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04/07/2024 | FRANCE | N°21/04690

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 04 juillet 2024, 21/04690


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6



ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024

N° 2024/202









Rôle N° RG 21/04690 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHGI6







[B] [R]

[K] [R]





C/



[Y] [Z]

[C] [D]

[U] [M]

Caisse CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE

S.A. AXA FRANCE IARD





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



-Me

Marilyne MOSCONI

- Me Michel GOUGOT

- Me Pierre LE BELLER

- Me Bruno ZANDOTTI











Décision déférée à la Cour :



Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Marseille en date du 25 Février 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 17/11904.





APPELANTS
...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024

N° 2024/202

Rôle N° RG 21/04690 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHGI6

[B] [R]

[K] [R]

C/

[Y] [Z]

[C] [D]

[U] [M]

Caisse CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE

S.A. AXA FRANCE IARD

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me Marilyne MOSCONI

- Me Michel GOUGOT

- Me Pierre LE BELLER

- Me Bruno ZANDOTTI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Marseille en date du 25 Février 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 17/11904.

APPELANTS

Madame [B] [R]

née le [Date naissance 3] 1953 à [Localité 17] (Algérie),

de nationalité Française, demeurant [Adresse 16]

représentée par Me Marilyne MOSCONI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Céline SAMAT, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

Monsieur [K] [R]

né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 9] (Tunisie) (99)

de nationalité Française, demeurant [Adresse 8]

représenté par Me Marilyne MOSCONI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Céline SAMAT, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Madame [Y] [Z]

née le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 11], demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Diane DELCOURT de la SCP CABINET ROSENFELD & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Lugdiwine LAUGIER, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [C] [D], demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Michel GOUGOT de la SCP TROEGELER - GOUGOT - BREDEAU- TROEGELER - MONCHAUZOU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Marie LESSI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant, et par Me Basile PERRON, avocat au barreau de LYON, plaidant.

Monsieur [U] [M]

né le [Date naissance 4] 1962 à [Localité 14], demeurant [Adresse 7]

représenté par Me Pierre LE BELLER, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Liza SAINT-OYANT, avocat au barreau de MARSEILLE

CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE,

Notification de DA et assignation en date du 01/06/2021 à personne habilitée.

Notification de conclusions d'appel et réassigation en date du 30/06/2021 à personne habilitée. Assignation et signification de conclusions en date du 17/09/2021 à personne habilitée., demeurant [Adresse 5]

défaillante

S.A. AXA FRANCE IARD, notification de conclusions d'appel et réassigation en date du 02/07/2021 à personne habilitée, demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Bruno ZANDOTTI de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Liza SAINT-OYANT, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mai 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président chargé du rapport, et Madame Elisabeth TOULOUSE,Présidente de chambre,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre

Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président

Greffier lors des débats : Madame Sancie ROUX.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024.

ARRÊT

réputé contradictoire

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024.

Signé par M. Jean-Wilfrid NOEL, Président et Mme Sancie ROUX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS & PROCÉDURE

Mme [F] [R], âgée de 87 ans, est revenue fatiguée d'un pèlerinage à [Localité 13]. Elle a été admise au centre hospitalier [12] de [Localité 14] du 18 au 20 août 2010 pour une surinfection bronchique sur bronchopneumopathie chronique obstructive et fibrillation auriculaire. L'interne du service de pneumologie, M. [E], a prescrit des comprimés par voie orale (Previscan) et l'injection d'anticoagulants (Lovenox) en sous-cutané par une infirmière à domicile.

Ces soins ont été prodigués chez Mme [F] [R] les 21 et 22 août par Mme [Z], puis les 23 et 24 août par Mme [D]. Mme [F] [R] s'est plaint auprès de cette dernière de douleurs abdominales et de constipation.

Le 24 août, M. [M], médecin traitant de Mme [F] [R], l'a vue à son domicile, a noté l'augmentation importante du volume abdominal et l'a adressée à l'hôpital [12]. Mme [F] [R] a été emmenée aux urgences par sa famille. Un scanner abdominal a mis en évidence d'un hématome actif de la paroi abdominale résultant non pas d'une constipation mais de la prise d'anticoagulants que M. [E], interne, avait prescrit sans prescrire un contrôle INR (fluidité du sang) ni un suivi par le médecin traitant. À la suite de difficultés respitatoires, Mme [F] [R] a été transférée en pneumologie le 25 août. Un choc hémorragique a déterminé son transfert en réanimation le 26 août. Elle est décédée à l'hôpital le 28 des suites d'une défaillance multiviscérale.

