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04/07/2024 | FRANCE | N°23/15574

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-4, 04 juillet 2024, 23/15574


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4



ARRÊT

DU 04 JUILLET 2024



N° 2024/ 137







Rôle N° RG 23/15574 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BMJYH







[G] [N]

[O] [S]





C/



[I] [V]

[E] [H] épouse [V]

[B] [H]

S.C.I. FAB 257





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Elie MUSACCHIA





Me Frédéri CANDAU
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Me Philippe DUTERTRE





Décision déférée à la Cour :



Ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de NICE en date du 27 Novembre 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/04695.





APPELANTS



Monsieur [G] [N]

né le [Date naissance 5] 1948 à [Localité 13] (06), demeura...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT

DU 04 JUILLET 2024

N° 2024/ 137

Rôle N° RG 23/15574 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BMJYH

[G] [N]

[O] [S]

C/

[I] [V]

[E] [H] épouse [V]

[B] [H]

S.C.I. FAB 257

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Elie MUSACCHIA

Me Frédéri CANDAU

Me Philippe DUTERTRE

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de NICE en date du 27 Novembre 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/04695.

APPELANTS

Monsieur [G] [N]

né le [Date naissance 5] 1948 à [Localité 13] (06), demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [O] [S]

née le [Date naissance 6] 1957 à [Localité 15] (59), demeurant [Adresse 8]

représentée par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Madame [I] [V]

née le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 11] (ALGERIE), demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Frédéri CANDAU, avocat au barreau de NICE

Madame [E] [H] épouse [V]

née le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 14] (60), demeurant [Adresse 4]

représentée et assistée de Me Philippe DUTERTRE de la SCP SCP D'AVOCATS BERLINER-DUTERTRE, avocat au barreau de NICE, plaidant

Monsieur [B] [H]

né le [Date naissance 7] 1944 à [Localité 12] (95), demeurant [Adresse 4]

représenté et assisté de Me Philippe DUTERTRE de la SCP SCP D'AVOCATS BERLINER-DUTERTRE, avocat au barreau de NICE, plaidant

Société FAB 257 S.C.I. , prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée et assistée de Me Philippe DUTERTRE de la SCP SCP D'AVOCATS BERLINER-DUTERTRE, avocat au barreau de NICE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 21 Mai 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Laetitia VIGNON, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024,

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Mme [I] [V], M. [B] [H] et Mme [E] [V] épouse [H] ont constitué, le 15 avril 1999, une société civile immobilière dénommée Fab 257.

Suivant acte authentique dressé par Me [F] [Y], notaire à [Localité 10], le 10 novembre 2014, Mme [I] [V] a cédé à M. [B] [H] et Mme [E] [V] épouse [H] les 1135 parts sociales qu'elle détenait dans la SCI Fab 257 contre paiement d'un prix de 237.965 € et d'un droit d'usage et d'habitation jusqu'à la fin de sa vie du bien immobilier détenu par la société.

Cet acte de cession de parts sociales a été publié et enregistré le 19 novembre 2014.

Aux termes d'une reconnaissance de dette du 19 mars 2015, Mme [I] [V] a reconnu devoir rembourser à M. [G] [N] la somme de 80.000 € qu'il lui avait prêtée. Par une seconde reconnaissance de dette datée du 28 août 2015, Mme [I] [V] a également reconnu devoir à Mme [O] [S] la somme de 80.000 € en remboursement d'un prêt.

Mme [I] [V] n'ayant pas procédé au règlement des sommes dont elle était redevable, M. [G] [N] et Mme [O] [S] l'ont fait assigner devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nice.

Par deux ordonnances de référé du 23 juillet 2020, Mme [I] [V] a été condamnée à payer une provision de 69.000 € à Mme [O] [S], d'une part et, une provision de 63.000 € à M. [G] [N], d'autre part.

Les voies d'exécution entreprises pour obtenir le paiement de ces sommes se sont révélées infructueuses.

Par actes du 14 décembre 2021, M. [G] [N] et Mme [O] [S] ont fait assigner la société Fab 257, Mme [I] [V], M. [B] [H] et Mme [E] [V] épouse [H] devant le tribunal judiciaire de Nice aux fins d'obtenir, sur le fondement de l'action paulienne, que l'acte de cession de parts du 10 novembre 2014 soit déclaré inopposable.

La société Fab 257, M. [B] [H] et Mme [E] [V] épouse [H] ont saisi le juge de la mise en état d'un incident tendant à voir déclarer l'action intentée à leur encontre prescrite.

Par ordonnance en date du 27 novembre 2023, le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Nice a:

- déclaré l'action de M. [G] [N] et Mme [O] [S] à l'encontre de la société Fab 257, Mme [I] [V], M. [B] [H] et Mme [E] [V] épouse [H] irrecevable car prescrite,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et a débouté toutes les parties de leurs demandes formées de ce chef,

- condamné M. [G] [N] et Mme [O] [S] aux dépens.

