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05/07/2024 | FRANCE | N°21/08545

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-1, 05 juillet 2024, 21/08545


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1



ARRÊT AU FOND

DU 05 JUILLET 2024



N° 2024/190







Rôle N° RG 21/08545 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHTFR







Société MEDICA FRANCE





C/



[V] [T]









Copie exécutoire délivrée le :



05 JUILLET 2024



à :



Me Yves TALLENDIER de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Stéphanie GARCIA avocat au barreau

d'AIX-EN-PROVENCE

































Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIGNE-LES-BAINS en date du 10 Mai 2021 enregistré au répertoire général sous le n° F 20/00056.





APPELANT...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 05 JUILLET 2024

N° 2024/190

Rôle N° RG 21/08545 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHTFR

Société MEDICA FRANCE

C/

[V] [T]

Copie exécutoire délivrée le :

05 JUILLET 2024

à :

Me Yves TALLENDIER de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Stéphanie GARCIA avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIGNE-LES-BAINS en date du 10 Mai 2021 enregistré au répertoire général sous le n° F 20/00056.

APPELANTE

La Société MEDICA FRANCE, dont le siège social est situé [Adresse 2] à [Localité 5], prise en son établissement secondaire [4] sis [Adresse 6] à [Localité 3]

représentée par Me Yves TALLENDIER de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Manon YTIER LONG, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [V] [T], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Stéphanie GARCIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseillère

Mme Emmanuelle CASINI, Conseillère

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2024

Signé par Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

L'établissement [4] est un établissement secondaire de la société Médica France.

Il applique à son personnel la convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002.

Il a engagé Mme [V] [T] dans le cadre de plusieurs contrat de travail à durée déterminée à compter du 2 février 2017, la relation s'étant poursuivie à durée indéterminée à temps complet à compter du 1er septembre 2017 en qualité de soignante concourant aux soins, employée qualifiée niveau 1, groupe A, coefficient 208 avec reprise d'ancienneté.

Elle a été élue déléguée du personnel suppléante le 24 mai 2018.

Un avertissement lui a été notifié le 17 août 2018, l'employeur lui reprochant des 'attitudes répétées peu professionnelles' ( conversations téléphoniques revêtant un caractère personnel pendant son temps de travail) et des 'comportements d'agressivité inappropriés envers les familles et sa hiérarchie.' dont la salariée a contesté par courrier le bien-fondé.

Il lui a été remis en mains propres le 19 octobre 2019 une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 28 octobre 2019 avec notification d'une mise à pied à titre conservatoire.

Le 29 octobre 2019 s'est tenue une réunion extraordinaire du comité d'établissement sanitaire à l'issue de laquelle celui-ci a émis un avis défavorable au projet de licenciement de la salariée et le 4 novembre 2019 une réunion extraordinaire du CHSCT et d'enquête sur les faits qui lui étaient reprochés.

Le 9 décembre 2019, l'inspection du travail a autorisé le licenciement de la salariée lequel lui a été notifié pour faute grave le 20 décembre 2019 dans les termes suivants:

'...Lors de cet entretien, nous vous avons exposé dans un premier temps les motifs de la mesure envisagée puis vous vous êtes expliquée sur les faits qui vous sont reprochés.

1. Comportement violent et inacceptable avec une de vos collègues

....les faits qui se sont produits le 16 octobre 2019.

En effet, nous avons eu à déplorer des agissements particulièrement graves de votre part. Ce jour là aux alentours de 18h, vous avez eu un comportement extrêmement agressif et violent envers une autre salariée de l'établissement dans la chambre d'un résident, M. [R], présent lors de la scène.

Suite à une dispute avec Mme [E] Aide médico- psychologique, sur votre prise en charge des résidents, vous avez fait un doigt d'honneur à Mme [Y] et elle vous a alors administré une gifle. Vous avez riposté et vous vous êtes battues sauvagement au sol en vous donnant des coups mutuels.

Mme [F] Aide-soignante est intervenue dans la chambre lors de votre dispute et a tenté de vous séparer pendant la bataille mais n'y est pas pervenue tellement la bagarre était violente et engagée. Elle s'est d'ailleurs blessée durant son action (avec déclaration d'accident du travail).

Vous avez continué à vous battre jusqu'à ce qu'une infirmière, Mme [R], attirée par les cris et bruits dans la chambre essaie de vous séparer.

Vous nous avez confirmé que la bagarre était violente et que deux personnes sont intervenues pour vous séparer à plusieurs reprises. Vous précisez que vous avez agi en situation de défense. Vous détaillez qu'avant l'affrontement, une première dispute avait éclaté dans le couloir de l'unité protégée avec Mme [E] Vous indiquez que vous vous êtes isolée pour vous protéger. Le degré particulièrement violent de la rixe est confirmé par la nécessité de l'interposition physique et successive de deux personnes pour être stoppée (une aide-soignante et une infirmière) et d'autre part qu'elle soit à l'origine d'accidents du travail.

