La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2024 | FRANCE | N°23/10049

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-2, 04 juillet 2024, 23/10049


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2



ARRÊT

DU 04 JUILLET 2024



N° 2024/450







Rôle N° RG 23/10049 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLWNA







S.A. SACOGIVA





C/



[T] [M] épouse [S]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Laurence DE SANTI













Décision déférée à la Cour :



Ordonnance de référé rendue par le Président du Juge des contentieux de la protection d'AIX EN PROVENCE en date du 13 Juillet 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 12-23-000624.





APPELANTE



SEM SACOGIVA

dont le siège social est situé [Adresse 2]



représentée par Me Laurence DE SANTI de la SCP DRUJO...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 04 JUILLET 2024

N° 2024/450

Rôle N° RG 23/10049 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLWNA

S.A. SACOGIVA

C/

[T] [M] épouse [S]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Laurence DE SANTI

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du Juge des contentieux de la protection d'AIX EN PROVENCE en date du 13 Juillet 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 12-23-000624.

APPELANTE

SEM SACOGIVA

dont le siège social est situé [Adresse 2]

représentée par Me Laurence DE SANTI de la SCP DRUJON D'ASTROS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Madame [T] [M] épouse [S]

demeurant [Adresse 1]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 28 Mai 2024 en audience publique devant la cour composée de :

M. Gilles PACAUD, Président

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Mme Florence PERRAUT, Conseillère rapporteur

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024.

ARRÊT

Rendu par défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Caroline VAN-HULST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 5 août 2022, la société anonyme (SA) Sacogiva, a consenti à madame [T] [M] épouse [S], un bail à usage d'habitation pour un appartement de type T3, sis [Adresse 1], pour une durée de trois années, moyennant le paiement d'un loyer mensuel initialement fixé à la somme de 811,65 euros, révisable annuellement, outre 71,34 euros à titre de provision sur charges.

Le même jour un contrat était conclu pour la location d'un garage au sein de la résidence, pour un loyer mensuel de 55 euros, outre 0,76 euros à titre de provision sur charges.

Se prévalant que les loyers n'avaient pas été réglés, la SA Sacogiva a fait délivrer à Mme [M] épouse [S], un commandement de payer visant la clause résolutoire, le 6 janvier 2023, aux fins d'obtenir le paiement de la somme de 3 021,50 euros au principal.

Considérant que les causes du commandement étaient restées infructueuses, la SA Scogiva a fait assigner, par acte de commissaire de justice du 16 mars 2023, Mme [M] épouse [S], devant le juge des contentieux de la protection du pôle de proximité, du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence, statuant en référé, qui par ordonnance réputée contradictoire du 13 juillet 2023, a :

- constaté la résiliation des deux baux, liant les parties en raison de l'acquisition de la clause résolutoire, au 7 mars 2023 ;

- ordonné l'expulsion de Mme [M] épouse [S] , ainsi que celle de tout occupant de son chef des lieux occupés, à savoir un appartement et un garage, au besoin avec le concours de la force publique, dans le délai de deux mois après la signification du commandement d'avoir à quitter les lieux en application des articles L. 411-1 et 412-1 du code des procédure civiles d'exécution ;

- dit que le sort des meubles serait régi conformément à l'article L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

- condamné Mme [M] épouse [S] au paiement de la somme de 8 663,65 euros, à titre provisionnel, à valoir sur les loyers, charges et indemnités d'occupation impayés arrêtés au 2 juin 2023, échéance du mois mai 2023 incluse ;

- condamné Mme [M] épouse [S] au paiement d'une indemnité provisionnelle d'occupation d'un montant égal au dernier loyer courant augmenté de la provision sur charges et révisable aux conditions du bail, soit 882,99 euros par mois, à compter de la résiliation du bail, jusqu'à la complète libération des lieux ;

- condamné Mme [M] épouse [S] au paiement de la somme de 80 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [M] épouse [S] aux dépens.

Selon déclaration reçue au greffe le 27 juillet 2023, la SA Sacogiva a interjeté appel de cette décision, l'appel visant à la critiquer en ce qu'elle a :

- condamné Mme [M] épouse [S] au paiement d'une indemnité provisionnelle d'occupation d'un montant égal à 882,99 euros par mois, à compter de la résiliation du bail, jusqu'à la complète libération des lieux ;

- condamné Mme [M] épouse [S] au paiement de la somme de 8 663,65 euros, à titre provisionnel, à valoir sur les loyers, charges et indemnités d'occupation impayés arrêtés au 2 juin 2023, échéance du mois mai 2023 incluse.