Par ordonnance du 24 septembre 2012, le juge des référés de Marseille a commis le docteur [H] aux fins d'expertise judiciaire. Le centre hospitalier [12], M. [M], Mme [D] et Mme [Z] ont été attraits aux opérations d'expertise. Le docteur [H] a déposé son rapport le 30 octobre 2015. Ses conclusions médico-légales sont les suivantes :

Sur les responsabilités encourues :

- il existe un lien de causalité direct et certain entre les prescriptions de M. [E] du 20 août 2010 et l'aggravation de l'état de santé puis le décès de Mme [F] [R],

- la responsabilité pour faute des deux infirmières est également engagée en ce que leurs fautes et défaillances ont participé à un retard d'hospitalisation,

- il en va de même en ce qui concerne le docteur [M],

- le centre hospitalier [12], les deux infirmières et le médecin traitant ont participé in solidum à la perte de chance subie par Mme [F] [R] et doivent répondre de l'ensemble des préjudices subis par la victime directe et les victimes indirecte,

Sur l'évaluation du préjudice subi par Mme [F] [R], victime directe :

- perte d'une chance de survie du fait du retard à la seconde hospitalisation évaluée à 20 %,

- déficit fonctionnel temporaire 100 % du 20 au 28 août 2010, soit 9 jours,

- souffrances endurées : 5/7,

- préjudice esthétique : 2/7,

Sur l'évaluation du préjudice subi par M. [K] [R] et Mme [B] [R], victimes par ricochet :

- frais d'obsèques,

- préjudice d'accompagnement,

- préjudice d'affection,

Le docteur [H] s'est adjoint un sapiteur, le docteur [N], médecin anesthésiste réanimateur, dont le rapport du 23 juin 2014 comporte les conclusions suivantes :

- lors de la première hospitalisation : non-conformité de la prise en charge de Mme [F] [R],

- concernant les infirmières : absence de surveillance de la survenue et aggravation de complications hémorragiques, absence d'avertissement du médecin traitant ou du médecin prescripteur, persistance des injections sans examen de contrôle de l'INR permettant de suspendre les injections de Lovenox qui ont aggravé les saignements,

' ces défaillances ayant participé au retard de l'hospitalisation,

' qui a entraîné une perte de chance évaluée à 20 %,

- lors de la deuxième hospitalisation : non-conformité de la prise en charge, une admission directe en réanimation aurait été préférable à une admission préalable en pneumologie.

Les consorts [R] ont saisi la juridiction administrative de Marseille d'une action contre l'État, et la juridiction judiciaire d'une action contre le médecin et les deux infirmières. Ils ont saisi par ailleurs les instances disciplinaires de ces derniers.

Le 12 juillet 2016, la chambre disciplinaire de première instance de l'Ordre des infirmiers de [Localité 15] a prononcé contre Mme [D] une interdiction d'exercer de trois mois assortie dont deux mois avec sursis. Cette décision a été annulée par décision du 27 novembre 2017 par la chambre disciplinaire nationale de l'Ordre national des infirmiers.

Par décision en date du 9 décembre 2016, la chambre disciplinaire de première instance de l'Ordre des médecins de [Localité 15] a rejeté la plainte des consorts [R] contre M. [M] et les a condamnés au paiement d'une indemnité de 800 euros au titre des frais irrépétibles.

Par requête enregistrée le 27 octobre 2017, les consorts [R] agissant en leur nom propre et en qualité d'ayants-droits de leur mère ont saisi le tribunal administratif de Marseille en reconnaissance de responsabilité pour faute de l'hôpital interarmées [12], et en condamnation de l'État à les indemniser leur préjudice à hauteur de 143 205,85 euros.

Par jugement du 30 septembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a :

- retenu la responsabilité entière de l'État du fait du décès de Mme [F] [R] ;

- condamné l'État à payer à la succession de Mme [F] [R] la somme de 13 120 euros ventilée comme suit :

' déficit fonctionnel temporaire : 120 euros

' souffrances endurées : 13 000 euros

- condamné l'État à payer à M. [K] [R] la somme de 7 500 euros ventilée comme suit :

' préjudice d'accompagnement : 1 000 euros

' préjudice d'affection : 6 500 euros

- condamné l'État à payer à Mme [B] [R] la somme de 7 500 euros ventilée comme suit :

' préjudice d'accompagnement : 1 000 euros

' préjudice d'affection : 6 500 euros

- condamné l'État à payer à M. [K] [R] et à Mme [B] [R] la somme de 8 909,90 euros ventilée comme suit :

' frais d'assistance à expertise : 5 600 euros

' frais d'obsèques : 3 309,90 euros.