2. Perte de sang-froid devant un résident et des salariés

Cette scène extrêmement violente s'est déroulée pendant votre service en tant que soignante, sur votre lieu de travail devant témoins et notamment sous les yeux du résident impuissant, M. [R], qui se trouvait dans son lit et qui a été choqué et affecté par ces agissements inqualifiables.

Nous vous rappelons que vous êtes salariée d'un établissement habilité à accueillir des personnes âgées, fragiles et dépendantes qui nécessitent une attention et un soin tout particulier de la part de notre personnel et ce avec le plus grand professionnalisme et la plus grande bienveillance, garantir en priorité leur sécurité tant physique que morale et veiller à leur bien-être et à leur confort.

Cette bagarre cause préjudice au résident qui est à considérer comme une personne vulnérable demandant une attention particulière compte tenu de son âge et qui a été témoin de toute la scène. Elle impacte aussi les salariés qui suite à cette bagarre ont fait part de leurs peurs et angoisses.

Ces agissements portent atteinte à la sécurité tant physique que morale des personnes accueillies dans notre établissement.

Comme spécifié lors de votre entretien, nous vous rappelons que votre contrat de travail stipule que vous devez respecter le règlement intérieur et celui-ci indique que tout acte contraire à la discipline est passible de sanctions. Le personnel doit faire preuve de correction dans son comportement et dans son langage vis-à-vis de ses collègues et de la hiérarchie ainsi qu'envers les personnes accueillies sous peine de sanctions. Il est nécessaire que soit observé un comportement réservé, digne en tout point et conforme aux bonnes moeurs et à l'éthique de l'établissement. Aussi vos actes violents du 16 octobre 2019 sont totalement inappropriés et non conformes à vos obligations professionnelles notamment en matière de sécurité et de mise en danger d'autrui. Votre attitude nuit gravement à la qualité de notre prise en charge ainsi qu'à notre image de marque auprès des personnes accueillies. Elle est incompatible avec les objectifs de soins et sécurité que nous devons assumer. Par ailleurs, le réglement intérieur proscrit tout comportement irascible, impatient, violent avec toute personne en relation avec l'entreprise, toute participation à une rixe, tous coups, blessures, voies de fait et toutes atteintes à la sécurité physique et morale des résidents, personnes âgées dépendantes ou patients.

Pour ces raisons et du fait de votre statut de salariée protégée, nous avons sollicité l'avis du comité d'entreprise dans le cadre d'une demande de licenciement. Après étude du dossier, le CE a prononcé le 29 octobre 2019 un avis défavorable au licenciement.

Nous avons ensuite demandé l'autorisation de licenciement auprès de l'inspection du travail.

Après enquête contradictoire, l'inspecteur du travail ayant évalué qu'il n'existait aucun lien entre la procédure et votre mandat et que la matérialité des faits était établie, a autorisé votre licenciement par courrier daté du 09 décembre 2019.

En conséquence, compte tenu de la gravité des faits, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible, y compris pendant la durée du préavis....'

Evoquant une exécution fautive du contrat de travail, contestant la légitimité de son licenciement et sollicitant la condamnation de la Société Médica France [4] à lui payer diverses sommes de nature salariale et indemnitaire, Mme [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Digne les Bains le 3 juillet 2020 lequel par jugement du 10 mai 2021 a :

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 1.967 €;

- dit qu'il n'y a pas de faute grave;

- dit que le licenciement du 20 décembre 2019 repose sur une cause réelle et sérieuse avec toute conséquence de droit;

- dit qu'il n'y a pas d'exécution fautive du contrat de travail;

- constaté la remise tardive des documents de rupture;

En conséquence,

- condamné la société [4] au paiement des sommes suivantes:

- 3.934 € à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire et 393,40 € de congés payés afférents avec intérêt de droit à compter de la saisine du conseil de prud'hommes;

- 3.934 € à titre d'indemnité de préavis et 393,40 € de congés payés afférents avec intérêt de droit à compter de la saisine du conseil de prud'hommes;

- 1.106,43 € au titre de l'indemnité légale de licenciement;

- 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- 1.967 € à titre de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de rupture;

- débouté Mme [T] de ses demandes ci-après

- à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause rélle et sérieuse

- à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire;

- prononcé l'exécution provisoire de droit en application de l'article R 1454-14 du code du travail;

- condamné la société [4] aux entiers dépens.

La SAS Médica France a relevé appel de ce jugement le 09 juin 2021par déclaration adressée au greffe par voie électronique.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives d'appelante notifiées par voie électronique le 10 janvier 2022 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens soutenus, la société Medica France prise en son établissement secondaire [4] demande à la cour de :

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave de Mme [T] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

Par conséquent :

Dire que le licenciement de Mme [T] repose sur une faute grave.

Débouter Mme [T] de l'intégralité de ses demandes,

Condamner Mme [T] au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dans le cadre de la procédure d'appel.

