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11/07/2024 | FRANCE | N°24/05514

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-2, 11 juillet 2024, 24/05514


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2



ARRÊT

DU 11 JUILLET 2024



N°2024/473













Rôle N° RG 24/05514 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BM6NM







[M] [Z]

[R] [C] épouse [Z]





C/



[L] [F]

[P] [I]





































Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la

SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON



Me Pauline BOUGI





Décision déférée à la Cour :



Ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 12 Avril 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 24/01684.





APPELANTS



Monsieur [M] [Z]

né le 01 juin 1980 à [Localité 8], demeu...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 11 JUILLET 2024

N°2024/473

Rôle N° RG 24/05514 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BM6NM

[M] [Z]

[R] [C] épouse [Z]

C/

[L] [F]

[P] [I]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON

Me Pauline BOUGI

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 12 Avril 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 24/01684.

APPELANTS

Monsieur [M] [Z]

né le 01 juin 1980 à [Localité 8], demeurant [Adresse 4]

Madame [R] [C] épouse [Z]

née le 19 septembre 1982 à [Localité 8], demeurant [Adresse 4]

représentéespar Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

et assistés de Me Carine MOUILLAC, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [L] [F]

né le 16 juin 1992 ,

demeurant [Adresse 5]

Madame [P] [I]

née le 14 février 1994,

demeurant [Adresse 5]

représentés par Me Pauline BOUGI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

et assistés de Me Marina COLLIN de la SELARL ANDREANI - HUMBERT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Juillet 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Gilles PACAUD, Président, et Mme Sophie LEYDIER, Conseillère, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Gilles PACAUD, Président rapporteur

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Mme Florence PERRAUT, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Juillet 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Juillet 2024.

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Caroline VAN-HULST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [M] [Z] et son épouse, madame [R] [C], sont propriétaires d'un bien immobilier situé parcelle section HB n°[Cadastre 1] sise [Adresse 4] à [Localité 7], sur laquelle est édifiée une maison d'habitation.

Selon leur titre et plan de division qui y est annexé, ils bénéficient d'une servitude de passage souterrain d'eaux usées passant en tréfonds de la parcelle limitrophe, HB n° [Cadastre 2], fonds servant.

Par acte notarié du 10 mars 2023, monsieur [F] et madame [I] ont fait l'acquisition d'un terrain limitrophe, cadastré section HB n°[Cadastre 2].

Par un arrêté n° PC 013 002 23 C0051 du 5 septembre 2023, modifié le 22 février 2024, le maire de la commune d'[Localité 7] a délivré à Mme [P] [I] un permis de démolir un studio et de construire une maison individuelle, sur le terrain cadastré HB [Cadastre 2] et HB [Cadastre 3], sis [Adresse 4].

Après qu'un recours gracieux, formé le 6 novembre 2023 par les époux [A], propriétaires de la parcelle HB n° [Cadastre 6], s'est heurté au silence de l'administration, M. [A], Mme [K] épouse [A], M. [Z] et Mme [C] épouse [Z] ont saisi le tribunal administratif de Marseille d'un recours pour excès de pouvoir visant à l'annulation des arrêtés des 5 septembre 2023 et 22 février 2024 ainsi que de la décision implicite de rejet de leurs recours gracieux.

Les travaux de démolition ont commencé le 5 mars 2024 et, le 12 mars suivant, les époux [Z] et [A] ont fait constater par commissaire de justice la présence d'une fouille et d'une canalisation éventrée ainsi que de canalisations PVC de plus petite section brisées.

Après que, par courrier en date du 12 mars 2024, leur avocat a vainement mis en demeure Mme [I] de le faire, les époux [Z] ont, sur autorisation présidentielle, fait assigner M. [L] [F] et Mme [P] [I], devant le président du tribunal judiciaire de Marseille, statuant en référé d'heure à heure, aux fins, au principal de les entendre condamner à cesser immédiatement tous travaux de terrassement sur l'emprise de la servitude, cesser d'y stationner et faire circuler des engins de chantier et rétablir la canalisation d'eaux usées.

