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04/07/2024 | FRANCE | N°23/14187

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-9, 04 juillet 2024, 23/14187


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9



ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024



N° 2024/406









Rôle N° RG 23/14187 N° Portalis DBVB-V-B7H-BMFH3







[B] [X] EPOUSE [C]





C/



S.A. NEXITY STUDEA







Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Radost VELEVA-REINAUD



Me Michèle CIRILLO













Décision déférée à la Cour :


>Jugement du Juge de l'exécution de NICE en date du 02 Mars 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 22/02872.





APPELANTE



Madame [B] [X] épouse [C]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023-002041 du 16/11/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024

N° 2024/406

Rôle N° RG 23/14187 N° Portalis DBVB-V-B7H-BMFH3

[B] [X] EPOUSE [C]

C/

S.A. NEXITY STUDEA

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Radost VELEVA-REINAUD

Me Michèle CIRILLO

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l'exécution de NICE en date du 02 Mars 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 22/02872.

APPELANTE

Madame [B] [X] épouse [C]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023-002041 du 16/11/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

née le 09 Février 1960 à [Localité 2]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 5]

représentée et assistée par Me Radost VELEVA-REINAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, substituée par Me Charles REINAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉE

S.A. NEXITY STUDEA,

immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 342 090 834

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

représentée par Me Michèle CIRILLO de la SELARL SC AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Patrice PUJOL, avocat au barreau de LYON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 29 Mai 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024,

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure, prétentions des parties :

La société Nexity Studéa prenait à bail commercial des logements situés dans des résidences avec services pour les sous-louer dans le cadre de locations à courte durée.

Selon contrat de résidence du 10 septembre 2017, la société Nexity Studéa donnait en location à madame [C] un appartement meublé [Localité 3], contre une redevance mensuelle de 540,40 € TTC outre 2,40 € au titre des prestations annexes.

Par courrier du 5 mars 2019, la société Nexity Studéa délivrait à madame [C] un congé à effet au 30 juin 2019, terme du bail, et l'informait de la possibilité de signer un nouveau bail avec le nouveau gestionnaire de la résidence.

Un jugement du 25 novembre 2021, signifié le 21 avril 2022, du juge des contentieux de la protection de Nice :

- rejetait la demande de requalification du bail en bail d'habitation non meublée,

- validait le congé du 5 mars 2019 pour le 30 juin 2019 délivré par la société Nexity Studéa,

- ordonnait à madame [C] de libérer l'appartement et de restituer les clés dans le délai de huit jours à compter de la signification du jugement,

- disait qu'à défaut de départ volontaire dans les deux mois après la notification du commandement de quitter les lieux, la société Nexity Studéa pourrait, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier si besoin,

- fixait le montant de l'indemnité d'occupation mensuelle à la somme de 556,31 €,

- rejetait la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamnait madame [C] aux dépens.

Le 6 mai 2022, la société Nexity Studéa faisait signifier à madame [C] un commandement de quitter les lieux.

Le 7 juillet 2022, madame [C] saisissait le juge de l'exécution de Nice aux fins de nullité de ce commandement de quitter les lieux et subsidiairement d'octroi d'un délai de 3 ans pour quitter l'appartement.

Aux termes d'un jugement du 2 mars 2023, le juge de l'exécution de Nice :

- rejetait la demande de nullité du commandement de quitter les lieux du 6 mai 2022 et des actes subséquents,

- accordait à madame [C] un délai de douze mois à compter du jugement,

- disait n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissait à chaque partie la charge de ses dépens.

Ledit jugement était notifié à madame [C] par lettre recommandée avec demande d'avis de réception signé le 6 mars 2023. Elle déposait dès le 16 mars 2023 une demande d'aide juridictionnelle et obtenait le 16 novembre 2023 le bénéfice d'une aide juridictionnelle totale.

