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04/07/2024 | FRANCE | N°23/09362

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-2, 04 juillet 2024, 23/09362


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2



ARRÊT

DU 04 JUILLET 2024



N° 2024/468









Rôle N° RG 23/09362 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLUAZ







[D] [P]

[J] [M]





C/



[V] [X] épouse [X]

[S] [G]



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :





Me Laurène ROUX



Me Christophe BLANC

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Décision déférée à la Cour :



Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Juge des contentieux de la protection de TOULON en date du 02 Juin 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/00946.





APPELANTS



Monsieur [D] [P],

né le 2 Mai 1986 à [Localité 6]

demeurant [Adresse 1] - [Localit...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 04 JUILLET 2024

N° 2024/468

Rôle N° RG 23/09362 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLUAZ

[D] [P]

[J] [M]

C/

[V] [X] épouse [X]

[S] [G]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Laurène ROUX

Me Christophe BLANC

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Juge des contentieux de la protection de TOULON en date du 02 Juin 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/00946.

APPELANTS

Monsieur [D] [P],

né le 2 Mai 1986 à [Localité 6]

demeurant [Adresse 1] - [Localité 5]

représenté par Me Laurène ROUX, avocat au barreau de TOULON

Monsieur [J] [M],

né le 15 Octobre 1990 à [Localité 4]

demeurant [Adresse 1] - [Localité 5]

représenté par Me Laurène ROUX, avocat au barreau de TOULON

INTIMÉES

Madame [V] [X] épouse [X]

née le 25 Janvier 1943 à [Localité 7],

demeurant [Adresse 3] - [Localité 5]

représentée par Me Christophe BLANC de la SCP DELBOSC CLAVET BLANC CURZU-SFEG AVOCATS, avocat au barreau de TOULON

Madame [S] [G]

née le 04 Septembre 1938 à [Localité 7],

demeurant [Adresse 3] - [Localité 5]

représentée par Me Christophe BLANC de la SCP DELBOSC CLAVET BLANC CURZU-SFEG AVOCATS, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Angélique NETO, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Angélique NETO, Présidente

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Mme Florence PERRAUT, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024,

Signé par Mme Angélique NETO, Présidente et Mme Caroline VAN-HULST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé en date du 31 mai 2016, Mme [V] [G] épouse [X] et Mme [S] [G] ont consenti à M. [D] [P] et M. [J] [M] un bail d'habitation portant sur un bien situé [Adresse 2] à [Localité 5] moyennant un loyer mensuel initial de 1 100 euros, outre 40 euros de provisions pour charges.

Par acte d'huissier en date du 26 novembre 2021, Mme [X] et Mme [G] ont fait délivrer à M. [P] et M. [M] un commandement d'avoir à payer la somme principale de 11 742,25 euros au titre d'un arriéré locatif arrêté au mois de novembre 2021 inclus en visant la clause résolutoire insérée au bail.

Soutenant que cet acte est resté infructueux, Mme [X] et Mme [G] les ont fait assigner, par actes d'huissier en date du 11 avril 2022, devant le juge des contentieux de la protection du pôle de proximité du tribunal judiciaire de Toulon, statuant en référé, aux fins de voir constater la résiliation du bail, ordonner leur expulsion et obtenir leur condamnation à lui verser diverses sommes à titre provisionnel.

Par ordonnance réputée contradictoire en date du 2 juin 2023 (M. [M] n'ayant pas comparu ni n'était représenté), ce magistrat a :

- constaté l'absence de contestation sérieuse au sujet de la décence du logement qui justifierait d'écarter la compétence du juge des référés ;

- constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire étaient réunies au 26 janvier 2022 ;

- ordonné, à défaut de départ volontaire ou de meilleur accord entre les parties, l'expulsion de M. [P] et M. [M], ainsi que de tous occupants de leur chef, des lieux loués, avec au besoin le concours de la force publique ;