Par ordonnance contradictoire, en date du 12 avril 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Marseille a :

- débouté Mme [P] [I] et M. [L] [F] de leur exception d'irrecevabilité tirée de la fin de non-recevoir prévue par l'article 750-l du code de procédure civile ;

- débouté M. [M] [Z] et Mme [R] [C] de leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamné M. [M] [Z] et Mme [R] [C] à verser à Mme [P] [I] et M. [L] [F] la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [M] [Z] et Mme [R] [C] aux dépens.

Il a notamment considéré :

- sur la fin de non-recevoir tirée de l'article 750-1 du code de procédure civile, que l'urgence justifiait que les demandeurs n'aient pas eu recours aux modes de résolution des différends, préalablement à la délivrance de l'assignation ;

- que les époux [Z] échouaient à rapporter la preuve des désordres allégués.

Selon déclaration reçue au greffe le 26 avril 2024, les époux [Z] ont interjeté appel de cette décision, l'appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises.

Le 6 mai suivant, il ont été autorisés à assigner M. [F] et Mme [I], à jour fixe, pour l'audience du 2 juillet 2024.

Par dernières conclusions transmises le 24 juin 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, ils sollicitent de la cour qu'elle réforme l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau :

- condamne M. [F] et Mme [I] :

' à cesser immédiatement tous travaux et toute construction sur l'emprise de la servitude de canalisation due à leur fonds sur la parcelle section HB n°[Cadastre 2], telle qu'elle figure dans leur acte notarié sous la dénomination servitude S 6 ;

' à cesser immédiatement de stationner et de faire circuler des engins de chantier sur l'emprise de cette servitude ;

' à rétablir la canalisation des eaux usées à l'emplacement prévu pour la servitude S 6,

' à leur verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

' aux entiers dépens.

- déboute M. [F] et Mme [I] de toutes leurs demandes.

Par dernières conclusions transmises le 27 juin 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [F] et Mme [I] sollicitent de la cour qu'elle infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle les a déboutés de leur exception d'irrecevabilité tirée de la fin de non-recevoir prévue par l'article 750-1 du code de procédure, la confirme pour le surplus et, statuant à nouveau :

- déclare irrecevables les demandes des époux [Z] à défaut de tentative de règlement amiable du litige ;

- déclare irrecevable le rapport d'expertise de M. [B] et, en conséquence, l'écarte des débats ;

- déboute les époux [Z] de l'intégralité de leurs demandes ;

- condamne in solidum M. [M] [Z] et Mme [R] [C] à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne in solidum M. [M] [Z] et Mme [R] [C] aux dépens distraits au profit de Maître Pauline BOUGI, avocat aux offres de droit.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la fin de non-recevoir tirée du non respect des dispositions de l'article 750-1 du code de procédure civile

L'article 750-1 alinéa 1 du code de procédure civile dispose : En application de l'article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, à peine d'irrecevabilité que le juge peut prononcer d'office, la demande en justice est précédée, au choix des parties, d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d'une tentative de médiation ou d'une tentative de procédure participative, lorsqu'elle tend au paiement d'une somme n'excédant pas 5 000 euros ou lorsqu'elle est relative à l'une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l'organisation judiciaire ou à un trouble anormal de voisinage.

Le paragraphe 3 du second alinéa du même texte précise que les parties sont dispensées de l'obligation mentionnée au premier alinéa si l'absence de recours à l'un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime tenant soit à l'urgence manifeste, soit aux circonstances de l'espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu'une décision soit rendue non contradictoirement, soit à l'indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l'organisation de la première réunion de conciliation dans un délai supérieur à trois mois à compter de la saisine d'un conciliateur ; le demandeur justifie par tout moyen de la saisine et de ses suites.

En l'espèce, la demande des époux [Z] ne tend pas au paiement d'une somme d'argent inférieure à 5 000 euros. Elle n'est, par ailleurs, relative ni à l'une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l'organisation judiciaire ni à un trouble anormal de voisinage. Elle tend seulement à faire cesser un trouble manifestement illicite né d'une atteinte alléguée à un droit réel, à savoir une servitude de tréfonds.

