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04/07/2024 | FRANCE | N°23/02435

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 04 juillet 2024, 23/02435


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6



ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024



N° 2024/208









Rôle N° RG 23/02435 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BKZMZ







[T] [M]





C/



S.A. AXA FRANCE IARD

Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCES MALADIE DES ALPES MAR ITIMES (CPAM 06)





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Charles TOLLINCHI

- Me H

ervé ZUELGARAY













Décision déférée à la Cour :



Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NICE en date du 17 Janvier 2023 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 21/04639.





APPELANTE



Madame [T] [M]

de nationalité Française, demeurant ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024

N° 2024/208

Rôle N° RG 23/02435 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BKZMZ

[T] [M]

C/

S.A. AXA FRANCE IARD

Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCES MALADIE DES ALPES MAR ITIMES (CPAM 06)

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Charles TOLLINCHI

- Me Hervé ZUELGARAY

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NICE en date du 17 Janvier 2023 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 21/04639.

APPELANTE

Madame [T] [M]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Charles TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI - CORINNE PERRET-VIGNERON, avocat postulant, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE et par Me Aurélie HUERTAS, avocat plaidant, avocat au barreau de Nice

INTIMEES

S.A. AXA FRANCE IARD, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Hervé ZUELGARAY, avocat au barreau de NICE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCES MALADIE DES ALPES MAR ITIMES (CPAM 06)

signification de DA en date du 11/04/2023 à personne habilitée.

significatioin de conclusions en date du 22/05/2023 à personne habilitée., demeurant [Adresse 2]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 mai 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président chargé du rapport, et Madame Elisabeth Toulouse, Présidente de chambre.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président de chambre

Madame Elisabeth TOULOUSE, Président de chambre

Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Premier Président de chambre

Greffier lors des débats : Mme Sancie ROUX.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Mme Sancie ROUX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS & PROCÉDURE

Le 18 octobre 2017, Mme [M] circulant au guidon de son scooter a été heurtée par un autobus assuré auprès de la SA AXA France IARD. Le droit de Mme [M] à indemnisation intégrale de son préjudice n'est pas contesté.

Elle a été médicalisée au centre hospitalier Pasteur qui a constaté une fracture ouverte du membre inférieur gauche et de l'avant-bras droit, une disjonction acromo-claviculaire droite, une entorse interphalangienne du 4ème doigt de la main droite et une entorse du rachis cervical. Elle a subi une ostéosynthèse au niveau de la jambre gauche, et effectué sa convalescence au centre [5] d'[Localité 4].

Par ordonnances des 16 mai et 12 août 2019, le juge des référés de Nice a condamné la SA AXA France IARD à payer à Mme [M] une somme de 10 000 euros à valoir sur la réparation future de son préjudice corporel, et a commis aux fins d'expertise médicale le docteur [C] ultérieurement remplacé par le docteur [D].

Ce praticien a déposé son rapport le 18 janvier 2020 et a conclu comme suit :

- accident du 18 octobre 2017,

- déficit fonctionnel temporaire 100 % : du 18 octobre au 27 décembre 2017 (71 jours),

- déficit fonctionnel temporaire à 75 % : du 28 décembre au 26 janvier 2018 (30 jours),

- déficit fonctionnel temporaire 33 % : du 27 janvier au 27 avril 2018 (91 jours),

- déficit fonctionnel temporaire 15 % : du 28 avril 2018 à la consolidation (230 jours),

- consolidation : 13 décembre 2018,

- aide à la personne :

' 2 heures / jour, du 28 décembre 2017 au 26 janvier 2018 (30 jours),

' 1 heure / jour,du 27 janvier au 27 avril 2018 (91 jours),

- souffrances endurées : 4/7,

- préjudice esthétique temporaire (3 mois) : 3/7,

- préjudice esthétique permanent : 1,5/7,

- préjudice d'agrément : partiel, pour la pratique des sports (en particulier du yoga, qui implique l'appui des mains et/ou des genoux),

- déficit fonctionnel permanent : 10 %

- incidence professionnelle : pénibilité au travail comportant des manipulations et le port de charges, notamment dans la restauration,

- lésions stabilisées : possibilité de frais futurs concernant l'ablation du matériel d'ostéosynthèse.

