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04/07/2024 | FRANCE | N°21/13817

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-5, 04 juillet 2024, 21/13817


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5



ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024



N° 2024/





MAB/KV







Rôle N°21/13817

N° Portalis DBVB-V-B7F-BIEWE







[BN] [BD]





C/



Association FOYER [3]

























Copie exécutoire délivrée

le : 04/07/2024

à :



- Me Charlène COLOMBAIN, avocat au barreau de GRASSE



- Me Stéphanie JOURQUIN, avocat au barreau de NICE





























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 02 Septembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 20/00183.





APPELANTE



Madame [BN] [BD], demeu...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024

N° 2024/

MAB/KV

Rôle N°21/13817

N° Portalis DBVB-V-B7F-BIEWE

[BN] [BD]

C/

Association FOYER [3]

Copie exécutoire délivrée

le : 04/07/2024

à :

- Me Charlène COLOMBAIN, avocat au barreau de GRASSE

- Me Stéphanie JOURQUIN, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 02 Septembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 20/00183.

APPELANTE

Madame [BN] [BD], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Charlène COLOMBAIN, avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Marie-Monique CASTELNAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Association FOYER [3], sise [Adresse 1]

représentée par Me Stéphanie JOURQUIN, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Anne BLOCH, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Madame Marie-Anne BLOCH, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2024, délibéré prorogé au 4 juillet 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Pascale ROCK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [BN] [BD] a été engagée par l'association Foyer [3] en qualité d'infirmière responsable - statut agent de maîtrise - coefficient 363, à compter du 27 juin 2005, par contrat à durée indéterminée. Par avenant du 1er juillet 2007, elle a accédé au statut cadre - coefficient 370.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la Fédération de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002.

L'association Foyer [3] employait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement.

Elle a été placée en arrêts maladie du 6 mai au 6 novembre 2016, puis du 24 novembre 2017 au 23 février 2018, et du 2 mars 2018 au 8 mai 2018. À compter du 10 décembre 2018, Mme [BD] a été à nouveau placée en arrêt maladie.

Après une visite de reprise le 8 octobre 2019 et une deuxième visite, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude le 17 octobre 2019, mentionnant que 'l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi'.

Après avoir été convoquée à un entretien préalable fixé le 8 novembre 2019, Mme [BD], par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 13 novembre 2019, a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 13 mars 2020, Mme [BD], contestant le bien-fondé de son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, a saisi la juridiction prud'homale, afin d'obtenir diverses sommes tant au titre du harcèlement moral qu'au titre de la rupture du contrat de travail.

Par jugement rendu le 2 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Nice a :

- jugé que le licenciement pour inaptitude de Mme [BD] est légitime et sans origine professionnelle,

- constaté des manquements de la part de l'association Foyer [3] dans la gestion de la reprise d'activité de Mme [BD] qui ne constituent cependant pas un manquement à l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail,

- dit qu'il n'y a pas d'agissement de harcèlement moral vis-à-vis de Mme [BD],

- débouté Mme [BD] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- débouté l'association Foyer [3] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que chaque partie conserve la charge de ses dépens.

Mme [BD] a interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 mars 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 juillet 2022, l'appelante demande à la cour de :

* infirmer le jugement en ce qu'il a :

- jugé que le licenciement pour inaptitude de Mme [BD] est légitime et sans origine professionnelle,

- jugé que les manquements de la part de l'association Foyer [3] dans la gestion de la reprise d'activité de Mme [BD] ne constituent pas un manquement à l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail,

- jugé qu'il n'y a pas d'agissement de harcèlement moral vis-à-vis de Mme [BD],

- débouté Mme [BD] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

* et statuant de nouveau, de :

- juger que l'association Foyer [3] a manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat et à son obligation de sécurité,

- condamner l'association Foyer [3] à des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat par l'employeur à hauteur de 5 000 euros,

- juger que Mme [BD] a été victime d'actes de harcèlement moral,

- condamner l'association Foyer [3] à des dommages et intérêts pour harcèlement moral à hauteur de 5 000 euros,

- juger que l'inaptitude a une origine professionnelle liée aux manquements de l'employeur,

- juger que le licenciement de Mme [BD] est pour le moins abusif, voir nul si la cour retient que l'inaptitude a pour origine les agissements de harcèlement moral,

- condamner l'association Foyer [3] à régler à Mme [BD] :

11 297 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

45 180 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif, voir nul,

- ordonner la remise de bulletins de paie rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

- condamner l'association Foyer [3] à 2 000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale de l'employeur pour le retard dans le traitement de son complément de prévoyance,

- juger que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice,

- ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil,

- condamner l'association Foyer [3] à régler à Mme [BD] la somme de 3 000, euros au titre de l'article 700 code de procédure civile,

- condamner l'association Foyer [3] aux entiers dépens,

- débouter l'association Foyer [3] de toutes ses demandes.