Elle est, en outre, motivée par l'urgence dès lors que les époux [Z] soutiennent que la canalisation d'évacuation des eaux usées de leur maison d'habitation a été endommagée par les travaux réalisés sur ladite servitude.

Au demeurant, le président du tribunal judiciaire de Marseille a admis l'urgence de la situation puisqu'il a autorisé ces derniers à assigner à jour fixe, autorisation qui a ensuite été réitérée, en cause d'appel, par le président de la chambre de céans.

C'est donc par des motifs pertinents que le premier juge a rejeté la fin de non-recevoir tirée du non respect des dispositions de l'article précité.

L'ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef.

Sur la recevabilité du rapport de M. [B]

Se fondant sur le principe de la loyauté et licéité de preuves ainsi que sur l'article 9 du code civil, Mme [I] et M. [F] demandent à la cour d'écarter des débats le rapport d'expertise amiable rédigé par M. [J] [B], le 19 avril 2024, au motif que cet homme de l'art se serait introduit, sans leur autorisation, dans leur propriété afin d'y réaliser ses constats et prendre des photographies.

Dès le début du paragraphe 10 de son rapport, intitulé 'Constat détaillé de la visite', ce dernier précise pourtant bien qu'il a réalisé toutes ses opérations et prises de vue, depuis la propriété de M. [Z]. C'est, toujours, selon ses dires, depuis le balcon de la maison de son commettant qu'il a constaté l'écoulement des eaux usées sur la propriété [I]/[F] après avoir ouvert les robinets et actionné les chasses d'eau de l'habitation des appelants.

M. [B] a en outre confirmé ses écrits par un courriel du 19 juin 2024 dans lequel il a pris soin de préciser que la photographie en gros plan de l'écoulement des eaux usées, figurant en page 9 de son rapport et reprise en page 8 des conclusions des appelants, a été réalisée à l'aide d'un zoom.

De leur côté, les intimés échouent à rapporter la preuve du caractère inexact et/ou mensonger de ces allégations, le seul fait que la zone photographiée se situe à 12 mètres de l'habitation des voisins et un niveau et demi en dessous étant insuffisant à les disqualifier.

Ces photographies d'un chantier, réalisées depuis la propriété des époux [Z], ne portent nullement atteinte à l'intimité de la vie privée des intimés. Elles constituent en outre, pour les appelants, l'unique moyen de prouver le trouble manifestement illicite allégué et conséquemment de faire respecter leurs droits par voie de justice.

Il convient enfin de souligner qu'un rapport d'expertise amiable ne doit pas être écarté des débats du seul fait qu'il n'est pas contradictoire. L'absence de contradiction atténue néanmoins sa valeur probante, en sorte qu'il ne peut être retenu, comme élément de preuve, que si ses constats sont corroborés par d'autres éléments du dossier.

Il n'y a donc lieu d'écarter, a priori, des débats le rapport d'expertise de M. [B].

Sur le trouble manifestement illicite

Aux termes de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite visé par ce texte désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Pour en apprécier la réalité, la cour d'appel, statuant en référé, doit se placer au jour où le premier juge a rendu sa décision et non au jour où elle statue.

Il résulte du titre des époux [Z], soit l'acte authentique de vente qu'ils ont signé avec les consorts [Y] le 19 septembre 2019 en l'étude de Maître [V], notaire à [Localité 8], que la parcelle HB n° [Cadastre 2] est grevée d'une servitude souterraine d'eaux usées ..., réelle et perpétuelle, au profit de la parcelle HB n° [Cadastre 1].

Cette servitude, avec d'autres, est par ailleurs rappelée en page 13 du titre de propriété de M. [F] et Mme [I], soit l'acte authentique de vente qu'ils sont signé avec les consorts [Y] (vendeurs) le 10 mars 2023, en l'étude de Maître [U], notaire à [Localité 8].

