La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/07/2024 | FRANCE | N°20/00817

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 12 juillet 2024, 20/00817


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2



ARRÊT AU FOND

DU 12 JUILLET 2024



N° 2024/131













Rôle N° RG 20/00817 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFOVC







SAS AVIS LOCATION DE VOITURES





C/



[W] [S]













Copie exécutoire délivrée

le : 12 Juillet 2024

à :



Me Pierre-Yves IMPERATORE avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Me Steve DOUDET, avocat au

barreau de MARSEILLE































Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 17 Décembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 19/00338.





APPELANTE



SAS AV...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 12 JUILLET 2024

N° 2024/131

Rôle N° RG 20/00817 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFOVC

SAS AVIS LOCATION DE VOITURES

C/

[W] [S]

Copie exécutoire délivrée

le : 12 Juillet 2024

à :

Me Pierre-Yves IMPERATORE avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Steve DOUDET, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 17 Décembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 19/00338.

APPELANTE

SAS AVIS LOCATION DE VOITURES prise en la personne de son représentant légal en exercice , demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Pierre-Yves IMPERATORE de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Ariane FONTANA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [W] [S], demeurant [Adresse 1]/FRANCE

représenté par Me Steve DOUDET, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre suppléante, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre suppléante

Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Juin 2024, délibéré prorogé au 12 Juillet 2024

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Juillet 2024

Signé par Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre suppléante et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

M. [W] [S] a été engagé le 4 décembre 2005 par la société Gestion Provence Location en qualité de préparateur par le biais d'un « contrat nouvelles embauches » (CNE) qui s'est poursuivi dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps comple suite à la signature d'un avenant le 1er juin 2006 avec la société Budget Milton Location de voitures.

Suite à la signature le 1er novembre 2009 d'un nouvel avenant prévoyant une garantie d'ancienneté et de maintien des droits précédemment acquis, le salarié a intégré la société Avis Location de Voitures en qualité d'agent de préparation, statut ouvrier, échelon 1, de la grille des emplois de la convention collective nationale des services de l'automobile, moyennant une rémunération mensuelle brute minimale de 1.338 €.

Le 28 octobre 2009, M. [S] a été victime d'un accident du travail et a été placé en arrêt par un certificat médical initial mentionnant 'entorse de la cheville gauche, entorse du genou gauche'.

La caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône a constaté la consolidation de son état de santé en rapport avec l'accident intervenu le 19 décembre 2012. Cette consolidation a été confirmée par le Docteur [N] qui a établi un certificat médical final le 13 janvier 2013 indiquant ceci 'genou instable et limité en fonctionnel'.

Lors de la visite de reprise du 19 mai 2014, le médecin du travail a recommandé la reprise des fonctions à mi-temps thérapeutique, en précisant que la « fin de poste » de M. [S] devait avoir lieu avant 20 heures et qu'il devait éviter la « manutention lourde, dépassant 10 kilogrammes ».

Le salarié a alors été effectivement employé dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique.

Lors de la visite périodique du 21 mai 2015, le médecin du travail a confirmé qu'il était apte à exercer ses missions à mi-temps malgré la reconnaissance de son invalidité de catégorie 1 par la caisse primaire d'assurance maladie en date du 8 avril 2015.

Conformément à sa demande, M. [S] a bénéficié d'un congé sabbatique du 1er novembre 2016 au 30 septembre 2017.

Le 26 juin 2017, il a présenté une demande de rupture conventionnelle qui lui a été refusée par la société Avis Location.

Le 21 septembre 2017, il a été examiné à sa demande par le médecin du travail qui a déclaré qu'il 'ne pourra pas reprendre son poste d'agent de préparation ; aménagement de poste à prévoir sans port de charge, sans flexion des genoux ni position accroupie ou à genoux ; pas de convoyage de voitures'.

Lors d'une seconde visite médicale qui s'est tenue le 5 octobre 2017, le médecin du travail a confirmé son avis d'inaptitude dans les termes suivants : « Inapte à son poste après étude de poste et des conditions de travail. Envisager une mutation à poste sans port de charge, sans flexion des genoux ni position accroupie et sans convoyage de voitures. Possibilité de formation».

