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18/07/2024 | FRANCE | N°22/05541

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8a, 18 juillet 2024, 22/05541


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a



ARRÊT AU FOND



DU 18 JUILLET 2024



N°2024/





RG 22/05541

N° Portalis DBVB-V-B7G-BJHIQ







[T] [I]





C/



CPAM DES ALPES-MARITIMES

























Copie exécutoire délivrée

le 18 Juillet 2024 à :



-Me Nicolas RUA, avocat au barreau de NICE



- Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de

MARSEILLE





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Nice en date du 15 Mars 2022,enregistré au répertoire général sous le n° .





APPELANT



Monsieur [T] [I], demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Nicolas RU...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8a

ARRÊT AU FOND

DU 18 JUILLET 2024

N°2024/

RG 22/05541

N° Portalis DBVB-V-B7G-BJHIQ

[T] [I]

C/

CPAM DES ALPES-MARITIMES

Copie exécutoire délivrée

le 18 Juillet 2024 à :

-Me Nicolas RUA, avocat au barreau de NICE

- Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Nice en date du 15 Mars 2022,enregistré au répertoire général sous le n° .

APPELANT

Monsieur [T] [I], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Nicolas RUA de la SELARL CABINET ESTEVE-RUA, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

CPAM DES ALPES-MARITIMES, demeurant [Adresse 2]

ayant pour avocat Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE, dispensé en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être présent à l'audience

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Mai 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Juillet 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Juillet 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

Le 28 août 2018, la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes s'est vue adresser une déclaration d'accident du travail par la société [3] pour son salarié, M. [I], ouvrier de l'assemblage, ayant déclaré à son employeur le jour-même avoir 'ressenti une vive douleur en se penchant'au niveau du tronc, le certificat médical initial du docteur [D] cardiologue, établi le 1er septembre 2018, constatant la dissection de l'aorte thoracique descendante et abdominale.

Le 2 janvier 2019, la caisse primaire d'assurance maladie a refusé de prendre en charge l'accident au titre de la législation professionnelle au motif que son médecin-conseil estimait qu'il n'y a pas de lien de cause à effet entre les faits mentionnés sur la déclaration d'accident et les lésions médicalement constatées.

Une expertise médicale a été confiée à la doctoresse [Y], qui, dans son rapport du 29 mars 2019 a conclu que la lésion médicalement constatée n'a pas pu être provoquée par les conditions de travail le 28 août 2018 et qu'il s'agit de la manifestation spontanée d'un état pathologique préexistant et non influencé par les conditions de travail.

Par courrier du 22 octobre 2019, la caisse a maintenu sa position de refus de prendre en charge l'accident au titre de la législation professionnelle.

Par lettre du 16 décembre 2019, M. [I] a saisi la commission de recours amiable de l'organisme, puis, à défaut de réponse, a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Nice le 16 mars 2020.

Par jugement en date du 15 mars 2022, le tribunal a :

- déclaré recevable le recours formé par M. [I],

- constaté que la seule demande présentée au tribunal était une demande de nouvelle mesure d'expertise,

- rejeté la demande,

- condamné M. [I] aux dépens.

Par courrier recommandé reçu au greffe de la cour le 15 avril 2022, M. [I] a interjeté appel du jugement.

A l'audience du 4 mai 2023, l'appelant a demandé à la cour de :

- réformer le jugement en toutes ses dispositions,

- dire que l'accident dont il a été victime le 28 août 2018 est un accident du travail et condamner la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes Maritimes à le rétablir dans ses droits,

- condamner la caisse à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de frais irrépétibles,

- subsidiairement, ordonner une nouvelle expertise, aux frais de la caisse primaire d'assurance maladie, aux fins de rechercher si le traumatisme initial (dissection aortique) est en lien avec l'accident du travail dont il a été victime le 28 août 2018 et se prononcer sur l'incidence éventuelle d'un état antérieur.

