COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-3
ARRÊT AU FOND
DU 04 JUILLET 2024
N° 2024/83
Rôle N° RG 21/08692 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHTWJ
[F] [H]
C/
Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES P ROVENCE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Thibault POMARES
Me Gilles MATHIEU
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal Judiciaire de TARASCON en date du 01 Avril 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 18/00848.
APPELANTE
Madame [F] [H]
née le [Date naissance 3] 1963 à [Localité 5],
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Thibault POMARES de la SAS ABP AVOCATS CONSEILS, avocat au barreau de TARASCON
INTIMÉE
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE, représentée par son représentant légal,
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Gilles MATHIEU de la SELARL SELARL MATHIEU DABOT & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Bastien MARCHAL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise PETEL, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Philippe DELMOTTE, Président
Madame Françoise PETEL, Conseillère
Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024
Signé par Monsieur Philippe DELMOTTE, Président et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Par contrat du 15 janvier 2011, Mme [F] [H] a souscrit auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence la location du coffre n°166 de la chambre forte de l'agence de [Localité 5], le montant assuré étant limité à la somme de 45.734,70 euros.
Le 26 octobre 2017, elle a adressé au directeur de son agence un courrier aux termes duquel, exposant avoir appris que son fils avait pu avoir accès à son coffre huit fois entre les mois de janvier et juillet 2017 et avoir constaté qu'une somme d'environ 47.000 euros avait disparu, elle sollicitait que lui soient indiquées les suites que la banque comptait donner à sa déclaration.
Par exploit du 1er juin 2018, Mme [F] [H] a fait assigner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence en responsabilité devant le tribunal de grande instance de Tarascon.
Par jugement du 1er avril 2021, ce tribunal, devenu tribunal judiciaire, a :
' débouté Mme [F] [H] de toutes ses demandes,
' condamné Mme [F] [H] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
' condamné Mme [F] [H] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence la somme de 1.700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamné Mme [F] [H] au paiement des entiers dépens de l'instance,
' ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Suivant déclaration du 11 juin 2021, Mme [F] [H] a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses conclusions notifiées et déposées le 29 août 2021, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, l'appelante demande à la cour de :
' déclarer fondé et recevable l'appel formé par elle à l'encontre du jugement intervenu le 1er avril 2021,
en conséquence,
' infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 1er avril 2021 par le tribunal judiciaire de Tarascon,
statuant à nouveau,
' constater que M. [W] [C] a eu accès à son coffre-fort, sans y être autorisé,
' dire que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence a manqué à ses obligations contractuelles, notamment de surveillance et de sécurité, dont elle est débitrice à son égard,
' dire que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence a commis une faute lourde à l'égard de sa cliente,
' dire que ce manquement a généré un préjudice économique subi par elle,
' condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence à lui payer la somme de 45.734,70 euros,
' condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' débouter la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
' ordonner l'exécution provisoire de la décision,
' condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées et déposées le 25 novembre 2021, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence demande à la cour de :
' confirmer le jugement de première instance rendu par le tribunal judiciaire de Tarascon le 1er avril 2021 en ce qu'il a :
' débouté Mme [F] [H] de toutes ses demandes,
' condamné Mme [F] [H] à lui payer la somme de 1.700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamné Mme [F] [H] au paiement des entiers dépens de l'instance,
statuant de nouveau :
' condamner Mme [H] sur le fondement de l'article 1240 du code civil à lui payer la somme de 5.000 euros pour procédure abusive,
' condamner Mme [H] au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
MOTIFS
L'appelante soutient que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence a manqué à son obligation contractuelle de surveillance et de sécurité et commis une faute lourde à son préjudice, en laissant son fils, M. [W] [C], qui n'y était pas autorisé, accéder au coffre-fort dont elle est locataire.
Elle rappelle les conditions générales du contrat de location, qui prévoient notamment :
« 4) Accès aux coffres : L'accès au compartiment est réservé au locataire ou à son mandataire. (')
L'accès au coffre est conditionné par la formalité de la vérification d'identité qui peut être (en fonction des procédures en vigueur dans la Caisse Régionale) accompagnée de la signature d'une fiche d'accès.
Quel que soit le nombre de personnes ayant accès au compartiment de coffres (co-locataires ou mandataires), une clé unique du compartiment sera remise par la Caisse Régionale qui n'en détient aucun double.