Par acte d'huissier de justice des 3 et 6 décembre 2021, Mme [M] a saisi le tribunal judiciaire de Nice d'une action en réparation de son préjudice corporel dirigée contre la SA AXA France IARD, au contradictoire de la caisse primaire d'assurance-maladie des Alpes-Maritimes.

Par jugement rendu le 17 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Nice a :

- condamné la SA AXA France IARD à payer à Mme [M] en réparation de son préjudice corporel la somme de 28 047,80 euros arrondie à 28 048 euros, ventilée comme suit :

' dépenses de santé actuelles : 20 413,24 euros (créance CPAM)

' frais divers : 3 290 euros

' perte de gains professionnels actuels : rien, après imputation de la créance de la CPAM

' incidence professionnelle : rien, après imputation de la créance de la CPAM

' déficit fonctionnel temporaire : 4 424,84 euros

' souffrances endurées : 13 000 euros

' préjudice esthétique temporaire : 900 euros

' déficit fonctionnel permanent : 1 303 euros, après imputation de la créance CPAM

' préjudice esthétique permanent : 2 000 euros

' préjudice d'agrément : 2 500 euros

- dit qu'il y aura lieu de déduire toutes provisions effectivement versées,

- déclaré le jugement opposable à la caisse primaire d'assurance-maladie des Alpes-Maritimes,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit,

- condamné la SA AXA France IARD aux dépens de l'instance,

- condamné la SA AXA France IARD à payer à Mme [M] la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le premier juge a considéré notamment que :

- le montant de la perte de gains professionnels actuels, calculé sur la base d'un salaire de référence net mensuel de 1 115 euros, est absorbé par les indemnités journalières d'un montant supérieur,

- incidence professionnelle : Mme [M] a fait l'objet d'un avis d'inaptitude à son emploi de chef de rang dans la restauration ; de fait, l'expert judiciaire a retenu une pénibilité accrue des conditions de travail impliquant des manipulations et le port de charges lourdes ; en revanche, ces restrictions médicales n'entrent pas en ligne de compte avec l'abandon allégué d'un projet (peu abouti) d'exercer la profession de naturopathe ou de réflexologue plantaire ;

- préjudice d'agrément : Mme [M] ne produisant que le seul témoignage d'un coach sportif du Boxing Squad, ce poste doit être évalué à la somme de 2 500 euros.

Par déclaration du 13 février 2023 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, Mme [M] a interjeté appel du jugement du tribunal judiciaire de Nice en ce qu'il n'a pas correctement évalué la perte de gains professionnels actuels, l'incidence professionnelle et le préjudice d'agrément.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelante notifiées par la voie électronique le 12 mai 2023, Mme [M] demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris à raison du montant de l'indemnisation de la perte de gains professionnels actuels, de l'incidence professionnelle et du préjudice d'agrément,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions,

Et, statuant à nouveau,

- condamner la SA AXA France IARD à lui payer en réparation de son préjudice corporel la somme de 47 797,41 euros,

- condamner la SA AXA France IARD à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés devant la cour,

- déclarer l'arrêt à intervenir commun à la caisse primaire d'assurance-maladie des Alpes-Maritimes,

- condamner la SA AXA France IARD aux entiers dépens.