Par déclaration du 17 novembre 2023 au greffe de la cour, madame [C] formait appel du jugement précité.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 26 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé du litige, madame [C] demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté sa demande de nullité du commandement aux fins de quitter les lieux et lui a octroyé un délai pour quitter les lieux limité à un an,

- statuant à nouveau, prononcer la nullité du commandement de quitter les lieux du 6 mai 2022 et des actes subséquents,

- à titre subsidiaire, lui accorder un délai de trois ans pour quitter les lieux,

- condamner la société Nexity au paiement d'une indemnité de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle demande la nullité du commandement de quitter les lieux du 6 mai 2022 au motif que le contrat de gestion de la société Nexity Studéa a pris fin le 30 juin 2019. Il importe peu que le titre exécutoire du 25 novembre 2021 ait été délivré au nom de cette dernière dès lors qu'au jour de l'assignation en référé délivrée le 19 octobre 2019, son mandat de gestion était déjà expiré.

Elle fonde sa demande subsidiaire de délais de 3 ans pour quitter les lieux sur ses démarches multiples de relogement depuis la première du 24 mai 2016. Si son relogement a été déclaré prioritaire par décision du 30 août 2022, elle a toujours été classée en troisième position et n'a donc jamais reçu de proposition. Elle invoque sa situation personnelle, bénéficiaire d'une allocation adulte handicapée, dépressive selon avis médical produit en raison de sa grande précarité et de son âge, et rappelle être à jour du paiement des indemnités d'occupation pour un logement étudiant de 18 m2.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 3 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la société Nexity Studéa demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a validé le commandement de quitter les lieux,

- infirmer le jugement déféré pour le surplus et statuant à nouveau,

- débouter madame [C] de sa demande de délais pour quitter les lieux,

- condamner madame [C] au paiement d'une indemnité de 1 500 € pour frais irrépétibles en appel et aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de maître Cirillo, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle soutient que sa qualité à agir a été retenue par le jugement du 25 novembre 2021 et rappelle que son bailleur lui a délivrée congé pour le 31 août 2015 et qu'un protocole d'accord ultérieur lui impose de restituer le logement occupé par l'appelante au 30 juin 2019. Elle avait donc qualité pour obtenir son expulsion et lui faire délivrer un commandement de quitter les lieux. De plus, madame [C] a reconnu sa qualité en lui payant les indemnités d'occupation.

Elle fonde le rejet de tout délai pour quitter les lieux sur l'existence d'un délai de fait très important depuis le congé du 30 juin 2019 et relève que la demande excède la durée maximum de trois ans en l'état du délai d'un an alloué par le premier juge.

L'instruction de l'affaire était close par ordonnance du 30 avril 2024.

MOTIVATION DE LA DÉCISION :

En l'état d'une notification du jugement déféré du 6 mars 2023 mais d'une demande d'aide juridictionnelle du 16 mars 2023 puis d'une décision d'octroi du 16 novembre suivant, l'appel formé le 17 novembre 2023 est recevable.

- Sur la demande de nullité du commandement de quitter les lieux,

En application des dispositions de l'article R 121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution ne peut, ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution.

L'article L 411-1 du code des procédure civiles d'exécution dispose que sauf disposition spéciale, l'expulsion d'un immeuble ou d'un lieu habité ne peut être poursuivie qu'en vertu d'une décision de justice ou d'un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d'un commandement d'avoir à libérer les lieux.

Il en résulte que le commandement de quitter les lieux doit être délivré par le bénéficiaire du titre exécutoire sauf transmission de son bénéfice à un tiers.

En l'espèce, le commandement d'avoir à libérer les lieux du 6 mai 2022 a été délivré sur le fondement du jugement du 25 novembre 2021, signifié le 21 avril 2022, du juge des contentieux de la protection de Nice. Le dispositif de ce dernier mentionne notamment qu'à défaut pour madame [C] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans le délai imparti, la société Nexity Studéa pourra, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion.

Madame [C] n'a pas formé appel de ce jugement pour contester la qualité de bailleur de la société Nexity Studéa et sa qualité à agir aux fins de résiliation du bail et d'expulsion.