Ce magistrat a retenu que :

- l'action paulienne est une action personnelle soumise à la prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil, courant à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer et ce n'est que lorsque la fraude du débiteur a empêché le créancier d'exercer son action que le point de départ en est reporté au jour où il a effectivement connu l'existence de l'acte fait en fraude de ses droits,

- si l'acte a été porté régulièrement à la connaissance des tiers, du fait de sa publication, les créanciers sont réputés avoir connaissance de cette date qui fait courir le délai de prescription,

- la fraude paulienne suppose, d'une part que le débiteur ait passé un acte constitutif d'une atteinte au droit de son créancier et, d'autre part, qu'il ait été animé d'une intention frauduleuse,

- l'acte de cession de parts a été publié et enregistré le 19 novembre 2014 alors que :

* il ressort des pièces produites que ce n'est que postérieurement à cet acte que M. [G] [N] et Mme [O] [S] ont prêté de l'argent à Mme [I] [V], de sorte qu'au jour de la cession de parts sociales, celle-ci n'était pas encore leur débitrice et ne peut pas avoir eu d'intention frauduleuse à leur égard en passant cet acte,

* en tout état de cause, l'acte a été publié le 19 novembre 2014 et a donc été rendu opposable aux tiers qui sont réputés avoir eu connaissance de son existence à cette date et il n'est pas établi que Mme [I] [V] a usé de manoeuvres précises pour dissimuler cette cession à d'éventuels créanciers,

- le point de départ du délai pour agir ne saurait être reporté au constat de l'insolvabilité de la débitrice à la suite de voies d'exécution infructueuses entreprises à son encontre, puisque destiné à obtenir l'inopposabilité d'un acte impliquant des tiers cocontractants, le délai pour exercer l'action paulienne ne peut courir qu'à compter de cet acte, ou s'il a été dissimulé, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, à compter du jour où le créancier en a eu connaissance.

Par déclaration en date du 19 décembre 2023, M. [G] [N] et Mme [O] [S] ont interjeté appel de cette ordonnance.

Aux termes de leurs conclusions notifiées par RPVA le 16 janvier 2024 et une nouvelle fois le 28 février 2024, M. [G] [N] et Mme [O] [S] demandent à la cour de :

Vu les articles 1341-2 et 2224 du code civil,

- infirmer en l'ensemble de ses dispositions l'ordonnance du juge de la mise en état rendue le 27 novembre 2023 près le tribunal judiciaire de Nice,

En conséquence,

- juger non prescrite l'action paulienne introduite par M. [G] [N] et Mme [O] [S],

En conséquence,

- débouter la société Fab 257, M. [B] [H] et Mme [E] [V] épouse [H] de leur demande d'incident, fins et conclusions,

- ordonner le renvoi de la cause et des parties par devant le tribunal judiciaire de Nice afin qu'il soit statué sur les demandes de M. [G] [N] et Mme [O] [S],

- condamner in solidum M. [B] [H] et Mme [E] [V] épouse [H] à payer à M. [G] [N] et Mme [O] [S] la somme de 3.000 € chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens.

La société Fab 257, M. [B] [H] et Mme [E] [V] épouse [H], suivant leurs conclusions notifiées par RPVA le 14 février 2024, demandent à la cour de:

- constater que l'action a été introduite après expiration du délai de prescription,

En conséquence,

- confirmer l'ordonnance dont appel,

- débouter M. [G] [N] et Mme [O] [S] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- les condamner au paiement d'une somme qui ne saurait être inférieure à 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance d'appel.

Mme [I] [V], par ses conclusions signifiées par RPVA le 24 février 2024, demande à la cour de :

Vu l'article 1341-2 du code civil,

Vu l'article 2224 du code civil,

- confirmer l'ordonnance de mise en état du 27 novembre 2023 dont appel en ce qu'elle a:

*déclaré l'action de M. [G] [N] et Mme [O] [S] à l'encontre de la société Fab 257, Mme [I] [V], M. [B] [H] et Mme [E] [V] épouse [H] irrecevable car prescrite,

- débouter en conséquence M. [N] et Mme [S] de leurs demandes, fins et conclusions,

Y ajoutant,

- condamner M. [N] et Mme [S] à payer à Mme [I] [V] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 7 mai 2024.