Par assignation du 27 octobre 2017, les consorts [R], agissant en qualité d'ayants-droits de leur mère et de victimes par ricochet, ont saisi le tribunal de grande instance de Marseille d'une action indemnitaire dirigée contre M. [M], Mme [D] et Mme [Z], au contradictoire de la caisse primaire d'assurance-maladie des [Localité 10].

La SA AXA France IARD est intervenue volontairement à l'instance en qualité d'assureur responsabilité civile professionnelle de M. [M].

Par jugement réputé contradictoire du 25 février 2021, le tribunal judiciaire de Marseille a :

- déclaré recevable l'action des consorts [R] envers Mme [Z], Mme [D] et M. [M],

- déclaré recevable l'intervention volontaire aux débats de la SA AXA France IARD en qualité d'assureur de M. [M],

- rejeté les demandes de dommages-intérêts des consorts [R],

- déclaré le jugement commun et opposable à la caisse primaire d'assurance-maladie des [Localité 10],

- condamné in solidum M. [K] [R] et Mme [B] [R] à payer à Mme [D] la somme de 3 000 euros au tire de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [K] [R] et Mme [B] [R] à payer à M. [M] la somme de 3 000 euros au tire de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [K] [R] et Mme [B] [R] à payer à la SA AXA France IARD la somme de 1 000 euros au tire de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande des consorts [R] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [K] [R] et Mme [B] [R] aux dépens,

- rejeté la demande d'exécution provisoire de la décision.

Pour statuer ainsi, le premier juge a considéré :

- que l'action des consorts [R] devant le juge judiciaire est recevable dans la mesure où il n'y a identité ni de parties ni de cause entre les deux instances engagées ;

- que M. [M] n'est pas fondé à invoquer l'inopposabilité du rapport d'expertise judiciaire dans la mesure où il a eu accès aux comptes rendus des opérations d'expertise ;

- qu'aucune faute n'est caractérisée en tout état de cause par le docteur [H] à l'encontre de M. [M], ce dernier n'ayant pas été informé de difficultés concernant sa patiente avant le 24 août 2010, et n'ayant pas eu connaissance d'avoir à assurer la continuité des soins ;

- qu'il n'est pas démontré que les infirmières pouvaient déceler avant le 24 août 2010 un état préoccupant de Mme [F] [R], ce d'autant moins que la gêne abdominale ressentie pouvait s'expliquer par la constipation invoquée.

Par déclaration du 30 mars 2021 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. [K] [R] et Mme [B] [R] ont interjeté appel du jugement du tribunal judiciaire de Marseille en ce qu'il les a :

- déboutés de leurs demandes de dommages-intérêts,

- condamnés in solidum à payer à Mme [C] [D] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamnés in solidum à payer à M. [U] [M] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamnés in solidum à payer à la SA AXA France IARD la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- déboutés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamnés in solidum aux dépens.

La SA AXA France IARD, Mme [Z], M. [M] et Mme [D] ont formé appel incident et soulevé l'irrecevabilité des demandes des consorts [R] ainsi que, s'agissant de M. [M], l'inopposabilité du rapport d'expertise du professeur [H], expert judiciaire désigné.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions récapitulatives notifiées par la voie électronique le 20 septembre 2023, les consorts [R] demandent à la cour de :

- déclarer Mme [B] [R] et M. [K] [R] recevables et bien fondés en leur appel,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

' déclaré recevable leur demance à l'encontre de M. [Z], Mme [D] et M. [M],

' rejeté la demande de M. [M] de sa demande d'inopposabilité du rapport d'expertise judiciaire du professeur [H],

- débouter la SA AXA France IARD, M. [M], Mme [D] et Mme [Z] de leur demande d'irrecevabilité de l'action qu'ils ont engagée,

- débouter M. [M] de sa demande de réformation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté sa demande d'inopposabilité du rapport d'expertise judiciaire,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

' rejeté leurs demandes de dommages-intérêts, et les a

' condamnés in solidum à payer à Mme [D] la somme de trois mille euros de frais irrépétibles,

' condamnés in solidum à payer à M. [M] la somme de 3000 euros au titre de frais irrépétibles,

' condamnés in solidum à payer à la la SA AXA France IARD la somme de 1 000 euros au titre de frais irrépétibles,

' a rejeté leurs demandes concernant leurs frais irrépétibles, et les a

' condamnés in solidum aux dépens,

Et, statuant à nouveau,

- déclarer Mme [D], Mme [Z] et M. [M] responsables du préjudice subi par Mme [R], chacun d'eux ayant commis des fautes à l'origine du décès prématuré de feue Mme [R],

- déclarer Mme [D], Mme [Z] et M. [M] responsables in solidum du préjudice subi tant par Mme [F] [R] que par ses enfants, Mme [B] [R] et M. [K] [R],