- condamné solidairement M. [P] et M. [M] à verser à Mme [X] et Mme [G], en deniers ou quittance, une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant des loyers et charges, soit 1 147,17 euros, et ce, jusqu'à la libération effective des lieux, caractérisée par la remise des clés ;

- dit qu'il serait procédé conformément à l'article L 433-1 du code dces procédures civiles d'exécution à la remise des meubles se trouvant sur les lieux aux frais des personnes expulsées en un lieu désigné par celles-ci et, qu'à défaut, ils seraient laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrit avec précision par l'huissier de justice chargé de l'exécution avec sommation aux personnes expulsées d'avoir à les quitter ;

- condamné solidairement M. [P] et M. [M] à verser à Mme [X] et Mme [G], en deniers ou quittance, la somme de 13 968,75 euros à titre de provision représentant les loyers et charges impayés arrêté au mois de janvier 2022 inclus, assortie des intérêts au taux légal à compter de la signification de l'ordonnance ;

- condamné in solidum M. [P] et M. [M] à verser à Mme [X] et Mme [G] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus ;

- condamné in solidum M. [P] et M. [M] aux dépens de l'instance, comprenant le coût du commandement de payer et de l'assignation .

Suivant déclarations transmise au greffe le 13 juillet 2023, M. [P] et M. [M] ont interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions dûment reprises.

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises le 2 octobre 2023, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, ils sollicitent de la cour qu'elle réforme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, qu'elle :

- juge que l'appartement loué n'était pas conforme à l'usage d'habitation ;

- condamne in solidum les intimées à leur verser la somme provisionnelle de 700 euros par mois entre les mois de septembre 2021 et mai 2022, soit la somme provisionnelle de 5 600 euros, à valoir sur le préjudice subi ;

- condamne in solidum les intimées à leur verser la somme provisionnelle de 1 840 euros en remboursement des provisions sur charges sollicitées depuis la signature du bail ;

- juge que ces sommes viendront en déduction des loyers, charges et indemnités d'occupation qui pourraient être mis à leur charge ;

- juge que les loyers et indemnités d'occupation qui pourraient être mis à leur charge ne pourront excéder la somme provisionnelle de 400 euros par mois en l'état de la non-conformité du bien donné à bail ;

- condamne in solidum les intimées à leur verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'huissier, avec distraction au profit de Me Laurène Roux, avocat sur son affirmation de droit.

Par ordonnance en date du 3 janvier 2024, la conseillère de la chambre 1-2 a déclaré irrecevables les conclusions transmises par le conseil des intimées les 13 et 19 décembre 2023.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 13 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes des intimées en référé-expulsion

Sur la mise en 'uvre de la clause résolutoire et ses conséquences

Il résulte de l'article 834 du code de procédure civile que, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

L'article 835 du même code dispose que le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En application des articles 1728, 1741 du code civil et 15 I de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le locataire a pour obligation principale le paiement du loyer. Un manquement grave et répété à cette obligation justifie la résiliation du contrat ou la délivrance d'un congé pour ce motif à l'initiative du bailleur.

Aux termes de l'article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus.

L'article 24 I de la même loi dispose que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour le non versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

Il est admis que le moyen tiré de l'existence d'une contestation sérieuse sur la validité d'un commandement de payer visant la clause résolutoire ne constitue pas une exception de procédure mais un moyen de nature à faire obstacle aux pouvoirs du juge des référés.

En l'espèce, le pemier juge indique dans sa décision, sans que cela ne soit discuté, que le bail contient une clause résolutoire qui prévoit qu'à défaut de paiement des loyers et charges échus et deux mois après la délivrance d'un commandement resté infructueux, le bail sera résilié de plein droit.

Il résulte de l'ordonnance entreprise qu'un commandement de payer la somme principale de 11 742,25 euros a été délivré le 26 novembre 2021 correspondant à un arriéré locatif arrêté au mois de novembre 2021 inclus.

