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04/07/2024 | FRANCE | N°23/06456

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-2, 04 juillet 2024, 23/06456


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2



ARRÊT

DU 04 JUILLET 2024



N° 2024/465









Rôle N° RG 23/06456 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLIOK







[H] [B]





C/



[V] [U]



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Sébastien BADIE



Me Julie FEHLMANN













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Décision déférée à la Cour :



Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Juge des contentieux de la protection de CANNES en date du 06 Avril 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 12-22-380.





APPELANTE



Madame [H] [B],

née le 11 Mars 1960

demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BA...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 04 JUILLET 2024

N° 2024/465

Rôle N° RG 23/06456 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLIOK

[H] [B]

C/

[V] [U]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Sébastien BADIE

Me Julie FEHLMANN

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Juge des contentieux de la protection de CANNES en date du 06 Avril 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 12-22-380.

APPELANTE

Madame [H] [B],

née le 11 Mars 1960

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

et assistée par Me Albert-David TOBELEM, avocat au barreau de GRASSE

INTIMÉ

Monsieur [V] [U],

né le 13 Septembre 1932 à [Localité 3]

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Julie FEHLMANN de la SELARL LEGIS-CONSEILS, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Angélique NETO, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Angélique NETO, Présidente

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Mme Florence PERRAUT, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024,

Signé par Mme Angélique NETO, Présidente et Mme Caroline VAN-HULST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Se prévalant d'une occupation sans droit ni titre de son bien situé [Adresse 1] à [Localité 2], M. [V] [U] a fait assigner Mme [H] [B], suivant acte d'huissier en date du 4 octobre 2022, devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Cannes aux fins d'obtenir son expulsion sous astreinte.

Par ordonnance contradictoire en date du 6 avril 2023, ce magistrat a :

- constaté que Mme [H] [B] est occupante sans droit ni titre du logement susvisé ;

- ordonné que Mme [H] [B] libère les lieux occupés de sa personne, de ses biens et de toute occupation de son chef, dans un délai de 15 jours après la signification dela décision ;

- dit que, faute pour elle d'avoir quitté le logement à l'expiration du délai de 15 jours, elle sera redevable d'une astreinte fixée provisoirement à la somme de 200 euros par jour de retard durant une période de 3 mois ;

- dit, qu'à défaut pour elle d'avoir volontairement quitté les lieux loués après la signification du commandement d'avoir à libérer les lieux, il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son fait, avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier, si besoin est, et au transport des meubles laissés dans les lieux aux frais de la personne expulsée dans tel garde-meuble désigné par celle-ci ou, à défaut, M. [U] ;

- dit n'y avoir lieu de supprimer le délai de deux mois dont peuvent bénéficier les personnes occupant un logement à compter du commandement d'avoir à quitter les lieux ;

- condamné Mme [B] à verser à M. [U] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, en ce compris le constat en date du 22 juin 2022 ;

- rejeté les autres demandes des parties.

Suivant déclaration transmise au greffe le 10 mai 2023, Mme [B] a interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions dûment reprises.

Aux termes de ses dernières écritures transmises le 29 juin 2023, auxquelles il convient de se reférer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, elle demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

in limine litis,

- prononcer la nullité de l'assignation délivrée le 4 octobre 2022 ;

- se déclarer non saisie ;

- rejeter toutes les demandes de M. [U] et l'inviter à mieux se pourvoir ;

subsidiairement sur le fond,

- déclarer ses demandes recevables et bien fondées ;

- écarter des débats les pièces n° 21 et 24 obtenues par fraude et de manière déloyale ;

- prononcer un sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale en cours ;

plus subsidiairement sur le fond,

- juger l'existence d'une contestation sérieuse ;

- rejeter toutes les demandes formées par M. [U] en l'invitant à mieux se pourvoir ;

- juger qu'elle n'est nullement occupante sans droit ni titre ;

- juger qu'elle bénéficie d'un usufruit ou, à tout le moins, d'un droit d'usage sur l'appartement de M. [U] ;

- le condamner à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'amende civile pour procédure dilatoire ;

- le condamner à lui verser la somme de 3 000 euros au titre del'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières écritures transmises le 21 juillet 2023, auxquelles il convient de se reférer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, M. [U] demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes ;

- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

- condamner Mme [B] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner aux dépens, en ce compris les frais d'établissement du procès-verbal de constat du 22 juin 2022.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 4 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité de l'acte introductif d'instance

L'article 117 du code de procédure civile dispose que constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte :

- le défaut de capacité d'ester en justice ;

- le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ;

- le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice .

L'article 119 du même code énonce que les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d'un grief et alors même que la nullité ne résulterait d'aucune disposition expresse.

Par ailleurs, en application de l'article 494-1 du code civil, lorsqu'une personne est dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, le juge des tutelles peut habiliter une ou plusieurs personnes à la représenter, à l'assister dans les conditions prévues par l'article 467 ou à passer un ou des actes en son nom selon certaines conditions et modalités, afin d'assurer la sauvegarde de ses intérêts.

L'article 494-5 du même code dispose que le juge statue sur le choix de la personne habilitée et l'étendue de l'habilitation en s'assurant que le dispositif projeté est conforme aux intérêts patrimoniaux et, le cas échéant, personnels de l'intéressé.

L'article 494-6 du même énonce que l'habilitation peut porter sur :

- un ou plusieurs des actes que le tuteur a le pouvoir d'accomplir, seul ou avec une autorisation sur les biens de l'intéressé ;

- un ou plusieurs actes relatifs à la personne à protéger.