La société Avis Location de Voitures l'a alors dispensé d'activité par un courrier du 19 octobre 2017.

Après l'avoir informé le 10 novembre 2017 de l'absence de possibilité de reclassement et de la consultation des délégués du personnel, le 14 suivant l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à éventuel licenciement fixé au 27 novembre 2017.

M. [S] a été licencié pour 'inaptitude physique non professionnelle à votre poste de travail et impossibilité de reclassement' par une lettre en date du 13 décembre 2017.

C'est dans ce contexte que le 12 mars 2018, il a saisi le conseil des prud'hommes de [Localité 3] pour contester cette décision et solliciter non seulement une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mais aussi une indemnité égale à l'indemnité compensatrice de préavis ainsi qu'une indemnité spéciale de licenciement.

En l'absence de comparution de la société Avis Location de Voitures, le salarié a été contraint de faire citer la société Avis Location de Voitures par acte du 28 mai 2018.

Vu le jugement en date du 17 décembre 2019 qui a :

- dit que le licenciement de M. [S] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- fixé son salaire mensuel à la somme de 1.666,30 €,

- condamné la société Avis Location de Voitures à lui payer les sommes suivantes :

- 18.329,30 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3.321,60 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 6.881,32 € au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,

- 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté le salarié de sa demande au titre de l'exécution provisoire du

jugement et la société Avis Location de Voitures de l'intégralité de ses demandes,

- dit que l'intégralité des sommes produira intérêt de droit à compter du 28 mai 2018, avec capitalisation,

- ordonné à l'employeur la remise d'une attestation Pôle Emploi conforme,

- condamné ce dernier aux dépens,

Vu la déclaration d'appel de la société Avis Location de Voitures en date du 17 janvier 2020,

Vu l'appel incident régularisé par M. [S] aux termes de ses premières conclusions en date du 3 juillet 2020,

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 2 octobre 2020 pour la société Avis Location de Voitures qui demande en substance à la cour de :

- infirmer le jugement du 17 décembre 2019 en ce qu'il l'a condamnée au paiement des sommes suivantes :

- 18.329,30 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3.321,60 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 6.881,32 € au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,

- 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

ainsi qu'aux dépens,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié du surplus de ses demandes,

- débouter M. [S] de ses demandes incidentes tendant à sa condamnation au paiement des sommes suivantes avec intérêt au taux légal et capitalisation des intérêts :

- Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L.1235-3-1 du code du travail : 40.000 €

- Indemnité d'un montant égal à l'indemnité compensatrice de préavis (article L.1226-14 et art. 2.12 CCN) : 4.998, 90 €

- Indemnité supplémentaire sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile : 1.500 €

ainsi que de celles tendant à voir ordonner la remise d'une attestation Pôle emploi conforme et à obtenir sa condamnation aux dépens,

- dire que le licenciement pour inaptitude non professionnelle et impossibilité de reclassement de M. [S] est fondé,

- débouter ce dernier de l'intégralité de ses demandes,

- condamner le salarié à lui verser une indemnité de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, avec distraction, pour ceux de l'instance d'appel, au profit de son conseil,

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 23 février 2024 pour M. [S], aux fins de voir :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Avis Location de Voitures au paiement des somme suivantes :

' Indemnité spéciale de licenciement : 6.881, 32 €

' Indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile : 1.500 €

et en tant qu'il a condamné la société Avis Location de Voitures au versement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et au versement d'une indemnité d'un montant égal à l'indemnité compensatrice de préavis,

- réforrmer le jugement pour le surplus,

- condamner la société Avis Location de Voitures au paiement des sommes suivantes réévaluées :

' Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L.1235-3-1 du Code du travail : 40.000 €

' Indemnité d'un montant égal à l'indemnité compensatrice de préavis (article L. 1226-14 et art. 2.12 CCN) : 4.998, 90 €

- ordonner à la société Avis Location de Voitures la remise d'une attestation Pôle emploi conforme,

- condamner l'employeur au paiement de la somme de 1.500 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel ainsi qu'aux entiers dépens, à l'intérêt au taux légal et capitalisation des intérêts.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 5 mars 2024,

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites susvisées.

