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04/07/2024 | FRANCE | N°21/15528

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-5, 04 juillet 2024, 21/15528


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5



ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024



N° 2024/







MAB/PR





Rôle N°21/15528

N° Portalis DBVB-V-B7F-BIKUT







[C] [B]





C/



S.A.S. BOMBARDIER AEROSPACE FRANCE

























Copie exécutoire délivrée

le : 04/07/2024

à :



- Me David-André DARMON, avocat au barreau de NICE<

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- Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 12 Octobre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° F20/00082.





APPELANT



Monsieur [C] [B], dem...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024

N° 2024/

MAB/PR

Rôle N°21/15528

N° Portalis DBVB-V-B7F-BIKUT

[C] [B]

C/

S.A.S. BOMBARDIER AEROSPACE FRANCE

Copie exécutoire délivrée

le : 04/07/2024

à :

- Me David-André DARMON, avocat au barreau de NICE

- Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 12 Octobre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° F20/00082.

APPELANT

Monsieur [C] [B], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me David-André DARMON, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

S.A.S. BOMBARDIER AEROSPACE FRANCE, sise [Adresse 1]

représentée par Me Elodie GRANGIER, avocat au barreau de PARIS

et par Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Anne BLOCH, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Madame Marie-Anne BLOCH, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Pascale ROCK.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Madame Karen VANNUCCI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Après avoir travaillé à compter du 1er novembre 2014 au profit de la société Bombardier Aérospace Netherlands, M. [C] [B] a fait l'objet d'un transfert du contrat de travail à la société Bombardier Aérospace France, en qualité de technicien de maintenance avion, à compter de novembre 2016, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien.

La société Bombardier Aérospace France employait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement.

Après avoir été convoqué à un entretien préalable fixé le 19 août 2019, M. [B], par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 23 août 2019 a été licencié pour insuffisance professionnelle.

Le 11 février 2020, M. [B], contestant le bien-fondé de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, a saisi la juridiction prud'homale, afin d'obtenir diverses sommes tant en exécution qu'au titre de la rupture du contrat de travail.

Par jugement rendu le 12 octobre 2021, le conseil de prud'hommes de Nice a :

- dit le licenciement de M. [B] pour cause réelle et sérieuse fondé,

- débouté M. [B] de sa demande d'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [B] de sa demande d'indemnité pour licenciement abusif,

- débouté M. [B] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [B] à verser à la société Bombardier Aérospace France la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les dépens à la charge de M. [B].

M. [B] a interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 mars 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 13 mai 2022, l'appelant demande à la cour

d'infirmer le jugement, et statuant à nouveau de :

- constater que le comportement de M. [B] ne révèle pas de démotivation ou de laxisme et ne peut caractériser un élément fondant son licenciement,

- constater que le licenciement prononcé doit donc être qualifié de sans cause réelle et sérieuse,

- constater que la société Bombardier Aérospace France ne verse aucune preuve attestant de la gravité du comportement de M. [B],

- juger que le licenciement prononcé de ce chef doit donc être qualifié de sans cause réelle et sérieuse,

- constater que la société Bombardier Aérospace France n'apporte pas la preuve de l'insuffisance professionnelle de M. [B],

- condamner la société Bombardier Aérospace France au paiement de la somme de 60 114,24 euros à M. [B] au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (article L.1235-3 du code du travail),

- condamner la société Bombardier Aérospace France au paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

L'appelant fait valoir que son insuffisance professionnelle n'est pas démontrée, tout comme ses comportements inadaptés. La charge de la preuve pesant sur l'employeur, le licenciement doit être jugé sans cause réelle et sérieuse.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 8 août 2022, l'intimée demande à la cour de confirmer le jugement, sauf s'agissant du quantum de l'indemnité due au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de débouter l'appelant de ses demandes et de condamner M. [B] au paiement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens. A titre subsidiaire, une demande de limitation de l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse est développée.

L'intimé réplique que le licenciement pour insuffisance professionnelle est largement démontré par les éléments produits au dossier.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement du 23 août 2019 est ainsi motivée :

'Vous avez été engagé en qualité de technicien de maintenance avion sous contrat de travail à durée indéterminée en date du 3 novembre 2014.

Suite à notre entretien qui s'est tenu le 19 août 2019, auquel vous avez été convoqué par lettre en date du 8 août 2019, nous vous informons de notre décision de vous licencier pour les motifs exposés ci-après.