(')
7) Charges et conditions de la location :
(')
L'utilisation du compartiment de coffre est strictement personnelle au locataire qui s'engage à n'en permettre accès à aucune autre personne, sauf au(x) mandataire(s) de son choix expressément autorisé(s) et porté(s) à la connaissance de la Caisse Régionale qui se réserve le droit d'agréer le mandataire désigné. »
Mais, lesdites conditions générales prévoyant également :
en leur article 4 : « Cette clé, en unique exemplaire, ne doit, en aucun cas et sous aucun prétexte, être reproduite. »,
et en leur article 7 :
« (') Le locataire s'engage à prendre toutes les mesures utiles et appropriées pour conserver en lieu sûr la clé d'accès au compartiment de coffre et le numéro de la combinaison de celui-ci. (...) »,
il est préalablement constaté que Mme [F] [H], qui se contente d'indiquer que son fils lui a dérobé sa clé, ne produit pas la moindre pièce, ni même une quelconque explication, quant aux circonstances de ce vol, aucune allusion n'étant par ailleurs faite concernant l'existence d'une éventuelle combinaison.
S'agissant de la faute qu'elle reproche à la banque, l'appelante se prévaut :
- d'un message électronique qu'elle a de son compte personnel adressé sur le site internet credit-agricole.fr. le 29 août 2017 ainsi formulé :
« Bonjour,
Je voudrais recevoir le relevé de toutes les visites avec le nom du signataire, qui ont eu lieu ces 2 dernières années à mon coffre n°166 car mon fils m'avait dérobé la clé et m'a avoué s'être rendu plusieurs fois à mon coffre sans qu'aucune pièce d'identité ne lui soit demandé de la part du crédit agricole, ce qui n'est pas normal. J'ai besoin de ces éléments au plus tôt pour régler un conflit avec lui, c'est donc très urgent. Dans l'attente de ces éléments par mail à l'adresse suivante : [Courriel 4]
(...) »,
- d'un courriel que lui a envoyé M. [M] [N], salarié de l'intimée, le 30 août 2017, ayant pour objet « CoFFre 166 », ainsi rédigé :
« Bonjour Mme [H],
avec le concours de mes collègues de l'agence de [Localité 5], voici en pièces jointes les éléments que nous avons retrouvé.
(...) »,
- d'un papier entièrement manuscrit, qui serait selon elle la pièce jointe, où figurent huit dates, chacune suivie du numéro « 166 », soit, dans cet ordre et ainsi présenté :
21.07.17
21.04.17
05.07.17
23.05.17
24.03.17
04.03.17
04.02.17
28.01.17
avec à gauche, devant la deuxième de ces dates, la mention : « [C] [W] ».
Cependant, ce dernier document par lequel elle entend démontrer les visites qu'aurait effectuées son fils est insuffisamment explicite et à tout le moins incomplet pour constituer la réponse à son interrogation du 29 août 2017, sauf à considérer notamment que, ni elle, ni son compagnon titulaire d'une procuration, n'ont réalisé de telles visites au cours des deux années précédentes.
En tout état de cause, même à supposer établie la faute de surveillance imputée à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence, au motif qu'elle aurait ainsi laissé accéder M. [W] [C], dépourvu de procuration, au coffre de sa mère, cette dernière ne démontre aucunement le préjudice qu'elle prétend avoir subi.
En effet, Mme [F] [H], qui fait état d'une somme d'environ 47.000 euros, ne produit pas d'éléments de nature à justifier du contenu de son coffre, en particulier quant à l'existence et la provenance d'une telle somme qu'elle aurait pu déposer antérieurement à la période litigieuse.
Dans ces conditions, l'appelante, qui n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de la banque, est déboutée de toutes ses demandes, et le jugement confirmé de ce chef.
Ceci étant, l'intimée, qui n'établit pas davantage un quelconque préjudice, ne démontre pas que Mme [F] [H] aurait agi dans l'intention de lui nuire, ou laissé dégénérer en abus son droit d'agir en justice.
Dès lors, la demande de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive est rejetée, et le jugement infirmé sur ce point.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné Mme [F] [H] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
L'infirme de ce chef, et statuant à nouveau,
Déboute la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Y ajoutant,
Condamne Mme [F] [H] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT