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04/07/2024 | FRANCE | N°23/11014

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-2, 04 juillet 2024, 23/11014


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2



ARRÊT

DU 04 JUILLET 2024



N° 2024/454









Rôle N° RG 23/11014 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLZWT







[J] [H]-[R]





C/



[S] [T]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Alain BADUEL de la SCP MIRABEAU AVOCATS



Me Nadine ABDALLAH-MARTIN







Décision défér

ée à la Cour :



Ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal judiciaire d'Aix en Provence en date du 01 Août 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 23/00336.





APPELANTE



Madame [J] [H]-[R] épouse [N]

née le 05 Avril 1950 à [Localité 32],

demeurant [Adresse 23]



représe...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 04 JUILLET 2024

N° 2024/454

Rôle N° RG 23/11014 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLZWT

[J] [H]-[R]

C/

[S] [T]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Alain BADUEL de la SCP MIRABEAU AVOCATS

Me Nadine ABDALLAH-MARTIN

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal judiciaire d'Aix en Provence en date du 01 Août 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 23/00336.

APPELANTE

Madame [J] [H]-[R] épouse [N]

née le 05 Avril 1950 à [Localité 32],

demeurant [Adresse 23]

représentée par Me Alain BADUEL de la SCP MIRABEAU AVOCATS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

INTIMEE

Madame [S] [E] épouse [T]

née le 14 novembre 1949 à [Localité 28], demeurant [Adresse 29]

représentée par Me Nadine ABDALLAH-MARTIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

et assistée de Me Joëlle ESTEVE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 28 Mai 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Florence PERRAUT, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Gilles PACAUD, Président

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Mme Florence PERRAUT, Conseillère rapporteur

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Caroline VAN-HULST, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique de donation du 20 septembre 1979, madame [J] [H]-[R] épouse [N] a recu en nue-proprieté de madame [O] [M] veuve [H]-[R] les parcelles cadastrées AM n°[Cadastre 5] et [Cadastre 6], ainsi que les parcelles AM n°[Cadastre 1] à [Cadastre 2],[Cadastre 3], [Cadastre 7] à [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 12] et [Cadastre 13] sises au lieu-dit '[Localité 31]' à [Localité 33].

Mme [O] [M] veuve [H]-[R] avait elle-même acquis les parcelles AM n°[Cadastre 5] et [Cadastre 6], dans le cadre d'un échange intervenu par acte authentique du 4 janvier1963, publié le 14 février 1963, avec Mme [X] [C] veuve [G], cette dernière ayant obtenu en contrepartie les parcelles AM n°[Cadastre 16], [Cadastre 18], [Cadastre 22], [Cadastre 24], [Cadastre 25], [Cadastre 26] et [Cadastre 27].

Le 2 décembre 1986, Mme [J] [H]-[R] épouse [N] obtenait un permis afin d'édifier une construction à usage d'habitation, baptisée '[Adresse 30]', sur la parcelle cadastrée AM n°[Cadastre 5].

Depuis plusieurs années, la communication entre ce bâtiment et la voie publique se faisait au moyen d'un chemin traversant la parcelle cadastrée AM n°[Cadastre 4], appartenant alors aux consorts [W]. Une canalisation d'eau alimentant '[Adresse 30]' était également enfouie sous ce chemin.

Par acte authentique en date du 19-décembre 2012, les consorts [W] cédaient la parcelle cadastrée AM n°[Cadastre 4] à Mme [S] [E] épouse [T]. Le titre de propriété de cette dernière mentionnait, au paragraphe consacré aux servitudes : ' le vendeur signale I'existence d'un chemin, paraissant créé de fait, sans qu'il existe toutefois un acte constitutif pour la desserte de la parcelle AM n°[Cadastre 5]. Situation parfaitement connue de l'acheteur qui déclare vouloir en faire son affaire personnelle ».