Par conclusions récapitulatives d'intimée et d'appelante incidente notifiées par voie électronique le 7 mai 2024 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens soutenus, Mme [T] demande à la cour de :

Vu l'appel de la société Médica France.

Le dire infondé.

Vu le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Digne les Bains le 10 mai 2021.

L'infirmer en ce qu'il a :

- dit que le licenciement présentait une cause réelle et sérieuse,

- considéré qu'il n'avait pas de caractère vexatoire,

- débouté l'intimée de sa demande pour exécution fautive de son contrat de travail.

Pour le surplus;

Confirmer l'absence de faute grave.

Confirmer le jugement entrepris pour le surplus sauf y ajoutant du chef du quantum des dommages-intérêts.

Fixer la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 1967 €.

Dire qu'il n'y a pas de faute grave.

Dire le licenciement du 20 décembre 2019 dépourvu de cause réelle et sérieuse avec toutes conséquences de droit.

Dire qu'il y a exécution fautive du contrat de travail.

Constater la remise tardive des documents de rupture.

En conséquence:

Condamner la société Médica France [4] au paiement des sommes suivantes:

- 3.934 € à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire et 393,40 € de congés payés afférents avec intérêt de droit à compter de la saisine du conseil de prud'hommes;

- 3.934 € à titre d'indemnité de préavis et 393,40 € de congés payés afférents avec intérêt de droit à compter de la saisine du conseil de prud'hommes;

- 6.228,82 € à titre d'indemnité légale de licenciement;

- 35.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse;

- 5.000 € de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire;

- 2.000 € de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail;

- 7.000 € de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de rupture;

- 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance;

- 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure.

Condamner l'appelante aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 23 mai 2024.

SUR CE

Sur la rupture du contrat de travail

Sur le licenciement

L'article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, c'est à dire pour un motif existant, exact, objectif et revêtant une certaine gravité rendant impossible, sans dommages pour l'entreprise, la continuation du contrat de travail et nécessaire le licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant d'un contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant le temps du préavis.

En application des dispositions des articles L 1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 alinéa 1 du code du travail, la reconnaissance de la faute grave entraîne la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement.

L'employeur doit rapporter la preuve de l'existence d'une telle faute et le doute profite au salarié.

La société Médica France sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave de Mme [T] en licenciement pour cause réelle et sérieuse en faisant valoir que le principe de séparation des pouvoirs s'oppose à ce que la salariée conteste le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement devant le juge judiciaire alors qu'en l'espèce elle justifie de la faute grave de celle-ci en versant aux débats des attestations de salariées présentes le 16 octobre 2019 jour où la salariée a adopté un comportement agressif et violent envers une autre salariée de l'établissement, Mme [J], avec laquelle elle s'est battue sauvagement au sol dans la chambre d'un résident à la suite d'une dispute durant laquelle Mme [T] a fait un doigt d'honneur à sa collègue qui en retour l'a giflée, que la bagarre a été très violente et a nécessité l'intervention d'une autre aide-soignante qui s'est blessée durant l'action et d'une infirmière , que s'agissant d'un échangede coups mutuels entre deux salariées durant leur service dans la chambre et en présence d'un résident en violation du réglement intérieur causant à ce dernier, personne vulnérable, un préjudice, Mme [T] qui avait déjà fait l'objet d'un avertissement le 17 août 2018 ne peut valablement se présenter comme ayant été une victime dans cette rixe, le doigt d'honneur initial lui étant imputable, les témoignages qu'elle verse aux débats dépeignant ses qualités professionnelles émanant de salariés n'ayant pas été présents le jour des faits.

Elle ajoute que la prétendue agression dont elle aurait été victime de la part de Mme [J] au mois de mars 2019, laquelle a également été licenciée pour faute grave à la suite des faits de violence du 16 octobre 2019, n'était qu'une simple mésentente verbale, les tensions s'étant apaisées les mois suivants ce qu'avaient confirmé les représentants du personnel lors de la réunion extraordinaire du CHSCT rien ne laissant selon eux présager un passage à une violence physique alors que le courrier adressé par la salarié le 7 octobre 2019 sollicitant un changement de service ne se référait aucunement à des conditions de travail difficiles avec sa collègue Mme [J], qu'enfin, Mme [T] ne peut justifier son comportement agressif par des problèmes de management au sein de l'établissement ayant attendu d'être licenciée pour contester ses conditions de travail; que le dépôt de plainte à l'encontre de Mme [J] n'est intervenu que postérieurement à la convocation à l'entretien préalable à la mise à pied de Mme [T] et qu'elle conteste par principe toutes les attestations produites par l'employeur alors qu'il s'agit de témoins directs ou indirects remettant même en cause l'enquête contradictoire menée par l'inspection du travail alors que la décision d'autorisation de licenciement émane en définitive du Ministre du travail.

