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04/07/2024 | FRANCE | N°23/15628

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-4, 04 juillet 2024, 23/15628


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4



ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024



N° 2024/ 138









Rôle N° RG 23/15628 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BMJ6A







S.A.S. [14]

S.E.L.A.R.L. BG & ASSOCIÉS





C/



[V] [W] épouse [Z]

[A] [R]

[Y] [W]



S.C.P. BTSG²

S.E.L.A.R.L. [O]















Copie exécutoire délivrée

le :

à :





Me Denis

DEL RIO





Me Manel MALKI BREGANI



Me Sandra JUSTON



Me Julien CHAMARRE





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 14 Décembre 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 2023F00011.





APPELANTES



Société [14] S.A.S. représentée...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024

N° 2024/ 138

Rôle N° RG 23/15628 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BMJ6A

S.A.S. [14]

S.E.L.A.R.L. BG & ASSOCIÉS

C/

[V] [W] épouse [Z]

[A] [R]

[Y] [W]

S.C.P. BTSG²

S.E.L.A.R.L. [O]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Denis DEL RIO

Me Manel MALKI BREGANI

Me Sandra JUSTON

Me Julien CHAMARRE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 14 Décembre 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 2023F00011.

APPELANTES

Société [14] S.A.S. représentée par la SELARL BG & ASSOCIÉS, prise en la personne de Maître [M] [D] ès qualités d'administrateur judiciaire selon le jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 9 mars 2023., dont le siège social est sis [Adresse 9] - [Localité 4]

représentée et assistée de Me Denis DEL RIO, avocat au barreau de NICE, plaidant

S.E.L.A.R.L. BG & ASSOCIÉS es qualité d'administrateur judiciaire de la société [14] SAS, dont le siège est sis [Adresse 12] - [Localité 2]

représentée et assistée de Me Denis DEL RIO, avocat au barreau de NICE, plaidant

INTIMES

Monsieur [Y] [W] assisté par Monsieur [A] [R], mandataire judiciaire à la protection des majeurs désigné à ces fonctions selon ordonnance de curatelle renforcée par décision du juge des contentieux de la protection en charge des tutelles du tribunal de proximité de MENTON.

né le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 13] (17), demeurant [Adresse 10] - [Localité 13]

représenté par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assisté de Me Clémence GOHAUD, avocat au barreau de NICE du cabinet MONTAGARD avocats au barreau de NICE, plaidant

Monsieur [A] [R] ès qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs désigné en qualité de tuteur à la personne et aux biens de M. [Y] [W] par décision du juge des contentieux de la protection de MENTON le 15 décembre 2022, demeurant [Adresse 6] - [Localité 3]

représenté par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assisté de Me Clémence GOHAUD, avocat au barreau de NICE du cabinet MONTAGARD avocats au barreau de NICE, plaidant

Madame [V] [W] épouse [Z]

née le [Date naissance 5] 1970 à [Localité 15] (17), demeurant [Adresse 7] - [Localité 13]

représentée par Me Manel MALKI BREGANI de la SCP CPNC AVOCATS, avocat au barreau de NICE, et assistée de Me Jean FABRY, avocat au barreau de TOULOUSE, plaidant

PARTIES INTERVENANTES

S.C.P. BTSG² prise en la personne de Me [F] [C], ès qualités de mandataire judiciaire de la société [14], partie intervenante, dont le siège social est sis [Adresse 11] - [Localité 2]

représentée et assistée de Me Denis DEL RIO, avocat au barreau de NICE, plaidant

S.E.L.A.R.L. [O] prise en la personne de Maître [S] [O] en sa qualité de mandataire ad'hoc de la Société [14], désigné en ces fonctions par ordonnance du 22 janvier 2024 rendue par le tribunal de commerce de Nice

Intervenant volontairement, dont le siège social est sis [Adresse 8] - [Localité 2]

représentée et assistée de Me Julien CHAMARRE de la SELARL NEVEU- CHARLES & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 21 Mai 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024,

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La SAS [14] exploite un fonds de commerce de restauration sous l'enseigne '[14]' à [Localité 16].