Les appelants, qui ne contestent pas ne pas avoir réglé cette somme, se prévalent de l'existence de contestations sérieuses portant sur la validité du commandement de payer visant la clause résolutoire tenant, d'une part, à une exception d'inexécution tirée de l'article 1219 du code civil, qui énonce qu'une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne, par suite d'un manquement des bailleresses à leur obligation de délivrer un logement répondant aux critères de la décence et, d'autre part, à l'absence de régularisation annuelle des charges.

* Sur la décence

Aux termes de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 n° 89-462, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d'espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation.

Le bailleur est obligé :

a) De délivrer au locataire le logement en bon état d'usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement ; toutefois, les parties peuvent convenir par une clause expresse des travaux que le locataire exécutera ou fera exécuter et des modalités de leur imputation sur le loyer ; cette clause prévoit la durée de cette imputation et, en cas de départ anticipé du locataire, les modalités de son dédommagement sur justification des dépenses effectuées ; une telle clause ne peut concerner que des logements répondant aux caractéristiques définies en application des premier et deuxième alinéas ;

b) D'assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l'article 1721 du code civil, de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle hormis ceux qui, consignés dans l'état des lieux, auraient fait l'objet de la clause expresse mentionnée au a ci-dessus ;

c) D'entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et d'y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des locaux loués ;

d) De ne pas s'opposer aux aménagements réalisés par le locataire, dès lors que ceux-ci ne constituent pas une transformation de la chose louée.

Par ailleurs, l'article 1719 du code civil dispose que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :

1° De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant ;

2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;

3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

Selon le décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 les caractéristiques du logement décent sont les suivantes :

« Le logement doit satisfaire aux conditions suivantes, au regard de la sécurité physique et de la santé des locataires :

1. Il assure le clos et le couvert. Le gros oeuvre du logement et de ses accès est en bon état d'entretien et de solidité et protège les locaux contre les eaux de ruissellement et les remontées d'eau. Les menuiseries extérieures et la couverture avec ses raccords et accessoires assurent la protection contre les infiltrations d'eau dans l'habitation. Pour les logements situés dans les départements d'outre-mer, il peut être tenu compte, pour l'appréciation des conditions relatives à la protection contre les infiltrations d'eau, des conditions climatiques spécifiques à ces départements ;

2. Il est protégé contre les infiltrations d'air parasites. Les portes et fenêtres du logement ainsi que les murs et parois de ce logement donnant sur l'extérieur ou des locaux non chauffés présentent une étanchéité à l'air suffisante. Les ouvertures des pièces donnant sur des locaux annexes non chauffés sont munies de portes ou de fenêtres. Les cheminées doivent être munies de trappes. Ces dispositions ne sont pas applicables dans les départements situés outre-mer ;

3. Les dispositifs de retenue des personnes, dans le logement et ses accès, tels que garde-corps des fenêtres, escaliers, loggias et balcons, sont dans un état conforme à leur usage ;

4. La nature et l'état de conservation et d'entretien des matériaux de construction, des canalisations et des revêtements du logement ne présentent pas de risques manifestes pour la santé et la sécurité physique des locataires ;

5. Les réseaux et branchements d'électricité et de gaz et les équipements de chauffage et de production d'eau chaude sont conformes aux normes de sécurité définies par les lois et règlements et sont en bon état d'usage et de fonctionnement ;

6. Le logement permet une aération suffisante. Les dispositifs d'ouverture et les éventuels dispositifs de ventilation des logements sont en bon état et permettent un renouvellement de l'air et une évacuation de l'humidité adaptés aux besoins d'une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements (...)».

Il reste qu'il est admis que l'inexécution, qui est dénoncée, doit être suffisamment grave, pour suspendre le paiement des loyers, à moins que le logement ne soit inhabitable ou totalement insalubre.

