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12/07/2024 | FRANCE | N°20/00747

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 12 juillet 2024, 20/00747


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2



ARRÊT AU FOND

DU 12 JUILLET 2024



N° 2024/130













Rôle N° RG 20/00747 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFONF







Association CGEA

[L] [K]





C/



[J] [O]















Copie exécutoire délivrée

le : 12 Juillet 2024

à :



Me Christine SOUCHE-MARTINEZ, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Denis FERRE de

la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 26 Novembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 17/00724...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 12 JUILLET 2024

N° 2024/130

Rôle N° RG 20/00747 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFONF

Association CGEA

[L] [K]

C/

[J] [O]

Copie exécutoire délivrée

le : 12 Juillet 2024

à :

Me Christine SOUCHE-MARTINEZ, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Denis FERRE de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 26 Novembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 17/00724.

APPELANTS

Association CGEA, demeurant [Adresse 3]

non représentée

Maître [L] [K] Mandataire judiciaire à la liquidation de la SASU SOCIETE D'ENTRAINEMENT [S] [N] sis [Adresse 4], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Christine SOUCHE-MARTINEZ de la SCP MASSILIA SOCIAL CODE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [J] [O], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Denis FERRE de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre suppléante, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre suppléante

Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Juin 2024, délibéré prorogé au 12 Juillet 2024

ARRÊT

Contradictoire à signifier,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Juillet 2024

Signé par Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre suppléante et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Mme [J] [O] a été engagée le 3 septembre 2013 en qualité de cavalière d'entrainement par la société d'entrainement [S] [N] dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

Le 22 novembre 2014, elle a été victime d'un accident du travail consécutif à une chute de cheval qui lui a notamment occasionné une entorse cervicale.

Elle a été placée en arrêt de travail du 22 novembre 2014 au 3 avril 2016, date fixée par la MSA PACA pour la consolidation de son état de santé.

Dès le 6 avril 2016, elle a cependant fait l'objet d'un certificat médical de rechute d'accident du travail justifiant un nouvel arrêt de travail.

La MSA ayant refusé le 7 juin 2016 de reconnaître la pathologie ainsi déclarée le 6 avril 2016 comme une rechute de l'accident du travail du 22 novembre 2014, Mme [Y] a contesté cette décision et sollicité l'organisation d'une expertise médicale mais, par courrier en date du 18 octobre 2016, l'organisme a confirmé son refus de prise en charge de la rechute d'accident du travail.

La salariée a alors saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale le 16 décembre 2016 d'un recours en contestation contre cette décision.

Entre-temps, Mme [Y] dont l'arrêt de travail avait été prolongé, a fait l'objet d'un examen de pré-reprise auprès de la médecine du travail le 4 novembre 2016 puis d'un examen médical de reprise le 22 novembre 2016 à l'issue duquel le médecin du travail a émis l'avis suivant :

« A la suite de la visite de pré-reprise du 4 novembre 2016, considérée comme 1ère visite de reprise, et l'étude de poste du 18 novembre 2016.

Inapte à son poste individuel, mais apte à un poste de garçon de cours ou à un poste administratif.

Pas de monte à cheval ».

Le 21 février 2017, la société d'entraînement [S] [N] a convoqué Mme [O] à un entretien préalable à éventuel licenciement fixé au 1er mars suivant.

Elle l'a licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement par le biais d'une lettre en date du 8 mars 2017.

Par un courrier en date du 7 avril 2017, elle a ensuite rejeté sa demande de paiement d'une indemnité spéciale de licenciement et d'une indemnité compensatrice de préavis, en invoquant le refus de prise en charge de la rechute d'accident du travail de la MSA.

C'est dans ce contexte que le 5 octobre 2017, Mme [O] a saisi le conseil des prud'hommes d'Aix-en-Provence pour obtenir le paiement d'un rappel d'indemnité spéciale de licenciement et une indemnité compensatrice de préavis.

Par jugement du 27 novembre 2018, le conseil a sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale qui, accueillant la contestation de Mme [O], a reconnu le caractère professionnel de l'arrêt de travail du 6 avril 2016 comme une rechute de l'accident du travail du 22 novembre 2014.