En conséquence,

- condamner in solidum Mme [Z], Mme [D] et M. [M] et, subsidiairement, chacun d'eux, à indemniser Mme [B] [R] et M. [K] [R] ès qualité d'ayants droits de feue Mme [F] [R] et ès qualité de victimes indirectes de leur entier préjudice,

- liquider l'entier préjudice de Mme [B] [R] et de M. [K] [R], ès qualité d'ayants-droits de feue Mme [F] [R] et ès qualité de victimes indirectes, à la somme de 16 600 euros ventilée comme suit :

' dépenses de santé actuelles : 6 690 euros (créance CPAM)

' préjudice esthétique : 3 000 euros

' préjudice moral : 80 000 euros

' perte de chance de survie : 20 %

- condamner in solidum Mme [Z], Mme [D], M. [M] et la SA AXA France IARD à payer à Mme [B] [R] et M. [R] ès qualité d'ayants-droits de feue Mme [F] [R] et ès qualité de victimes indirectes, la somme de 16 600,00 euros en réparation des préjudices subis,

- juger que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

- débouter Mme [Z], Mme [D], M. [M] et la SA AXA France IARD de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions contraires,

- condamner in solidum Mme [Z], Mme [D], M. [M] et la SA AXA France IARD à payer à Mme [B] [R] et M. [K] [R] ès qualité d'ayants-droits de feue Mme [F] [R] et ès qualité de victimes indirectes, la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum Mme [Z], Mme [D], M. [M] et la SA AXA France IARD aux entiers dépens, en ce compris les dépens de l'instance en référé, les dépens de première instance et d'appel et les frais d'expertise.

Les consorts [R] font valoir que :

Sur la recevabilité de leur action :

- l'intérêt à agir s'apprécie au jour de l'introduction de l'instance ; peu importe par conséquent la décision du tribunal administratif rendue après l'assignation devant la juridiction civile (Civ. 2, 2 juin 2018, 17-186.17) ;

- le tribunal administratif a statué sur la responsabilité de l'hôpital, mais non sur celle des infirmières et du médecin traitant ;

- les chambres disciplinaires n'ont pas statué sur la responsabilité civile des intervenants ;

- la triple identité de cause, d'objet et de parties requise par l'article 1355 du code de procédure civile n'était donc pas réunie et le tribunal judiciaire de Marseille a à juste titre admis la recevabilité de l'action des consorts [R] ;

Sur l'opposabilité du rapport d'expertise à M. [M] :

- il a été dûment convoqué à l'accédit du 18 mars 2015, s'y est présenté et a eu l'occasion de s'exprimer ;

- le docteur [H] conclut que la dégradation de l'état de santé de Mme [F] [R] tient à un hématome actif de la paroi abdominale, et le docteur [N] a clairement établi que « les causes du décès sont la décompensation polyviscérale d'un choc hémorragique pris tardivement» ; l'hypothèse du choc septique évoquée par les intimés est donc réfutée ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier [12] :

- le choc hémorragique provient de l'association de deux anticoagulants, à savoir le previscan et le Lovenox 6000, prescrits par l'interne ;

Sur la responsabilité de M. [M] :

- nul ne sait à quel médecin M. [M] aurait demandé un avis le 24 août 2010, et son courrier ne mentionne aucune demande d'hospitalisation de Mme [F] [R] ;

Sur la responsabilité de Mme [D] :

- le docteur [N], sapiteur, a imputé aux deux infirmières une absence de surveillance de la survenue ou l'aggravation de complications hémorragiques, une absence d'avertissement du médecin traitant ou du médecin prescripteur, et la persistance des injections sans examen de contrôle (INR) permettant de suspendre les injections de Lovenox, qui ont aggravé les saignements ; qui plus est, le produit injecté n'avait pas reçu d'autorisation de mise sur le marché (AMM) ;

Sur la responsabilité de Mme [Z] :

- elle a admis, suivant attestation du 29 avril 2013 communiquée par le conseil de Mme [D], que Mme [F] [R] présentait un « important hématome abdominal » dès le 21 août 2010, lors de sa première visite à 7 heures, mais s'est abstenue de prévenir le médecin prescripteur ou l'hôpital et le médecin traitant ;

- elle a procédé à des injections de Lovenox alors qu'elle ne disposait pas d'information précise sur l'lNR de sa patiente ;

Sur l'évaluation des préjudices :