L'appelant fait valoir que son inaptitude trouve son origine dans les agissements de harcèlement moral de l'employeur, de telle sorte que le licenciement doit être jugé nul. Elle affirme avoir subi, à compter du retour de ses arrêts maladie en mai 2018, la pression de l'association Foyer [3] pour qu'elle accepte un départ volontaire de l'entreprise, puis face à son refus, un accroissement de sa charge de travail, des reproches récurrents et injustifiés, une mise à l'écart, un changement unilatéral d'horaires, ou encore des refus de congés, engendrant une dégradation de son état de santé et un nouvel arrêt pour dépression sévère à compter de décembre 2018. Elle sollicite par ailleurs des dommages et intérêts pour envoi tardif du complément de la prévoyance.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 4 janvier 2024, l'intimée demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter l'appelante de ses demandes et de condamner Mme [BD] au paiement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'intimée conteste tout harcèlement moral à l'encontre de Mme [BD], soulignant son désinvestissement à son retour d'arrêt maladie et des dysfonctionnements dans l'exécution de ses tâches. Elle soutient que Mme [BD] ne l'a jamais alertée de difficultés et considère que l'inaptitude de Mme [BD] est sans lien avec l'activité professionnelle.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail

1- Sur le harcèlement moral

Selon l'article L. 1152-1 du code du travail, 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel'.

En application du même texte et de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, Mme [BD] invoque, à compter de son retour d'arrêt maladie le 9 mai 2018 et alors qu'elle avait refusé une rupture conventionnelle proposée par l'employeur, un certain nombre d'agissements de son employeur, et notamment une surcharge de travail, une forte pression et des propos dévalorisants de la part de ses supérieures, des refus injustifiés de congés payés et d'heures supplémentaires, ainsi que d'une dégradation de ses conditions de travail qui est à l'origine de l'altération de son état de santé.

Elle présente les éléments de faits suivants :

- elle n'a pu retrouver son bureau que le 5 juin 2018, soit un mois après son retour,

- elle a subi une augmentation de sa charge de travail, avec l'ajout de nouvelles tâches et un nombre croissant de personnes à encadrer,

- ses horaires de travail ont été modifiés,

- ses congés ont été refusés,

- elle n'a pas été autorisée à accomplir des heures supplémentaires,

- elle a subi de la part de ses supérieures des propos dévalorisants et une forte pression,

- elle s'est trouvée placée en arrêt de travail pour cause de maladie suite à un état anxio depressif à compter du 10 décembre 2018, témoignant d'une dégradation de son état de santé à la suite des agissements de harcèlement qu'elle a subis.

Au soutien de son allégation de harcèlement moral, Mme [BD] produit :

- des tableaux comparatifs de l'effectif entre 2008, 2015 et 2018,

- un courrier adressé par Mme [T] [U], aide soignante, le 1er août 2018 à Mme [RL], directrice de l'association Foyer [3], pour se plaindre d'une augmentation de la charge de travail,

- un mail adressé par Mme [BD] à Mme [RL], directrice de l'association Foyer [3], le 9 juin 2018 : 'Sur le logiciel octime, mon planning mentionne une prise de poste à 9 heures. N'étant pas au courant de ce changement, j'arrivais à 8 heures. Je trouve plus judicieux d'être présente à la relève des équipes le matin à 8 heures, afin d'être informée des différents problèmes et de les traiter le plus rapidement possible (notamment absentéisme). Bien sûr, je ne vois aucun problème à prendre mon poste à 9 heures',

- le refus du 18 mai 2018, de la demande de congés formulée par Mme [BD] pour la période du 28 juillet 2018 au 20 août 2018, en ces termes : 'En raison du contexte et de la certification très proche du 11 au 13 septembre 2018 ainsi que des impératifs de service pour permettre de passer cette visite dans de bonnes conditions, il n'est pas possible d'accorder autant de jours de congés. Une telle durée pourra être envisagée après la certification. Il est également envisageable de t'absenter une semaine sur la période souhaitée',

- un mail adressé par Mme [BD] à Mme [RL], directrice de l'association Foyer [3], le 31 mai 2018 : 'Suite au refus de mes congés payés aux dates demandées, je ne peux me rendre au Brésil pour le mariage de mon fils. Je réitère donc ma demande d'attestation afin que je puisse entamer les démarches d'annulation',

- un mail adressé par Mme [BD] à Mme [RL], directrice de l'association Foyer [3], le 3 juillet 2018 : 'Je réitère la demande d'attestation de refus de congés payés aux dates demandées afin de valider le dossier de remboursement des frais engagés pour le mariage de mon fils',

- un mail adressé par Mme [BD] à Mme [RL], directrice de l'association Foyer [3], le 21 septembre 2018 : 'Je te prie de bien vouloir me confirmer par écrit l'acceptation de mes vacances du 1er au 18 novembre 2018 approuvées oralement. Tu comprendras bien qu'au vu de ce qu'il s'est passé précédemment (date de vacances du mois d'août accordées oralement et refusées à mon retour d'accident de trajet), je préfère avoir une trace écrite de ton accord',

- le refus du 3 décembre 2018, de la demande de congés formulée par Mme [BD] pour la période du 31 décembre 2018 au 6 janvier 2019,