Comme nous vous l'avons indiqué au cours de cet entretien, nous avons constaté un certain nombre de manquements et d'erreurs de votre part au cours des derniers mois. Votre comportement révèle un certain laxisme professionnel et dans tous les cas une perte totale de motivation. Par ailleurs, nous avons relevé d'importants problèmes de communication et relationnels, qui détériorent l'image de notre société vis-à-vis des divers interlocuteurs auprès desquels vous intervenez, au nom de Bombardier.

- Erreurs et manquements professionnels

Nous avons retenu les exemples suivants qui démontrent les nombreuses erreurs et manquements professionnels dont vous faites preuve :

Le 13 juillet 2018, vous avez validé les opérations sur un FAA en omettant de réaliser une partie du travail nécessaire. Nous avons été obligés, à la suite de cet incident, d'organiser de nouvelles opérations de maintenance aux Etats Unis et de revérifier et refaire le travail.

Le 17 juin 2019, vous avez approuvé un certificat de pièce qui n'était absolument pas acceptable sur un avion immatriculé auprès de l'Agence Européenne de la Sécurité Aérienne. Heureusement, un autre technicien s'est aperçu de cette erreur avant l'installation de la pièce. Au cours de l'enquête que nous avons réalisée sur les circonstances de cet incident, vous avez nié votre implication et tenté de masquer votre erreur. Ce nouveau problème a d'ailleurs entraîné la révocation de votre autorisation interne de certification.

Ces erreurs et manquements sont difficilement explicables dans la mesure où vous recevez régulièrement des formations visant à assurer la mise à jour de vos qualifications. Nous ne pouvons qu'imputer ceux-ci à une absence de rigueur professionnelle, pourtant indispensable dans le cadre de vos fonctions.

- Attitude laxiste /absence de motivation

Outre ces erreurs et manquements de votre part, certains de vos agissements laissent entendre un certain laxisme et une perte totale de motivation pour le poste que vous exercez. Ainsi en témoignent les exemples suivants :

Le 12 décembre 2018, nous avons reçu une demande d'intervention de la part d'un client, nécessitant un déplacement à [Localité 3] le 13 et 14 décembre. Vous avez refusé de vous déplacer pour cette intervention et nous avons dû faire réaliser les opérations par un autre technicien.

Le 30 janvier 2019, alors que vous étiez d'astreinte, nous avons tenté de vous joindre à de multiples reprises, par email et par message texte pour réaliser une intervention. Ce n'est qu'après avoir reçu un énième message d'un manager que vous avez répondu. Votre réponse tardive a entraîné des frais supplémentaires dans la mesure ou nous avons dû envoyer un technicien basé plus loin pour réaliser l'intervention (qui n'a pris que 10 minutes).

Outre ces faits, vous avez refusé de travailler à de multiples reprises (le 6 avril 2018, le 18 septembre 2018 et le 19 décembre 2018).

- Problèmes relationnels et communication inappropriée

Vous avez par ailleurs eu un comportement inapproprié envers des clients ou fournisseurs, formulant certaines de vos opinions sans tact ou sens professionnel, votre de manière agressive.

Ainsi, en juin 2018, lors d'une intervention de maintenance à [Localité 4] pour CMA CGM, vous vous êtes plaint auprès du client du fait que vous aviez été obligé de venir à [Localité 4] pour réaliser les opérations de maintenance.

Le 21 août 2018, à [Localité 5], il vous a été demandé d'emmener un véhicule accidenté auprès de la gendarmerie GTA, afin qu'un garagiste le récupère (il avait préalablement été convenu avec celui-ci de ce rendez-vous, et le garagiste avait fait le déplacement spécialement dans ce but). Nous avons reçu un appel du garagiste juste après le rendez-vous. Il s'est plaint du fait que vous avez eu envers lui un comportement très agressif, et il nous a indiqué qu'il n'avait jamais été traité ainsi de toute sa carrière. Pour toute explication, vous nous avez indiqué que le garagiste avait 15 minutes de retard.

En septembre 2018, lors d'une intervention sur un avion de Global Jet, vous avez indiqué au pilote que la checklist utilisée n'était pas de qualité, et que VistaJet avait une meilleure checklist. A la suite de ces propos, nous avons failli perdre ce client et avons dû formuler à de multiples reprises des excuses.

En juin 2019, plusieurs de nos interlocuteurs habituels (NetJets qui est l'un des plus gros clients

de Bombardier, et Swissport FBO) se sont plaints de votre attitude.

L'ensemble de ces éléments révèlent une insuffisance professionnelle.