- s'agissant, en particulier, de la souffrance d'une vie abrégée, il est constant que « le droit à réparation du dommage résultant de la souffrance morale éprouvée par la victime avant son décès, en raison d'une perte de chance de survie, étant né dans son patrimoine, se transmet à son décès à ses héritiers » (Civ. 1, 13 mars 2007, 05-190.20) ; la perte de chance de survie secondaire ne peut être inférieure à 20 % en raison notamment du retard pris pour la deuxième hospitalisation et du décès par défaillance multi-viscérale après choc hémorragique.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimé et d'appel incident notifiées par la voie électronique le 25 août 2021, M. [M] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé les demandes des consort [R] recevables,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé le rapport d'expertise opposable à M. [M],

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a mis hors de cause M. [M],

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis à la charge des appelants la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamner les appelants ou tout succombant à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés devant la cour,

- mettre à la charge des appelants ou de tout succombant les entiers dépens, en ce compris les frais d'assignation et d'expertise judiciaire.

M. [M] fait valoir que :

- le jugement du tribunal administratif a condamné l'État à réparer l'intégralité des dommages subis par Mme [F] [R] et a tranché l'ensemble des demandes formulées devant les deux juridictions civile et administrative ; l'autorité de chose jugée peut donc être opposée à l'action engagée par les consorts [R] devant la juridiction judiciaire ; seul l'hôpital [12] a vocation en effet à exercer un recours à l'encontre des intimés : « l'État doit être condamné à réparer l'intégralité des dommages, à charge pour lui, s'il s'y croit fondé, d'engager une action récursoire contre les autres personnes dont il estime que la responsabilité pourrait être engagée » ;

- de façon surprenante, le premier juge ne retient aucun manquement au contradictoire alors même qu'il admet que les comptes-rendus d'accédit, le pré-rapport et le rapport définitif ne lui ont pas été transmis ;

- sur le fond, le rapport d'expertise ne caractérise pas de manquement à son encontre, alors qu'il était à l'origine de la seconde hospitalisation de Mme [F] [R] et n'avait pas eu connaissance de la première et du traitement qui lui avait été administré à cette occasion.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 16 juillet 2021, la SA AXA France IARD demande à la cour de :

À titre liminaire,

- prendre acte de son intervention volontaire ès qualité d'assureur responsabilité civile professionnelle de M. [M],

À titre principal,

- constater que le tribunal administratif de Marseille a débouté les consorts [R] de leurs demandes au titre du préjudice moral lié à la conscience d'une espérance de vie réduite et du préjudice esthétique de Madame [F] [R],

- constater les souffrances endurées subies par Mme [F] [R] ont d'ores et déjà été indemnisées par la juridiction administrative,

- infirmer le jugement sur ce point,

En conséquence,

- juger les demandes des consorts [R] sont irrecevables comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 septembre 2019,

À titre subsidiaire,

- juger que les consorts [R] ne rapportent pas la preuve qui leur incombe d'une faute commise par M. [M], laquelle serait causalement liée avec le préjudice subi, à savoir le décès de feue Mme [F] [R],

- confirmer purement et simplement le jugement entrepris,

En conséquence,

- débouter les consorts [R] de toutes leurs demandes en principal, frais et accessoires,

- les condamner au règlement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Bruno Zandotti, avocat au Barreau de Marseille, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La SA AXA France IARD fait valoir que :

- les demandes des consorts [R] se heurtent à l'autorité de la chose jugée par le tribunal administratif de Marseille, qui les a déboutés de leurs demandes au titre du préjudice lié à la conscience d'une espérance de vie réduite, ainsi qu'au titre du préjudice esthétique, mais a statué en revanche sur les souffrances endurées ; les demandes des consorts [R] sont irrecevables ;

- sur le fond, la perte de chance de survie subie par Mme [F] [R] n'est pas imputable à M. [M] contre lequel l'expert judiciaire ne caractérise aucun manquement ' alors que sa responsabilité ne peut être engagée que pour faute prouvée ;

- que Mme [R] ait été admise au service des urgences est tout à fait normal ; qu'elle ait été dans un premier temps adressée en pneumologie puis 48 heures plus tard en réanimation n'est pas du ressort de M. [M] ; ce dernier a rempli ses obligations en faisant en sorte que sa patiente soit hospitalisée le 24 août 2010, ce que confirment des captures d'écran informatiques et le document d'observations médicales du service des urgences de [12].