Afin d'étayer leurs allégations, les appelants versent aux débats un courrier recommandé avec accusé de réception, en date du 7 septembre 2021, adressé aux bailleresses, aux termes duquel ils se plaignent d'un certain nombre de dysfonctionnements nécessitant la réalisation de travaux, à savoir l'isolation ou le changement de la porte d'entrée qui présente un voilement important, la réparation de la baie vitrée du salon qui ne se ferme pas, ce qui les empêche de les isoler de la loggia, de même que la réparation des fenêtres de la chambre à coucher et de la salle de bain, qui ne se ferment pas, et de remédier à la moisissure importante affectant la loggia. Ils se plaignent, d'une manière générale, d'un manque d'isolation du logement en raison de fenêtres et d'une porte d'entrée inadaptées, et souffrir de la chaleur, en l'absence de climatisation, et du froid, nécessitant un chauffage d'appoint.

Ils se prévalent également d'un procès-verbal de constat dressé le 24 janvier 2023 qui révèle que la porte d'entrée blindée, qui semble voilée, laisse passer l'air et la lumière, que le coulissant de droite de la baie vitrée du séjour, qui donne sur la loggia, ne se ferme pas et laisse passer l'air, que les volets à lattes des deux chambres situées au rez-de-chaussée laissent passer le jour entre les lattes, que la fenêtre de la chambre Nord-Est ne se ferme pas, que la fenêtre Nord de la salle d'eau ne se ferme qu'en la soulevant, que la peinture des murs du salon, au-dessus des plinthes Sud-Est, est cloquée et auréolée, que les pans de murs de la loggia comportent des traces de moisissures, qu'il y a des traces de ruissellement sous le vélux de la mezzanine situé à l'étage, que le plafond de la chambre située au même niveau est auréolé au niveau de la poutre du milieu et que la porte de la serrure donnant aux combles ne fonctionne pas.

Même si ces constatations ont été faites bien après la délivrance du commandement de payer, le 26 novembre 2021, il n'en demeure pas moins qu'elles corroborent les désordres dénoncés par les appelants avant, dans leur courrier du 7 septembre 2021, à savoir un manque d'isolation du logement en raison de portes et fenêtres ne présentant pas une étanchéité à l'air suffisante.

Enfin, Mme [B] [E], atteste, en tant que voisine, avoir constaté les mêmes désordres.

Il reste que les appelants n'apportent pas la preuve, à l'évidence, d'un logement dans lequel il leur était impossible de vivre en raison d'un non-respect des critères de décence tenant à un manque d'isolation. Cela est d'autant plus vrai que les appelants ont occupé l'appartement pendant plusieurs années sans jamais se plaindre et qu'ils ont dénoncé le manque d'isolation à un moment où ils avaient cessé de régler leurs loyers depuis plusieurs mois.

Le moyen tiré de l'indécence du logement ne constitue donc pas une contestation sérieuse à la validité du commandement de payer qui a été délivré.

* Sur les charges locatives

Au terme de l'article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer les loyers et charges récupérables aux termes convenus.

L'article 23 de la loi du 6 juillet 1989 dispose que les charges récupérables, sommes accessoires au loyer principal, sont exigibles sur justification en contrepartie.

1° Des services rendus liés à l'usage des différents éléments de la chose louée ;

2° Des dépenses d'entretien courant et des menues réparations sur les éléments d'usage commun de la chose louée. Sont notamment récupérables à ce titre les dépenses engagées par le bailleur dans le cadre d'un contrat d'entretien relatif aux ascenseurs et répondant aux conditions de l'article L. 125-2-2 du code de la construction et de l'habitation, qui concernent les opérations et les vérifications périodiques minimales et la réparation et le remplacement de petites pièces présentant des signes d'usure excessive ainsi que les interventions pour dégager les personnes bloquées en cabine et le dépannage et la remise en fonctionnement normal des appareils ;

3° Des impositions qui correspondent à des services dont le locataire profite directement.

La liste de ces charges est fixée par décret en Conseil d'Etat. Il peut y être dérogé par accords collectifs locaux portant sur l'amélioration de la sécurité ou la prise en compte du développement durable, conclus conformément à l'article 42 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 précitée.