Le capital de cette société est divisé en 62500 actions, dont 37500 sont détenues par M. [Y] [W] et 25000 par la SAS [Localité 16] [14].

La présidence était exercée par M. [Y] [W].

La société [Localité 16] [14], actionnaire de la précédente, est détenue à 90% par Mme [V] [W], fille de M. [Y] [W], et à 10% par M. [Y] [W].

La présidence de la société est actuellement assurée par Mme [V] [W].

Sur la requête présentée par la SAS [14], le président du tribunal de commerce de Nice a, par ordonnance du 4 octobre 2021, désigné la société BG & associés, prise en la personne de Maître [M] [D], en qualité de conciliateur en application de l'article L.611-4 du code de commerce.

Par ordonnance du 12 octobre 2021, le président du tribunal de commerce de Nice a transformé la mission de conciliateur de la société BG & associés en une mission d'administrateur provisoire de la société [14].

Cette mission a fait l'objet d'une prorogation d'une année à compter du 12 avril 2022 par une ordonnance du 1er avril 2022.

M. [W] a été mis en examen le 3 décembre 2021 pour abus de bien sociaux, blanchiment et obstacle aux vérifications ou contrôles du commissaire aux comptes.

Il a été placé sous contrôle judiciaire avec interdiction d'exercer toute activité de gestion et d'administration au sein de la société [14].

Par décision du 17 mars 2022, le juge des contentieux de la protection en charge des tutelles du tribunal de proximité de Menton a placé M. [Y] [W] sous curatelle renforcée et a désigné M. [A] [R] en qualité de curateur.

Par décision unanime des actionnaires de la société [14] en date du 7 juillet 2022, il a été acté la démission de M. [Y] [W] ainsi que la nomination aux fonctions de président de la société de Mme [V] [W].

Par ordonnance de référé du 4 octobre 2022, le président du tribunal de commerce de Nice a débouté M. [Y] [W] assisté de son curateur et Mme [V] [W] de leur demande tendant à ce qu'il soit mis fin de manière anticipée à la mission de la SELARL BG & associés prise en la personne de Maître [D] et faisant droit à la demande reconventionnelle de la SELARL BG & associés, a prononcé la suspension des effets de la réunion des actionnaires du 7 juillet 2022 dans l'attente d'une décision au fond statuant sur sa validité.

Par actes des 26 et 27 décembre 2022, la SAS [14] et la SELARL BG & associés agissant en qualité d'administrateur provisoire, ont fait assigner devant le tribunal de commerce de Nice M. [Y] [W] et son curateur, ainsi que Mme [V] [W] prise en sa qualité de présidente de la société [Localité 16] [14], aux fins d'obtenir l'annulation de la décision des actionnaires de la SAS [14] du 7 juillet 2022 ayant désigné Mme [V] [W] aux fonctions de présidente de la société [14] en remplacement de M. [Y] [W].

Au cours de cette procédure, la SAS [14] a été placée en redressement judiciaire par jugement du 9 mars 2023 désignant la SCP BTSG² prise en la personne de Maître [F] [C] en qualité de mandataire judiciaire et la SELARL BG & associés, prise en la personne de Maître [M] [D] en qualité d'administrateur judiciaire avec mission de représentation.

M. [A] [R], désigné tuteur de M. [W] par décision du juge des tutelles du tribunal de proximité de Menton du 15 décembre 2022, est intervenu à la procédure en cette qualité.