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions d'appel incident n°1 notifiées par la voie électronique le 15 septembre 2021, Mme [D] demande à la cour de :

- la recevoir en son appel incident et y faisant droit,

- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'action entreprise devant les juridictions civiles, dans le prolongement du jugement devenu définitif rendu le 30 septembre 2019 par le tribunal administratif de Marseille pour défaut d'intérêt à agir, et déclarer cette action irrecevable ou, à tout le moins, injustifiée et infondée,

- à titre subsidiaire, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que l'infirmière libérale, Mme [D], n'a pas engagé sa responsabilité professionnelle, et rejeter l'ensemble des demandes dirigées à son encontre comme injustifiées et infondées,

- rejeter les demandes indemnitaires sur les deux postes de préjudice rejetés par la juridiction administrative et confirmer l'absence de préjudice indemnisable,

- à titre plus subsidiaire encore, réduire les demandes indemnitaires adverses à de plus justes proportions, après avoir retenu un préjudice autonome de perte de chance limité à 20 % sur les deux postes de préjudice dont l'indemnisation est réclamée,

- dans tous les cas, condamner les consorts [R], ou qui mieux le devra, à verser à Mme [D] une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens de l'instance distraits de droit au profit de Maître Michel Gougot, avocat.

Mme [D] fait valoir que :

Sur la recevabilité des demandes des consorts [R] :

- la juridiction ordinale nationale des infirmiers a considéré à juste titre qu'elle a pris en charge Mme [R] les 23 et 24 août et appliqué la prescription médicale prévue par M. [E], interne à l'hôpital [12], lequel ne s'est pas assuré de la continuité de la prise en charge de la patiente à la sortie de l'hôpital, le médecin traitant, ayant d'ailleurs rendu visite à la patiente le 24 août dans la matinée sans qu'il soit établi qu'il aurait prescrit un contrôle de l'INR ni l'hospitalisation;

- le tribunal administratif n'a pas admis un droit à réparation circonscrit à 20 % de la valeur de la chance de survie, mais a alloué une réparation intégrale du préjudice subi ; les ayants-droits de la patiente ont été indemnisés à hauteur de 100 % des préjudices réclamés, à l'exception des deux postes de préjudices non retenus car non constitués, devant la juridiction administrative, dont il est aujourd'hui réclamé l'indemnisation à la juridiction civile ; il appartenait aux consorts [R] de saisir la cour administrative d'appel de Marseille pour qu'il soit éventuellement restatué sur le poste de préjudice esthétique et de vie perdue, plutôt qu'en demander l'indemnisation à hauteur de 20% à la juridiction civile ;

Sur l'appréciation de la faute :

- l'article R.4312-3 du code de la santé publique rappelle utilement que « l'infirmier ou l'infirmière n'accomplit que les actes professionnels qui relèvent de sa compétence en vertu des dispositions de la section I du chapitre Ier du présent titre, prises en application des articles L. 4161-1, L. 4311-1 et L. 6211-8 » ;

- elle n'a pas été alertée par « l'hématome important » qui aurait été aperçu par sa collaboratrice [Mme [Z]] 48 heures auparavant ; au contraire, lors de ses trois passages au domicile de Mme [F] [R] le 23 août à 7 heures et 19 heures, puis le 24 août à 7 heures, l'état de santé de sa patiente ne justifiait absolument pas une hospitalisation d'urgence ; en orientant sa patiente vers son médecin traitant, plus compétent pour prendre les décisions concernant son état de santé, Mme [D] a eu un comportement conforme à ce que l'on est en droit d'attendre d'une infirmière libérale ; aucun retard à la prise en charge ne peut lui être reproché ; en atteste le certificat médical de M. [M] qui indique l'avoir vue « ce jour », c'est-à-dire le 24 août 2010, et produit un chèque qu'elle lui a établi le jour même ; aucun hématome n'était visible par Mme [D] et M. [M] n'en a d'ailleurs pas fait état dans le courrier qu'il a adressé à son confrère ;

Sur le lien de causalité :

- la théorie de la causalité adéquate doit recevoir application, et le malheureux décès de la patiente ne peut s'expliquer qu'au regard des fautes commises en première intention par l'hôpital [12] ;

Sur l'appréciation du préjudice :

- le droit de vivre jusqu'à un certain âge n'est pas suffisamment certain au regard des aléas de la vie et de l'état de santé des individus ; l'incertitude du terme contre-indique le principe d'un droit à réparation ;

- préjudice esthétique : le tribunal administratif indique à juste titre que le rapport d'expertise ne caractérise pas ce poste.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimé portant appel incident n°2 notifiées par la voie électronique le 16 avril 2024, Mme [Z] demande à la cour de :

À titre principal,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevables les demandes des consorts [R],

- statuant à nouveau, juger irrecevables pour défaut d'intérêt à agir, ou à defaut sans objet compte tenu du jugement rendu par le tribunal admjnistratif de Marseille, les demandes des consorts [R] visant Mme [Z],

À titre subsidiaire,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que Mme [Z] n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité lors des soins prodigués à Mme [F] [R],

