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05/07/2024 | FRANCE | N°21/08491

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-1, 05 juillet 2024, 21/08491


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1



ARRÊT AU FOND

DU 05 JUILLET 2024



N° 2024/





Rôle N° RG 21/08491 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHS5D







[J] [S] - [G]





C/



Caisse CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES B OUCHES DU RHONE







Copie exécutoire délivrée le :



05 JUILLET 2024



à :



Me Emmanuelle VITELLI, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Emmanuel LAMBREY, avocat au

barreau d'AIX-EN-PROVENCE

































Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 25 Mai 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 20/001...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 05 JUILLET 2024

N° 2024/

Rôle N° RG 21/08491 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHS5D

[J] [S] - [G]

C/

Caisse CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES B OUCHES DU RHONE

Copie exécutoire délivrée le :

05 JUILLET 2024

à :

Me Emmanuelle VITELLI, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Emmanuel LAMBREY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 25 Mai 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 20/00147.

APPELANTE

Madame [J] [G], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Emmanuelle VITELLI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES B OUCHES DU RHONE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Emmanuel LAMBREY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Stéphanie GARCIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseillère

Mme Emmanuelle CASINI, Conseillère

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2024

Signé par Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La Caisse Primaire Centrale d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône, dite 'CPCAM' est un organisme de prévoyance sociale du régime général de la sécurité sociale.

Elle applique à son personnel la convention collective nationale de travail du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957.

Elle a embauché Mme [G] suivant contrat de travail à durée déterminée à temps plein d'une durée de trois à compter du 23 septembre 2019 au 22 décembre 2019 en qualité de gestionnaire d'accueil téléphonique, niveau 3, coefficient 215, l'article 4 de ce contrat prévoyant une période d'essai de 13 jours.

Par courier daté du 30 septembre 2019, remis en mains propres contre décharge à la salariée le 01/10/2019, la CPCAM des Bouches du Rhône a notifié à Mme [G] une rupture de la période d'essai dans les termes suivants:

'Dans le cadre du contrat à durée déterminée que nous avons conclu le 23 septembre 2019 pour une durée de trois mois, il est prévu en son article 4 une période d'essai de 13 jours.

Durant cette période, chaque partie est libre de mettre un terme aux relations contractuelles conclues sans versement d'indemnité.

Pour ce qui vous concerne, je suis au regret de constater que cette période d'essai ne s'avère nullement concluante.

Dès lors, je vous notifie par la présente la rupture du contrat à durée déterminée qui vous lie à la CPCAM des Bouches du Rhône depuis le 23 septembre 2019.....'.

S'estimant victime d'une discrimination en raison de sa santé, sollicitant la nullité de la rupture de la période d'essai et la condamnation de l'employeur au paiement de dommages-intérêts réparant le préjudice subi, Mme [G] a saisi le 29 janvier 2020 le conseil de prud'hommes de Marseille lequel par jugement du 25 mai 2021 a :

- dit que la rupture de la période d'essai est valide;

En conséquence:

- débouté Mme [G] de l'ensemble de ses demandes;

- débouté la CPCAM de Bouches du Rhône de sa demande au titre des frais irrépétibles;

- condamné Mme [G] aux dépens de l'instance.

Mme [G] a relevé appel de ce jugement le 08 juin 2021 par déclaration adressée au greffe par voie électronique.

Aux termes de ses conclusions d'appelante n°3 notifiées par voie électronique le 08 février 2024 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens soutenus, Mme [G] demande à la cour de :

Infirmer le jugement rendu par le conseil de rud'hommes de Marseille en date du 25 mai 2021 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

A titre principal :

Dire que la rupture de la période d'essai est nulle.

Condamner la CPCAM 13 au paiement de la somme de 10.183,26 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

A titre subsidiaire :

Dire que la rupture de la période d'essai est abusive.

Condamner la CPCAM 13 au paiement de la somme de 10.183,26 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

En tout état de cause :

Condamner la CPCAM 13 au paiement de la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la communication tardive du contrat de travail.