Par jugement du 14 décembre 2023, le tribunal de commerce de Nice a statué comme suit :

- déboute la société [Localité 16] [14], prise en la personne de la société BG & associés en la personne de Maître [M] [D] ès qualités d'administrateur de sa demande d'annulation de la décision du 7 juillet 2022 des actionnaires de la société [Localité 16] [14] ayant désigné Mme [V] [W] en lieu et place de M. [Y] [W] en qualité de président de la société [Localité 16] [14],

- déboute les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions,

- condamne la société [Localité 16] [14], prise en la qualité de la société BG & associés en la personne de Maître [D] ès qualités d'administrateur d'avoir à payer la somme de 2 500 euros à M. [Y] [W] ès qualités sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la société [Localité 16] [14] prise en la personne de la société BG & associés en la personne de Maître [M] [D] ès qualités d'administrateur aux entiers dépens.

- liquide les dépens à la somme de 120,44 euros.

Le tribunal a retenu à cet effet que l'interdiction faite à M. [Y] [W] d'exercer toute activité au sein de la société [Localité 16] [14] le mettait dans l'obligation de proposer sa démission de ses fonctions de président de la société [Localité 16] [14], que la désignation d'un administrateur provisoire ayant pour mission de 'gérer et administrer' ne limite pas les pouvoirs des associés de la SAS, que la nomination d'un président de SAS relève de la compétence des associés qui peuvent s'auto-saisir dès lors que tous les associés sont présents, que de plus l'intérêt social de la société [Localité 16] [14] se trouvera préservé et renforcé en désignant un président disposant de toute sa capacité civile de représentation. 

La société [14] représentée par la société BG & associés prise en la personne de Maître [M] [D] et la société BG & associés prise en la personne de Maître [M] [D] ont interjeté appel de cette décision le 19 décembre 2023.

Par ordonnance du 22 janvier 2024, le président du tribunal de commerce de Nice a désigné la SELARL [O], mandataires judiciaires, représentée par Maître [S] [O] en qualité de mandataire ad hoc de la société SAS [14], avec pour mission de représenter les droits propres de la société dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire prononcée le 9 mars 2023.

Par conclusions déposées le 9 avril 2024, notifiées le 9 avril et le 2 mai 2024, La société [14] représentée par la société BG & associés, la société BG & associés prise en la personne de Maître [M] [D], agissant initialement ès qualités d'administrateur provisoire et depuis le 9 mars 2023 ès qualités d'administrateur judiciaire de la société [14], et la SCP BTSG2, prise en la personne de Me [F] [C] ès qualités de mandataire judiciaire de la SAS [14], demandent à la cour, vu les articles 1833 du code civil, L.631-2 du code de commerce, 20 et suivants des statuts de la société [14] de :

- recevoir l'intervention volontaire de la SCP BTSG2, prise en la personne de Me [F] [C] ès qualités de mandataire judiciaire de la SAS [14].

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nice en ce qu'il a :

débouté la société ([Localité 16]) [14], prise en la personne de la société BG & associés en la personne de Me [M] [D] ès qualités d'administrateur de sa demande d'annulation de la décision du 7 juillet 2022 des actionnaires de la société ([Localité 16]) [14] ayant désigné Mme [V] [W] en lieu et place de M. [Y] [W] en qualité de président de la société [Localité 16] [14], et statuant à nouveau,

- constater que la décision des actionnaires de la SAS [14] en date du 7 juillet 2022 a été réalisé en violation :

- des statuts de la SAS [14],

- de l'ordonnance de M. le Président du tribunal de commerce de Nice en date du 12 octobre 2021, renouvelée le 1er avril 2022 et ayant désigné Me [M] [D] administrateur provisoire de la SAS [14],

- de l'intérêt social de la SAS [14] devant primer sur l'intérêt personnel de ses actionnaires,

Et par conséquent,

- annuler la décision du 7 juillet 2022 des actionnaires de la SAS [14] ayant désigné Mme [V] [W] en lieu et place de M. [Y] [W] en qualité de président de la SAS [14],

En tout état de cause,

- condamner solidairement M. [Y] [W] et Mme [V] [W] à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions déposées et notifiées le 6 mai 2024, la SELARL [O], représentée par Me [S] [O], en qualité de mandataire ad hoc de la SAS [14], demande à la cour, vu les articles 554 et 905-2 du code de procédure civile de :

- recevoir l'intervention volontaire en cause d'appel de la SELARL [O], représentée par Me [S] [O], en qualité de mandataire ad hoc de la SAS [14], désigné à ces fonctions suivant ordonnance n°2024O00025 en date du 22 janvier 2024 de M. le Président du Tribunal de commerce de Nice.