Mme [T] sollicite également l'infirmation du jugement entrepris en ce que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et soutient que le conseil de prud'hommes demeure compétent pour juger de la légitimité ou de l'illégitimité du licenciement d'un salarié protégé qu'il ait ou non été autorisé, que l'inspection du travail a violé le principe du contradictoire en occultant l'identité des auteurs des témoignages rédigés à son encontre; qu'elle a été en réalité victime de cette bagarre, son agresseur étant revenu à la charge dans un contexte spécifique de dégradation du travail et de difficultés particulières et récurrentes avec une autre salariée, qu'elle a toujours été un très bon élement qui effectuait parfaitement ses fonctions ce dont ses collègues témoignent, qu'elle n'a pas le moindre antécédent en matière d'agression, ayant contesté le bien fondé de l'avertissement notifié le 17 août 2018 lequel lui a été adressé suite à une demande de rupture conventionnelle qu'elle n'a pas poursuivie; qu'elle avait été précédemment agressée en mars 2019 par la salariée Mme [J] et avait demandé à changer d'équipe ce que le cadre de santé lui avait refusé, que la direction aurait dû gérer la difficulté, qu'il y avait un problème de management, que le comité d'établissement avait donné un avis défavorable à son licenciement, que les témoignages versés aux débats émanant de salariés soumis à la subordination de l'employeur manquent d'objectivité pour faire foi alors que la Direction de l'établissement [4] a utilisé des pratiques douteuses pour obtenir des témoignages en sa faveur.

S'agissant du licenciement pour faute grave d'un salarié protégé, lorsque le juge administratif a apprécié des faits reprochés à celui-ci en retenant qu'ils étaient d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, les mêmes faits ne peuvent être appréciés différemment par le juge judiciaire lequel ne peut décider que le licenciement est en réalité privé de cause réelle et sérieuse.

Si le juge judiciaire ne peut donc en l'état de la décision de la juridiction administrative, apprécier le caractère réel et sérieux des motifs retenus pour justifier le licenciement, il reste compétent pour apprécier le degré de gravité de la faute privative des indemnités de rupture et justifiant la mise à pied conservatoire.

En l'espèce, il est constant que par décision du 9 décembre 2019 l'inspection du travail de l'Unité départementale des Alpes de Haute-Provence a autorisé le licenciement de Mme [V] [T], salariée protégée du fait de son mandat de déléguée du personnel sollicité le 30 octobre 2019 par la Direction de l'établissement [4], lequel a été notifié à la salariée pour faute grave le 20 décembre 2019 et que par décision du 21 août 2020, notifiée le même jour, la Ministre du travail, statuant sur recours amiable de la salariée, tout en annulant la décision de l'inspection du travail pour méconnaissance du principe du contradictoire a, dans son article 2, décidé d'accorder le licenciement de Mme [T], cette autorisation de licenciement étant devenue définitive en l'absence de recours contentieux formé par la salariée devant le Tribunal Administratif de Marseille dans les deux mois de la notification de celle-ci.

En conséquence, à l'instar de la juridiction prud'homale dont les dispositions sont confirmées de ce chef, la cour rappelle que le juge judiciaire ne peut décider contrairement à l'autorisation administrative définitive que le licenciement de Mme [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et allouer en conséquence à la salarié des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, celui-ci ne demeurant compétent que pour statuer sur le degré de gravité de la faute commise.

La société Médica France verse aux débats :

- le réglement intérieur de l'établissement prévoyant dans ses articles 24 et 25 que tout 'comportement irascible, impatient, violent avec toute personne en relation avec l'entreprise (les résidents, ou patients et leurs familles, collègues de travail, hiéarachie, entreprise extérieures, intervenant libéraux) est interdit et susceptible d'entraîner des sanctions disciplinaires;

- des attestations précises et circonstanciées de Mme [S], aide soignante et de Mme [W], infirmière dont il résulte que le 16 octobre 2019 vers 18 heures alors qu'elles se trouvaient dans la chambre d'un résident, M. [R] qu'elles devaient coucher, Mme [S] a vu que Mme [T] et Mme [J] 'Se disputent...[V] fait un doigt d'honneur à [O] et [O] lui a mis une gifle, elles se rendent les coups mutuellement, aucune des deux n'était en attitude de défense et prostré, j'ai essayé de me mettre entre les deux pour les séparer mais je n'y arrivais pas, j'ai essayé de les séparer en tirant le bras de l'une et de l'autre mais impossible, j'ai plusieurs fois crier l'arrêter...certains détails sont flous mais elles ont fini à terre toutes les deux.....l'infirmière [N] est intervenue dans la chambre et sépare les deux femmes en s'asseyant par terre entre les deux. La bagarre s'arrête là..' ; Mme [W], infirmière, indiquant quant à elle qu'après une première altercation verbale entre Mme [J] et Mme [T] 'Je vois [V] [T] qui parle haut et fort ayant des griefs contre [O] [Y], je lui demande d'arrêter, ce qu'elle accepte en demandant à rester sur le secteur ce que j'accepte....j'entends des bruits qui viennent de la chambre de M. [R], j'ouvre la porte, je jauge rapidement la scène, M. [R] sur son lit relevé une barrière baissé, plutôt calme semble attendre que l'on s'occupe de lui. En avant du lit, [Z] [M] sur la gauche plutôt impuissante face au spectacle qu'elle a devant les yeux. Et au sol j'aperçois deux blouses blanches, [O] à gauche et [V] à droite en train de se donner des coups d'une grande violence. Mon réflexe est d'aller les séparer, je m'insère dans l'espace qui s'était libéré entre elles. En m'agenouillant au sol une première fois, je tends mes bras en mettant les mains sur l'une et l'autre en tentant de les séparer ainsi qu'à la voix, une deuxième fois je mets encore plus de force dans mes bras je leur intime l'ordre d'arrêter, là elles s'arrêtent...';