A l'issue de l'audience, les parties présentes ont été avisées que la décision était mise en délibéré pour être rendue le 7 juin 2024 par mise à disposition au greffe. Elles ont été informées par le greffe du prorogé de ce délibéré au 12 juillet 2024.

SUR CE :

Sur le licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement :

Aux termes de l'article L.1226-10 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 applicable au présent litige (version en vigueur du 24 septembre 2017 au 22 décembre 2017 ) :

Lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L.4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Pour l'application du présent article, le groupe est défini, lorsque le siège social de l'entreprise dominante est situé sur le territoire français, conformément au I de l'article L.2331-1 et, dans le cas contraire, comme constitué par l'ensemble des entreprises implantées sur le territoire français.

Les dispositions de l'article L.1226-2 du même code dans sa version applicable à la date du licenciement de M. [S] sont similaires s'agissant d'un salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel.

Les articles L.1226-2-1 (pour le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel) et L.1226-12 (pour la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle) disposent tous deux que l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L.1226-2 et à l'article L.1226-10 (selon), soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

En l'espèce, le conseil des prud'hommes de [Localité 3] a tout d'abord rappelé le cadre légal et rappelé ensuite que :

- l'avis des délégués du personnel ne constituait pas un blanc-seing et ne pouvait suffire pour ne pas chercher à reclasser un salarié,

- l'employeur devait mettre en oeuvre tous les moyens dont il dispose pour tenter de maintenir son salarié en activité,

- à ce titre il ne pouvait se contenter d'une simple interrogation faite à un certain nombre d'entreprises ou d'établissements membres du groupe et que la recherche devait au contraire être personnalisée et loyale, à partir d'informations précises sur : l'identité, l'âge, la situation de famille du salarié, ses compétences, son expérience professionnelle, les formations dont il a bénéficié et les tâches qui pouvaient lui être confiées,

- il appartient à l'employeur d'attendre les réponses des sociétés du groupe ou, à minima de respecter un délai raisonnable a'n de permettre à celles-ci de répondre,

Délai raisonnable de recherche aussi pour la société ou l'établissement interrogé, la réponse trop rapide pouvant caractériser un manque de loyauté dans cette recherche,

- enfin, les recherches devaient se poursuivrejusqu'à la rupture du contrat de travail.

Puis il a constaté qu'en l'espèce, la société Avis Location de Voitures produisait seulement, comme preuve de sa bonne foi quant à l'accomplissement de son obligation de recherche loyale et personnalisée de reclassement :

- 6 mails de réponses négatives, mails libellés de manière quasi identique,

- Interrogation des entités faite le 27 octobre 2017 à 11H55, à laquelle le siège social avait répondu le mêmejour à 14H14,

- un curriculum vitae du salarié, extrêmement succinct, qu'elle avait ajoint aux mails de recherches.

En revanche, il n'était fait état d'aucune proposition de formation ou réflexion sur une éventuelle formation alors même que le médecin du travail écrit 'possibilité de formation', tandis qu'aucune diligence n'avait été effectuée pour tenter de trouver une solution de reclassement de M. [S] entre le 3 novembre et le 13 décembre 2017, date du licenciement, cela pour en déduire que la société Avis Location de Voitures n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement.

Au soutien de son appel, l'employeur réitère que, suite à l'inaptitude définitive prononcée par le médecin du travail, elle avait recherché tout poste disponible au sein de l'entreprise et du groupe, correspondant aux capacités de M. [S] et aux préconisations du médecin du travail par le bais de l'e-mail du 27 octobre 2017, ayant interrogé l'ensemble des directions régionales ressources humaines afin d'identifier tout poste disponibles. Il affirme que ce courriel était extrêmement précis puisqu'il mentionnait en outre :

- le poste de M. [S],

- son ancienneté,

- sa formation,

- son expérience professionnelle et parcours chez Avis,

- son curriculum vitæ,

- les préconisations du médecin du travail.