Mme [M] fait valoir essentiellement que :

- perte de gains professionnels actuels : son salaire de référence est en réalité de 1 156 euros en qualité de chef de rang au restaurant niçois L'Antica ; elle a été en arrêt de travail du 18 octobre 2017 au 18 janvier 2019, soit 458 jours ; elle aurait donc dû percevoir la somme de 17 646,74 euros sur laquelle s'imputent les indemnités journalières de 16 094,17 euros, soit un solde de 1 552,57 euros lui revenant ;

- incidence professionnelle : elle a perdu non seulement son emploi de chef de rang dans la restauration (CDI à temps complet du 20 juin 2017) du fait de l'avis d'inaptitude de la médecine du travail du 13 décembre 2018, mais aussi tout espoir de collaborer avec la SAS Be Athletik, spécialisée dans l'aide à la performance sportive, en qualité de naturopathe (document 11 de Mme [M]) ' ce dont atteste la SAS Be Athletik (document 12 de Mme [M]) ; ce poste doit être évalué à 30 000 euros et non à 15 000 euros ;

- préjudice d'agrément : l'attestation du coach sportif du Boxing Squad est certes unique mais elle est circonstanciée, et justifie de porter l'évaluation de 2 500 à 5 000 euros ;

- assiette du recours des organismes sociaux : l'Assemblée Plénière statuant le 23 janvier 2023 l'a réduite à la perte de gains professionnels futurs et à l'incidence professionnelle, en en excluant le déficit fonctionnel permanent ; il y a donc lieu de juger que la rente AT ne viendra qu'en déduction de l'incidence professionnelle, de sorte que la somme de 17 000 euros reviendra à Mme [M] au titre du déficit fonctionnel permanent.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimé notifiées par voie électronique le 1er août 2023, la SA AXA France IARD demande à la cour de :

- limiter l'effet dévolutif de l'appel aux chefs du jugement critiqué évoqués dans la déclaration d'appel du 13 février 2023, soit la réformation de l'indemnisation des pertes de gains professionnels actuels, de l'incidence professionnelle et du préjudice d'agrément,

En conséquence,

- dire n'y avoir lieu à statuer sur la demande de Madame [T] [M] tendant à voir réévaluer le montant de l'indemnisation allouée en réparation de son déficit fonctionnel permanent,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

En conséquence,

- débouter Mme [M] du surplus de ses demandes, fins et conclusions,

- débouter Mme [M] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

- condamner Mme [M] aux entiers dépens de l'instance, avec distraction au profit de Maître Hervé Zuelgaray, conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

- condamner Mme [M] à payer à la SA AXA France IARD une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SA AXA France IARD soutient essentiellement que :

- l'effet dévolutif de l'appel étant limité à la perte de gains professionnels actuels, à l'incidence professionnelle et au préjudice d'agrément, Mme [M] n'est pas fondée à solliciter le retraitement du déficit fonctionnel permanent au regard de la jurisprudence de l'Assemblée Plénière du 23 janvier 2023 qui n'admet l'imputation de la rente AT que sur la perte de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle ;

- perte de gains professionnels actuels : l'expert judiciaire n'a d'abord fixé aucune période d'arrêt temporaire des activités professionnelles ; même en admettant que la période d'arrêt de travail soit imputable à l'accident, Mme [M] ne justifie que d'un salaire de référence de 1 115 euros, comme admis par le premier juge ; en outre, la période indemnisée ne saurait aller au-delà du 13 décembre 2018, date de consolidation retenue par l'expert judiciaire ; la perte de 15 582 euros est donc couverte par le montant des indemnités journalières servies ;

- incidence professionnelle : Mme [M] produit un avis d'inaptitude à la poursuite de son activité de chef de rang mais aucune convention formalisant le principe et les modalités de sa collaboration envisagée avec la SAS Be Athletik ; au surplus, Mme [M] admet que même la somme de 30 000 euros qu'elle demande est absorbée par le montant de la rente AT ;

- préjudice d'agrément : le préjudice subi est limité et a été justement évalué par le premier juge à la somme de 2 500 euros.

* * *

Assignée à personne habilitée le 11 avril 2023 par acte d'huissier contenant dénonce de l'appel, la caisse primaire d'assurance-maladie des Alpes-Maritimes n'a pas constitué avocat. Elle a communiqué le montant de ses débours définitifs, soit la somme de 72 256,60 euros, ventilée comme suit :

- frais hospitaliers : 18 183,44 euros,

- frais médicaux : 545,70 euros,

- frais de transport : 1 201,40 euros,

- franchises : - 34,50 euros,

- indemnités journalières : 16 094,17 euros,

- arrérages échus rente AT : 1283,97 euros,

- capital rente AT : 29 412,61 euros,

- frais futurs : 5 087,11 euros.