- une attestation de Mme [P], aide soignante, indiquant 'le 16 octobre, j'ai entendu une dispute entre mes deux collègues au secteur fermé. Les patients étaient apeurés par les cris certains pleuraient. Ensuite lors du repas des résidents du secteur, j'ai entendu des cris qui venaient d'une chambre d'un résident, l'infirmière est partie en courant dans la chambre. Ma collègue est revenue l'oreille en sang je l'ai désinfectée. Lors du couché des résidents du secteur, les patients étaient très agités et perturbés, certains résidents n'ont pas mangé dû à la dispute et d'autres étaient en pleurs';

- une attestation de Mme [A], aide soignante , témoignant que le 17 octobre 2019 à 7h00, elle est entré dans la chambre de M. [R] résident pour l'aider à effectuer sa toilette,' celui-ci m'a parlé de la bagarre qui a eu lieu dans sa chambre le 16/10 entre Mme [T], aide-soignante et Mme [J]', il m'a dit 'avoir peur, il a fait référence à la traite des blanches' 'même les chiens ne se battent pas comme ça' 'j'ai trouvé M. [R] choqué donc je l'ai rassuré';

- un témoignage de Mme [C] cadre de direction indiquant que le 18/10/2019, Mme [T] s'est présentée dans son bureau s'inquiétant pour son avenir professionnel, 'je l'écoute, elle revient sur les faits du 16 octobre 2019, elle m'explique qu'elle a perdu son sang froid, je lui demande alors si avec du recul, elle regrette d'avoir agi ainsi, elle me répond spontanément que si c'était à refaire, elle le referait mais que le lieu était regrettable...';

- une attestation de Mme [J] témoignant :'...j'entends [V] se plaindre de moi à [Z] alors qu'elles sont en train de changer M. [G] [D] est dans son lit. Je rentre dans le chambre et je lui demande pourquoi elle disait cela elle me répond avec 2 doigts d'honneur face à mon visage. Cette action venant de sa part me fait perdre mon sang-froid, je n'ai pas réfléchi, je lui ai mis une gifle. [V] m'a sauté dessus en hurlant ....a mis les mains sur mon visage comme si elle voulait me crever les yeux, m'a tapé d'une violence où nous sommes tombées au sol, elle ne voulait plus me lâcher, et là je me suis dit, il faut que je me défende...j'ai envoyé un coup de poing au ventre pendant qu'on était au sol, elle m'a tiré les cheveux violemment...[X] l' IDE est arrivée, elle nous a séparé, je suis sortie de la chambre sans rien dire en laissant [Z] rassurer le résident qui devait être choqué....Nous avions déjà eu un différend le 2 janvier 2019, je n'ai jamais eu aucune dispute avec quelque collègue que ce soit...';

- une attestation de Mme [T] indiquant qu'à la suite d'une réflexion de Mme [J] à la nouvelle remplaçante demandant où elles se trouvaient avec [Z], elle est sortie de la chambre 'heurtée par de nouvelles réflexions à son insu 'je l'informe avoir entendu ses dires, le ton monte, à trois reprises je lui demande 'arrête ça, calme toi', elle poursuit ses reproches le verbe haut dans le couloir du secteur protégé, la colère finit par s'emparer de moi, je lui crie 'Maintenant ça suffit' l'infirmière [N] s'interpose et sentant mon énervement monter, je l'informe que je préfère m'isoler un moment en secteur protégé. Puis au bout d'un quart d'heure ayant repris mon calme je décide de finir mon travail, je me dirige vers la chambre 115 pour rejoindre [Z] [M] qui avait commencé l'aide au coucher de M. [R]....Nous sommes en train de procéder au change du résident lorsque [O] [Y] revient à la charge.... je suis surprise de cette intervention que je perçois comme une nouvelle agression et intrusion dans ma zone de retrait que représentait la chambre du résident dans ces circonstances, elle avance sur moi au niveau du lit du patient pour régler à nouveau des comptes, le ton monte, je perds patience et au vu de ses dires je réponds 'Décidement, tu veux vraiment me le mettre comme ça' accompagnant mes paroles de mon majeur dirigé vers moi. De là, sans même voir le coup venir, elle me porte une gifle au visage sur la joue droite m'arrachant ma boucle d'oreille au passage. Face à cette agression physique, je riposte par réflexe de défense et nous nous retrouvons dans une lutte au corps à corps serrés dans laquelle nous tombons simultanément au sol emportées par nos poids respectifs. [Z] [M], tente de nous séparer, [N] [R] arrive dans la chambre pour faire de même. Nous nous relevons du sol et l'affrontement verbal repart' selon elle à l'initiative de [O] [Y];