Condamner la CPCAM 13 à délivrer à Madame [G] ses documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 50 € par jour de retard.

Condamner la CPCAM 13 au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Ordonner l'exécution provisoire du 'jugement' à intervenir.

Aux termes de ses conclusions d'intimée notifiées par voie électronique le 10 décembre 2021 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens soutenus, la CPCAM des Bouches du Rhône demande à la cour de :

Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Marseille le 25 mai 2021 en ce qu'il a débouté Mme [G] de l'ensemble de ses demandes.

Y ajoutant :

Condamer Mme [G] au versement de 3.000 € à la CPCAM des Bouches du Rhône sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 23 mai 2024.

SUR CE

Sur le défaut de transmission du contrat de travail à durée déterminée à la salariée :

Par application de l'article L.1242-13 du code du travail, 'le contrat de travail est transmis au salarié au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant l'embauche.

L'article L.1245-1 du même code dans sa version postérieure au 24 septembre 2017 précise que 'la méconnaissance de l'obligation de transmission du contrat de mission au salarié dans le délai fixé à l'article L.1242-13 ouvre droit pour le salarié à une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être supérieure à un mois de salaire'.

Mme [G] sollicite la condamnation de la CPCAM 13 à lui payer une somme de 1.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la communication tardive de son contrat de travail en indiquant que si elle l'a bien signé le 23 septembre 2019 celui-ci ne lui a été transmis que le 18 novembre 2019.

La CPCAM des Bouches du Rhône s'y oppose en indiquant que la salariée n'apporte aucun élément justificatif à l'appui de sa demande de dommages-intérêts alors que le contrat de travail lui a été remis en temps opportun et qu'elle avait été préalablement destinataire d'une lettre d'embauche en date du 18 septembre 2019 et d'un courriel du 20 septembre 2019.

Alors que l'établissement par écrit d'un contrat de travail à durée déterminée répond à un formalisme strict et que jusqu'au 24 septembre 2017, le défaut de transmission du contrat de travail au salarié dans les deux jours ouvrables suivant l'embauche était sanctionné à la demande du salarié par la requalification du contrat de travail en un contrat à durée indéterminée, Mme [G] justifie avoir adressé le 28 octobre 2019 un courrier de relance à la CPAM 13 réitérant sa demande de remise de l'original de son contrat de travail à durée déterminée signé le 23 septembre 2019 déjà sollicité le 4/10, le 07/10 et que la CPCAM lui a finalement transmis celui-ci par courriel du 18 novembre 2019 accompagné d'une lettre du 13 novembre lui confirmant que 'l'exemplaire original de votre contrat de travail du 23 septembre 2019, vous a bien été adressé en temps opportun' sans toutefois en justifier en l'absence de production d'un avis de réception, la transmission tardive du contrat de travail litigieux plus d'un mois et demi après la rupture a causé à la salariée sans emploi un préjudice moral qu'il convient de réparer par infirmation du jugement entrepris en lui allant une somme de 500 €.

Sur la rupture de la période d'essai :

L'article L1221-20 du code du travail dispose que 'la période d'essai permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.'

Par application de l'article L 1242-10 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée peut comporter une période d'essai, laquelle, sauf usages ou stipulations conventionnelles prévoyant des durées moindres ne peut pas excéder :

- une durée calculée à raison d'un jour par semaine dans la limite de deux semaines pour un contrat d'une durée intiale de 6 mois au moins;

- un mois pour un contrat d'une durée initiale de plus de six mois.

L'article L.1242-11 précise que sauf abus de droit, le contrat de travail à durée déterminée peut être rompu à tout moment pendant l'essai sous réserve le cas échéant du respect du délai de prévenance.

En cas de rupture abusive de sa période d'essai, le salarié peut prétendre à des dommages-intérêts.

Par application des dispositions des articles L 1132-1 et L 1134-1 du code du travail, dans leur version applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou d'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou renouvellement de contrat en raison, entre autres de son état de santé.