La caisse intimée, dispensée de comparaître, s'est réfèrée aux conclusions communiquées par RPVA le 28 avril 2023 et a demandé à la cour de :

- confirmer le jugement,

- subsidiairement, ordonner une expertise par un spécialiste en cardiologie aux fins de se prononcer sur l'état antérieur de M. [I], dire si cet état morbide a pu évoluer pour son propre compte et provoquer la lésion aortique, dire s'il existe un lien de causalité quelconque entre cette dissection aortique et le travail auquel se livrait M. [I], dire si au contraire la lésion aortique apparue sur le lieu et dans le temps du travail a une origine totalement étrangère au travail, l'avis du médecin du travail de l'AMETRA de [Localité 4] devant être pris avec tous autres éléments d'appréciation de la pénibilité des tâches habituellement confiées au salarié,

- en cas de confirmation , condamner la partie succombante à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de frais irrépétibles.

Par arrêt avant-dire droit du 22 juin 2023, la présente cour a ordonné une expertise aux fins de dire si la dissection aortique dont a souffert M. [I] le 28 août 2018 est en lien avec l'activité professionnelle qu'il était entrain d'exercer ou si elle est exclusivement imputable à un état pathologique antérieur, évoluant pour son propre compte.

Le professeur [S], cardiologue, a rendu son rapport le 14 mai 2024 concluant que 'M. [I] ne présentait aucun antécédent cardio-vasculaire connu. Son état de santé avant l'accident était normal et sans antécédent. M. [I] a présenté une dissection aortique au cours de son travail suite à un effort violent et comptaible avec un accident du travail'.

A l'audience du 30 mai, M. [I] reprend ses conclusions 'en ouverture de rapport d'expertise'. Il demande à la cour de :

- réformer intégralement le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Nice en date du 15 mars 2022,

- dire que l'accident dont il a été victime le 28 août 2018 relève de la législation sur les risques professionnels,

- condamner la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes à le rétablir dans ses droits à compter de la date de l'accident,

- condamner la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de frais irrépétibles.

Au soutien de ses prétentions, l'appelant fait valoir que ni son employeur, ni la caisse ne contestent que l'accident est survenu pendant le temps et sur le lieu du travail de sorte qu'il est présumé revêtir un caractère professionnel. Il produit trois attestations de collègues pour confirmer la survenue de l'accident pendant le temps et sur le lieu du travail.

Il considère que la preuve d'une cause étrangère susceptible de renverser la présomption n'est pas rapportée alors qu'il n'a jamais été suivi pour hypertension artérielle et que son médecin traitant en atteste. Il précise que l'hypertension qu'il a présentée a fait suite à la déchirure aortique.Il ajoute que le dossier médical établi lors de son hospitalisation n'a pas été pris en compte alors qu'il établit un lien direct entre la lésion et son activité professionnelle puisqu'il est indiqué dans le protocole opératoire que le patient est victime d'une 'dissection de l'aorte thoracique après un effort isométrique intense au travail' et que ce même motif est retenu dans le certificat médical initial. Il se fonde sur ses propres déclarations pour rappeler les circonstances de l'accident consistant dans une chute lui faisant violemment percuté une roue avec le dos et recevoir un compresseur d'air en pleine poitrine, pour démontrer qu'il y a bien eu un effort violent susceptible de provoquer la dissection aortique. Il se fonde sur l'avis du docteur [X] pour critiquer le premier rapport d'expertise en indiquant qu'il n'avait aucun antécédent d'hypertension, que la médecin n'a pas pris en compte les circonstances de l'accident de sorte que le refus de prise en charge ne repose que sur des hypothèses médicales ne correspondant pas aux faits de l'espèce.Enfin, il fait valoir que les conclusions du professeur [S] tendent sans ambiguïté à reconnaître le lien de causalité entre la dissection aortique et son activité professionnelle du fait d'un effort isométrique intense et à exclure tout antécédent cardio-vasculaire de sorte que son accident ne peut qu'être pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

La caisse primaire d'assurance maladie, dispensée de comparaître, se réfère aux conclusions transmises par RPVA le 27 mai 2024. Elle demande à la cour de :

- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la cour sur l'homologation du rapport du professeur [S] avec toutes conséquences de droit sur la prise en charge de l'accident dont il a été victime le 28 août 2018,

- rejeter la demande en frais irrépétibles,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Elle explique que la présomption d'imputabilité de l'accident au travail n'est pas renversée.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale :'Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.'