- le procès-verbal de la réunion extraordinaire du CE du 29 octobre 2019 durant lequel Mme [T] entendue indique avoir eu une confrontation avec Mme [J] (fin 2018, début 2019), qu'elle a demandé à la cadre de santé de changer d'équipe 'je vais avoir du mal à travailler avec quelqu'un avec qui je n'ai pas confiance, la cadre lui dit qu'il faut communiquer, que ça va s'arranger' que depuis 'ça allait mais dit avoir beaucoup pris sur elle. J'ai eu des échanges de sms au mois d'août où ma collègue s'excuse'; s'agissant des faits, 'j'ai eu des reproches de sa part car M. [R] n'était pas couché, je lui ai dit qu'il y avait des contretemps, de se calmer, j'ai senti que je m'énervais et j'ai demandé à être islée dans le secteur fermé... je suis sortie coucher le Monsieur. Ma collègue a déboulé 5 mns après comme une furie. Elle a écouté à la porte, a dit que j'avais parlé sur elle, il est mentionné sur le papier que je lui ai fait un doigt d'honneur, elle a encore transformé mes propos, je lui ai dit 'toi t'essaie vraiment de la mettre comme ça 'en faisant un doigt d'honneur en l'air pas dirigé vers elle, j'ai reçu une gifle...';

- un courrier de Mme [T] remis à la direction le 7 octobre 2019 demandant à évoluer sur un poste au SSR, 'en effet, aujourd'hui il m'est nécessaire de trouver un deuxième souffle afin de toujours être au meilleur de mon savoir être et savoir faire. Je connais parfaitement le service du SSR pour y faire régulièrement des remplacements et pour y avoir débuté à Korian'.

Si Mme [T] en versant aux débats le témoignage de Mme [I] (pièce n°46) établit que Mme [S] a effectivement rédigé un nouveau témoignage à la demande de la Direction de Korian, cette circonstance n'est pas de nature à remettre en cause la matérialité des faits qui lui sont reprochés établie par l'employeur qui résultent non seulement du témoignage de celle-ci mais également de celui de Mme [W], infirmière de même que du propre témoignage de la salariée qui a admis qu'alors que l'une et l'autre étaient en situation de travail s'occupant de M. [R] dans sa chambre, Mme [T] a bien adressé à Mme [J] un doigt d'honneur auquel celle-ci a répondu par une violente gifle, les deux salariés s'étant ensuite battues dans un corps-à corps au sol ayant nécessité l'intervention successive de deux autres salariées pour les séparer.

Mme [T] ne peut utilement invoquer pour relativiser la gravité de la faute reprochée ni sa mauvaise entente avec Mme [J], l'altercation verbale les ayant opposées à la suite de laquelle elle avait demandé oralement son changement d'équipe remontant au début de l'année 2019, n'ayant pas été réitérée, leur conflit s'étant apaisé, ni une difficulté de management, le seul courrier adressé à la direction en octobre 2019 sollicitant un changement de service n'évoquant aucune difficulté relationnelle, ni ses qualités professionnelles qui ne sont pas en cause dont témoignent des salariés qui n'étaient pas présents le 16 octobre 2019, ni des manoeuvres de l'employeur afin d'obtenir des témoignages à charge contre elle, la teneur des attestations produites correspondant au déroulement des faits qu'elle a elle-même relatés dans ses différents témoignage et auditions réalisés à la demande de l'employeur ainsi que devant les services de gendarmerie (dépôt de plainte dans lequel elle indique qu'après lui avoir 'montré un doigt d'honneur' en réponse à la gifle elle a riposté en l'attrapant au niveau des épaules, qu'elles sont tombées au sol et se sont 'débattues' au sol et ont été séparées), ni le fait que seule Mme [J] ait été convoquée devant le délégué du procureur de la république dans le cadre d'un rappel à la loi, celle-ci ayant été également licenciée pour faute grave alors que le fait pour une aide-soignante en tenue et situation de travail dans la chambre d'un résident quelle que soit la mésentente l'opposant à une collègue ne l'autorise ni à poursuivre une altercation verbale devant celui-ci, personne âgée vulnérable qu'elle était initialement occupée à coucher, en se laissant aller à faire un doigt d'honneur, geste obscène, insultant et provoquant à l'attention de sa collègue de travail, ni à se battre avec celle-ci, y compris en réponse à une gifle, toutes deux roulées à terre et échangeant des coups violents, ayant nécessité l'intervention de deux autres personnes afin de les séparer.