C'est donc en toute connaissance de cause que les intimés ont acquis la parcelle HB n° [Cadastre 2], dont le droit à bâtir était susceptible d'être entravé et/ou compliqué par lesdites servitudes en sorte qu'ils ne peuvent raisonnablement soutenir que le respect de celles-ci, tel que poursuivi par les appelants, diminuerait la valeur de leur fonds. Le prix payé en a, en effet, nécessairement tenu compte.

Il doit être souligné que c'est, sous réserve des droits des tiers, que l'autorité administrative compétente délivre un permis de construire. Celui que M. [F] et Mme [I] ont obtenu, le 5 septembre 2023, et qui a été modifié le 22 février 2024, ne saurait dès lors constituer une autorisation quelconque de porter atteinte à la servitude de tréfonds dont bénéficient le ou les fonds voisins.

Il convient par ailleurs de rappeler qu'une servitude constitue une charge réelle, en sorte que toute atteinte qui y est portée est, en elle-même et indépendamment de toute notion de grief, constitutive d'une voie de fait et donc d'un trouble manifestement illicite que le juge des référés est tenu de faire cesser. Dans cette optique, la démolition est, en principe, la seule mesure de nature à réparer la transgression d'un droit réel.

Au cas d'espèce, il résulte du procès-verbal de constat dressé le 12 mars 2024 par Maître [W], commissaire de justice à [Localité 8], que, lors des opérations d'afouillement et terrassement réalisées sur la parcelle HB n° [Cadastre 2], propriété des intimés, une canalisation en PVC de gros diamètre ainsi qu'une autre, de diamètre inférieur, ont été éventrée, pour la première, et sectionnée pour la seconde.

Le plan de division versé aux débats (tel qu'analysé par M. [B]), rapproché des photographies, en date des 10 et 23 juin 2023, du bâtiment en cours d'édification par M. [F] et Mme [I] et de leur permis de construire (dont l'extrait intégré au courrier de Maître [G] en date du 12 mars 2024), ne laisse aucun doute sur le fait que la première de ces canalisations correspond à celle évacuant les eaux usées de la maison des époux [Z], objet de la servitude précitée. Cette analyse est, en outre, corroborée par l'expérience réalisée par M. [B] qui a pu saisir le déversement et la montée en surface desdits fluides, sur la parcelle HB n° [Cadastre 2], après qu'il a ouvert les robinets et actionné les chasses d'eau de l'habitation de ses commettants.

Contrairement à ce qu'ils soutiennent, les intimés ont donc bien dégradé la canalisation objet de la servitude de tréfonds dont leur fonds est grevé. Le rapport de la société Ortec qu'ils versent aux débats échoue à démontrer le contraire puisqu'il n'est nullement établi que la canalisation décrite et inspectée correspond à celle figurant sur le tracé originel. La présence de regards, énumérés sur 'schéma de la conduite' et photographiés, pour l'un, en page 7 de ce document permet, au contraire, de conclure, à l'instar de M. [B], que le réseau a été dévoyé, c'est à dire détourné sans l'autorisation des titulaires du droit réel de servitude d'écoulement des eaux usées.

Il n'est dès lors pas sérieusement contestable que les intimés ont volontairement entrepris leur construction avec le dessin non dissimulé de détourner, sans l'accord des appelants, la canalisation et donc la servitude d'écoulement des eaux usées dont leur fonds était grévé. Il résulte d'ailleurs de l'attestation établie, en bonne et due forme, par M. [N] [A] le 23 juin 2024, que, lors d'une discussion en date du 13 mars précédent, M. [L] [F] ne s'en est pas caché et n'a pas hésité à ajouter, très sûr de lui et de son bon droit, qu'il faisait ce qu'il voulait sur son terrain et qu'il avait parfaitement le droit de détourner la servitude de canalisation de (ses) voisins, les [Z].