- un mail adressé par Mme [ZL] [N] à Mme [BD] le 4 juin 2018 : 'Bonne nouvelle, vous allez avoir votre bureau à la fin de la semaine, la directrice me l'a confirmé', et la réponse de Mme [BD] du 5 juin 2018 : 'Je préfère être présente lors de la réception des matelas et pouvoir m'installer dans le bureau avant, mes affaires ayant été stockées pelle mêle dans une pièce pendant mon absence',

- un mail adressé par Mme [D] [GA]-[JN], médecin coordonnateur, à Mme [BD] le 12 mai 2018, sur la révision de la procédure 'évaluation de la douleur' et le suivi du transit des patients,

- un mail adressé par Mme [BD] à Mme [RL], directrice de l'association Foyer [3], le 14 mai 2018 : 'Je désire faire un point avec toi des actions à mener en sus de mes tâches quotidiennes évoquées en comité de direction du 9 mai 2018. (...)', avec un listing des tâches, et la réponse de Mme [RL] du 18 mai 2018 : 'Les missions évoquées entrent dans le champ de compétence de tes fonctions et de ta qualification de cadre mais évidemment l'ensemble des membres de la direction t'apportera son soutien si tu rencontres des difficultés. Par ailleurs, toutes les précisions sont apportées dans le compte-rendu du comité de direction. (...)',

- un mail adressé par Mme [F], responsable qualité de l'association Foyer [3], à Mme [BD] le 1er août 2018 : 'Pour information, quand on fait le choix d'arriver à 9h du matin, le minimum est d'anticiper au moins sur les codes Osiris à donner la veille aux équipes, afin que les intérimaires puissent commencer au plus tôt. (...)',

- une compilation de mails adressés à Mme [BD] par Mme [F], responsable qualité de l'association Foyer [3], entre le 20 juin 2018 et le 5 octobre 2018,

- une compilation de mails adressés à Mme [BD] par Mme [RL], directrice de l'association Foyer [3], entre le 5 juillet 2018 et le 22 novembre 2018,

- un mail adressé par Mme [BD] à Mme [RL], directrice de l'association Foyer [3], le 28 octobre 2018, dénonçant une charge de travail très importante et des dysfonctionnements augmentés par un personnel nouvellement embauché, des postes vacants et une recrudescence de l'absentéisme,

- des échanges de mails entre Mme [BD] et Mme [RL], directrice de l'association Foyer [3], des 22 novembre 2018 sur les problèmes relationnels rencontrés avec Mme [F] et sur les heures supplémentaires,

- les rapports journaliers établis par Mme [BD] du 21 novembre 2018 au 30 novembre 2018,

- les attestations de Mme [W] [UO], infirmière, du 2 février 2020, de Mme [IL] [Y], aide soignante, du 2 février 2020, de Mme [B] [K], aide soignante, du 29 janvier 2020, de Mme [KF] [DZ], aide soignante, du 20 janvier 2020, sur son professionnalisme,

- de nombreux mails rédigés par Mme [BD] entre le 24 décembre 2014 et le 11 août 2017, en dehors de ses horaires de travail,

- les demandes d'autorisation d'absence pour récupération en 2012 et 2013 ainsi que ses plannings,

- un mail adressé par Mme [BD] à Mme [RL], directrice de l'association Foyer [3], le 19 juin 2018 récapitulant les heures supplémentaires accomplies depuis le 22 mai 2018 et le mail de réponse de Mme [RL] le 20 juin 2018 : 'Il ne t'a jamais été demandé de réaliser des heures supplémentaires, les tâches évoquées entrent dans tes missions quotidiennes normales. A l'avenir, aucune heure ne sera validée sans information et accord préalable d'un membre de la direction. Tu dois prendre tes dispositions et mettre en place une organisation pour gérer tes missions pendant ton temps de travail',

- un mail adressé par Mme [BD] à Mme [GA]-[JN], médecin coordinateur, le 10 septembre 2018 : 'Je me permets de préciser que mon temps de travail a été diminué. Je ne peux accomplir le travail que j'effectuais en 10 heures par jour en 7 heures. De plus, ma charge de travail a été augmentée... Je te répète que je fais le maximum dans mon temps imparti et priorise le plus possible mes actions en fonction des besoins. (...)',

- les notes manuscrites de Mme [BD] sur son quotidien en mai 2018,

- les attestations de Mme [ZE] [A], psychologue, du 10 janvier 2020, de Mme [V] [PU] du 13 janvier 2020, de M. [PC] [WB] du 8 février 2020 sur la dégradation de l'état de santé psychologique de Mme [BD],

- les attestations de Mme [G] [JV] du 27 novembre 2020, de Mme [SN] [J] du 28 décembre 2020, de Mme [I] [TF] du 10 décembre 2020, de Mme [JD] [TP] du 20 novembre 2020, sur les difficultés rencontrées avec la direction de l'association Foyer [3], indifférente à la surcharge de travail,

- une attestation de M. [C] [UZ], ancien employé de l'association Foyer [3], du 19 février 2020, expliquant dans quel contexte il a été arrêté pour burn-out,

- une attestation de Mme [OS] [ER], ancienne employée de l'association Foyer [3], du 18 février 2021, dénonçant un propre harcèlement moral à son encontre de la part de Mme [RL], directrice de l'association Foyer [3], et Mme [F], responsable qualité,

- une attestation de Mme [T] [U], ancienne employée de l'association Foyer [3], du 2 mars 2021, dénonçant également un propre harcèlement moral à son encontre de la part de Mme [RL], directrice de l'association Foyer [3], et Mme [F], responsable qualité,

- une attestation de Mme [UH] [GS], aide soignante, du 28 février 2022, indiquant que Mme [BD] a été remplacée en décembre 2018 par deux cadres de santé.