En conséquence, la cour, à l'inverse du conseil de prud'hommes, considére qu'en participant activement à une altercation verbale et à une scène de violences physiques réciproques dans la chambre d'un résident dont elle avait la charge , Mme [T] a adopté un comportement gravement fautif rendant impossible son maintien dans l'entreprise pendant le temps du préavis.

Dès lors, il convient de dire que le licenciement de Mme [T] est fondé sur une faute grave et que celle-ci est déboutée de ses demandes de rappel de salaire pour mise à pied à titre conservatoire, d'indemnité de licenciement, de préavis et de congés payés afférents.

Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire

Mme [T] soutient que l'employeur a adopté une attitude vexatoire en lui remettant en mains propre à 6h30 le 19 octobre 2019 devant la salle d'entrée du personnel où tout le monde pouvait être témoin de la scène la lettre de mise à pied conservatoire, deux personnes l'ayant attendue devant la porte afin de l'intimider, l'adjointe de direction et la gouvernante ne lui ayant donné aucune explication en lui demandant de signer sur le champ en bas de page.

La société Médica France sollicite le rejet de cette demande sans développer aucun moyen.

L'article L.1232-2 du Code du travail dispose que « l'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge'.

S'il est constant que la convocation du 19 octobre 2019 de Mme [T] à l'entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 28 octobre 2019 comportant une mise à pied à titre conservatoire pendant le déroulement de la procédure dans l'attente de la décision à intervenir lui a bien été remise en main propre contre décharge le même jour ce que les dispositions légales autorisent afin d'éviter toute contestation sur la date de présentation et de retrait du courrier , la salariée, qui ne verse aux débats que le courrier qu'elle a adressé le lendemain 20 octobre 2019 à la Direction de l'établissement afin notamment de critiquer la méthode 'choc' employée à son égard pour la remise en main propre de sa convocation à l'entretien préalable à 6h30 avec signature sur le coin d'une table de la salle du personnel en présence d'autres salariés n'établit pas en l'absence de tout élément confortant ses dires, notamment de témoignages des salariés ayant selon elle assisté à la scène litigieuse, le caractère brutal et vexatoire de cette remise et ainsi de l'engagement de la procédure de licenciement.

En conséquence, c'est à juste titre par des dispositions qui sont confirmées que la juridiction prud'homale a débouté Mme [T] de ce chef de demande.

Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et violation de l'obligation de sécurité

Se fondant sur les dispositions des articles 1104 du code civil et L.1122-1 du code du travail concernant l'exécution de bonne foi du contrat de travail et sur un arrêt de la cour de cassation du 17/10/2018 ayant jugé que 'l'action insuffisante à une altercation entre salariés : manquement à l'obligation de sécurité' , Mme [T] expose que l'employeur a eu 'une attitude fautive à divers titres' en indiquant qu'alors qu'elle avait rencontré précédemment des difficultés avec sa collègue [O] ce dont la Direction était informée et qu'elle avait demandé à changer d'équipe pour éviter de nouveaux problèmes, aucune mesure n'a été prise à ce moment là alors que celle-ci aurait certainement évité les évènements ultérieurs.

La société Médica réplique qu'aucun conflit n'a opposé Mme [T] à Mme [J] en mars 2019 s'agissant d'une mésentente verbale qui était apaisée en octobre 2019 ce que la salariée a confirmé lors des réunions du comité d'entreprise et du CHSCT, que rien ne laissait présager un passage à l'acte physique, qu'enfin la demande de changement de service formée par la salariée le 7 octobre 2019 reposait sur le souhait d'évoluer professionnellement.

Par application des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, il incombe à l'employeur de prendre toute mesure effective afin d' assurer la sécurité du salarié et de protéger sa santé physique et mentale.

Cependant, il résulte des éléments déjà développés dans le paragraphe précédent que l'altercation ayant opposé Mme [T] à Mme [J] en janvier ou en mars 2019, la date variant en fonction des témoignages, était une altercation verbale, que si la cadre de direction sollicitée oralement par Mme [T] a, selon le seul témoignage produit par la salariée effectivement rejeté la demande de celle-ci de la changer d'équipe 'estimant qu'elles étaient adultes et qu'elles devaient trouver un moyen d'entente (pièce n°45 - témoignage de Mme [L]), Mme [T] ne justifie d'aucune répercution immédiate ou non de ce conflit comme du refus de sa demande par l'employeur sur son état de santé , le seul certificat médical qu'elle produit daté du 02 janvier 2020 étant postérieur à son licenciement et se référant à celui-ci, alors que postérieurement à celui-ci et durant 6 à10 mois, la salariée n'a fait état d'aucune difficulté relationnelle l'opposant à sa collègue de travail auprès de la Direction de l'établissement et a même confirmé durant la réunion extraordinaire du 29 octobre 2019 que 'ça allait même si elle avait beaucoup pris sur elle, j'ai des échanges au mois d'août où ma collègue s'excuse' sa seule demande de changement de service, et non d'équipe adressée à sa direction le 7 octobre 2019 n'évoquant aucune difficulté relationnelle avec Mme [J] mais un souhait d'évolution professionnelle alors que durant la réunion extraordinaire du CHSCT, Mme [U] travaillant dans la même équipe que Mmes [J] et [T] a indiqué que 'cette altercation serait le fait d'une mésentente en termes de caractère et de personnalité mais rien ne laissait présager un passage à une violence physique..'.