Il résulte de ces dispositions que la lésion survenue au temps et au lieu du travail est présumée imputable à un accident du travail. La présomption du caractère professionnel de l'accident est simple et il appartient à la caisse qui la conteste de rapporter la preuve d'une cause totalement étrangère au travail pour la renverser.

En l'espèce, il ressort de la déclaration d'accident du travail par la société employeuse que le 28 août 2018, à 9h37, sur le lieu habituel de son travail, M. [I] a ressenti une vive douleur au niveau du tronc en se penchant. Il n'est pas discuté qu'il a été immédiatement transporté aux urgences et le certificat médical initial établi par le docteur [D], cardiologue, le 1er septembre 2018, fait état d'une dissection de l'aorte thoracique descendante et abdominale survenue après un effort isométrique.

Il s'en suit que la lésion médicalement constatée est survenue dans le temps et sur le lieu du travail du requérant de sorte que le caractère professionnel de l'accident est présumé.

Dans son rapport d'expertise du 29 mars 2019, la doctoresse [Y] explique que le travail ne peut pas être la cause unique de la lésion, mais ne démontre à aucun moment que la lésion est exclusivement imputable à une cause étrangère au travail. L'ambiguïté résultant d'une analyse insuffisante pour justifier la conclusion expertale, a contraint la cour à ordonner une nouvelle expertise confiée au Professeur [S], cardiologue.

Dans son rapport rendu le 14 mai 2024, ce dernier conclut que que 'M. [I] ne présentait aucun antécédent cardio-vasculaire connu. Son état de santé avant l'accident était normal et sans antécédent. M. [I] a présenté une dissection aortique au cours de son travail suite à un effort violent et comptaible avec un accident du travail'.

Il explique clairement que si la dissection aortique n'est pas imputable à un trauma thoracique, en revanche, elle peut être imputable à un effort isovolumétrique important. Concernant un état pathologique antérieur, il indique que le scanner réalisé le 28 août 2018 ne trouve aucune lésion athéromateuse, ni aucune lésion de dissection aortique et que le médecin traitant n'a effectué aucun traitement anti-hypertenseur, ni même effectué une consultation cardiologique.

Ces conclusions claires, précises et motivées, discutées par aucune des deux parties, doivent être entérinées.

Il s'en suit qu'il n'est pas démontré que l'accident dont a été victime M. [I] le 28 août 2018 a une cause totalement étrangère au travail.

Le jugement doit être infirmé et l'accident déclaré doit être pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

La caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, succombant à l'instance, sera condamnée au paiement des dépens de la première instance et de l'appel, en vertu de l'article 696 du code de procédure civile.

En outre, en application de l'article 700 du même code, elle sera également condamnée à payer à M. [I] la somme de 2.000 euros à titre de frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par décision contradictoire,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que l'accident dont a été victime M. [I] le 28 août 2018 doit être pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels,

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes à réintégrer M. [I] dans ses droits à compter de la date de l'accident,

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes à payer à M. [I] la somme de 2.000 euros à titre de frais irrépétibles,

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes au paiement des dépens de la première instance et de l'appel, étant rappelé que les frais de l'expertise ordonnée par la cour sont pris en charge par la caisse nationale d'assurance maladie.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8a
Numéro d'arrêt : 22/05541
Date de la décision : 18/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-18;22.05541 ?
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