délai d'un mois suivant notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin que sa condamnation soit assortie d'une astreinte, les points de retraite de base acquis sur la période de 2014 à 2019 comme suit :

- 283,3 points en 2014,

- 237,4 points en 2015,

- 238,8 points en 2016,

- 257,4 points en 2017,

- 294,5 points en 2018,

- 304,3 points en 2019.

Sur la rectification des points de retraite complémentaire

L'article 2 du décret n°79- 262 du 21 mars 1979, dispose que le régime d'assurance vieillesse complémentaire des indépendants relevant de la CIPAV comporte huit classes de cotisation A, B, C, D, E, F, G et H portant attribution annuelle d'un certain nombre de points. Il y est précisé que les montants des cotisations des classes B, C, D, E, F, G et H sont respectivement égaux à 2,3,5,7,11,12 et 13 fois le montant de la cotisation de la classe A et que la cotisation due par chaque assujetti est celle de la classe à laquelle correspond, dans les conditions fixées par les statuts prévus à l'article 5, son revenu d'activité tel que défini à l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale.

Il résulte de ces dispositions, seules applicables à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux auto-entrepreneurs affiliés à la CIPAV, que ce nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l'affilié, déterminée en fonction de son revenu d'activité.

Or, comme il a été vu plus haut, il résulte de l'article L.133-6-8 du code de la sécurité sociale, dans ses versions successives issues de la loi n°2009-431 du 20 avril 2009, de la loi n°2012-1404 en date du 17 décembre 2012, et de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, et devenu L. 613-7 du même code à compter du 14 juin 2018 que les auto-entrepreneurs bénéficient d'un régime dérogatoire quant à l'assiette et aux taux des cotisations et contributions de sécurité sociale et que celles dont ils sont redevables sont calculées mensuellement ou trimestriellement, sur la base de leur chiffre d'affaires.

Il s'en suit que le revenu d'activité à prendre en compte pour déterminer la classe de cotisations applicable à l'auto-entrepreneur concerné et le nombre de points de retraite complémentaire en découlant, est son chiffre d'affaires.

Les dispositions de l'article R. 133-30-10 du code de la sécurité sociale, pris dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2016, définissant les modalités de la compensation financière de l'Etat aux fins d'inciter une adhésion au statut des auto-entrepreneurs, sont étrangères aux rapports entre la CIPAV et ses cotisants auto-entrepreneurs, d'autant que l'adhésion de ces derniers résulte non point d'une adhésion volontaire mais du caractère obligatoire des dispositions législatives et réglementaires applicables.

Il s'ensuit que la caisse ne peut utilement arguer de l'incidence d'un dispositif législatif et réglementaire ayant pour objet l'incitation à l'adhésion au statut d'auto-entrepreneur aux fins de retenir une classe de cotisations inférieure à celle à laquelle les revenus d'activité de l'auto-entrepreneuse lui ouvraient droit, en appliquant au chiffre d'affaires un abattement de 34% pour déterminer la classe de cotisations applicable et le nombre de point attribués.

De même, c'est en vain que la caisse prétend que les auto-entrepreneurs, étant soumis à un seuil de chiffre d'affaires, ne peuvent prétendre au nombre de points prévus en cas de revenus supérieurs à ce seuil, dans la mesure où les conditions d'ouverture du droit au bénéfice du statut d'auto-entrepreneur sont sans incidence sur les modalités de calcul des points de retraite complémentaire.

Il s'en suit que dès lors que le montant des revenus d'activité de l'adhérent et le paiement afférent de ses cotisations ne sont pas discutés, il convient de condamner la CIPAV à rectifier l'assiette de calcul des points de retraite complémentaire en prenant en compte son chiffre d'affaires pour déterminer la classe de cotisations et le nombre de point attribués y afférent.

Ainsi, le calcul proposé par M. [O] suivant ces modalités sera entériné. La CIPAV sera condamnée, sans astreinte mais dans le délai d'un mois suivant notification de l'arrêt, à rectifier les points de retraite complémentaire acquis, sur relevé de situation individuelle de M. [O], comme suit :

- 36 points en 2014,

- 36 points en 2015,

- 36 points en 2016,

- 36 points en 2017,

- 36 points en 2018,

- 36 points en 2019.

Sur la demande d'indemnisation du préjudice moral de l'adhérent

Aux termes de l'article 1240 du code civil, 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.'

Compte tenu du fait que la Cour de cassation a clairement arrêté une position juridique en 2020 et qu'elle a été suivie par plusieurs cours d'appel, en conservant une interprétation erronée des textes applicables, la caisse impose à l'adhérent de contester le calcul de sa retraite devant la commission de recours amiable, puis devant la juridiction du contentieux de la sécurité sociale, et encore en appel, pour obtenir gain de cause, sans pourtant opposer aucun fondement juridique nouveau.

Ce manquement est constitutif d'une faute qui cause à l'adhérent un préjudice moral compte tenu du stress résultant des démarches juridiques à accomplir, dont l'allocation de la somme de 2.000 euros répare justement.

Sur les frais et dépens

La caisse intimée, succombant à l'instance, sera condamnée au paiement des dépens en vertu de l'article 696 du code de procédure civile.

En application de l'article 700 du même code, la caisse sera également condamnée à payer à M. [O] la somme de 3.000 euros à titre de frais irrépétibles et sera déboutée de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par décision contradictoire,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclare recevable le recours formé par M. [O] à l'encontre du relevé de situation individuelle émis sur le site internet d'Info Retraite le 14 juillet 2020,

Condamne la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse à rectifier sur le relevé de situation individuelle dans le délai d'un mois suivant notification du présent arrêt, les points de retraite complémentaire acquis par M. [O] sur la période 2014-2019 comme suit:

- 36 points en 2014,

- 36 points en 2015,

- 36 points en 2016,

- 36 points en 2017,

- 36 points en 2018,

- 36 points en 2019,

Condamne la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse à rectifier sur le relevé de situation individuelle dans le délai d'un mois suivant notification du présent arrêt, les points de retraite de base acquis par M. [O] sur la période 2014-2019 comme suit:

- 283,3 points en 2014,

- 237,4 points en 2015,

- 238,8 points en 2016,

- 257,4 points en 2017,

- 294,5 points en 2018,

- 304,3 points en 2019,

Condamne la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse à payer à M. [O] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamne la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse à payer à M. [O] la somme de 3.000 euros à titre de frais irrépétibles,

Déboute la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse de sa demande en frais irrépétibles,

Condamne la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse au paiement des dépens de la première instance et de l'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8a
Numéro d'arrêt : 22/16044
Date de la décision : 18/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-18;22.16044 ?
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