La salariée présente également les pièces médicales suivantes :

- le rapport de visite auprès de la médecine du travail le 28 mai 2018 : 'condition de travail : 35h/sem horaire théorique 8h16h passage cadre entre-temps. Notion charge de travail ++ Se sent en difficulté sur son poste car me parle d'une vision différente de l'organisation du travail et de la fonction de responsable par sa direction',

- le rapport d'expertise du Dr [CS] [BV], expert psychiatre, du 30 septembre 2019, concluant dans la discussion : 'Mme [BD] a donc été mise en arrêt de travail, initialement, pour les suites d'une fracture à la cheville.

Dans les suites de son arrêt maladie, elle fera l'objet d'une demande de son employeur pour abandonner le poste de travail qu'elle occupait de nombreuses années.

Mme [BD], quant à elle, ne souhaitait nullement interrompre sa carrière professionnelle.

Il va en résulter une situation conflictuelle, des démarches administratives qui ne pourront aboutir à un règlement amiable.

C'est dans ce contexte conflictuel, qu'elle va faire l'objet d'une mise en arrêt de travail pour déstabilisation de son équilibre psychologique, s'exprimant initialement sur un mode anxieux puis sur un mode dépressif.

Celui-ci justifiera une prise en charge psychiatrique avec la mise en place d'un traitement par antidépresseur.

Actuellement, avec la mise à distance de son activité professionnelle, la prise en charge psychothérapeutique, le travail effectué avec son psychothérapeute, Mme [BD] se montre ouverte à l'idée d'une inaptitude au poste et d'un licenciement.

Maintenue en arrêt de travail jusqu'au 7/10/2019, elle devrait faire l'objet d'une visite auprès de la médecine du travail dans le cadre de sa visite de reprise, afin de faire reconnaître une inaptitude définitive au poste et à tout poste dans l'entreprise.

Il s'agit donc d'une décompensation anxieuse et dépressive, s'inscrivant dans un contexte de troubles de l'adaptation, en rapport avec une situation conflictuelle, l'opposant à la hiérarchie.

Le problème devrait se résoudre avec son licenciement. Situation qui devrait permettre de retrouver un meilleur équilibre psychologique dans la mesure où l'intéressée accepte cette idée de perte d'emploi.

Il s'agit d'un état encore évolutif, justifiant la poursuite de son traitement psychotrope et de sa prise en charge psychothérapique',

- l'attestation de suivi individuel du médecin du travail du 8 octobre 2019, lors de la visite de reprise : 'N'est pas en mesure de tenir son poste de travail. A revoir dans les 2 semaines',

- un certificat médical rédigé par le Dr [LZ] [TX], psychiatre, le 9 octobre 2019, attestant que Mme [BD] est 'suivie régulièrement depuis octobre 2018 et qu'elle bénéficie d'un traitement médicamenteux antidépresseur et anxiolytique' et précisant qu'à cette date, 'son état ne permet pas une reprise du travail',

- l'avis d'inaptitude du 17 octobre 2019.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la matérialité d'une modification des horaires de travail de Mme [BD], à son retour d'arrêt maladie, n'est pas établie. La salariée reconnaît elle-même dans ses échanges de mail avec Mme [RL] le 12 juin 2018 que le changement d'horaire avait été effectué sur le logiciel Octime dès 2014, quoiqu'elle précise ne pas en avoir été avisée.

En revanche, Mme [BD] rapporte la preuve de la matérialité des autres éléments de faits qu'elle présente, que ce soit l'indisponibilité de son bureau à son retour en mai 2018 ou encore le refus de ses demandes de congés payés.

Il ressort également des pièces produites, et notamment des fiches de demandes d'autorisation d'absence pour récupération, des plannings mentionnant les absences pour ce même motif, les nombreux mails échangés au-delà de 16h, voire de 17h et les attestations fournies sur l'amplitude des horaires de travail, que la pratique de l'accomplissement d'heures supplémentaires ouvrant droit à un repos compensateur existait au sein de l'entreprise. En interdisant à Mme [BD] de continuer ainsi, l'association Foyer [3] a opéré un changement de pratique.

Si l'employeur conteste une augmentation de la charge de travail de Mme [BD], à compter de son retour d'arrêt maladie, faisant valoir que les tâches listées par la salariée entraient dans le cadre de ses attributions contractuelles et qu'elles avaient été prises en charge sans difficulté par les autres salariés durant son absence, Mme [BD] démontre que le nombre d'employés à chapeauter est passé de 25 à 39, en raison de l'ouverture d'un nouveau bâtiment début 2018. Une autre salariée, Mme [U], s'est ainsi ouverte auprès de la direction de cette difficulté, en ces termes : 'Depuis l'ouverture du bâtiment B, nous subissons régulièrement une charge de travail nettement augmentée comparée aux années précédentes, de plus il nous est arrivé de travailler à plusieurs reprises en sous-effectif, (j'ai bien conscience que cela est indépendant de votre volonté) dû à une forte hausse de l'absentéisme'. Le renouvellement de la certification de la clinique, prévue en septembre 2018, a également constitué une hausse certaine de la charge de travail.