Les termes du jugement du 25 novembre 2021 s'imposent au juge de l'exécution. Dès lors, en l'absence de transmission du bénéfice du titre exécutoire à un tiers, la société Nexity Studéa est bénéficiaire de ce titre portant résiliation du bail et expulsion de madame [C]. Elle avait donc qualité pour agir et lui délivrer un commandement de quitter les lieux au titre de l'exécution forcée du jugement du 25 novembre 2021.

Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du commandement du 6 mai 2022 d'avoir à libérer les lieux.

- Sur la demande de délais pour quitter les lieux,

Selon l'article R 412- 4 du code des procédures civiles d'exécution, à compter de la signification du commandement d'avoir à libérer les locaux, toute demande de délais formée en application des articles L 412-2 et L 412-6 est portée devant le juge de l'exécution du lieu de situation de l'immeuble.

L'article L 412-3 du code des procédures civiles d'exécution, dans ses dispositions issues de la loi n°2023-668 du 27 juillet 2023 d'application immédiate aux procédures en cours, énonce que le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.

Le juge qui ordonne l'expulsion peut accorder les mêmes délais, dans les mêmes conditions.

Cette disposition n'est pas applicable lorsque le propriétaire exerce son droit de reprise dans les conditions prévues à l'article 19 de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement, lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l'article L. 442-4-1 du code de la construction et de l'habitation n'a pas été suivie d'effet du fait du locataire ou lorsque ce dernier est de mauvaise foi.

Les deux premiers alinéas du présent article ne s'appliquent pas lorsque les occupants dont l'expulsion a été ordonnée sont entrés dans les locaux à l'aide de man'uvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.

L'article L 412-4 du même code, dans ses dispositions issues de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 d'application immédiate aux procédures en cours, énonce que la durée des délais prévus à l'article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.

En l'espèce, madame [C], âgée de 64 ans, isolée et bénéficiaire de l'allocation adulte handicapée d'un montant mensuel de 919 €, souffre d'un épisode dépressif sévère ayant donné lieu à une hospitalisation selon certificats médicaux des 12 septembre 2022, 22 mars et 23 novembre 2023. Cette situation ne lui permet pas de se reloger dans le parc privé.

Par ailleurs, elle justifie avoir formé un recours DALO rejeté par décision du 17 septembre 2019 en l'absence d'expulsion ordonnée par décision de justice puis un nouveau recours DALO du 3 juin 2022 avec avis de rejet implicite à compter du 3 septembre 2022. Suite à une demande de soutien du 6 juin 2022 auprès de l'assistance sociale de la Maison des solidarités départementales de [Localité 4] Port, un courriel de cette dernière du 19 août 2022 l'informait de dossiers constitués auprès de quatre organismes en vue de son relogement et de l'absence de caractère prioritaire de sa demande compte tenu de son statut de femme seule sans enfant.

Enfin, elle justifie avoir adressé, le 17 juin 2022, une demande de relogement à neuf bailleurs sociaux (3F Sud, S.O.H.L.A.M, Logis familial, Logirem, Erilia, ICF Sud-Est Méditerranée, Habitat 06, Cote d'Azur Habitat, CDC Habitat ) restées sans réponse favorable.

Il résulte des motifs précités que madame [C] justifie qu'en dépit des démarches précitées dûment établies, son relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales. De plus, le décompte produit par le bailleur établit que madame [C] est à jour du paiement des indemnités d'occupation.

A ce titre, il convient de rappeler que l'article L 412-3 nouveau précité limite désormais à douze mois le quantum du délai susceptible d'être octroyé aux occupants de lieux habités.

Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé dans toutes ses dispositions.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [C], partie perdante, supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant après débats en audience publique et en avoir délibéré, conformément à la loi, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,

CONSTATE la recevabilité de l'appel,

CONFIRME le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE madame [B] [C] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux textes régissant l'aide juridictionnelle, distraits au profit de maître Cirillo, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-9
Numéro d'arrêt : 23/14187
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;23.14187 ?
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