Il déclare avoir ainsi sollicité la liste de l'ensemble des postes de reclassement existant au sein des différentes entités, ses recherches ayant donné lieu à des réponses précises de la part des diverses entités ayant indiqué qu'aucun poste disponible en leur sein ne correspondait aux capacités de M. [S] et aux préconisations du médecin du travail.

Cependant et comme l'objecte à juste titre M. [S], les éléments produits par l'employeur ne permettent pas de s'assurer qu'il a procédé à une recherche sincère et loyale de reclassement au sein de l'ensemble des entités du groupe, le seul mail du 15 octobre 2017 étant insuffisant à cet égard en l'absence d'information sur la qualité des personnes destinataires de son envoi, tandis qu'aucune pièce ne permet de connaître la composition du groupe, les entités qui en dépendaient et les postes disponibles ou susceptibles de l'être, y compris jusqu'au13 décembre 2017, date de la notification du licenciement.

De même, la société Avis Location de Voitures ne justifie pas avoir poursuivi ses recherches et envisagé les 'possibilités de formation' évoquées par le médecin du travail ou encore 'la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail' visées par le code du travail.

C'est par une exacte appréciation des faits et de justes motifs que la cour adopte, que le conseil de prud'hommes a considéré que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières du licenciement :

- M. [S] a soutenu devant le conseil des prud'hommes qu'ayant fait l'objet d'un licenciement consécutif à une inaptitude d'origine professionnelle, il peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L.1234'5 du code du travail ainsi qu'une indemnité spéciale de licenciement qui est égal au double de l'indemnité de licenciement prévue par l'article L.1234'9.

Il demande à voir confirmer le jugement qui lui a accordé 6.881,32 € à titre d'indemnité spéciale de licenciement et sur le principe de la condamnation de la société Avis Location de Voitures à lui payer une indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis, dont il demande à voir majorer le montant à la somme de 4.998, 90 € compte tenu de sa qualité de travailleur handicapé reconnue depuis le 18 avril 2012 l'autorisant à se prévaloir également des dispositions de l'article L.5213'9 du code du travail (et d'un préavis d'une durée au moins égale à trois mois).

De son côté, la société Avis Location de Voitures conclut à l'infirmation du jugement de ces chefs en faisant valoir que le licenciement de M. [S] était fondé sur une inaptitude d'origine non professionnelle de sorte qu'il n'avait pas droit à ces indemnités.

La cour rappelle que, pour bénéficier des règles protectrice applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, le salarié doit démontrer que son inaptitude a au moins partiellement pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

Or, en l'espèce, M. [S] n'établit pas l'existence d'un lien entre son inaptitude physique constatée le 5 octobre 2017 (« Inapte à son poste après étude de poste et des conditions de travail. Envisager une mutation à poste sans port de charge, sans flexion des genoux ni position accroupie et sans convoyage de voitures. Possibilité de formation ») et l'accident du travail dont il avait été victime le 28 octobre 2009, le simple rappel de ce qu'il avait à l'époque subi une entorse du genou étant insuffisant à établir ce lien nonobstant le fait qu'il avait été consolidé le 13 janvier 2013 par un médecin ayant constaté ceci :'genou instable et limité en fonctionnel'.

M. [S] avait en effet ultérieurement (lors de la visite de reprise du 19 mai 2014) été déclaré apte à la reprise de son poste dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, avec comme restriction que sa « fin de poste » ne dépasse pas 20 heures et qu'il évite la « manutention lourde, dépassant 10 kilogrammes » de sorte qu'il n'était plus question d'un quelconque problème au genou.

De même lors de la visite périodique du 21 mai 2015, à l'issue de laquelle le médecin du travail a confirmé qu'il était apte à exercer ses missions à mi-temps malgré la reconnaissance de son invalidité de catégorie 1 par la caisse primaire d'assurance maladie en date du 8 avril 2015.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la société Avis Location de Voitures à payer à M. [S] une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi qu'une indemnité spéciale de licenciement uniquement dû dans le cadre de licenciement pour inaptitude physique d'origine professionnelle, et le salarié sera débouté de ses prétentions de ces chefs.