Enfin, les nombreux mails produits adressés à Mme [BD] par Mme [RL], directrice de l'association Foyer [3], entre le 5 juillet 2018 et le 22 novembre 2018, et Mme [F], responsable qualité, entre le 20 juin 2018 et le 5 octobre 2018, établissent une demande constante adressée à Mme [BD] de rendre compte sur le travail effectué, ainsi que des relances récurrentes sur les tâches en cours.

Les éléments ainsi produits, appréhendés dans leur ensemble, laissent dès lors supposer l'existence d'un harcèlement moral, auquel il appartient à l'employeur de répondre.

En réponse, l'association Foyer [3] fait valoir que les agissements invoqués sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. S'agissant du bureau, elle explique que des travaux d'aménagement et d'agrandissement temporaires étaient engagés, de telle sorte que Mme [BD] a été amenée à partager provisoirement un bureau avec le médecin coordinateur. Elle justifie ensuite les refus de congés par la durée d'absence sollicitée par Mme [BD] au mois d'août et par la nécessaire équité à appliquer entre salariés sur la répartition des vacances. Concernant les heures supplémentaires, l'association Foyer [3] fait valoir que cette décision relève de son pouvoir de direction, alors que Mme [BD] reprenait suite à une longue absence. Enfin, l'association Foyer [3] estime que la charge de travail demeurait malgré tout équilibré et que si des mails de relance lui étaient constamment adressés, c'est en réponse au désinvestissement de Mme [BD] dans ses fonctions et aux carences relevées.

L'association Foyer [3] verse, au soutien de son argumentation :

- deux attestations de M. [CS] [YC], vice-président du conseil d'administration, des 8 septembre 2020 et 27 février 2021, mentionnant 'l'absence d'implication de Mme [BN] [BD]' dans le processus de renouvellement de la certification, et la répartition de ses missions entre les autres membres de la direction et certaines personnes ressources de l'établissement,

- une attestation de Mme [D] [GA], médecin chef, du 8 septembre 2020 : ' (...) En raison de travaux d'aménagement et d'agrandissement de son bureau, j'ai fait le choix d'installer transitoirement le bureau de Mme [BD] à mes côtés. Choix le plus légitime puisque nous formions dans le cadre de nos missions un binôme constant', et décrivant les difficultés apparues dans la collaboration avec Mme [BD],

- l'attestation de Mme [DO] [XK], secrétaire, du 6 septembre 2020, témoignant de la bonne ambiance au sein de l'établissement et de la qualité d'écoute de la directrice, Mme [RL],

- des échanges de mail entre Mme [F] et Mme [BD], la première relançant la deuxième en l'absence de réponse à ses messages,

- une attestation de Mme [MY] [HU], membre du CHSCT, du 7 septembre 2020, témoignant de l'absence de demande de la part de Mme [BD] sur son éventuel mal-être au travail,

- une attestation de M. [HC] [ZW], agent de maintenance, du 30 septembre 2020, détaillant l'ensemble des travaux de rénovation effectués dans le bureau de Mme [BD],

- une attestation de Mme [P] [H], secrétaire médicale, du 29 janvier 2021 : '(...) Après un nouvel arrêt de longue durée, pendant lequel ses tâches avaient été reprises par notre responsable qualité, Mme [BD] ne semblait plus vouloir s'investir comme avant. Elle me disait 'je ferai mes horaires et STOP', elle arrivait donc à 9h tous les matins et partait à 17h précises. Elle avait pour habitude d'aller et venir dans la clinique pour régler les diverses situations, mais vers la fin elle restait plutôt dans son bureau et je ne la voyais plus beaucoup. Pendant son absence, ses tâches (recrutement du personnel, gestion des plannings des soignants) étaient assurées par Mme [S] [F], M. [WI] [GK] et Mme [L] [RL] qui d'ailleurs ont continué d'assurer certaines de ses fonctions même après son retour. (...)',

- une attestation de Mme [SD] [FI], infirmière, du 10 septembre 2020, soulignant le caractère bienveillant de la direction de cette petite structure et regrettant l'absence d'investissement de Mme [BD] dans le processus de renouvellement de la certification,

- une attestation de Mme [Z] [OA], diététicienne, du 2 août 2020 : ' (...) J'ai pu remarquer à sa reprise en mai 2018 un détachement complet de ses fonctions de cadre qui amplifiait les problématiques. Lors de la certification réalisée en septembre 2018, Mme [BD] était pratiquement absente à toutes les réunions l'impliquant dans un groupe de travail. Elle ne s'est jamais rendue disponible pour ce travail d'équipe, malgré quelques présences. Il était impossible de travailler avec car elle portait peu d'investissement dans cette démarche. Or, son rôle de cadre était indispensable pour le bon déroulement de ses missions, mais aussi le maintien d'une bonne collaboration entre les équipes pluridisciplinaires. Les autres membres de l'équipe ont dû compenser l'absence de son investissement',