Mme [S] [E] épouse [T] a demandé à Mme [J] [H]-[R] épouse [N] de ne plus utiliser le chemin desservant '[Adresse 30]', estimant que ce dernier traversait sa propriété, sans qu'aucune autorisation ne lui ait été accordée pour ce faire.

Par jugement en date du 27 mai 2019, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a jugé que :

- le chemin traversant la parcelle cadastrée AM[Cadastre 4] ne constituait pas un chemin d'exploitation ;

- débouté Mme [J] [H]-[R] de toutes ses prétentions au titre de la prescription acquisitive de l'assiette de la servitude du chemin traversant la parcelle cadastrée AM[Cadastre 4] ;

- dit que Mme [S] [E] épouse [T] était en droit de clôturer la parcelle AM[Cadastre 4] lui appartenant ;

- dit que Mme [J] [H]-[R] ne pouvait utiliser le chemin crée, sur la parcelle AM[Cadastre 4] ;

- dit que Mme [J] [H]-[R] ne pouvait utiliser la canalisation d'eau qui traverse la parcelle cadastrée AM[Cadastre 4] et alimente la parcelle cadastrée AM[Cadastre 5] ;

- condamné Mme [J] [H]-[R] à supprimer la canalisation d'eau qui traverse la parcelle cadastrée AM[Cadastre 4] et alimente la parcelle cadastrée AM[Cadastre 5] ;

- débouté Mme [S] [E] épouse [T] du surplus de ses demandes au titre de la suppression des poteaux lignes téléphoniques ;

Par arrêt en date du 05 mai 2022, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé, en toutes ses dispositions, Ie jugement de première instance, sauf en ce qui concernait Ia condamnation à supprimer Ia canalisation d'eau traversant Ia parcelle cadastrée AM n°[Cadastre 4] et statuant à nouveau, a :

- rejeté la demande de Mme [E] épouse [T] tendant à voir condamner Mme [H]-[R] épouse [N] à supprimer la canalisation d'eau installée sur la parcelle cadastrée AM n°[Cadastre 4] ;

- rejeté la demande d'expertise de Mme [H]-[R].

Concernant Ia demande d'expertise, la cour d'appel a indiqué que 'dans la mesure ou Mme [H]-[R] n'avait mis en cause que la propriétaire de la parcelle AM[Cadastre 4] sur laquelle elle s'avérait dépourvue de tout droit, sa demande d'expertise judiciaire formée en appel à titre infiniment subsidiaire n'apparaissait pas utile à la solution du litige, le désenclavement de sa parcelle devant être examiné en premier lieu dans les conditions prévues par l'article 684 du code civil'.

Par acte de commissaire de justice en date du 20 mars 2023, Mme [J] [H]-[R] épouse [N] a fait assigner Mme [S] [E] épouse [T], M. [Y] [V], Mme [D] [A] épouse [V], M. [U] [I], Mme [B] [K] épouse [L]-et M. [WH] [P] devant le président du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence, statuant en référé, aux fins d'entendre :

- ordonner, une mesure d'expertise avec mission habituelle en Ia matière, consistant notamment à déterminer si Ia parcelle cadastrée AM[Cadastre 5] est effectivement enclavée et, Ie cas echéant, quels sont les passages possibles de désenclavement, et déterminer l'indemnité qui résulterait de Ia servitude ainsi constituée ;

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Par ordonnance réputée contradictoire du 1er aout 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence, a :

- ordonné une expertise et commis M. [Z] [F] aux fins d'y procéder, avec mission habituelle en la matière ;

- débouté les parties du surplus de leur demande ;

- condamné Mme [H]-[R] aux dépens.