En cas de litige, il appartient à celui qui se prévaut d'une discrimination directe ou indirecte de présenter au juge les éléments de fait laissant supposer la situation qu'il dénonce .

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Mme [G] soutient à titre principal que la rupture de sa période d'essai est nulle puisque reposant sur un motif discriminatoire en lien avec son état de santé dans la mesure où alors qu'elle a été embauchée par la CPCAM dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée de 3 mois à compter du 23 septembre 2019 au 22 décembre 2019 en qualité de gestionnaire d'accueil téléphonique et qu'à compter du 25 septembre 2019, conformément aux termes de la lettre d'embauche du 20 septembre 2019, elle participait à 'une formation métier' délivrée à deux autres salariées et animée par deux supérieures hiérarchiques à partir non de modèles de dossiers mais de dossiers réels d'assuré dont le sien, au cours de laquelle elle a pris connaissance le 30 septembre 2019 d'une partie de son dossier personnel figurant sur le logiciel et demandant à la formatrice la signification de l'onglet 'LIS'qui s'y trouvait, a appris qu'il s'agissait de la liste des affections de longue durée alors qu'elle souffre effectivement d'une hépatite C et s'est vue notifier dès le lendemain 1er octobre 2019, par remise en main propre, un courrier daté de la veille lui notifiant la rupture de la période d'essai de son contrat la plaçant dans une situation précaire dans la mesure ou elle avait démissionné d'un emploi d'AVS pour postuler auprès de la CPCAM.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que la rupture de la période d'essai est abusive alors que l'employeur y a mis fin rapidement sans avoir pu évaluer ses qualités professionnelles alors qu'elle n'a effectué que 4 jours de formation les 25, 26, 27 et le lundi 30 septembre 2019 durant lesquelles elle n'a été soumise à aucune mise en situation pratique , qu'il ne lui a pas été demandé d'exercer ses nouvelles fonctions de gestionnaire d'accueil téléphonique et qu'elle n'a pas bénéficié comme l'affirme la CPAM, qui procède par affirmations, d'un accompagnement dédié.

La CPCAM conteste formellement le caractère discriminatoire de la rupture, n'ayant pas eu connaissance de l'état de santé de la salarié au moment où elle a mis un terme à sa période d'essai, n'en ayant été informée que dans le cadre de la présente instance, en indiquant qu'à compter du 25 septembre 2019, Mme [G] a bénéficié d'une formation et de mises en situation pratiques notamment informatiques destinées à apprécier ses capacités à occuper le poste de Gestionnaire d'accueil Téléphonique aux côtés de deux autre salariés, que dans ce cadre des dossiers webmatique d'assurés ont été pris en exemple dont celui de Mme [G], consultation à laquelle celle-ci a consenti, que contrairement aux affirmations de la salariée, aucun élément à caractère médical ne pouvait être visualisé au moyen de cette consultation, le terme 'LIS' ne renseignant en rien sur une pathologie présentée par l'assuré signifiant seulement que l'assuré en question bénéficie d'une exonération du Ticket modérateur du fait d'une pathologie sans indication de la nature de la maladie s'agissant ainsi d'une information purement administrative alors que même dans l'hypothèse où ce sigle correspondrait à la prise en charge d'une affection de longue durée, le salarié consultant l'onglet 'infos' du logiciel webmatique ne pouvait connaître la nature de celle-ci au titre de laquelle l'assuré bénéficie de l'exonération du ticket modérateur.

Elle affirme avoir été contrainte de rompre la période d'essai de Mme [G] dès lors qu'elle a constaté que la salariée ne démontrait pas avoir les compétences nécessaires pour occuper convenablement son poste de travail, celle-ci, à la différence des deux autres nouvelles gestionnaires d'accueil, ne parvenant pas durant les mises en situation à maîtriser convenablement les process des outils informatiques et à assimiler les toutes premières règles de base de la législation à manier et ce bien qu'elle ait affecté une formatrice dédiée à la salariée, ces difficultés réelles pour se repérer et pour utiliser les applicatifs nécessaires et ainsi pour occuper le poste pour lequel elle avait été embauchée ayant été constatées dès la première semaine de travail.