Ce faisant Mme [T] n'établit pas l'absence de bonne foi de l'employeur dans les relations contractuelles alors que celui-ci, au vu des pièces produites, justifie quant à lui ne pas avoir manqué à son obligation de sécurité, l'absence de mesure prise par ce dernier à la suite de la première et seule demande de changement d'équipe de la salariée consécutive à un conflit verbal ponctuel précédant de plusieurs mois les faits fautifs de violences physiques du 16 octobre 2019 n'étant pas à l'origine de ce passage à l'acte imputable à la seule salariée.

Il convient, par confirmation des dispositions du jugement entrepris, de rejeter la demande de Mme [B] de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et violation de l'obligation de sécurité.

Sur la remise tardive des documents de fin de contrat :

L'article L.1234-19 du code du travail dispose qu'à l'expiration du contrat de travail, l'employeur délivre au salarié un certificat dont le contenu est déterminé par voie réglementaire.

L'article R 1234-9 du même code précise que l'employeur délivre au salarié au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article R 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à l'institution mentionnée à l'article L 5312-1.

Les employeurs de dix salariés et plus effectuent cette transmission à Pôle Emploi par voie électronique sauf impossibilité pour une cause qui leur est étrangère selon des modalités précisées par un arrêté du ministre chargé de l'emploi.

Mme [T] fait valoir que le licenciement a été prononcé pour faute le 20 décembre 2019 sans le versement d'aucune indemnité, que la lettre de licenciement précise que l'employeur lui fera parvenir par courrier séparé son certificat de travail, son attestation Pôle Emploi et son solde de tout compte, que pourtant elle n'a obtenu ses documents de fin de contrat que le 12 février 2020 et a ainsi subi un préjudice financier important n'ayant pu s'inscrire à Pôle Emploi avant cette date alors qu'elle se trouvait mise à pied et non rémunérée depuis le 19 octobre 2019.

La société Médica ne conteste pas la remise tardive des documents de fin de contrat expliquant que le changement de logiciel paye au sein de l'ensemble des établissements Korian a provoqué des dysfonctionnements significatifs dont Mme [T] a été victime, qu'elle a fait son possible pour obtenir au plus vite lesdits documents, qu'au surplus, la salarié ne justifie nullement avoir subi un préjudice dont elle réclame réparation à concurrence de 7.000 €.

Mme [T] prouve la remise tardive par la société Médica France le 12 février 2020 de ses documents de fin de contrat et notamment de l'attestation d'employeur destinée à Pôle emploi que celui-ci n'a établi que le 6 février 2020 de sorte qu'elle ne percevait aucune indemnité de Pôle Emploi alors que du fait de la période de mise à pied conservatoire et de l'absence d'indemnités résultant de son licenciement pour faute grave elle était sans revenus de sorte qu'elle justifie avoir effectivement subi un préjudice matériel et moral que la juridiction prud'homale a réparé en condamnant l'employeur à payer à Mme [T] une somme de 1.967 € à titre de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de rupture.

Il convient de confirmer le jugement entrepris de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les dispositions du jugement entrepris ayant condamné la société Médica France [4] aux dépens de première instance et à payer une somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile sont confirmées.

La société Médica France [4] qui succombe partiellement est condamnée aux dépens d'appel en revanche, il convient de débouter la salariée de sa demande d'application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud'homale,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- rejeté les demandes de Mme [T] de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour licenciement vexatoire;

- condamné la société Médica France [4] à payer à Mme [T] une somme de 1.967 € à titre de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat;

- condamné la société [4] aux dépens et au paiement d'une somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'infirme pour le surplus

Statuant à nouveau et y ajoutant

Dit que le licenciement de Mme [V] [T] est fondée sur une faute grave.

Rejette les demandes de Mme [V] [T] de rappel de salaire au titre de la période de mise à pied conservatoire et de congés payés afférents, d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité de préavis et de congés payés afférents.

Condamne la société Médica France [4] aux dépens d'appel et déboute la salariée de sa demande d'application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-1
Numéro d'arrêt : 21/08545
Date de la décision : 05/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-05;21.08545 ?
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