Ce magistrat a notamment considéré :

- que l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 5 mai 2022 avait autorité de la chose jugée et était venu confirmer que Mme [H]-[R] n'était pas autorisée à utiliser le chemin passant par la parcelle cadastrée AM [Cadastre 4], appartenant à Mme [E] épouse [T] pour desservir la parcelle cadastrée AM [Cadastre 5] sur laquelle était érigé '[Adresse 30]' ;

- qu'au regard de cette décision Mme [H]-[R] prétendait subir un état d'enclave qui ne pourrait être résolu qu'en lui accordant une servitude de passage sur l'un des fonds voisin, raison pour laquelle elle avait introduit la présente instance, appelant dans la cause les propriétaires limitrophes ;

- qu'au regard de la topographie du terrain, des difficultés à rejoindre la voie publique depuis '[Adresse 30]', après qu'il lui était fait interdiction d'emprunter le chemin utilisé jusqu'alors, elle bénéficiait d'un motif légitime à voir réaliser l'expertise sollicitée ;

- que cette expertise se déroulerait au contradictoire des parties, excepté Mme [E] éposue [T] dont l'arrêt de la cour d'appel du 5 mai 2022 avait déjà tranché le point de savoir si une desserte pourrait être accordée à Mme [H]-[R] ;

- que la réalisation d'une expertise sur le fonds de Mme [E] épouse [T] apparaissait superfétatoire, se heurtant à l'autorité de la chose jugée.

Selon déclaration d'appel reçue au greffe le 21 aout 2023, Mme [H]-[R] a interjeté appel de cette décision, visant à la critiquer en ce qu'elle a mis hors de cause Mme [T] notamment sur le fondement de l'autorité de la chose jugée et par voie de conséquence l'a exclue de la mesure d'expertise.

Par dernières conclusions transmises le 9 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [H]-[R] sollicite de la cour qu'elle réforme l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau qu'elle :

- dise que les opérations d'expertise ordonnée par le premier juge se dérouleront au contradictoire de Mme [E] épouse [T] ;

- condamne Mme [E] épouse [T] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir :

- qu'il n'y a pas autorité de la chose jugée de l'arrêt du 5 mai 2022 ;

- que l'article 1355 du code civil impose 4 conditions cumulatives qui ne sont pas remplies en l'espèce :

* qu'il n'y a pas identité d'objet du litige, et que la question du désenclavement ne peut se traiter qu'en présence des propriétaires des parcelles échangées en 1963 ;

* que la cour n'a pas tranché la question de l'enclave et le point de savoir si une desserte pouvait être accordée sur le fonds de Mme [T] ;

* que la cour n'a fait que constater l'absence de titre dont peut se prévaloir Mme [H]-[R] ;

* que la demande en reconnaissance d'une servitude de passage du fait de l'homme et celle d'une servitude légale n'ont pas le même objet, de sorte que le principe de concentration des moyens ne se heurte pas à l'autorité de chose jugée ;

* qu'il n'y a pas identité de parties, puisqu'en l'espèce l'ensemble des propriétaires concernés au sens de l'article 684 du code civil ont été mis en la cause et que désormais la question du désenclavement peut être étudié ;

* que la topographie des lieux rend indispensable la présence de Mme [T] aux opérations d'expertise.

Par dernières conclusions transmises le 16 novembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [T], sollicite de la cour :

- à titre principal : qu'elle confirme l'ordonnance entreprise et déboute Mme [H]-[R] de ses demandes ;

- à titre subsidiaire : déboute Mme [H]-[R] de ses demandes, la parcelle AM n°[Cadastre 5] n'étant pas enclavée et que l'article 684 du code civil ne peut trouver application ;

- condamne Mme [H]-[R] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Au soutien de ses allégations, elle fait valoir :

- qu'il y a autorité de la chose jugée en ce que Mme [H] [R] n'est pas fondée à dire que ses parcelles AM [Cadastre 5] et AM [Cadastre 6] sont enclavées et qu'elle bénéficie d'une servitude légale de passage sur le fonds cadastré AM [Cadastre 4] ;

- qu'il y a bien identité de partie, d'objet et de cause ;

- si l'autorité de chose jugée n'était pas retenue, sa présence aux opérations d'expertise n'est pas fondée en raison de l'absence d'enclave de l'unité foncière appartenant à Mme [H]-[R] ;