Les charges locatives peuvent donner lieu au versement de provisions et doivent, en ce cas, faire l'objet d'une régularisation annuelle. Les demandes de provisions sont justifiées par la communication de résultats antérieurs arrêtés lors de la précédente régularisation et, lorsque l'immeuble est soumis au statut de la copropriété ou lorsque le bailleur est une personne morale, par le budget prévisionnel.Un mois avant cette régularisation, le bailleur en communique au locataire le décompte par nature de charges ainsi que, dans les immeubles collectifs, le mode de répartition entre les locataires et, le cas échéant, une note d'information sur les modalités de calcul des charges de chauffage et de production d'eau chaude sanitaire collectifs. Durant six mois à compter de l'envoi de ce décompte, les pièces justificatives sont tenues, dans des conditions normales, à la disposition des locataires. Le bailleur transmet également, à la demande du locataire, le récapitulatif des charges du logement par voie dématérialisée ou par voie postale. Lorsque la régularisation des charges n'a pas été effectuée avant le terme de l'année civile suivant l'année de leur exigibilité, le paiement par le locataire est effectué par douzième, s'il en fait la demande.

Pour l'application du présent article, le coût des services assurés dans le cadre d'un contrat d'entreprise ou d'un contrat d'achat d'électricité, d'énergie calorifique ou de gaz naturel combustible, distribués par réseaux correspond à la dépense, toutes taxes comprises, acquittée par le bailleur.

Il est donc fait obligation aux bailleurs de communiquer, au moins un mois avant la régularisation annuelle, le décompte par nature de charges ainsi que, dans les immeubles collectifs, le mode de répartition entre les locataires, et de tenir à la disposition de leur locataire les pièces justificatives, pendant une durée de six mois. Il est constant que le défaut de production par le bailleur du décompte dans le délai d'un mois avant régularisation annuelle n'est pas assorti de sanction et que le bailleur, sous réserve de l'application de la prescription triennale, peut produire ce décompte postérieurement, de même qu'il peut, postérieurement au délai de six mois prévu à cet égard, tenir ou faire tenir les pièces justificatives de ce décompte à son locataire.

En l'espèce, alors même que les appelants font grief aux intimées de ne pas avoir procédé à la régularisation annuelle de la provision mensuelle sur charges de 40 euros réclamée, ces dernières, qui sont irrecevables à conclure, ne versent aux débats aucun décompte et pièces justifiant des charges récupérables réellement dues après régularisation.

Or, il est admis, qu'en l'absence de régularisation annuelle des charges, les locataires peuvent refuser de payer la quote-part des charges qui leur est réclamée tant qu'il n'auront pas été mis en demeure de prendre connaissance des pièces justificatives, voire exiger le remboursement des provisions versées à la bailleresse, comme étant dépourvues de cause, étant rappelé que le bailleur, qui n'a pas établi de régularisation annuelle, conserve le droit de procéder à une régularisation ultérieure, dans la limite de la prescription triennale en application de l'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989.

Si la somme réclamée par les intimées comprend des provisions sur charges, il n'en demeure pas moins qu'un commandement de payer, qui serait notifié pour une somme erronée et supérieure au montant de la créance réelle du bailleur au titre des loyers, reste néanmoins valable jusqu'à due concurrence des sommes exigibles, et ce, d'autant que les appelants ne demandent pas à la cour de déduire du commandement de payer les provisions sur charges mais sollicitent une provision à valoir sur le remboursement des provisions versées, tel que sera examiné ci-dessous.

Le moyen tiré de l'absence de régularisation annuelle des charges locatives ne constitue donc pas une contestation sérieuse à la validité du commandement de payer qui a été délivré.

En conséquence, dès lors que la validité du commandement de payer ne se heurte à aucune contestations sérieuse et qu'il est acquis que la somme réclamée n'a pas été réglée dans le délai de deux mois suivant sa délivrance, il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a constaté la résiliation de plein droit du bail à effet au 26 janvier 2022.