Nous avons régulièrement tenté d'attirer votre attention sur le fait que nous souhaitions que vous vous conformiez à nos attentes, en terme de compétence, de rigueur et de professionnalisme. Cependant, et malgré nos nombreuses discussions, la qualité de votre travail et de votre implication n'est toujours pas au niveau attendu.

C'est pourquoi nous vous notifions par la présente votre licenciement. (...)'

Sur le bien-fondé du licenciement pour insuffisance professionnelle

Pour constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, l'insuffisance professionnelle doit être caractérisée par des faits objectifs et matériellement vérifiables. Si la preuve est partagée en matière de licenciement pour cause réelle et sérieuse, il incombe à l'employeur d'apporter au juge des éléments objectifs à l'appui des faits qu'il invoque comme propres, selon lui, à caractériser l'insuffisance professionnelle dont il se prévaut.

L'insuffisance professionnelle se définit comme l'incapacité objective, non fautive et durable, d'un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification et se caractérise par une mauvaise qualité du travail accompli susceptible de porter atteinte aux intérêts de l'entreprise.

Afin que l'insuffisance professionnelle puisse être caractérisée, il revient à l'employeur de démontrer préalablement à sa décision, conformément aux dispositions de l'article L.6321-1 du code du travail, qu'il avait mis en oeuvre les moyens nécessaires afin d'assurer l'adaptation du salarié à son poste de travail et ainsi veillé au maintien de sa capacité à occuper l'emploi sur le long terme, le cas échéant par la mise en oeuvre de programmes de formations adaptés. Avant d'envisager son licenciement, le salarié doit également avoir été mis au courant de son incompétence ou de ses erreurs pour pouvoir y remédier.

En l'espèce, la société Bombardier Aérospace France reproche à M. [B] :

- des erreurs et manquements professionnels,

- une attitude laxiste et une baisse de motivation, caractérisée par des refus de travailler ou de faire un déplacement,

- des problèmes relationnels et une communication inappropriée, empreinte d'agressivité.

Or, les faits de refus de travailler qui confinent à l'insubordination ou encore les comportements inappropriés ne relèvent pas d'une incapacité objective et non fautive de M. [B] à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification et ne permettent donc pas de fonder un licenciement pour insuffisance professionnelle.

Le grief lié aux erreurs et manquements professionnels soulevé dans la lettre de licenciement est en revanche susceptible de fonder un licenciement pour insuffisance professionnelle, terrain sur lequel l'employeur s'est positionné. A ce titre, la société Bombardier Aérospace France reproche à M. [B] des insuffisances professionnelles en termes de rigueur, relevant des erreurs dans l'exécution des tâches qui lui étaient confiées. Si la lettre de licenciement mentionne deux incidents, celui du 13 juillet 2018 et celui du 17 juin 2019, il est acquis que le motif de licenciement pour insuffisance professionnelle peut être précisé et discuté devant les juges du fond.

Dans ses conclusions, la société Bombardier Aérospace France liste les manquements suivants :

- le 19 avril 2018, M. [B] a utilisé de manière inappropriée une colle pour refixer un panneau intérieur de l'avion d'affaires, engendrant des dégâts matériels sur le revêtement de la cabine et la nécessité pour la société Bombardier Aérospace France de dédommager le client à hauteur de 88 556 dollars,

- en juin 2018, M. [B] a passé une commande erronée de pièces détachées, non remboursable ni échangeable, occasionnant une perte financière de 13 000 dollars,

- le 13 juillet 2018, M. [B] a validé les opérations sur un FAA en omettant de réaliser une partie du travail, obligeant ses supérieurs à organiser de nouvelles opérations de maintenance,

- le 21 septembre 2018, M. [B] n'a pas activé le coupe circuit sur un avion Global 6000,

- les 20-21 décembre 2018, M. [B] a omis de vérifier si la roue d'un client avait été replacée au magasin en bon état, n'est pas resté dans l'avion pour superviser les opérations mécaniques et vérifier que la zone de travail avait été nettoyée,

- le 17 juin 2019, M. [B] a approuvé un certificat sur une pièce non qualifiée.