Vu le jugement en date du 26 novembre 2019 par lequel le conseil des prud'hommes a :

- dit que l'inaptitude de Mme [O] a une origine professionnelle,

- dit que la société d'entrainement [S] [N] en avait connaissance,

- condamné l'employeur à payer à la salariée :

- 2.545,40 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 254,54 € au titre des congés payés afférents

- 813,60 € à titre de rappel d'indemnité spéciale de licenciement,

- 1.180 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit,

- débouté l'employeur de sa demande à ce dernier titre et condamné ce dernier aux dépens,

Vu la déclaration d'appel de la société d'entrainement [S] [N] en date du 16 janvier 2020,

Vu le jugement du 6 mai 2021 du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence ayant placé la société d'entraînement [S] [N] en liquidation judiciaire et désigné Me [L] [K] de la société les Mandataires en qualité de liquidateur,

Vu les assignations en intervention forcée délivrées à l'initiative de Mme [O], intimée, les 3 et 4 octobre 2022 à ce liquidateur et à l'AGS - CGEA de [Localité 5],

Vu les conclusions prises par voie électronique le 31 octobre 2022 pour le compte du liquidateur de la société d'entraînement [S] [N], qui demande en substance à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ces dispositions,

- débouter Mme [O] de l'intégralité de ses demandes après avoir jugé que la société d'entraînement [S] [N] n'avait pas connaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude de cette salariée,

- condamner cette dernière au paiement de la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 19 décembre 2022 pour Mme [O], aux fins de voir :

- confirmer intégralement le jugement entrepris, sous réserve d'inscrire les condamnations prononcées en première instance au passif de la société placée entre-temps en liquidation judiciaire,

Vu l'absence de constitution d'avocat pour le compte de l'AGS, pourtant assignée par un acte délivré à personne habilitée au sein du CGEA de [Localité 5] le 4 octobre 2022,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 5 mars 2024,

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites susvisées.

A l'issue de l'audience, les parties présentes ont été avisées que la décision était mise en délibéré pour être rendue le 7 juin 2024 par mise à disposition au greffe. Elles ont été informées par le greffe du prorogé de ce délibéré au 12 juillet 2024.

SUR CE :

L'AGS a régulièrement été assignée par un acte remis à personne habilitée et remplissant les conditions de l'article 654 du code de procédure civile, car assimilé à une signification à personne.

L'organisme de garantie des salaires n'ayant pas constitué avocat, il sera statué par arrêt contradictoire à signifier conformément aux dispositions de l'article 473 du même code.

Sur le fond, Mme [O] ne conteste pas le bien fondé de son licenciement.

Elle a simplement réclamé le paiement d'un rappel d'indemnité spécifique de licenciement et d'une indemnité compensatrice de préavis nonobstant son inaptitude physique lui interdisant d'accomplir sa prestation de travail en faisant valoir, en substance, que les règles spécifiques applicables aux salariés inaptes, victimes d'accident du travail, peuvent être mises en oeuvre dès lors que - quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée et peu important que la caisse primaire d'assurance maladie ait reconnu ou non le lien de causalité avec l'accident - l'inaptitude du salarié a au moins partiellement pour origine cet accident et que l'employeur a connaissance de cette origine professionnelle à la date du licenciement.

Pour accueillir ses prétentions, le conseil des prud'hommes a constaté que :

- à compter du 6 avril 2016, le médecin traitant de Mme [O] lui avait prescrit des arrêts de travail en raison d'une rechute de son accident du travail du 22 novembre 2014,

- que le médecin du travail avait coché la case "accident de travail" sur 1'avis d'inaptitude du 22 novembre 2016,

- que la société d'entraînement [S] [N] avait été destinataire des avis et certificats médicaux et ne pouvait donc valablement prétendre qu'elle ignorait que l'inaptitude de la salariée avait, au moins partiellement, pour origine l'accident du travail du 22 novembre 2014,

- que les diagnostics du médecin traitant et du médecin du travail avaient été confirmés par l'expertise diligentée par le Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale.