En revanche, les clés du logement ayant été restitués le 14 février 2023, tel que cela résulte du procès-verbal de constat dressé à la demande des bailleresses, soit avant l'audience du 14 mars 2023 à l'issue de laquelle le premier juge a clôturé les débats, aucun trouble illicite résultant de l'occupation sans droit ni titre des appelants, au-delà du 14 février 2023, n'est établie avec l'évidence requise en référé. Dès lors que le bail est résilié depuis le 26 janvier 2022, les appelants n'étaient pas tenus de donner congé des lieux conformément aux stipulations contractuelles. S'ils affirment avoir quitté les lieux en mai 2022, date à la laquelle M. [M] a signé un autre bail, ils ne démontrent pas avoir remis les clés du logement avant le 14 février 2023.

Il y a donc lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné l'expulsion des appelants du logement.

Sur la demande de provision à valoir sur les loyers, charges locatives et indemnités d'occupation

Par application de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu'en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

C'est au moment où la cour statue qu'elle doit apprécier l'existence d'une contestation sérieuse, le litige n'étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l'articulation de ce moyen.

Au terme de l'article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer les loyers et charges récupérables aux termes convenus.

Devenu occupant sans droit ni titre du fait de l'acquisition de la clause résolutoire, il est tenu de payer une somme équivalente au loyer augmenté des charges à titre de réparation du préjudice subi par le bailleur.

En l'espèce, les appelants, qui discutent la provision allouée par le premier juge aux intimées, se prévalent des mêmes contestations que celles soulevées pour remettre en cause la validité du commandement de payer.

Or, dès lors que les appelants ne peuvent sérieusement se prévaloir d'une exception d'inexécution justifiant qu'ils n'exécutent pas leur obligation première en tant que locataires, à savoir régler leurs loyers et charges aux termes convenus, sachant qu'ils sollicitent des provisions à valoir sur le préjudice de jouissance subi et le remboursement des charges locatives réclamées, lesquelles seront examinées ci-dessous, leur obligation de régler les loyers et provisions sur charges proprement dits, jusqu'au 26 janvier 2022, ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

Il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné les appelants solidairement à verser la somme provisionnelle de 13 968,75 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au mois de janvier 2022.

En revanche, dès lors que les appelants ont libéré les lieux en remettant les clés le 14 février 2023, et non en mai 2022, comme ils le soutiennent, ils ne sont redevables, à l'évidence, d'une indemnité provisionnelle pour occupation sans droit ni titre que pour la période allant du mois de février 2022 au 14 février 2023.

Cette indemnité doit être fixée à la somme provisionnelle de 1 107,17 euros, déduction faite de la provision sur charges de 40 euros réclamée comme n'étant pas justifiée.

L'ordonnance entreprise sera donc infirmée sur ce point et les appelants seront condamnés in solidum à verser aux intimées une indemnité provisionnelle d'occupation de 1 107,17 euros, avec possibilité de révision, du mois de février 2022 au 14 février 2023.

Sur les demandes reconventionnelles de provisions des appelants

A titre liminaire, si les appelants apparaissent solliciter pour la première fois à hauteur d'appel des provisions, il ne s'agit pas pour autant de demandes irrecevables comme étant nouvelles dès lors qu'il s'agit de demandes formées par des appelants dont l'un, M. [M], n'a pas comparu, ni n'était représenté, devant le premier juge.

Par application de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu'en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Enfin c'est au moment où la cour statue qu'elle doit apprécier l'existence d'une contestation sérieuse, le litige n'étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l'articulation de ce moyen.

Sur la demande de provision à valoir sur le préjudice de jouissance

En l'espèce, s'il résulte des pièces produites par les appelants que la porte et les fenêtres du logement qu'ils occupaient n'étaient pas suffisamment étanches à l'air, ils ne justifient s'être plaints de ce manque d'isolation qu'aux termes d'un courrier en date du 7 septembre 2021, soit à un moment où ils avaient cessé de régler leurs loyers depuis plusieurs mois et moins de cinq mois après la résiliation de plein de droit du bail à effet au 26 janvier 2023. Ce faisant, ils ne démontrent pas, avec l'évidence en référé, le préjudice de jouissance qu'ils allèguent, et en l'occurrence le fait qu'ils ont souffert de la chaleur et du froid entre le mois de septembre 2021 et le mois de janvier 2022, sachant qu'aucun préjudice de jouissance ne peut être retenu postérieurement à la résiliation du bail dès lors, qu'à ce moment-là, ils sont devenus occupants des lieux sans droit ni titre.