Elle produit :

- un rapport de maintenance lié à l'opération du 19 avril 2018, mentionnant : 'On nous a demandé de recoller une bande derrière le plafond de lavage sur le dessus du panneau latéral du côté droit, de l'avant vers l'arrière', 'Normalement pour coller un panneau comme celui-ci, il faut que le panneau latéral complet sorte et soit collé en bandes sur le panneau latéral. Pour résoudre ce problème de colle sur la ligne, il a été impossible d'enlever le panneau latéral complet. La seule solution est d'utiliser un petit pinceau pour appliquer la colle entre les surfaces à recoller. Je travaillais au-dessus de ma tête avec peu d'espace entre les deux panneaux et je devais utiliser une main pour maintenir les deux panneaux ouverts afin de passer le pinceau et la colle. Cette colle est très liquide et coule rapidement. C'est pourquoi le pinceau a touché très rapidement les bords, j'ai essayé de le faire le moins possible mais dès que les surfaces ont été poussées l'une contre l'autre pour activer la colle, elle est sortie de l'espace entre les deux. Cela a provoqué plusieurs points de colle sur la longueur de ce panneau',

- le rapport d'assurance suite à l'incident mentionnant : 'le technicien de Bombardier a mal appliqué de la colle pendant des réparations intérieures, endommageant le tapis et la paroi de l'appareil Global 6000', 'la réparation du dommage causé par la colle a requis le remplacement de sections entières du tapis et du capitonnage', 'nous effectuerons un paiement de USD 88 466',

- un mail interne de M. [X] du 27 juin 2019, récapitulant les manquements de M. [B] et mentionnant : '06/2018 : mauvaise pièce de rechange commandée - aucune possibilité de la renvoyer - valeur commerciale 13k (il a utilisé le mauvais manuel pour rechercher la pièce 604 au lieu de celui de global express)',

'13.07.18 Rapport IQSMS n°30 a validé un avion FAA sans détenir une licence FAA - ce qui a conduit à effectuer un rapport d'événement et nous avons dû organiser une autre opération de maintenance aux Etats Unis pour revérifier et valider le travail', 'Rapport IQSMS n°30 nous avons révoqué son autorisation entreprise car il a effectué une validation de mise en service illégale. Après une nouvelle formation, l'autorisation de l'entreprise a été délivrée à nouveau',

'22.12.2018 Les roues d'un client ont été utilisées comme des roues factices et n'ont pas été retournées au magasin en bon état de fonctionnement. Une enquête a été réalisée avec le chef de station, le directeur technique et l'équipe qualité. Les personnes impliquées ont envoyé un rapport écrit indiquant que [C] [B] était le personnel de certification travaillant avec des mécaniciens. Il s'est avéré qu'il n'avait aucun contrôle sur ce projet de travail car il n'a pas réussi à diriger le projet, à nettoyer l'espace de travail. De plus, il n'a pas été très proactif dans l'enquête et ne comprend pas l'importance de la sécurité sur le lieu de travail, et, encore une fois, selon lui, il n'a commis aucune faute, les autres sont à blâmer car c'est la faute des mécaniciens. C'est un élément critique car il s'agit d'une roue de client et si nous devons dédommager le client, il nous en coûtera environ 25 000 USD. Il a également été rapporté par des collègues qu'il n'était pas dans l'avion pour superviser les mécaniciens et contrôler leur travail. A fortiori pour nettoyer la zone de travail et prendre la responsabilité de vérifier si la roue a été retournée correctement',

- un mail interne de M. [L] [S], 'director, mobile responsible team', du 28 juin 2019, récapitulant les plaintes des clients vis-à-vis de M. [B] : 'sept 2018 : VistJet : a laissé la batterie allumée',

- un mail interne de M. [X] du 21 juin 2019 : 'Nous avons encore un problème de qualité avec [C] [B] dont je souhaiterais vous informer. Je mène une enquête aujourd'hui et finalise mon rapport. Il a approuvé un certificat de pièce qui n'est absolument pas acceptable sur un avion immatriculé EASA. Heureusement un autre ingénieur l'a remarqué avant l'installation',

- le rapport d'incident : 'résumé de l'incident : L'ingénieur a effectué une inspection entrante sur une pièce qui n'est pas qualifiée pour être installée sur un aéronef immatriculé EASA. Ce sont des compétences de base pour un personnel de certification / inspecteur entrant. En raison d'un problème similaire l'année dernière en juin (voir le rapport IQSMS #30) et une nouvelle formation détaillée, il ne travaille toujours pas selon les procédures qui sont essentielles pour détenir une autorisation de la société Bombardier Aéronautique Austria.

Commentaires : en raison de plusieurs problèmes rencontrés et ne respectant pas les procédures, sa licence entreprise sera révoquée jusqu'à nouvel ordre. Il ne peut travailler comme personnel de certification / inspecteur entrant. La licence entreprise a déjà été révoquée (se référer à IQSMS n°30) et de nouveau le 31 juillet 2018.

L'ingénieur a reçu une formation spéciale (formation récurrente le 31 juillet 2018) et nous avons des formations récurrentes tous les 24 mois.