* * *

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux dernières écritures déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée le 23 avril 2024.

Le dossier a été plaidé le 7 mai 2024 et mis en délibéré au 4 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nature de la décision rendue :

L'arrêt rendu sera réputé contradictoire, conformément à l'article 474 du code de procédure civile.

Sur l'indemnisation du préjudice corporel :

Le droit à indemnisation intégrale de Mme [M] sur le fondement des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 n'a jamais été contesté. Seule est discutée en cause d'appel l'évaluation de ce préjudice. Celle-ci doit intervenir au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime au moment de l'accident (41 ans), de la consolidation (42 ans), de la présente décision (47 ans) et de son activité (chef de rang dans la restauration), afin d'assurer la réparation intégrale du préjudice et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage. L'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue.

Le rapport du docteur [D], dont les conclusions ne font l'objet d'aucune critique médicalement justifiée, constitue une base valable d'évaluation des préjudices subis par Mme [M].

I. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX

a) préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Perte de gains professionnels actuels (PGPA) : 1 174,11 euros

Ce poste vise à compenser les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus. La durée et l'importance, généralement décroissante, de l'indisponibilité temporaire professionnelle sont à apprécier depuis la date du dommage jusqu'à la date de la consolidation.

Il convient de déduire des revenus dont la victime a été privée pendant cette indisponibilité professionnelle temporaire, le montant des indemnités journalières versées par son organisme de sécurité sociale comme celui du salaire maintenu par son employeur.

Les bulletins de salaire de juillet, août et septembre 2017 attestent respectivement d'un salaire mensuel net imposable de 1 244,79 euros, 1 250,45 euros et 1 247,61 euros. Le salaire de référence, qui s'apprécie hors incidence fiscale, est de 1 247,61 euros.

Mme [M] invoque une période d'arrêt temporaire des activités professionnelles de 458 jours correspondant aux dates de son arrêt de travail du 18 octobre 2017 au 18 janvier 2019.

La SA AXA France IARD objecte à juste titre qu'aucune période d'arrêt temporaire des activités professionnelles n'a été expressément arrêtée par le docteur [D], et que la date de consolidation fixée au 13 décembre 2018, constitue nécessairement le terme de période de calcul de la perte de gains professionnels actuels. La période de calcul à retenir a donc une durée de 421 jours.

N'eût été l'accident, Mme [M] aurait perçu une somme de 17 268,28 euros (1 247,61 euros x 12 mois x 421/365). Elle n'a perçu que la somme de 16 094,17 euros au titre des indemnités journalières servies par la caisse primaire d'assurance-maladie. Elle a donc subi une perte nette de 1 174,11 euros.

b) préjudices patrimoniaux permanents après consolidation

Incidence professionnelle (IP) : 15 000 euros

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou de l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap, de la perte des droits à retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, ou de la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail. Ont vocation à être inclus dans ce poste de dommage les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste assumés par le tiers payeur ou la victime, et de façon générale tous les frais nécessaires à un retour de la victime dans la vie professionnelle, qui seraient imputables au dommage corporel subi.

L'incidence professionnelle est indemnisée en fonction de l'analyse de chacune des composantes de ce poste et non à compter d'une perte annuelle de revenus ou d'un taux donné de déficit fonctionnel permanent.

Mme [M] évoque un projet de partenariat avec la société Fitlane, grâce auquel elle aurait pu facturer des prestations de naturopathie. Elle produit au soutien de ses dires un certificat privé de compétences en réflexologie plantaire délivré le 10 mai 2016 par un Institut Français des Sciences de l'Homme, ainsi qu'une attestation sur l'honneur d'une certaine [S] [G] se disant associée d'une SAS Be Athletic, qui « certifie avoir exprimé le désir de collaborer avec Mme [M] [T] en septembre 2017 ». Le principe et les modalités de cette collaboration n'ont cependant donné lieu à l'établissement d'aucun protocole ou échange de courriers antérieurement à l'accident. En outre, l'attestation produite ne comporte ni les références de la SAS Be Athletic ni celles de la société Fitlane, pas plus que l'identité et la qualité de Mme [G].