A l'appui de sa demande, Mme [G] présente les éléments suivants:

- un courrier de démission du poste d'AESH adressé le 18 septembre 2019 par Mme [G] au Lycée Professionnel privé des métiers 'Ecole Libre' [4] '...une opportunité d'emploi m'a été proposée tout récemment, un contrat 35 h auprès de l'organisme CPAM...'.

- un courriel que lui a adressé le service des ressources humaines de la CPCAM le 20 septembre 2019 lui indiquant : 'je vous prie de trouver ci-joint votre lettre d'embauche formalisant votre recrutement au sein de notre organisme au 23 septembre 2019.

Je vous informe que vous participerez à une formation métier qui se déroulera du 25 septembre 2019 au 04 octobre 2019 inclus sur le site des Chartreux, [Adresse 3].';

- un contrat de travail à durée déterminée signé des deux parties, daté du 23 septembre 2019 recrutant Mme [G] à temps complet dans un emploi de gestionnaire d'accueil, niveau 3, coefficient 215 pour une durée de 3 mois à compter du 23 septembre 2019 au 22 décembre 2019 dans le cadre d'un surcroît d'activité, prévoyant dans son article 4, 'une période d'essai de 13 jours durant laquelle chaque partie pourra dénoncer unilatéralement ce contrat sans indemnité, en cas de rupture de la période d'essai, le respect du délai de prévenance devant s'appliquer par l'une ou l'autre des parties (articles L.1221-24, L.1221-25 et L.1221-26 du code du travail;

- un courrier daté du 30 septembre 2019 adressé par la CPCAM à Mme [G] qui lui a été remis en mains propres contre décharge le 01/10/2019 ayant pour objet : 'rupture de la période d'essai'; '...Pour ce qui vous concerne, je suis au regret de constater que cette période d'essai ne s'avère nullement concluante, je vous notifie la rupture du contrat à durée déterminée qui vous lie à la CPCAM depuis le 23 septembre 2019;

- dix copies de feuillets du cahier de formation de Mme [G] relatives notamment aux 'Applications CPAM' 'Treizenet, Amelie Réseau, Scapin (logiciel pour rechercher un détenu), Diademe (rechercher un courrier) France connect ;

- une fiche CPAM intitulé 'Codes Modulation du Ticket Modérateur' mentionnant une prise en charge à 100% pour des 'soins en rapport avec une Affection de Longue Durée : le code LIS étant la liste des 30 affections.';

- un document extrait du site Service-Public.fr concernant les ALD (Affections Longue Durée) dites exonérantes (à 100%) au nombre de 30 comportant l'Hépatite C (maladie chronique active du foie et cirrhose);

- un attestation de Mme [N] rédigée le 25 octobre 2019 indiquant :'Le lundi 30 septembre 2019, nous étions en formation et dans ce cadre, la formatrice [I] nous a demandé sur l'application propre à la CPAM de rentrer chacun notre numéro personnel de sécurité sociale afin d'accéder à nos dossiers CPAM. A un moment, la formatrice nous a proposé de regarder ensemble le dossier CPAM de [G] [J]. Avant cela, [J] a posé la question relative à son dossier que veut dire le mot 'LIS' inscrit dans une partie de son dossier. Ensuite, peu après avoir été chacun de nous sur nos dossiers la formatrice a demandé à [J] si on pouvait ensemble regarder son dossier, [J] a répondu que ça ne la dérangeait pas nous avons donc regardé son dossier....'.