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté l'intégralite des demandes la visant en principal, frais et accessoires,

- juger que les débours de la caisse primaire d'assurance-maladie ne peuvent être imputés à Mme [Z], en l'absence de toute faute de sa part, qu'au surplus, l'hospitalisation du 18 au 20 août 2010 n'a nullement été commandée par les manquements allégués par les consorts [R], mais par l'état antérieur de leur parente,

En tout état de cause,

- condamner solidairement les consorts [R] à verser à Mme [Z] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procedure civile,

- les condamner, sous la même solidarité, aux entiers dépens de la procedure d'appel, distraits au profit de Maître Diane Delcourt, de la SCP Cabinet Rosenfeld & Associes, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Mme [Z] fait valoir que :

Sur la recevabilité des demandes des consorts [R] :

- si l'intérêt à agir s'apprécie par principe à la date d'introduction de l'instance, la jurisprudence a pu considérer que cet intérêt disparaît dès lors qu'une issue favorable au litige était déjà apportée. En ce sens, la cour de cassation a admis qu'une demande initialement recevable pouvait devenir sans objet en cours d'instance (Civ. 1, 13 mars 1996) si des régularisations ultérieures avaient eu pour conséquence de faire disparaître la problématique a l'origine de celle-ci. Tel est bien le cas en l'occurrence, compte tenu de la décision rendue par le tribunal administratif de Marseille après l'introduction de l'instance civile ;

Sur les limites du rapport d'expertise du docteur [H] :

- l'expert judiciaire n'a pas répondu au dire du 19 septembre 2015 du docteur [A], médecin conseil de Mme [Z], qui estime que la cause du décès tient moins à un choc hémorragique qu'à un choc septique ; en effet, Mme [F] [R] avait déjà bénéficié en février 2010, six mois auparavant, d'un traitement associant Previscan et Lovenox sans que la survenue d'une anémie ou d'une hémorragie n'ait été signalée ;

Sur l'absence de faute démontrée de Mme [Z] :

- elle était dans son rôle en respectant la prescription de M. [E], conformément à l'article R.4312-29 du code de la santé publique, dès lors que le dosage n'apparaissait pas manifestement non conforme ;

- elle n'avait aucune raison, le lendemain de la sortie de Mme [F] [R], de conditionner la réalisation d'une nouvelle injection à un contrôle de l'INR non demandé par le prescripteur ;

- elle n'a pas noté de dégradation de l'état de santé de Mme [F] [R] au cours de ses interventions à domicile des 21 et 22 août 2010 ;

- aucun document médical antérieur et contemporain de ses interventions ne mentionne le moindre hématome abdominal ; elle a simplement constaté une ecchymose qu'elle a mentionnée sur la fiche de suivi infirmier ; M. [M], médecin traitant de Mme [F] [R], n'a pas évoqué l'existence d'un quelconque hématome lors de sa visite à domicile, le matin du 24 août 2010, et n'a fait état que d'une « augmentation importante du volume abdominal » ; quant aux douleurs abdominales évoquées par Mme [F] [R], elles n'ont été verbalisées qu'à Mme [D] le soir du 23 août 2010 ;

Sur les débours de la CPAM :

- les frais hospitaliers concernant la période du 18 au 20 août 2010 ne résultent pas des manquements allégués par les consorts [R] mais de l'état antérieur de Mme [F] [R].

* * *

Assignée à personne habilitée le 1er juin 2021 par acte d'huissier contenant dénonce de l'appel, la caisse primaire d'assurance-maladie des Hautes-Alpes n'a pas constitué avocat. Elle a communiqué le montant de ses débours définitifs, soit la somme de 6 690 euros correspondant exclusivement à des frais hospitaliers.

* * *

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux dernières écritures déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée le 7 mai 2024.

Le dossier a été plaidé le 21 mai 2024 et mis en délibéré au 4 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nature de la décision rendue :

L'arrêt rendu sera réputé contradictoire, conformément à l'article 474 du code de procédure civile.

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée :

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, l'autorité de chose jugée constitue une fin de non-recevoir tendant à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans qu'il soit procédé à son examen au fond.

Il résulte de l'article 1355 du code civil que l'autorité de chose jugée ne peut être invoquée qu'en cas d'identité des parties à l'instance agissant en la même qualité, d'identité de cause des demandes exprimées et d'identité de l'objet du jugement.