Mme [M] produit un avis d'inaptitude de la médecine du travail du 13 décembre 2018, mais ne fait pas état d'une procédure subséquente de licenciement : elle ne justifie pas, en conséquence, s'être trouvée dans l'obligation d'abandonner sa profession au profit d'une autre en raison de la survenance du handicap.

Cependant, le docteur [D] retient une pénibilité accrue dans l'exercice de toute activité professionnelle comportant des manipulations ou le port de charges, notamment dans la restauration.

Ce poste de préjudice a été justement évalué à hauteur de 15 000 euros par le premier juge. Ce montant est absorbé en tout état de cause par les arrérages échus et à échoir de la rente AT.

II. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

a) préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

['].

b) préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)

Déficit fonctionnel permanent (DFP) : sans objet.

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence personnelle, familiale et sociale. Les séquelles conservées, le taux d'incapacité et l'âge de la victime déterminent le quantum de l'évaluation du poste déficit fonctionnel permanent.

Mme [M] invoque le bénéfice de la décision de l'Assemblée Plénière du 23 janvier 2023 aux termes de laquelle la rente AT ne s'impute plus sur le déficit fonctionnel permanent, mais uniquement sur les postes perte de gains professionnels futurs et le cas échéant incidence professionnelle. Elle entend par conséquent se voir adjuger le bénéfice effectif de la somme de 17 000 euros allouée par le premier juge au titre du déficit fonctionnel permanent.

La SA AXA France IARD objecte à juste titre que l'effet dévolutif de l'appel interjeté par Mme [M] est circonscrit à la perte de gains professionnels actuels, à l'incidence professionnelle et au préjudice d'agrément, à l'exclusion du déficit fonctionnel permanent.

La cour n'est saisie d'aucun appel au titre de ce poste.

Préjudice d'agrément (PA) : 2 500 euros

Le préjudice d'agrément ne peut être indemnisé distinctement de la gêne dans les actes de la vie courante, déjà indemnisée au titre du déficit fonctionnel, que si la victime justifie de la pratique antérieure d'une activité sportive ou de loisir exercée régulièrement avant l'accident.

Ce poste n'est pas circonscrit à l'impossibilité absolue pour la victime de poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir ; il inclut en effet l'impossibilité de poursuivre ladite activité dans les mêmes conditions qu'avant l'accident. Ce poste inclut en effet la limitation de la pratique antérieure.

Le docteur [D] admet ce poste pour la pratique des sports, notamment du yoga qui implique l'appui des mains et des genoux. Mme [M] produit une attestation, dont la SA AXA France IARD ne conteste pas l'authenticité, aux termes de laquelle M. [L] [J], se disant responsable technique et coach sportif de l'association Boxing Squad, certifie que Mme [M] qui fréquentait le club avec assiduité depuis 2013 ne s'y rend plus depuis son accident du 18 octobre 2017. Ce poste de préjudice sera évalué à la somme de 2 500 euros.

Sur les demandes annexes :

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime doivent être confirmées.

L'équité ne justifie pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la cour, hormis au titre de la perte de gains professionnels actuels et sur le montant de l'indemnisation de la victime et les sommes lui revenant.

Statuant à nouveau sur le point infirmé et y ajoutant,

Condamne la SA AXA France IARD à payer à Mme [M] au titre de la perte de gains professionnels actuels la somme de 1 174,11 euros.

Constate l'absence d'effet dévolutif au titre du déficit fonctionnel permanent.

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SA AXA France IARD aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-6
Numéro d'arrêt : 23/02435
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;23.02435 ?
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