- une attestation de Mme [NI] [EG], gouvernante, du 8 septembre 2020 : 'Au retour de l'absence de Mme [BD], j'ai constaté que son manque de motivation s'était amplifié, elle avait tendance à ne pas s'investir dans son équipe mis à part quelques privilégiés, son relationnel était difficile avec mon équipe et moi-même, des fois elle avait avec certains salariés des colères impulsives et irrationnelles avec d'autres, c'est une personne lunatique' et décrivant le manque d'investissement de Mme [BD] dans la préparation de la certification,

- une attestation de Mme [VR] [E], responsable régionale intervenant dans le cadre d'une mission d'information et d'accompagnement dans la clinique, du 9 septembre 2020, témoignant de l'implication des membres de la direction dans le processus de renouvellement de la certification, à l'exception de Mme [BD],

- une attestation de M. [SV] [LO], prestataire externe, du 11 octobre 2020 : 'Conseil en ressources humaines pour la clinique [3], depuis plusieurs années, j'ai été invité à participer le 27 avril 2018 à un entretien informel entre Mme [L] [RL], directrice de la clinique, et Mme [BN] [BD] salariée en arrêt de travail.

L'objectif convenu de cet entretien, qui faisait suite à des échanges précédents entre les parties, était d'envisager les modalités d'une rupture amiable du contrat de travail de Mme [BD] à sa demande, cette dernière étant éprouvée physiquement suite à ses arrêts maladie et ne souhaitant pas reprendre le travail en raison des changements importants qui étaient intervenus dans la clinique pendant son absence (travaux d'agrandissement, réorganisation des services etc).

Mme [RL] a proposé à Mme [BD] une rupture conventionnelle assortie d'une indemnité complémentaire permettant à Mme [BD] de maintenir son salaire jusqu'à son départ en retraite. En aucun cas, un abandon de poste assorti d'une transaction ne lui a été proposé. Mme [BD] avait quant à elle fait des calculs de son côté sur un document qu'elle avait en main mais dont je n'ai pu prendre connaissance et qui lui permettait de penser qu'elle aurait pu obtenir une indemnité plus importante que celle proposée. Mme [RL] a refusé d'accorder à Mme [BD] l'indemnité qu'elle réclamait. Face au refus de Mme [RL], Mme [BD] est devenue 'agressive', elle ne comprenait pas que Mme [RL] puisse refuser de faire droit à sa demande. Mme [RL] a préféré mettre fin à cet entretien, sans qu'un accord n'ait pu être trouvé',

- une attestation de M. [OK] [X], psychologue, du 12 octobre 2020, témoignant de la disponibilité et de la bienveillance de la direction de l'établissement,

- une attestation de Mme [MY] [HJ], secrétaire médicale, du 3 septembre 2020, témoignant du manque d'investissement de Mme [BD] dans le processus de renouvellement de la certification,

- une attestation de Mme [S] [F], adjointe de direction, du 19 octobre 2020, témoignant du manque d'investissement de Mme [BD] et de l'absence de réponse à ses mails,

- une attestation de Mme [ZL] [AG], pharmacienne, du 25 janvier 2021, témoignant du désinvestissement de Mme [BD] à son retour en mai 2018,

- une attestation de Mme [BI] [IW], secrétaire, du 29 janvier 2021, témoignant du désinvestissement de Mme [BD] à son retour dans ses tâches quotidiennes et de la bienveillance et de l'accessibilité de Mme [RL],

- une attestation de Mme [KX] [R], infirmière, du 21 janvier 2021, témoignant de la charge de travail supplémentaire absorbée lors des absences de Mme [BD] et de la disponibilité et de la bienveillance de la direction,

- des mails de Mme [F], témoignant de son soutien sur des missions relevant de Mme [BD],

- une attestation de Mme [CX] [XA], cadre de santé, du 23 janvier 2021, expliquant que ses interlocuteurs demeuraient Mme [F] et M. [GK],

- des exemples de mails adressés par Mme [BD] sans formule de politesse,

- les justificatifs de paiement des heures supplémentaires déclarées par Mme [BD],

- les plannings des membres de la direction pour l'année 2018,

- les plannings des congés des membres de la direction pour les mois de décembre et janvier entre 2012 et 2018,

- une attestation de Mme [YU] [M], infirmière, du 2 février 2021, témoignant de la bienveillance de Mme [F] et de l'absence de Mme [BD] aux transmissions orales inter-équipes entre les jours et la nuit,

- les mails d'invitation aux différentes réunions, adressés à Mme [BD] entre le 30 mai 2018 et le 28 novembre 2018,

- une attestation de Mme [MR] [RW], cadre de santé, du 4 février 2021, témoignant de la charge de travail adaptée, de l'ambiance chaleureuse et saine au sein de l'établissement et de la qualité d'écoute de la direction,

- une attestation de Mme [MG] [O], infirmière, du 27 juin 2022, témoignant de la démotivation de Mme [BD] à son retour d'arrêt,