Mme [H] établit ainsi, contrairement aux affirmations de la CPCAM, que la rupture de la période d'essai de son contrat de travail à durée déterminée est concomittante à la découverte par l'employeur durant le 4ème jour de formation de ce qu'elle souffrait d'une affection longue durée, cette seule circonstance laissant présumer l'existence d'une discrimination en lien avec son état de santé nécessitant que l'employeur prouve que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Outre les documents contractuels et de rupture également produit par la salariée, la CPCAM verse aux débats:

- une fiche de poste de l'emploi de 'gestionnaire d'accueil téléphonique' dont il résulte que :

- la finalité de l'emploi est de gérer la relation téléphonique afin de faciliter et améliorer le traitement des dossiers prestations couvrant les différents risques de l'Assurance Maladie en apportant des réponses adaptées;

- les activités principales sont : Accueillir, conseiller, orienter nos publics pour faciliter l'accès à l'ensemble de leurs droits : Vérifier la situation de l'assuré à partir des bases de données afin de réaliser le diagnostic adapté, apporter une réponse fiable, rapide et homogène à son interlocuteur à partir des bases documentaires et réglementaires....

- une présentation de l'application Webmatique mise à jour le 15/05/2017 laquelle 'permet aux utilisateurs de consulter les informations des bénéficiaire, de visualiser les relevés de prestations envoyés aux assurée, de délivrer une CEAM (carte européenne d'assurance maladie)...de répondre aux besoins de la réforme de l'Assurance Maladie (médecin traitant, participation forfaitaire, franchise) d'accéder à l'application CELI (courriers en ligne) contenant un onglet 'Franchise';

- un extrait du site internet Ameli expliquant la notion d'exonération du ticket modérateur mis à jour au 27 décembre 2019 : 'un taux de 100% est appliqué pour .....les soins et traitements visés par le protocole de soins établi pour une affection longue durée exonérante';

- document intitulé 'Convention de Formation' d'une journée sur la non-discrimination à l'embauche signé le 22 avril 2019;

- une attestation de M. [W], sous directeur au sein de la CPAM témoignant qu'il était le sous-directeur auquel était rattachée Mme [G]; que 'dans le cadre du recrutement des nouveaux agents, nous portons une attention particulière à la formation/action (mise en situation réelle sur poste de travail) effectuée pendant la période d'essai d'autant que celle-ci est très courte....notre attention est particulièrement tournée sur les agilités nécessaires portant sur deux points essentiels..la maîtrise de l'outil informatique...l'attention doit porter sur la capacité d'apprentissage essentielle à la montée en compétences (réglementation, gestion d'un dossier d'un assuré).

Dans ce cadre les formateurs ont pour mission d'évaluer ces deux compétences essentielles en lien avec la responsable de la plate-forme elle même en lien avec sa direction de rattachement et les RH. Je suis donc tenu le plus souvent par téléphone lorsque des difficultés se présentent afin de formuler un avis circonstancié sur la période d'essai.

Cela a été le cas pour Mme [G] qui présentait des difficultés réelles pour se repérer et pour utiliser les applicatifs nécessaires lors de mises en situation. Informé de cette situation et en concertation avec l'équipe des formateurs, j'ai décidé de proposer de mettre fin à la période d'essai compte tenu des difficultés rencontrées par Mme [G].......Je tiens à préciser que contrairement aux affirmations de Mme [G], la fin de la période d'essai n'a jamais été liée à un quelconque état de santé (c'est d'ailleurs seulement dans le cadre du contentieux de Mme [G] que nous en avons été informés) mais seulement bien aux difficultés réelles de l'utilisation intensives d'outils informatiques qui ne nous permettaient pas d'envisager qu'elle puisse tenir son emploi. Je tiens à préciser que le principe de non-discrimination n'est pas négociable à la CPAM 13 , ...les cadres de l'entreprise sont soumis obligatoirement à une formation de non-discrimination à l'embauche depuis 2019....'