- que Mme [H]-[R] bénéficie de plusieurs accès à la voie publique par des sorties existantes ;

- que le bâti '[Adresse 30]' et les deux accès directs voie publique sur la propriété de Mme [H]-[R] sont séparés par un cours d'eau et en détruisant le pont pour construire une piscine illégale, celle-ci s'est mise en situation d'enclave volontaire ;

- qu'elle bénéficie néanmoins d'accès à la voie publique au sud de sa propriété par le chemin d'exploitation 'second chemin du bouquet', qui donne dans le chemin des restanques, donnant lui-même sur la route départementale 17 f ;

- que le bâti '[Adresse 30]' est sur un plateau, son emprise foncière est desservie par le chemin d'exploitation cadastré de sa parcelle AM [Cadastre 2] où de nombreuses voitures peuvent stationner et qu'il est possible de prolonger ce chemin pour arriver devant le bâti ;

- que Mme [H]-[R] occulte le rapport du géomètre qui a étudié 4 trajets afin d'accéder au '[Adresse 30]' ;

- que l'article 684 du code civil ne peut trouver application concernant la parcelle de Mme [T].

L'instruction de l'affaire a été déclarée close par ordonnance du 14 mai 2024.

MOTIFS

A titre liminaire, sur le dispositif de l'ordonnance objet du présent appel

En l'espèce la cour relève que dans les motifs de l'ordonnance entreprise, Mme [T] a été exclue des opérations d'expertise en raison de l'arrêt rendu par la cour d'appel le 5 mai 2022 qui aurait déjà tranché le point de savoir si une desserte pouvait être accordée à Mme [H]-[R], sur le fonds de celle-ci.

Cependant la cour constate qu'aux termes du dispositif de l'ordonnance entreprise, Mme [S] [T] n'a pas été mise hors de cause des opérations d'expertise.

Par conséquent au vu du dispositif de l'ordonnance tel que libellé, le premier juge a omis de statuer sur l'exclusion de Mme [T] des opérations d'expertise.

La cour ne peut donc ni infirmer ni confirmer l'ordonnance entreprise sur ce chef, et devra statuer à nouveau sur ce point.

Sur l'autorité de la chose jugée

L'article 1355 du code civil dispose que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Il est acquis que cet article impose plusieurs conditions cumulatives :

- l'identité de cause ;

- l'identité d'objet ;

- l'identité de parties.

L'article 480 du code de procédure civile précise que le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.

Le principal s'entend de l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'article 4.

L'article 682 du code civil dispose que le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner.

L'article 684 du même code précise que si l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes.

Toutefois, dans le cas où un passage suffisant ne pourrait être établi sur les fonds divisés, l'article 682 serait applicable.

En l'espèce, il est acquis que les parcelles AM [Cadastre 5] et AM [Cadastre 6] ont été acquises par acte du 4 janvier 1963 par Mme [O] [M] épouse [H]-[R], mère de Mme [J] [H]-[R] à l'occasion d'un échange de parcelles avec Mme [X] [C] veuve [G].

Par arrêt du 5 mai 2022, la cour a rejeté la demande d'expertise de Mme [H]-[R], au motif qu'elle n'avait mis en cause que la propriétaire de la parcelle AM [Cadastre 4], sur laquelle elle s'avérait dépourvue de tout droit, et que sa demande d'expertise formée en appel, à titre 'infiniment subsidiaire' n'apparaissait pas utile à la solution du litige, le désenclavement devant être examiné en premier lieu dans les conditions prévues par l'article 684 du code civil.

* concernant ce qui a fait l'objet d'un jugement :

Il est établi que la cour a eu à examiner la question de l'état d' enclave et le passage revendiqué de la parcelle AM n°[Cadastre 5] appartenant à Mme [H]-[R].

Seule Mme [T], propriétaire de la parcelle AM n°[Cadastre 4], a été attraite en la cause.