- une attestation de M. [WI] [GK], ancien directeur des ressources humaines, du 7 juin 2022 : ' (...) Ainsi moi-même et l'équipe de direction, nous avons manifesté une attitude bienveillante et aidante au retour de [BN] [BD] pendant et après ses arrêts successifs pour maladie. Ainsi, à son retour de maladie, afin de lui libérer du temps, nous avons totalement déchargé [BN] [BD] de la gestion chronophage des plannings des soignants, tâche qu'elle assurait auparavant. Par ailleurs, j'ai toujours été très disponible à son égard effectuant immédiatement les tâches qu'elle me demandait lors de ses entretiens d'embauche notamment. A son retour, fatiguée après ses arrêts de travail successifs pour des interventions chirurgicales, [BN] [BD] avait perdu sa motivation et son investissement personnel, effectuant les tâches minimales inhérentes à sa fonction et devenant de ce fait de moins en moins coopérante avec la direction. (...)'.

S'agissant en premier lieu de l'indisponibilité du bureau de Mme [BD] à son retour d'arrêt maladie en mai 2018 jusque début juin 2018, il ressort des mails échangés ainsi que de l'attestation de la médecin coordonateur qui a alors partagé son bureau avec Mme [BD] et de l'agent de maintenance, que le local concerné subissait des travaux d'agrandissement et d'embellissement, justement pour permettre à Mme [BD] de disposer d'un bureau plus confortable. Le fait que Mme [BD] ait été amenée à devoir partager un bureau durant plusieurs semaines était donc totalement justifié par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Concernant le refus de la direction relatif à l'accomplissement d'heures supplémentaires par Mme [BD], à son retour d'arrêt maladie, la cour relève que les heures alors déclarées par la salariée ont été régulièrement et immédiatement rémunérées, la direction se bornant à lui demander de ne plus procéder, à l'avenir, à des dépassements de la durée de travail. Or, cette demande relève du pouvoir normal de direction d'un employeur, toute heure supplémentaire ne pouvant être réalisée qu'à la demande de l'employeur.

S'agissant du refus de l'association Foyer [3] d'accorder à Mme [BD] les congés sollicités, d'une part au mois d'août 2018, et d'autre part à la fin de l'année 2018, il ressort des pièces versées que l'établissement se trouvait à l'été 2018 en période de renouvellement de la certification, avec des enjeux majeurs pour l'avenir de la clinique, nécessitant une présence accrue des membres de la direction pour préparer dans les meilleures conditions les visites de contrôle prévues en septembre 2018. C'est dans ce contexte que sa demande de trois semaines de congés au mois d'août lui a été refusée, avec l'octroi toutefois d'une semaine de congés, alors que les plannings des différents membres de la direction font ressortir que seule Mme [BD] a finalement pu bénéficier d'une semaine de congés entre les mois de juillet et août 2018.

S'agissant de la période de la fin d'année 2018, les plannings des années précédentes démontrent également que pour des raisons d'équité entre les différents membres de la direction, Mme [BD] n'était pas la plus légitime à pouvoir bénéficier de congés sur cette période, au regard des congés octroyés les années précédentes.

Il s'ensuit que le refus d'accéder aux demandes de congés de Mme [BD] relevait également du pouvoir de direction de l'association Foyer [3], en lien avec les nécessités de service.

Sur l'augmentation de sa charge de travail, en lien avec l'ouverture d'un nouveau bâtiment, le recrutement de personnel et le suivi du processus de certification, il ressort des très nombreuses attestations fournies par l'employeur que Mme [BD] ne s'est que peu investie dans les réunions liées à la certification, malgré les invitations qui lui étaient adressées, et que certaines de ses missions ont été suivies par Mme [F] et M. [GK] pour prévenir toute surcharge de travail. Il s'ensuit que l'augmentation de sa charge de travail, alléguée par Mme [BD], a été compensée par l'employeur, pour éviter toute surcharge de la salariée, à son retour d'arrêt maladie.

S'agissant enfin des nombreux mails adressés à Mme [BD] par Mme [RL] et Mme [F], la relançant régulièrement sur les sujets en attente, les pièces versées par l'employeur démontrent que l'appelante a connu une forte baisse de motivation et a fait preuve d'un réel désinvestissement dès son retour au sein de l'entreprise, amenant la direction à la rappeler à l'ordre et à lui demander de rendre des comptes régulièrement. Si Mme [BD] a rencontré des difficultés à supporter ce qu'elle a ressenti comme une pression, les carences constatées par l'employeur justifiaient qu'il procède à des relances et s'assure de l'avancement des tâches confiées.

Si l'altération de l'état de santé de Mme [BD] est réelle, comme en attestent les pièces médicales versées par la salariée, les éléments mis en avant par l'employeur, et notamment les attestations sur les qualités d'écoute de la direction et l'état d'esprit dans lequel se trouvait Mme [BD] à sa reprise, apportent une contradiction aux constatations médicales de l'expert psychiatre, en ce qu'ils démontrent que la situation conflictuelle relevée par l'expert procède du ressenti de la salariée et non d'une faute de l'employeur.

En définitive, par confirmation du jugement querellé, la cour estime que l'employeur démontre que ses agissements sont justifiés par des éléments étrangers à tout harcèlement moral.