Cependant, les pièces produites par l'employeur ne prouvent pas que la rupture du contrat de travail de la salariée durant sa période d'essai au 4ème jour de sa formation n'est pas en lien avec l'état de santé de celle-ci découverte par ses formatrices le 30 septembre 2019 alors que contrairement aux affirmations de la CPCAM, si Mme [G], qui se familiarisait avec les différentes applications informatiques, justifie avoir effectivement demandé la signification du mot 'LIS' après avoir accédé à son dossier personnel qui servira également aux autres salariés sous le contrôle des formatrices d'exemple de travail c'est nécessairement qu'elle a accédé informatiquement à cet onglet qui comprend la liste des 30 Affections longue durée ouvrant droit à l'exonération à 100% du ticket modérateur laquelle n'est donc pas seulement une information administrative mais bien une donnée médicale personnelle quelle que soit l'affection concernée dont en l'occurence l'employeur a eu connaissance le jour où il a pris la décision de rompre la période d'essai du contrat de travail alors qu'au surplus, il ne justifie pas avoir dédié à Mme [H] le soutien individuel d'une formatrice pour l'aider dans les difficultés alléguées et ne verse aux débats aucun couriel, courrier ou témoignage confortant les affirmations générales et non datées de M. [W] quant aux difficultés d'apprentissage de la salariée prétendûment à l'origine de la rupture litigieuse.

En conséquence, il convient par infirmation du jugement entrepris de dire que la rupture du contrat de travail de Mme [G] en période d'essai étant discriminatoire en raison de l'état de santé de la salariée est nulle de sorte que celle-ci est fondée à solliciter par application de l'article L 1235-3-1 du code du traval une indemnité réparant le préjudice résultant du caractère illicite de la rupture au moins égale à 6 mois de salaire.

Sur la base non contestée à titre subsidiaire d'un salaire de référence de 1.697,21 €, alors que Mme [G] avait 50 ans au moment de la rupture litigieuse, qu'elle justifie avoir perçu l'allocation spécifique de solidarité à compter du 29 avril 2019, celle-ci ayant été renouvelée pour six mois à compter du 29 juin 2020, et n'avoir bénéficié que de contrats précaires en 2019 et 2020 présentant en juillet 2020, selon son médecin généraliste une 'anxiété réactionnelle en rapport avec sa situation professionnelle', il convient par infirmation du jugement entrepris de condamner la CPCAM des Bouches du Rhône à payer à Mme [G] une somme de 10.183,26€ à titre de dommages-intérêts pour rupture nulle du contrat de travail pendant la période d'essai.

Sur la remise des documents rectifiés de fin de contrat :

Le sens du présent arrêt conduit à faire droit à la demande de Mme [G] de remise par la CPCAM des Bouches du Rhône de ses documents de fin de contrat rectifiés.

En revanche, celle-ci ne versant aux débats aucun élément laissant craindre une résistance ou un retard abusif de la part de la CPCAM des Bouches du Rhône, il convient de rejeter la demande d'astreinte.

Sur l'exécution provisoire :

Un arrêt d'appel est exécutoire, après signification à l'avocat ainsi qu'à la partie adverse, le délai de deux mois pour se pourvoir en cassation n'étant pas suspensif de l'exécution de la décision d'appel de sorte qu'il convient de débouter Mme [G] de cette demande.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les dispositions du jugement entrepris ayant condamné Mme [G] aux dépens et l'ayant déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile sont infirmées.

La CPCAM des Bouches du Rhône est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Mme [G] une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud'homale,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la rupture du contrat de travail à durée déterminée durant la période d'essai pour motif discriminatoire est nulle.

Condamne la Caisse Primaire Centrale d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône à payer à Madame [J] [G] les sommes suivantes:

- 500 € à titre de dommages-intérêts pour transmission tardive du contrat de travail;

- 10.183,26 € à titre de dommages-intérêts pour nullité de la rupture en période d'essai.

Ordonne la remise par la Caisse Primaire Centrale d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône de documents de fin de contrat rectifiés conformément au présent arrêt.

Rejette la demande d'astreinte de Mme [G].

Condamne la Caisse Primaire Centrale d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Mme [J] [G] une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-1
Numéro d'arrêt : 21/08491
Date de la décision : 05/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-05;21.08491 ?
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