En l'occurrence, M. [M], médecin, et Mmes [D] et [Z], infirmières, ont été attraites devant la 1ère chambre civile du tribunal judiciaire de Marseille, contrairement au centre hospitalier [12]. En sens inverse, la 8e chambre tribunal administratif de Marseille statuant par jugement du 30 septembre 2019 n'a eu à se prononcer que sur la responsabilité de l'État ' sauf à évoquer de façon elliptique la possibilité, « s'il s'y croit fondé, d'engager une action récursoire contre les autres personnes dont il estime que la responsabilité pourrait être engagée ».

La 1ère chambre civile du tribunal judiciaire de Marseille a relevé à juste titre qu'il n'existe pas d'autorité de la chose jugée au disciplinaire sur le civil ' les instances disciplinaires de l'Ordre des médecins et de l'Ordre des infirmiers n'ayant eu à apprécier que des manquements éventuels à la déontologie de ces professions, et aucunement les conditions et le cas échéant les conséquences de la mise en oeuvre de la responsabilité civile professionnelle encourue par M. [M], Mme [D] et Mme [Z].

La recevabilité de l'action des consorts [R] ne peut être contestée de ce chef.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir :

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, l'autorité de chose jugée constitue une fin de non-recevoir tendant à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans qu'il soit procédé à son examen au fond.

Il résulte de l'article 31 du code de procédure civile que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention.

Alors même que l'expert médical [H] et le docteur [N] n'ont retenu qu'une perte de chance de survie de 20 % du fait du retard à la seconde hospitalisation, la juridiction administrative a observé que « les fautes commises par lHIA [12], en prescrivant un traitement anticoagulant non préconisé pour la pathologie de la patiente, qui associait deux anticoagulants présentant un risque majeur d'hémorragie chez une patiente âgée avec une dose excessive, sans maintenir l'hospitalisation dans l'attente de la stabilisation de la coagulation, portaient normalement en elles le dommage. Par suite, l'État n'est pas fondé à soutenir que sa responsabilité doit être limitée à une fraction de la perte de chance de survie évaluée à 20 %, dès lors que celle-ci concerne le retard lors de la seconde hospitalisation et l'absence de prescription d'une surveillance à domicile et d'un suivi biologique par l'HIA [12], qui ont contribué au dommage mais n'en constituent pas la cause déterminante ».

Le tribunal administratif a donc liquidé le préjudice corporel de Mme [F] [R] et le préjudice d'affection et d'accompagnement de M. [K] [R] et de Mme [B] [R], ainsi que les frais d'obsèques et d'assistance à expertise, sur la base d'un droit à indemnisation intégrale et non d'une indemnisation partielle inhérente au principe même de la notion de chance perdue. Et si le tribunal administratif procédant à la liquidation du préjudice intégral a écarté les postes préjudice esthétique et préjudice de mort imminente, il n'en a pas moins statué sur ces chefs de préjudice. Les consorts [R] quant à eux n'ont pas interjeté appel du jugement du tribunal administratif devant la cour administrative d'appel de Marseille.

Quoique les consorts [R] justifiaient initialement d'un intérêt à agir à l'encontre du médecin et des infirmières lorsqu'ils ont saisi la juridiction judiciaire en octobre 2017, la reconnaissance en septembre 2019 par décision de justice administrative devenue définitive du droit de Mme [F] [R] à indemnisation intégrale de son préjudice a nécessairement emprté extinction de leur intérêt pour agir devant la juridiction judiciaire.

Le jugement entrepris est infirmé en ce qu'il a admis la recevabilité de l'action des consorts [R] de ce chef.

Sur les demandes annexes :

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

Les consorts [R] qui succombent dans toutes leurs prétentions sont condamnés in solidum aux dépens de l'appel et ne peuvent, à ce titre, bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité justifie de condamner in solidum M. [K] [R] et Mme [B] [R] à payer la somme de 1 500 euros chacun à M. [M], Mme [D] et Mme [Z].

L'équité ne justifie pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à l'égard de la SA AXA France IARD.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour, hormis en ce qu'il a déclaré recevable l'action des consorts [R] envers Mme [Z], Mme [D] et M. [M] au regard de l'autorité de chose jugée.

Statuant sur les points infirmés, et y ajoutant,

Déclare M. [K] [R] et Mme [B] [R], agissant en qualité d'ayants-droits de Mme [F] [R] et en qualité de victimes par ricochet, irrecevables en leur action faute d'intérêt pour agir.

Condamne in solidum M. [K] [R] et Mme [B] [R] à payer la somme de 1 500 euros chacun à M. [M], Mme [D] et Mme [Z] au titre des frais irrépétibles qu'ils ont exposés devant la cour.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Condamne in solidum M. [K] [R] et Mme [B] [R] aux entiers dépens d'appel, avec distraction au profit des avocats qui en ont fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-6
Numéro d'arrêt : 21/04690
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;21.04690 ?
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