La licence d'entreprise sera révoquée pour 3 mois minimum. Après 3 mois, nous ferons une évaluation et verrons si nous sommes confiants pour lui redonner le rôle de personnel de certification'.

- le rapport interne IQSMS 51 suite à l'incident lié à la certification erronée d'une pièce non qualifiée du 17 juin 2019 mentionnant les réponses de M. [B] du 20 juin 2019 : 'Malheureusement je n'ai pas tamponné ce formulaire EASA et l'ai envoyé avec le reste des documents que j'ai envoyés', puis 'Je comprends, après avoir parlé au CS, que le formulaire 1 était dans la corbeille à papier. J'ai commis une erreur, je n'ai pas remarqué cela en scannant et en envoyant. Point 3 : j'ai commis une erreur. Mais l'installation de la pièce et le RTS n'a pas été retardé. Je m'excuse pour de désagrément et pour le CS impliqué. J'ai pris conscience qu'il fallait être plus précis et attentif à l'avenir', et enfin 'Cela me perturbe également car je ne me souvient pas avoir jeté le reste des documents à la poubelle. Je ne peux pas expliquer comment c'est arrivé. C'était pendant le week-end et je ne m'en souviens pas très bien. Quand la pièce est arrivée, tous les documents étaient dans l'enveloppe. Je passe toujours en revue tous les documents et utilise les documents nécessaires pour le contrôle et remets le reste dans l'enveloppe et la pièce / boîte. Ma première réaction auprès du CS a été que j'ai mis tous les documents inclus dans l'enveloppe de la pièce / boîte. Le CS m'a informé qu'ils n'y étaient pas. Ce qui m'a perturbé. Apparemment ce n'est pas ce que j'ai fait.

Conclusion finale : Oui, j'ai commis une erreur en effectuant le contrôle à l'arrivée de manière incorrecte et fait seulement avec le formulaire FAA et ai oublié de voir que le double certificat sur le formulaire était manquant. En conséquence, je n'ai pas inclus le formulaire 1 EASA. Et le mauvais formulaire FAA était alors seulement joint à la pièce.'

En réplique, M. [B] se contente d'affirmer qu'il ne travaillait pas dans des conditions idéales pour l'incident du 19 avril 2018, qu'il ne travaillait pas le 22 décembre 2018 et qu'il n'est pas responsable de ce qui lui est reproché pour l'incident du 17 juin 2019. Il verse une attestation, non datée et non traduite, de M. [M] [O], 'EASA B1 licenced engineer', qui explique que les procédures applicables sont de plus en plus complexes, de telle sorte que les erreurs sont inévitables et qui conclut, s'agissant de l'incident du 17 juin 2019, que M. [B] est seulement coupable de négligence.

Il ressort des pièces versées que M. [B] reconnaissait, lors des enquêtes internes, ses erreurs à la fois dans l'incident survenu le 19 avril 2018, dans la manipulation de la colle pour effectuer des réparations sur un panneau intérieur d'un avion d'affaires, et dans l'incident du 17 juin 2019, dans la procédure administrative à suivre pour la certification d'une pièce entrante. Il résulte également des pièces en procédure qu'une précédente erreur de validation et de respect des procédures de certification en juillet 2018 avait amené l'employeur à suspendre provisoirement sa licence et à lui imposer une formation détaillée, avant de lui délivrer à nouveau la licence l'autorisant à exercer comme inspecteur entrant / agent de certification. Cette précédente sanction interne n'avait alors pas été contestée par M. [B].

Ces manquements, caractérisés, constituent des actions non fautives et non volontaires de M. [B], qui se sont répétées depuis plusieurs mois, malgré les rapports d'incident et les rappels à l'ordre de l'employeur et la formation imposée dans l'intervalle et qui ont engendré un préjudice financier pour la société, amenée à dédommager des clients et une atteinte à son image de qualité à l'égard de ses clients.

En conséquence, le licenciement pour insuffisance professionnelle est fondé sur une cause réelle et sérieuse et le jugement entrepris sera confirmé, en ce qu'il a débouté M. [B] de ses demandes.

Sur les frais du procès

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, M. [B] sera condamné aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 1 800 euros.

Par conséquent, M. [B] sera débouté de sa demande d'indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant en dernier ressort, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Condamne M. [B] aux dépens de la procédure d'appel,

Condamne M. [B] à payer à la société Bombardier Aérospace France une somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [B] de sa demande d'indemnité de procédure en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-5
Numéro d'arrêt : 21/15528
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;21.15528 ?
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