- Selon l'article L.1235-3 dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 - applicable aux licenciements prononcés après le 23 septembre 2017 -, si le licenciement survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié, en l'absence de réintégration, une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est compris entre le montants minimaux et maximaux fixés dans un tableau - le barême dit 'Macron' - indiquant 3 mois au minimum et 11 mois au maximum pour une ancienneté dans l'entreprise de 12 ans retenue par le conseil des prud'hommes de [Localité 3] et ne faisant l'objet d'aucune contestation de la part de l'employeur en dépit de périodes de suspension du contrat de travail atteignant 4 ans compte tenu de ses arrêts pour accident de travail, puis pour congé sabbatique.

Sur cette base, le conseil a accordé à M. [S] une indemnité de 18.329,30 € correspondant à 11 mois de salaire en retenant celui qui était versé au salarié avant son passage en mi-temps thérapeutique (1.666,33 €) et qui a justement été retenu comme salaire de référence.

La Cour de cassation vient en effet de juger qu'il résulte de la combinaison de l'article L.1132-1 du code du travail, interdisant toute mesure discriminatoire directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, en raison notamment de son état de santé, ainsi que des articles L.1234-5, L.1235-3, L.1234-9 et R.1234-4 du code du travail, que :

'lorsque le salarié en raison de son état de santé travaille selon un temps partiel thérapeutique lorsqu'il est licencié, le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est le salaire perçu par le salarié antérieurement au temps partiel thérapeutique et à l'arrêt de travail pour maladie l'ayant, le cas échéant, précédé et que l'assiette de calcul de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celle des douze ou des trois derniers mois précédant le temps partiel thérapeutique et l'arrêt de travail pour maladie l'ayant, le cas échéant, précédé' (Soc., 12 juin 2024, pourvoi n° 23-13.975, commenté notamment au Dalloz Actualité, édition du 19 juin 2024)

La société Avis Location de Voitures ne peut donc faire référence comme elle le fait au salaire perçu en dernier lieu par le salarié dans le cadre de son mi-temps thérapeutique (833,15 €).

Compte tenu des circonstances de la rupture et de ses conséquences à la fois financières et morales, la cour estime que le jugement mérite confirmation sur le quantum de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse allouée.

Le jugement rendu sera donc confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes :

L'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse produit des intérêts aux taux légal, mais seulement à compter et dans la proportion de la décision qui l'a prononcée, à savoir le jugement.

Le jugement qui a fait courir les intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2018 sera donc réformé et il sera dit que l'indemnité en cause est majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement.

La capitalisation des intérêts est de droit conformément à l'article 1343-2 nouveau du code civil (ancien 1154 du code civil), pourvu qu'il s'agisse d'intérêts dûs au moins pour une année entière, et le jugement sera donc confirmé de ce chef ainsi que sur la remise d'une attestation Pôle Emploi rectifiée.

Partie en partie perdante, la société Avis Location de Voitures supportera les dépens d'appel et sera condamnée à payer à M. [S] une indemnité de 1500 € au titre des frais par lui exposés dans le cadre de la présente procédure en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe et dans les limites de sa saisine :

- Confirme le jugement rendu le 17 décembre 2019 par le conseil des prud'hommes de [Localité 3] en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [W] [S] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a condamné la société Avis Location de Voitures à payer à ce salarié une indemnité de 18.329,30 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse majorée des intérêts aux taux légal avec capitalisation et ordonné à l'employeur la remise d'une attestation Pôle Emploi conforme, ainsi qu'en ses dispositions sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;

- Infirme le jugement entrepris pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

- Dit que l'intérêt au taux légal court à compter du prononcé du jugement ;

- Déboute M. [W] [S] de ses autres demandes ;

- Condamner la société Avis Location de Voitures à payer à M. [W] [S] une indemnité de 1.500 € en cause d'appel au titre de l'article 700 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- La condamne également aux dépens d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-2
Numéro d'arrêt : 20/00817
Date de la décision : 12/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-12;20.00817 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award