Ainsi la cour a estimé que les éléments versés aux débats tendaient à établir qu'il était impossible de desservir en voiture l'habitation dénommée '[Adresse 30]' située sur les parcelles AM [Cadastre 5] et AM [Cadastre 6] à partir des chemins existants sur le fonds [H]-[R], à défaut de pouvoir les prolonger du fait du dénivelé existant et de la réglementation protégeant la zone. Elle a néanmoins souligné qu'aucun renseignement n'était fourni sur une éventuelle desserte à partir de ce qui constituait la propriété de Mme [X] [C] Veuve [G].

La cour a ajouté que contrairement à ce que soutenait Mme [T], Mme [C] veuve [G] avait bien divisé son fonds pour procéder à un échange qui ne s'était pas limité à ce qu'elle reçoive les parcelles AM n°[Cadastre 16], [Cadastre 18], [Cadastre 24] à [Cadastre 27] contre toutes les parcelles qu'elle détenait au lieudit [Localité 31], où elle avait conservé la parcelle AM [Cadastre 11].

La cour en a déduit que dès lors que les fonds AM n°[Cadastre 5] et [Cadastre 6] avaient été séparés en 1963 d'un ensemble appartenant à Mme [C] Veuve [G], si l'état d'enclavé était établi, il conviendrait de rechercher un passage en priorité sur celui-ci et non une parcelle extérieure, comme cela était fait dans le cadre de l'instance, sauf à établir que l'assiette et le mode de passage sur la parcelle AM n°[Cadastre 4] étaient prescrit par 30 ans d'usage continu. Elle a estimé que cette prescription acquisitive n'était pas établie et a débouté Mme [H]-[R] de sa demande visant à dire qu'elle bénéficiait d'une servitude légale de passage sur le fonds castré AM n°[Cadastre 4].

C'est dans ce contexte qu'elle a débouté Mme [H]-[R] de sa demande d'expertise judiciaire, dans la mesure où elle n'avait mis en cause que la propriétaire de la parcelle AM n°[Cadastre 4] sur laquelle elle s'avérait dépourvue de tout droit, soulignant que le désenclavement devait être examinée en premier lieu dans les conditions prévues par l'article 684 du code civil.

Ainsi, dans l'instance ayant donné lieu à l'ordonnance du 1er aout 2023, Mme [H]-[R] a attrait, l'ensemble des propriétaires des fonds voisins, dont Mme [T], afin de déterminer si sa parcelle AM n°[Cadastre 5] était enclavée et le cas échéant indiquer le ou les trajets permettant de la désenclaver en déterminant le tracé le plus court et le moins dommageable.

Par conséquent cette instance est dans la continuité de l'arrêt rendu le 5 mai 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, selon lequel la situation du désenclavement ne peut se traiter qu'en présence des propriétaires des parcelles échangées en 1963.

La cour n'a donc pas tranché le point de savoir si une desserte pourrait être accordée sur le fonds de Mme [T]. Aucune disposition de l'arrêt ne le formalise.

* concernant l'identité d'objet

L'arrêt de la cour d'appel du 5 mai 2022 a confirmé le jugement du 27 mai 2019 du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en ce qu'il a fait interdiction à Mme [H]-[R] d'utiliser le chemin créé sur la parcelle AM [Cadastre 4], dit que le chemin traversant la parcelle AM [Cadastre 4] ne constituait pas un chemin d'exploitation, débouté Mme [H]-[R] de ses prétentions au titre de la prescription acquisitive de l'assiette de la servitude du chemin traversant la parcelle AM [Cadastre 4].

Le tribunal et la cour n'ont pas été amenés à se prononcer sur l'état d'enclave.

La demande de Mme [H]-[R] tendant à voir Mme [T] participer à l'expertise ne porte pas nécessairement sur le chemin ayant fait l'objet du précédent contentieux mais vise sur l'ensemble des parcelles appartenant à Mme [T] (AM n°[Cadastre 4], [Cadastre 17] et [Cadastre 19]) contigües aux parcelles de Mme [H]- [R] (AM n°[Cadastre 5] et [Cadastre 6]), et permettant éventuellement un accès à la voie publique, si tel n'est pas le cas des autres propriétaires appelés en la cause.