MOTIFS

M. [N] et Mme [S] soutiennent qu'en matière d'action paulienne, la seule publication n'exclut pas la possibilité de report du point de départ du délai de prescription si la fraude est démontrée, qu'en l'espèce, cette fraude résulte précisément de l'organisation d'insolvabilité et n'a été découverte que lorsqu'ils ont tenté d'exécuter les deux ordonnances de référé du 23 juillet 2020 rendues à leur bénéfice. Ils considèrent que la fraude réside très précisément dans l'organisation du montage préalablement au paiement des créanciers à la débitrice, laquelle leur a fait miroiter des possibilités de placement. Ils relèvent que Mme [V], grâce à l'aide de sa famille, a mis préalablement à l'abri son patrimoine, a organisé son insolvabilité puis a encaissé l'argent qui lui a été prêté par ses créanciers, que les demandeurs à l'incident ne pouvaient ignorer la fraude qui résulte de l'analyse comptable et mathématique du montage. Ils estiment que dès lors que l'action paulienne ne peut être recevable que lorsque le débiteur principal s'avère être insolvable, le délai de prescription court à partir de la démonstration de l'insolvabilité de ce même débiteur, soit en l'espèce, dans l'hypothèse la plus défavorable, au regard des pièces produites à compter de l'aveu d'insolvabilité de Mme [I] [V] le 3 avril 2018.

Les intimés contestent une telle analyse, rappelant que le point de départ de l'action paulienne est la publication de l'acte frauduleux, qu'en l'espèce, l'acte de cession de parts sociales a été publié et enregistré le 19 novembre 2014, de sorte que l'action introduite par les appelants en septembre 2021 est largement prescrite.

Ils font valoir que :

- l'acte de cession de parts sociales a été régulièrement porté à la connaissance des tiers du fait de sa publication au service de la publicité foncière et le créancier est réputé avoir connaissance de l'existence de cet acte dès cette date,

- cette solution est inapplicable en cas de fraude du débiteur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisqu'en l'occurrence, les reconnaissances de dettes sont postérieures à la cession de parts, de sorte que la prescription court à compter du jour où la cession a été enregistrée et publiée,

- l'insolvabilité postérieure de Mme [I] [V] ne saurait justifier le report du point de départ du calcul de la prescription, eu égard d'une part, au principe de sécurité juridique résultant de la publication légale et d'autre part, en ce que c'est au jour de l'acte litigieux que le créancier doit établir l'insolvabilité au moins apparente de son débiteur,

- la cession de parts querellée intervenue le 10 novembre 2014 a été publiée le 19 novembre 2014, alors que la reconnaissance de dette fondant l'action est rédigée en août 2015, à savoir qu'au jour de la création de la dette, les parts sociales de Mme [I] [V] ne sont plus dans son patrimoine depuis un an.

Il convient de rappeler que l'action paulienne qui vise à rendre inopposable à un créancier l'acte fait par l'un de ses débiteurs en fraude de ses droits est une action de nature personnelle qui est donc soumise à la prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil courant à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître l'existence des faits lui permettant de l'exercer.

Lorsque la fraude du débiteur a empêché le créancier d'exercer son action, le point de départ du délai est reporté au jour où celui-ci a effectivement connu l'existence de l'acte effectué en fraude de ses droits.

Il n'en demeure pas moins qu'en présence d'un acte soumis à publicité foncière et à la condition que cette publication soit intervenue régulièrement, cette publication fait courir le délai de prescription de l'action en inopposabilité exercée sur le fondement de l'action paulienne.

En l'espèce, il n'est pas contesté que l'acte de cession de parts sociales argué de fraude par les appelants a été reçu par acte authentique du 10 novembre 2014 avant d'être publié et enregistré auprès du service des impôts extérieurs de [Localité 9] le 19 novembre 2014, la mention de cette publication étant portée en marge de l'acte.

L'acte litigieux a été porté régulièrement à la connaissance des tiers du fait de sa publication et le créancier est ainsi réputé avoir connaissance de son existence dès cette date.

En conséquence, les appelants ne peuvent utilement soutenir que le point de départ du délai pour agir a été reporté au constat de l'insolvabilité avérée de Mme [I] [V] alors que, précisément, en présence d'un acte soumis à publicité et à la condition de la régularité de cette publication, ce qui est le cas en l'espèce, il ne saurait y avoir de report du point de départ de la prescription qui commence à courir à compter de la date de la publication.

Le délai a donc commencé à courir à compter du 19 novembre 2014, de sorte que l'action intentée par M. [N] et Mme [S] en inopposabilité de l'acte de cession de parts du 19 novembre 2014 sur le fondement de l'action paulienne, par assignation du 14 décembre 2021, est prescrite.

L'ordonnance entreprise sera ainsi confirmée.

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,

Confirme l'ordonnance du juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Nice en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [G] [N] et Mme [O] [S] à payer à la société Fab 257, M. [B] [H] et Mme [E] [V] épouse [H] la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Condamne M. [G] [N] et Mme [O] [S] à payer à Mme [I] [V] la somme de 1.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Condamne M. [G] [N] et Mme [O] [S] aux dépens de la procédure d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-4
Numéro d'arrêt : 23/15574
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;23.15574 ?
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