- donner acte la SELARL [O], représentée par Me [S] [O], ès qualités de mandataire ad hoc de la SAS [14] qu'il s'en rapporte à justice quant aux mérites de l'appel.

-statuer ce que de droit sur les dépens.

Par conclusions déposées et notifiées le 6 mai 2024, Mme [V] [W] [Z] demande à la cour, vu les articles 462 du code de procédure civile et 20-2 des statuts de la société [14] de :

- réformer le jugement dont appel uniquement en ce qu'il fait mention dans sa motivation et son dispositif de la société [Localité 16] [14] aux lieu et place de la société [14]

- confirmer le jugement dont appel pour le surplus,

Ce faisant,

- débouter la société [14], prise en la personne de la société BG & associés en la personne de Me [M] [D] ès qualités d'administrateur provisoire et, depuis le jugement du tribunal de commerce de Nice du 9 mars 2023, d'administrateur judiciaire, de sa demande d'annulation de la décision du 7 juillet 2022 des actionnaires de la société [Localité 16] [14] ayant désigné Mme [V] [W] en lieu et place de M. [Y] [W] en qualité de président de la société [14],

- condamner la SAS [14] prise en la personne de la SELARL BG & associés en la personne de Me [D] ès qualités d'administrateur judiciaire d'avoir à payer la somme de 5 000 euros à Mme [V] [W] ès qualités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner la SAS [14] prise en la personne de la SELARL BG & associés en la personne de Me [D] ès qualités d'administrateur judiciaire au paiement des entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Me Manel Malki Bregani, sur son affirmation de droit.

Par conclusions déposées et notifiées le 7 mai 2024, M. [Y] [W] et M. [A] [R], agissant en qualité de tuteur de M. [W], demandent à la cour, vu les articles L.223-27, L.227-6 du code de commerce, 1833 du code civil, 462 et 700 du code de procédure civile, de :

À titre liminaire :

- révoquer l'ordonnance de clôture rendue le 7 mai 2024,

- admettre aux débats les présentes écritures en réponse et récapitulatives,

Au fond, à titre liminaire,

- rectifier l'erreur matérielle commise dans le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nice le 14 décembre 2023, à savoir remplacer '[Localité 16] [14]' par '[14]',

En tout état de cause,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement querellé,

- débouter la SAS [14], représentée par la SELARL BG & associés, prise en la personne de Me [M] [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la SAS [14], représentée par la SELARL BG et associés, prise en la personne de Me [D], à verser à M. [Y] [W], représenté par M. [A] [R], tuteur, la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SAS [14], représentée par la SELARL BG & associés, prise en la personne de Me [M] [D] aux entiers dépens découlant de la présente procédure d'appel.

L'ordonnance de clôture de la procédure rendue le 7 mai 2024 a été révoquée et une nouvelle clôture prononcée le 21 mai 2024 avant l'ouverture des débats.

MOTIFS :

Sur l'erreur matérielle affectant le jugement :

Les parties s'accordent sur le fait que le jugement comporte une erreur manifeste dans la désignation de la société concernée par les dispositions de cette décision.

Il en effet constant que la décision d'actionnaires du 7 juillet 2022 ayant désigné Mme [V] [W] aux fonctions de présidente de la société en remplacement de M. [Y] [W], dont la contestation fait l'objet du litige, est celle des actionnaires de la SAS [14] et non pas celle des actionnaires de la société [Localité 16] [14].