Par dernières conclusions transmises le 2 octobre 2023, dûment signifiées, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, elle sollicite de la cour qu'elle :

- confirme la décision entreprise en ce qu'elle a :

* constaté la résiliation des deux baux ;

* ordonné l'expulsion de Mme [S] ;

* condamné Mme [S] au paiement de la somme de 80 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- réforme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté l'application d'un surloyer et fixé de manière erronée le montant de l'indemnité provisionnelle d'occupation, et statuant à nouveau qu'elle :

- condamne Mme [S] au paiement de la somme de 14 627,75 euros au titre des loyers impayés arrêtés au 2 juin 2023 ;

- fixe provisoirement aux derniers loyers augmentés de la provision pour charges et révisables aux conditions du bail, l'indemnité mensuelle d'occupation des lieux à la somme totale de 969,09 euros, soit la somme de 911,40 euros pour le logement et 57,69 euros pour le garage ;

- y ajoutant : condamne Mme [S] à lui payer la somme de 1300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

Régulièrement intimée, Mme [M] épouse [S] n'a pas constitué avocat.

L'instruction de l'affaire a été déclarée close par ordonnance en date du 14 mai 2024.

Par soit-transmis en date du 20 juin 2024 la cour a informé le conseil de l'appelante qu'elle entendait soulever d'office le caractère non provisionnel de la demande en paiement formulée au titre de la dette locative et l'a invité à lui faire parvenir ses éventuelles observations, avant le jeudi 27 juin 2024, à 17h00, par le truchement d'une note en délibéré.

Par note en délibéré reçue le 26 juin 2024, le conseil de Mme [M] épouse [S] a répondu qu'il convenait de considérer que sa demande était formulée à titre provisionnel, la procédure étant un référé.Elle ajoute que la demande avait été formulée en première instance à titre provisionnel.

MOTIFS

Sur l'ampleur de la dévolution

Aux termes de l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.

L'article 562 alinéa 1 du même code dispose que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

Il s'induit des dispositions de ces textes que la dévolution est circonscrite tant par la déclaration d'appel, s'agissant de l'appel dit 'principal', que par le dispositif des conclusions des intimés, et plus singulièrement par les demandes d'infirmation qu'ils formulent, pour ce qui est de l'appel incident.

En l'espèce, l'intimée, Mme [M] épouse [S] n'a pas constitué avocat. Par ailleurs, la SA Sacogiva ne critique pas dans sa déclaration d'appel, la décision en ce qu'elle a :

- constaté la résiliation des baux ;

- ordonné l'expulsion de Mme [S] ;

- condamné Mme [S] au paiement de la somme de 80 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conséquent la cour n'est donc pas saisie des condamnations qui ont été prononcées en première instance à ce titre, à l'encontre de Mme [S].

Elle n'a donc pas, contrairement à ce qui lui est demandé, par la SA Sacogiva à confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a constaté la résiliation des baux, ordonné l'expulsion de Mme [S] et condamné Mme [S] au paiement de la somme de 80 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la demande en paiement au titre de la dette locative

Aux termes de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ... le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence ... peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution d'une obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

C'est sur le fondement des dispositions de ce texte, et donc à titre seulement provisionnel, que le juge des référés peut allouer à une partie une somme d'argent à valoir sur l'indemnisation d'un préjudice.

En l'espèce, dans le dispositif de ses conclusions, qui seules peuvent saisir la cour, par application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la SA Sacogiva sollicite la condamnation de Mme [S] à lui payer la somme de 14 627,75 euros au titre de la dette locative arrêtée au 2 juin 2023.

Cette demande, formulé à titre définitif et non provisionnel, doit être déclarée irrecevable par application des dispositions, précitées, de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile. Elle ne peut être modifiée, complétée ou amendée par le truchement d'une note en délibéré qui ne vise qu'à soumettre au contradictoire des parties un point de droit soulevé d'office et non à corriger des prétentions régulièrement formulées par voie de conclusions.

Sur la demande relative à l'indemnité provisionnelle d'occupation

Par application de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu'en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

C'est au moment où la cour statue qu'elle doit apprécier l'existence d'une contestation sérieuse, le litige n'étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l'articulation de ce moyen.

Le paiement des loyers et charges aux termes convenus dans le contrat de location constitue une obligation essentielle du locataire, ce qui résulte tant de l'article 7a de la loi du 6 juillet 1989 que du bail signé entre les parties.