La personne ne habilitée ne peut accomplir en représentation un acte de disposition à titre gratuit qu'avec l'autorisationdu juge des tutelles.

Si l'intérêt de la personne à protéger l'implique, le juge peut délivrer une habilitation générale portant sur l'ensemble des actes ou l'une des deux catégories d'actes susvisés.

Il résulte de l'article 494-7 du même code que la personne habilitée à représenter la personne protégée peut, sauf décision contraire du juge, procéder sans autorisation aux actes mentionnés à l'article 427.

En application de l'article 494-8 du même code, la personne à l'égard de qui l'habilitation a été délivrée conserve l'exercice de ses droits autres que ceux dont l'exercice a été confié à la personne habilitée à la représenter.

Il en résulte, qu'en cas d'habilitation représentation, la personne habilitée peut conclure seule des actes de conservation, d'administration et disposition ainsi que d'ouverture et clôture de comptes bancaires. Au contraire, les actes soumis à autorisation judiciaire concernent les actes à titre gratuit, d'opposition d'intérêts, de disposition du jugement, de nullité d'un acte juridique et de changement de régime matrimonial. Le personne protégée peut, quant à elle, prendre seule des décisions concernant des actes strictement personnels, un mariage ou PACS, le droit de vote, le testament, la personne de confiance et les directives anticipées.

Les actions engagées tendant à l'expulsion d'occupants sans droit ni titre et au paiement d'une indemnité d'occupation, qui a pour objet la conservation des droits de la personne protégée, entrent dans la catégorie des actes conservatoires qu'une personne habilitée à représenter la personne protégée peut accomplir seule.

En l'espèce, par jugement en date du 5 août 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Cannes a, aux termes d'une habilitation générale, désigné Mme [J] [U] en tant que personne habilitée à représenter M. [V] [U]. Cette habilitation générale porte, non seulement sur les actes relatifs à la personne protégée, mais également sur ses biens, sans aucune limitation. En effet, il résulte expressément du dispositif de la décision que Mme [U] est habilitée à représenter M. [V] [U] pour l'ensemble des actes relatifs à ses biens, pour une durée de 60 mois, outre le fait qu'elle a pour mission de le représenter pour l'ensemble des actes relatifs à la personne.

S'agissant d'une habilitation générale avec une mission de représentation portant sur l'ensemble des actes relatifs aux biens et à la personne de M. [V] [U], personne protégée, il ne peut être prétendu que la mission de Mme [J] [U], personne habilitée, se limite aux actes relatifs à la personne.

Or, dès lors que les actes relatifs aux biens de la personne protégée comprennent tous les actes conservatoires, et en particulier les actions engagées tendant à l'expulsion d'occupants sans droit ni titre de biens lui appartenant, seule Mme [J] [U] avait la capacité d'agir en justice en tant que personne habilitée à représenter M. [V] [U].

Il n'est pas contesté que l'acte introductif d'instance n'a été introduit que par M. [V] [U], sans qu'il ne soit fait mention de Mme [J] [U], ès qualités.

Ce défaut de capacité à agir en justice constitue une nullité de fond qui entraîne la nullité de l'acte introductif d'instance.

Il convient de relever, qu'alors même que cette exception de nullité a été soulevée par Mme [B] devant le premier juge, avant toute défense au fond, exception à laquelle ce dernier a répondu dans les motifs de sa décision en considérant que l'assignation était parfaitement recevable, au motif que Mme [U] n'avait pas reçu pour mission d'initier des actions purement patrimoniales, qu'elle avait donné son accord pour que M. [U] soit représenté par un avocat et qu'aucun texte ne prévoyait l'impossibilité pour un majeur protégée d'ester en justice, il n'a pas rejeté, dans le dispositif de sa décision, l'exception de nullité soulevée.

Dans ces conditions, il y a lieu de remédier à cette omission de statuer en déclarant nul l'acte introductif d'instance délivré par M. [V] [U], pour vice de fond, ce qui a pour effet d'annuler les actes de procédure subséquents, en ce compris l'ordonnance entreprise.

La nullité de l'ordonnance entreprise étant prononcée à raison d'une irrégularité affectant l'acte introductif d'instance, la cour d'appel est privée de son pouvoir de statuer, en ce que l'effet dévolutif n'a pas opéré.

Sur l'amende civile pour procédure dilatoire

Il résulte de l'article 32-1 du code de procédure civile dispose que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

Or, dès lors que cet article ne peut faire l'objet d'une demande de la part d'une partie, la demande formée par Mme [B] sur ce fondement est irrecevable.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de l'annulation de l'ordonnance entreprise, M. [V] [U] supportera les dépens de première instance et de la procédure d'appel.

Dès lors que ses prétentions ne peuvent prospérer, il sera débouté de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche, il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [B] les frais engagés pour sa défense en première instance et en cause d'appel, de sorte que M. [U] sera condamné à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Prononce la nullité de l'acte introductif d'instance et les acte de procédure subséquents, en ce compris l'ordonnance entreprise ;

Constate l'absence d'effet dévolutif ;

Déclare irrecevable la demande d'amence civile formée par Mme [H] [B] pour procédure dilatoire ;

Condamne M. [V] [U] à verser à Mme [H] [B] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel non compris dans les dépens ;

Déboute M. [V] [U] de sa demande formée sur le même fondement ;

Condamne M. [V] [U] aux dépens de première instance et de la procédure d'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-2
Numéro d'arrêt : 23/06456
Date de la décision : 04/07/2024
Sens de l'arrêt : Annulation

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;23.06456 ?
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