Il ressort de la lecture de la décision entreprise que cette erreur, provenant d'une confusion avec le nom de la société actionnaire, est purement matérielle, le tribunal ayant entendu statuer sur la décision des actionnaires de la SAS [14] en se référant à des considérations concernant la situation de cette société, ce qui n'est contesté par aucune des parties.

Sur la demande d'annulation de la décision collective du 7 juillet 2022 :

Sur le moyen tiré de la non-conformité à l'intérêt social :

Aux termes de l'article L. 235-1 alinéa 2 du code de commerce, applicable à toutes les sociétés commerciales, la nullité d'actes ou délibérations autre que ceux modifiant les statuts d'une société ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du livre II du code des sociétés ou des lois qui régissent les contrats, à l'exception du dernier alinéa de l'article 1833 du code civil, qui dispose que la société est gérée dans son intérêt social.

Il résulte de ces dispositions que hors les cas de fraude ou d'abus de droit commis par certains associés votants au détriment d'autres, la nullité de la décision collective des associés ne peut être poursuivie au seul motif de sa contrariété à l'intérêt social.

Le moyen développé par la SELARL BG & associés au soutien de sa demande d'annulation, tiré de la non-conformité à l'intérêt social de la désignation de Mme [V] [W] en qualité de présidente est en conséquence inopérant.

Sur le moyen tiré de la violation des statuts :

L'article L.227-6 du code de commerce applicable aux sociétés par actions simplifiées dispose notamment que la société est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts.

Les statuts de la SAS [14] prévoient en leur article 15.1 qu'en cours de vie sociale, le président est nommé par décision collective des actionnaires.

En vertu de l'alinéa 1er de l'article L. 227-9 du code de commerce, les statuts d'une société par actions simplifiée déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu'ils prévoient.

L'alinéa 2 détermine une compétence légale de la collectivité des associés pour les décisions qu'il énumère et dont ne fait pas partie la désignation du président, et l'alinéa 3 est relative aux dispositions spécifiques aux sociétés ne comportant qu'un seul associé.

Aux termes de l'alinéa 4, les décisions prises en violation des dispositions de cet article peuvent être annulées à la demande de tout intéressé.

Les modalités de consultation des associés de la société [14] sont déterminées par les articles 20.1 à 20.6 des statuts.

Il résulte de l'article L. 235-1, alinéa 2, du code de commerce que la nullité des actes ou délibérations pris par les organes d'une société commerciale ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du livre II du même code ou des lois qui régissent les contrats, la nullité étant également encourue en cas de violation d'une stipulation statutaire qui aménage une disposition légale impérative.

Constitue une disposition impérative du livre II l'article L.227-6 qui impose de procéder à la désignation d'un président, tout en laissant aux statuts le soin de régler les conditions de sa désignation.

Il en découle que la violation des dispositions statutaires déterminant par quel organe et selon quelles modalités le président est désigné doit être sanctionnée par l'annulation de la décision prise en méconnaissance de ces règles, qui aménagent une disposition impérative.

D'autre part, l'organisation et le fonctionnement de la société par actions simplifiée relèvent essentiellement de la liberté statutaire. Il en découle que le respect des dispositions statutaires qui, conformément à l'article L. 227-9, alinéa 1er, du code de commerce, déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés et les formes et conditions dans lesquelles elles doivent l'être, est essentiel au bon fonctionnement de la société et à la sécurité de ses actes.

Il importe donc que la violation de ces dispositions statutaires puisse être sanctionnée.

L'alinéa 4 de l'article L.227-9 du code de commerce doit ainsi être lu comme complétant pour les sociétés par actions simplifiées, le régime de droit commun des nullités des actes ou délibérations des sociétés, tel qu'il résulte de l'article L. 235-1, alinéa 2, du code de commerce, et comme visant les décisions prises en violation de clauses statutaires stipulées en application du premier alinéa et permettant, notamment lorsque cette violation est de nature à influer sur le résultat du processus de décision, à tout intéressé d'en poursuivre l'annulation.