Dans ces conditions, il y a lieu de débouter les appelants de leur demande de provision à valoir sur le préjudice de jouissance subi.

Sur la demande de provision à valoir sur le remboursement des charges locatives

Dès lors qu'il résulte de ce qui précède que les intimées ne justifient pas avoir procédé à la régularisation annuelle des charges, l'obligation des appelants de régler les provisions sur charges qui leur sont réclamées se heurte à une contestation sérieuse comme étant dépourvues de cause.

Etant donné que l'indemnité d'occupation fixée par la cour à compter du mois de février 2022 n'inclut pas la provision sur charges, la demande de remboursement ne peut concerner que la période allant du mois de juillet 2018 au mois de janvier 2022 à hauteur de 1 680 euros (soit 42 mois X 40 euros).

Il y a donc lieu de condamner les intimées à verser in solidum aux appelants une provision de 1 680 euros à valoir sur le remboursement des provisions sur charges locatives.

Cette somme provisionnelle devra être compensée avec les provisions dues par les appelants.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La procédure initiée par les intimées tendant à la résiliation de plein droit du bail étant fondée, il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné M. [P] et M. [M] in solidum aux dépens de première instance, en ce compris le coût du commandement de payer, et les a condamnés à verser à Mme [X] et Mme [G] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Etant donné que la cour a fait partiellement droit aux demandes des appelants, en arrêtant l'arriéré d'indemnités d'occupation à la date du 14 février 2023 et en leur accordant une provision à valoir sur le remboursement des provisions sur charges locatives dépourvues de cause, il y a lieu de dire que chacune des parties conservera la charge des dépens qu'elle a

exposés en appel, avec distraction au profit de Me Laurène Roux, avocat aux offres de droit, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité ne commande donc pas de faire droit à la demande des appelants formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

- ordonné, à défaut de départ volontaire ou de meilleur accord entre les parties, l'expulsion de M. [D] [P] et M. [J] [M], ainsi que de tous occupants de leur chef, des lieux loués, avec au besoin le concours de la force publique ;

- condamné solidairement M. [D] [P] et M. [J] [M] à verser à Mme [V] [X] née [G] et Mme [S] [G], en deniers ou quittance, une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant des loyers et charges, soit 1 147,17 euros, et ce, jusqu'à la libération effective des lieux, caractérisée par la remise des clés ;

La confirme l'ordonnance en toutes ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Déboute Mme [V] [X] née [G] et Mme [S] [G] de leur demande tendant à voir ordonner l'expulsion de M. [D] [P] et M. [J] [M] des lieux ;

Condamne in solidum M. [D] [P] et M. [J] [M] à verser à Mme [V] [X] née [G] et Mme [S] [G] une indemnité provisionnelle d'occupation mensuelle de 1 107,17 euros, avec possibilité de révision, du mois de février 2022 au 14 février 2023 ;

Condamne in solidum Mme [V] [X] née [G] et Mme [S] [G] à verser à M. [D] [P] et M. [J] [M] une provision de 1 680 euros à valoir sur le remboursement des provisions sur charges locatives ;

Ordonne la compensations des sommes provisionnelles dues par chaque partie ;

Déboute M. [D] [P] et M. [J] [M] de leur demande de provision à valoir sur le préjudice de jouissance subi ;

Déboute M. [D] [P] et M. [J] [M] de leur demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens ;

Condamne chaque partie à prendre en charge les dépens de la procédure d'appel par elle exposés, avec distraction au profit de Me Laurène Roux, avocat aux offres de droit, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-2
Numéro d'arrêt : 23/09362
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;23.09362 ?
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