2- Sur les manquements de l'employeur à l'obligation de loyauté et de sécurité

L'article L 1222-1 du Code du travail commande que le contrat de travail doit être exécuté de

bonne foi. Il en résulte une obligation de loyauté pesant tant sur le salarié que sur l'employeur pendant la durée de la relation contractuelle.

Par ailleurs, aux termes de l'article L.4121-1 du code du travail dans sa rédaction applicable : 'L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article L. 4121-2 du même code précise que l'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

L'obligation de prévention des risques professionnels, telle qu'elle résulte des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l'article L. 1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle. Les obligations étant distinctes, la méconnaissance de chacune d'elles, lorsqu'elle entraîne des préjudices distincts, peut ouvrir droit à des réparations spécifiques.

En outre, des manquements de l'employeur à ses obligations d'exécution de bonne foi du contrat de travail et de sécurité peuvent être caractérisés en l'absence d'éléments constitutifs d'un harcèlement moral.

Mme [BD] allègue, à titre subsidiaire, une violation de l'obligation de prévention de l'employeur, en invoquant les mêmes manquements qu'au soutien de sa demande d'indemnisation du harcèlement moral.

Or, la cour a relevé que l'employeur a pris conscience des difficultés rencontrées par Mme [BD], en comparaison avec le travail qu'elle fournissait de manière satisfaisante avant ses arrêts maladie, de telle sorte que certaines tâches, réparties entre les autres membres de la direction durant son absence, ont continué à être gérées par ses collègues.

Il ressort donc de l'ensemble des pièces versées que l'employeur a pris les mesures pour prévenir toute surcharge de travail de Mme [BD].

Le jugement querellé sera donc également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [BD] à ce titre.

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement du 13 novembre 2019 est ainsi motivée :

'Suite à notre entretien qui s'est tenu le vendredi 8 novembre 2019, nous vous informons de notre décision de vous licencier, en raison de votre inaptitude à occuper votre emploi, constatée le 17 octobre 2019 par le médecin du travail et en raison de l'impossibilité de vous reclasser compte tenu de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que votre état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Votre contrat de travail prend fin à la date d'envoi de cette lettre, soit le 13 novembre 2019.

De ce fait, vous n'effectuerez pas de préavis et ne bénéficierez pas d'une indemnité compensatrice de préavis. (...)'

1- Sur la nullité de licenciement en raison d'un harcèlement moral

Lorsque la rupture du contrat de travail résulte d'une situation d'inaptitude à tout poste dans l'entreprise, laquelle est la conséquence des conditions de travail du salarié et de la situation de harcèlement moral qu'il a subie, le licenciement est nul par application des dispositions de l'article L 1152-3 du code du travail.

La cour n'ayant pas retenu de harcèlement moral, la demande de Mme [BD] doit être rejetée, par confirmation du jugement entrepris.

2- Sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement en raison d'un manquement fautif de l'employeur comme étant à l'origine de l'inaptitude

Le licenciement pour inaptitude d'un salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.

Il incombe au salarié de démontrer que les manquements de l'employeur sont à l'origine de son inaptitude.

De manière subsidiaire, Mme [BD] soutient que le comportement déloyal et fautif de l'employeur est à l'origine de son inaptitude non professionnelle, entraînant la requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La cour n'ayant pas retenu de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, la demande de Mme [BD] doit être rejetée, par confirmation du jugement entrepris.

Sur les autres demandes

1- Sur les dommages-intérêts pour traitement tardif du complément de prévoyance

Celui qui réclame l'indemnisation d'un manquement doit prouver cumulativement l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

En l'espèce, Mme [BD] reproche à l'association Foyer [3] de ne pas avoir été diligente pour transmettre son dossier à Humanis, chargé du réglement du complément de prévoyance, le dossier n'ayant été adressé que le 30 janvier 2020 pour la période d'arrêt maladie du 26 août 2019 au 16 octobre 2019. Elle affirme que ce retard lui a engendré un préjudice financier et sollicite par conséquent le versement de la somme de 2 000 euros à titre de réparation.

Or, il ressort des mails fournis pas l'association Foyer [3] qu'entre le mois de septembre 2019 et le mois de janvier 2020, M. [GK] puis Mme [F] sont demeurés en lien étroit avec Mme [BD] et avec le référent d'Humanis pour faire avancer le dossier de la salariée. Les documents sollicités auprès de l'employeur ont ainsi été adressés au fur et à mesure, sans aucun délai. Aucun manquement ne peut dès lors être reproché à l'employeur.

Il s'ensuit que, par confirmation du jugement entrepris, la demande de Mme [BD] sera rejetée.

2- Sur la remise de documents

La cour ayant débouté Mme [BD] de ses demandes, il n'y a pas lieu à remise de documents de fin de contrat modifiés.

Sur les frais du procès

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, Mme [BD] sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 1 500 euros.

Par conséquent, Mme [BD] sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant en dernier ressort, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Condamne Mme [BD] aux dépens de la procédure d'appel,

Condamne Mme [BD] à payer à l'assocation Foyer [3] une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute Mme [BD] de sa demande d'indemnité de procédure en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-5
Numéro d'arrêt : 21/13817
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;21.13817 ?
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