Au soutien de son appel, le représentant de l'employeur fait valoir que :

- si l'application de ces règles n'est effectivement pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse du caractère professionnel de l'arrêt de travail en cause, lorsque - à l'inverse - l'employeur n'a pas connaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude ou encore lorsque l'organisme de sécurité sociale a expressément refusé de reconnaître le caractère professionnel de telle ou telle lésion, le salarié ne peut plus venir invoquer aucune violation du régime lié à l'inaptitude professionnelle,

- c'est à la date de la rupture du contrat de travail qu'il convient de se placer pour apprécier si l'employeur pouvait avoir ou non connaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude au travail du salarié et lorsqu'à la date du licenciement, l'employeur a connaissance de la seule décision de refus de prise en charge de la CPAM ou de la MSA et qu'il n'est pas démontré qu'il avait connaissance du recours susceptible d'avoir été contre cette décision par le salarié, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir appliqué les règles spécifiques à l'inaptitude professionnelle,

- en l'espèce, à la date du licenciement, l'employeur avait été informé de la décision de la MSA en date du 7 juin 2016 de refuser la prise en charge du nouvel arrêt de travail au titre de la législation sur les accidents du travail et de la confirmation de cette décision par une nouvelle décision en date du 18 octobre 2016 après mise en oeuvre d'une expertise (non contradictoire à son égard, faute d'en avoir été informée),

- Mme [O] ne justifie pas l'avoir informée avant la date de la rupture du fait qu'elle avait saisi le TASS des Bouches-du-Rhône,

- les mentions apparaissant sur la lettre de licenciement et l'attestation destinée au Pôle Emploi résultent d'une simple erreur et ne constituent aucun engagement de sa part,

- le fait de cocher 'visite de reprise AT' sur l'avis d'inaptitude renseigne uniquement sur l'origine de la visite et non sur celle de l'inaptitude,

- la décision prise par la juridiction de sécurité sociale ne lui est pas opposable puisqu'elle est demeurée étrangère à cette instance.

Cependant, Mme [O] justifie que l'employeur s'était lui-même placé sur le terrain d'une inaptitude d'origine professionnelle puisque :

- la lettre de licenciement mentionne expressément que « conformément aux dispositions de l'article L1226-14 du code du travail, vous bénéficiez d'une indemnité compensatrice correspondant à l'indemnité légale de préavis, soit deux mois, mais que le versement de cette indemnité n'aura pas pour effet de reporter la date de fin de contrat qui correspondra donc à la date de notification du licenciement »,

- l'attestation Pôle Emploi indique comme motif de la rupture du contrat de travail : « licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle ».

Dans ces conditions, le représentant de l'employeur ne peut utilement affirmer qu'il se serait agi d'une simple erreur matérielle.

Par ailleurs, l'arrêt de travail du 6 avril 2016 a été prescrit sur un certificat initial visant un accident du travail, le médecin traitant de la salariée ayant considéré que les symptômes présentés (nouveau malaise et vertiges alors qu'elle était remonté à cheval) étaient la conséquence de sa reprise du travail ayant entraîné une aggravation de son état de santé et la rechute litigieuse.

Enfin, la salariée affirme sans être contredite que son malaise et les vertiges étaient survenus en présence de M. [S] [N], le gérant de la société d'entraînement, lequel lui avait demandé d'arrêter de travailler, et qu'ils avaient nécessité qu'elle reste près de 3 heures chez un collègue qui demeurait sur place.

Il s'en déduit que le représentant de la société d'entraînement ne pouvait ignorer l'origine professionnelle de la rechute nonobstant le fait que cette société n'ait pas été appelée à participer à l'instance devant le tribunal des affaires de sécurité sociale qui a conduit à la reconnaissance d'une relation directe entre la pathologie à l'origine de l'arrêt du travail du 6 avril 2016 et le traumatisme initial du 22 novembre 2014.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions, sauf à préciser que la créance composée des condamnations prononcées en première instance est fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société d'entraînement [S] [N] prononcée entre-temps (le 6 mai 2021).

Le présent arrêt est opposable à l'AGS CGEA de [Localité 5] dans les limites de sa garantie en application des articles L.3253-6 et suivants et D.3253-5 du code du travail du code du travail.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire à signifier et mis à la disposition des parties au greffe :

- Confirme le jugement rendu le 26 novembre 2019 par le conseil des prud'hommes d'Aix-en-Provence sauf à préciser que les condamnations prononcées composent une créance fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société d'entraînement [S] [N] prononcée le 6 mai 2021 ;

Y ajoutant,

- Rappelle que la garantie de l'AGS représentée par le CGEA de [Localité 5] est plafonnée dans les conditions de l'article D.3253-5 du code du travail du code du travail ;

- Dit que les dépens seront pris en frais privilégiés de la liquidation de la société d'entraînement [S] [N] représentée par le mandataire liquidateur.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-2
Numéro d'arrêt : 20/00747
Date de la décision : 12/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-12;20.00747 ?
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