La SELARL BG & associés et la SELARL [O] ès qualités font valoir à juste titre que les statuts de la SAS [14] soumettent toute prise de décision collective des associés à une intervention du président qui la suscite.

L'article 20.3 prévoit ainsi que les assemblées d'actionnaires sont convoquées par le président et qu'elles peuvent être également convoquées par le commissaire aux comptes ou par un mandataire de justice dans les conditions et selon les modalités prévues par la loi.

L'article 20.5 prévoit qu'en cas de consultation écrite, le président adresse à chaque associé un formulaire de vote et le texte des résolutions proposées.

Les consorts [W] invoquent l'article 20.2 des statuts pour soutenir que les décisions collectives peuvent résulter d'un acte signé par tous les associés.

L'article 20.2 est rédigé comme suit :

'Toutes les décisions pourront également être prises :

- en assemblée,

- à distance, par voie de consultation écrite (courrier ou télécopie) ou d'un vote électronique,

- par conférence vidéo ou téléphonique ou tout autre procédé électronique ou informatique (notamment par liaison internet),

- ou encore résulter d'un acte signé par tous les associés,

au choix du président.'

La précision apportée à la dernière ligne de cet article confirme que quelles que soient les modalités mises en oeuvre pour formaliser la prise de décision des associés, ces modalités sont déterminées par le président qui exerce un choix.

Même lorsque tous les associés sont présents, l'assemblée peut être tenue sans délai mais doit être 'convoquée verbalement' ainsi que le prévoit l'article 20.6.

Selon l'article 15.1 des statuts, la société est gérée et administrée par le président.

À la date de la décision litigieuse, le président de la société avait été dessaisi de ses pouvoirs par l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Nice désignant la SELARL BG & associés en qualité d'administrateur provisoire avec mission de gérer et administrer la SAS [14].

Il en résulte que toute décision collective des associés ne pouvait intervenir que selon les modalités choisies et mises en oeuvres par la SELARL BG & associés seule investie des pouvoirs du président, et que contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, les associés ne pouvaient pas 's'auto-saisir'.

C'est par ailleurs à tort que les consorts [W] se prévalent des dispositions de l'article L.223-27 du code de commerce qui sont applicables aux seules sociétés à responsabilité limitée et non aux sociétés par actions simplifiées.

La décision collective du 7 juillet 2022, prise à l'insu et contre la volonté de l'administrateur investi des pouvoirs du président, encourt l'annulation tant sur le fondement de l'article L.231-5 du code de commerce, en ce qu'elle méconnaît les règles statutaires aménageant la règle impérative de l'article L.227-6 du code de commerce, que sur celui de l'article L.227-9 alinéa 1 et 4 du même code, la violation des règles statutaires ayant eu pour conséquence la prise d'une décision qui n'aurait pas dû intervenir en l'état de l'opposition de l'administrateur à organiser une consultation sur la désignation d'un nouveau président.

La décision du 7 juillet 2022 sera en conséquence annulée, le jugement entrepris étant infirmé, sans qu'il soit nécessaire de ce fait de procéder à la rectification de l'erreur matérielle qui en affecte le dispositif.

Parties succombantes, M. [Y] [W] et Mme [V] [W] seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel, chacun pour moitié, chacun d'eux étant outre condamné à payer à la SELARL BG & associés la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Reçoit la SCP BTSG2, prise en la personne de Me [F] [C], en son intervention volontaire ès qualités de mandataire judiciaire de la SAS [14],

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Prononce l'annulation de la décision collective des actionnaires de la SAS [14] du 7 juillet 2022 désignant Mme [V] [W] aux fonctions de présidente de la société en remplacement de M. [Y] [W],

Condamne M. [Y] [W] représenté par son tuteur et Mme [V] [W] à payer chacun à la SELARL BG & associés la somme de 2500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [Y] [W] représenté par son tuteur et Mme [V] [W] aux dépens de première instance et d'appel, chacun pour moitié.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-4
Numéro d'arrêt : 23/15628
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;23.15628 ?
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