Le maintien dans les lieux postérieurement à la date d'expiration du bail, constitue une faute civile ouvrant droit à réparation en ce qu'elle cause un préjudice certain pour le bailleur, dont l'occupation indue de son bien l'a privé de sa jouissance.

L'indemnité d'occupation a donc une double nature : compensatoire et indemnitaire. Elle est destinée non seulement à compenser les pertes de loyers subies par le bailleur, mais également à indemniser ce dernier du préjudice qu'il subit du fait de l'occupation, qui rend le logement anciennement loué indisponible ( Cass. 3e civ., 27 avr. 1982 : Bull. civ. III, n° 103 ).

L'indemnité d'occupation ne peut être accueillie devant le juge des référés, juge de l'évidence, qu'à concurrence du montant du loyer contractuel courant, charges comprises, auquel le bailleur peut prétendre en cas de maintien dans les lieux après résiliation du bail.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le bail a été résilié par l'effet d'acquisition de la clause résolutoire au 7 mars 2023 et que Mme [S] est devenue à compter de cette date occupante sans droit ni titre.

La SA Sacogiva fait grief au premier juge d'avoir retenu un montant d'indemnité d'occupation erronée, se basant sur les loyers initialement conclus et non sur les derniers loyers augmentés des provisions pour charges.

En l'espèce, selon décompte locatif versé aux débats par la SA Sacogiva, le montant mensuel du loyer s'élevait à 882,99 euros pour l'appartement et 55,76 euros pour le garage, soit un total de 939,75 euros, provisions sur charges incluses, au moment où le bail a été conclu et jusqu'au mois de décembre 2022,

La SA Sacogiva justifie avoir procédé au mois de janvier 2023 à la révision annuelle du loyer en fonction de la variation de l'indice de référence, prévu à l'article 8 des deux contrats de bail, liant les parties stipulant que le loyer serait révisé à la hausse le 1er janvier de chaque année, en fonction de la variation de l'indice de référence des loyers (ou de tout autre indice s'y substituant) par comparaison de l'indice du 2ème trimestre de l'année précédent l'année de révision (c'est à dire l'indice du 2ème trimestre de l'année n-1) avec celui du 2ème trimestre de l'année antérieure à l'année précédent l'année de révision (c'est à dire l'année n-2).

Il ressort de l'avis d'échéance du mois de janvier 2023 que le montant du loyer a été augmenté à la somme de 840,06 euros pour le logement, outre 71,34 euros à titre de provision sur charges (911,40 euros) et 56,93 euros pour le garage, outre 0,76 à titre de provision sur charges (57,69 euros au total).

Le montant des loyers dus pour le mois de janvier 2023 s'élève donc à la somme de 969,09 euros (911, 40 euros +57,69 euros).

Les deux baux ont été résiliés au mois de mars 2023. Le dernier loyer augmenté de la provision pour charges s'élevait donc à la somme de 969,09 euros, montant non sérieusement contestable.

Par conséquent, il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a fixé à 882,99 euros l'indemnité mensuelle d'occupation, fixée provisoirement aux derniers loyers augmentés de la provision pour charges, due à compter de la résiliation du bail jusqu'à libération définitive des lieux.

Mme [S] sera donc condamnée au paiement à titre provisionnel d'une indemnité mensuelle d'occupation de 969,09 euros (911,40 euros pour le logement et 57,69 euros pour le garage) montant non sérieusement contestable, à compter de la résiliation des baux, jusqu'à son départ effectif des lieux.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Il convient de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné Mme [S] aux dépens de l'instance, et à payer à la SA Sacogiva la somme de 80 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [S] succombant, elle sera condamnée à supporter les dépens d'appel. L'équité commande que chacune des parties conserve la charge de ses frais irrépétibles. La SA Sacogiva sera donc déboutée de sa demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant dans les limites de l'appel :

Déclare irrecevable la demande de la SA Sacogiva visant à entendre condamner Mme [S] à lui payer la somme de 14 627,75 euros au titre des loyers impayés arrêtés au 2 juin 2023 ;

Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a fixé à 882,99 euros l'indemnité mensuelle d'occupation due, à titre provisionnel, à compter de la résiliation du bail jusqu'à libération définitive des lieux ;

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions déférées à la cour pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne Mme [S] au paiement à titre provisionnel, d'une indemnité mensuelle d'occupation de 969,09 euros (911,40 euros pour le logement et 57,69 euros pour le garage), à compter de la résiliation des baux, jusqu'à son départ effectif des lieux ;

Déboute la SA Sacogiva de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [S] aux dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-2
Numéro d'arrêt : 23/10049
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;23.10049 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award