Il est par ailleurs quelque peu étonnant que, malgré la lettre recommandée avec demande d'avis de réception de mise en demeure, particulièrement documentée et explicite que Maître [G] leur a adressé, le 12 mars 2024, M. [F] et Mme [I] n'aient pas jugé utile de se rapprocher des appelants pour trouver une solution technique concertée leur permettant de réaliser leur projet dans le respect des droits réels de ces derniers, quitte à sécuriser la canalisation en la laissant sous leur construction, mais qu'ils aient, au contraire, décidé d'accélérer leur projet nonobstant les recours administratif et judiciaire engagés à leur encontre, comme en attestent par les photographies en date des 10 et 23 juin 2023 intégrées aux conclusions (pages 5 et 6) des appelants.

Ils sont donc pour le moins mal inspirés de venir se prévaloir des dispositions de l'article 701 alinéa 3 du code civil, qu'il leur appartenait de respecter dans une démarche préalable de conciliation.

Il résulte donc de l'ensemble de ces éléments que le trouble manifestement illicite est constitué par l'atteinte ainsi délibérément portée par M. [F] et Mme [I] au droit réel de servitude dont leur fonds est grevé au profit de la parcelle HB n° [Cadastre 1].

Il convient dès lors d'infirmer l'ordonnance entreprise et de condamner solidairement M. [L] [F] et Mme [P] [I] à :

- cesser tous travaux et toute construction sur l'emprise de la servitude de canalisation due au fonds de époux [Z], sur leur parcelle section HB n°[Cadastre 2], telle qu'elle figure dans leur acte notarié sous la dénomination servitude S6 et ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt et pendant un délai de 15 mois ;

- rétablir la canalisation des eaux usées à l'emplacement prévu pour la servitude S6 et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, passé un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, ladite astreinte courant pendant un délai de 15 mois.

Il n'y a pas lieu, en revanche, d'interdire la circulation et le stationement de véhicules et engins en surface de l'assiette de ladite servitude de tréfonds, ceux-ci n'étant pas, a priori, de nature à porter atteinte à une canalisation enfouie dans le respect des règles de l'art.

L'ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté les époux [Z] de leur demande formulée de ce chef.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il convient d'infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle condamné M. [M] [Z] et Mme [R] [C] épouse [Z] aux dépens et verser à Mme [P] [I] et M. [L] [F] la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [P] [I] et M. [L] [F], qui succombent au litige, seront déboutés de leur demande formulée sur le fondement de ce texte.

Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge des appelants les frais non compris dans les dépens, qu'ils ont exposés en première instance et appel. Il leur sera donc alloué une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [P] [I] et M. [L] [F] supporteront en outre les dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée du non respect des dispositions de l'article 750-1 du code de procédure civile ;

- débouté M. [M] [Z] et Mme [R] [C] épouse [Z] de leur demande visant à interdire la circulation et le stationement de véhicules et engins en surface de l'assiette de la servitude de tréfonds grevant la parcelle HB n° [Cadastre 2] au profit de la parcelle HB n° [Cadastre 1], dénommée S6 ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats le rapport d'expertise amiable rédigé, le 19 avril 2024, par M. [J] [B] ;

Condamne solidairement Mme [P] [I] et M. [L] [F] à :

- cesser tous travaux et toute construction sur l'emprise de la servitude d'écoulement des eaux usées due au fonds de époux [Z], sur leur parcelle section HB n°[Cadastre 2], telle qu'elle figure dans leur acte notarié sous la dénomination servitude S6 et ce, sous astreinte de 200 euros par jour à compter de la signification du présent arrêt, l'astreinte courant pendant un délai de 15 mois ;

- rétablir la canalisation des eaux usées à l'emplacement prévu pour la servitude S6 et ce, sous astreinte de 150 euros par jours de retard passé un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, ladite astreinte courant pendant un délai de 15 mois ;

Condamne solidairement Mme [P] [I] et M. [L] [F] à payer à M. [M] [Z] et Mme [R] [C] épouse [Z], ensemble, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Mme [P] [I] et M. [L] [F] de leur demande sur ce même fondement ;

Condamne in solidum Mme [P] [I] et M. [L] [F] aux dépens de première instance et d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-2
Numéro d'arrêt : 24/05514
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;24.05514 ?
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