Cela permet d'examiner les solutions possibles au désenclavement.

* concernant l'identité de parties

Concernant l'identité de parties, il convient de relever que l'ensemble des propriétaires concernés au sens de l'article 684 du code civil n'étaient pas en la cause lors de l'instance ayant donné lieu à l'arrêt du 5 mai 2022.

Ainsi dans le respect des prescriptions de l'arrêt rendu le 5 mai 2022, Mme [H]-[R] a attrait devant le juge des référés, Mme [T], les propriétaires venant aux droits de Mme [G] :

- les consorts [V] [A] (parcelle n°[Cadastre 14]) ;

- M. [I] (parcelle n°[Cadastre 15]) ;

- Mme [L] (parcelle n°[Cadastre 20]) ;

- M. [P] (parcelle n°[Cadastre 21]).

Par conséquent, au vu de l'ensemble de ces éléments, l'arrêt rendu par la cour d'appel le 5 mai 2022, ne peut pas être considéré comme ayant autorité de chose jugée, justifiant l'exclusion de Mme [T] des opérations d'expertise tel que sollicitées dans l'ordonnance entreprise.

Sur la demande d'expertise

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Pour que le motif de l'action soit légitime, la demande de mesure d'instruction doit reposer sur des faits précis, objectifs et vérifiables qui permettent de projeter un litige futur, qui peut n'être qu'éventuel, comme plausible et crédible. Il appartient donc à l'appelante de rapporter la preuve d'éléments suffisants à rendre crédibles ses allégations et démontrer que le résultat de l'expertise à ordonner présente un intérêt probatoire, dans la perspective d'un procès au fond susceptible d'être engagé ultérieurement.

Il résulte, du plan cadastral, que l'état d'enclavement de la parcelle de l'appelante n'est pas acquis, eu égard à l'unité foncière dont elle bénéficie et des accès avec issues directes sur la voie publique.

Au demeurant, il n'appartient pas à la cour statuant en référé, de se prononcer sur ce point.

Le premier juge a été saisi d'une demande d'expertise afin de déterminer si la parcelle était enclavée et le cas échéant quels étaient les passages possibles.

La demande de Mme [T] formulée à titre subsidiaire, tendant à faire débouter Mme [H]-[R] de sa demande tendant à faire reconnaître l'état d'enclave de sa parcelle, est prématurées à ce stade de la procédure. Elle en sera donc déboutée.

Dans ces conditions, il ne saurait être sérieusement contesté que Mme [H]-[R] justifie d'un intérêt légitime à entendre ordonner, une expertise judiciaire afin de déterminer, dans la perspective d'un procès à venir, si ses parcelles sont enclavées, au contradictoire de Mme [T].

Les opérations d'expertise se dérouleront à son contradictoire.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il est admis que la partie défenderesse, puis intimée, à une demande d'expertise ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme la partie perdante au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et ce, même si l'expertise a été ordonnée.

Il convient dès lors de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné Mme [H]-[R] aux dépens.

Mme [T], qui succombe néanmoins en toutes ses prétentions, sera déboutée de sa demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

De même, l'équité commande que Mme [H]-[R] conserve la charge de ses frais irrépétibles. Elle sera déboutée de sa demande formulée à ce titre.

L'équité commande par ailleurs que chaque partie conserve la charge de ses dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de l'appel ;

Confirme l'ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit que les opérations d'expertise se dérouleront au contradictoire de Mme [E] épouse [T] ;

Déboute Mme [E] épouse [T] de sa demande subsidiaire tendant voir débouter Mme [H]-[R] de sa demande tendant à faire reconnaître l'état d'enclave de sa parcelle ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-2
Numéro d'arrêt : 23/11014
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;23.11014 ?
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