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04/07/2024 | FRANCE | N°20/11156

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-3, 04 juillet 2024, 20/11156


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3



ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024



N° 2024/81









Rôle N° RG 20/11156 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGQVF







[E] [U]





C/



S.A. LYONNAISE DE BANQUE



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Florent LADOUCE



Me Florence ADAGAS-CAOU





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de DRAGUIGNAN en date du 27 Octobre 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 20193192.





APPELANT



Monsieur [E] [U],

demeurant [Adresse 2]



représenté par Me Florent LADOUCE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN





INTIMEE...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024

N° 2024/81

Rôle N° RG 20/11156 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGQVF

[E] [U]

C/

S.A. LYONNAISE DE BANQUE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Florent LADOUCE

Me Florence ADAGAS-CAOU

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de DRAGUIGNAN en date du 27 Octobre 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 20193192.

APPELANT

Monsieur [E] [U],

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Florent LADOUCE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEE

S.A. LYONNAISE DE BANQUE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal,

dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Me Florence ADAGAS-CAOU de la SCP DUHAMEL ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise PETEL, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe DELMOTTE, Président

Madame Françoise PETEL, Conseillère

Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024

Signé par Monsieur Philippe DELMOTTE, Président et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par acte du 23 février 2012, la SA Lyonnaise de Banque a consenti à la SARL SMCJ, représentée par son gérant M. [E] [U], un prêt professionnel d'un montant de 90.000 euros, au taux fixe de 4 %, amortissable en 72 mensualités à compter du 25 mai 2012.

En garantie de ce prêt, M. [E] [U] s'est porté caution solidaire des engagements de sa société envers la banque, dans la limite de la somme de 108.000 euros et pour la durée de 96 mois.

Selon convention du 24 février 2012, la SARL SMCJ a ouvert un compte courant professionnel n°[XXXXXXXXXX01] dans les livres de la SA Lyonnaise de Banque.

Suivant acte sous seing privé du 24 mai 2012, M. [E] [U] s'est porté caution solidaire de tous les engagements de la SARL SMCJ envers la banque, dans la limite de la somme de 12.000 euros et pour la durée de 5 ans.

Selon acte sous seing privé du 3 octobre 2012, il s'est également porté caution solidaire de tous les engagements de la SARL SMCJ envers la SA Lyonnaise de Banque, dans la limite de la somme de 24.000 euros et pour la durée de 5 ans.

Par contrat du 15 mai 2014, la SA Lyonnaise de Banque a consenti à la SARL SMCJ un prêt d'un montant de 60.000 euros, au taux de 2,5 %, amortissable en 60 mensualités à compter du 15 juin 2014, lequel crédit a été libéré à hauteur de 37.363,94 euros.

En garantie de ce prêt, M. [E] [U] s'est porté caution solidaire des engagements de la société emprunteuse envers la banque, dans la limite de la somme de 72.000 euros et pour la durée de 84 mois.

Par jugement du 12 avril 2016, le tribunal de commerce de Draguignan a ouvert une procédure de liquidation judiciaire de la SARL SMCJ.

La SA CIC Lyonnaise de Banque a déclaré ses créances au passif de cette procédure collective.

Suivant lettre recommandée du 17 mai 2016, elle a mis en demeure la caution de lui régler la somme globale de 70.258,34 euros.

Selon exploit du 24 juillet 2019, la SA Lyonnaise de Banque a fait assigner M. [E] [U] en paiement devant le tribunal de commerce de Draguignan.

Par jugement du 27 octobre 2020, ce tribunal a :

- condamné M. [E] [U], en sa qualité de caution solidaire de la société SMCJ et dans la limite de ses engagements, à payer à la société Lyonnaise de Banque les sommes suivantes :

- 13.569,96 euros au titre du solde débiteur du compte courant, augmentée des intérêts au taux légal sur la somme de 13.198,57 euros à compter du 28 juin 2019 jusqu'à complet règlement,

- 39.851,72 euros au titre du solde du prêt d'un montant initial de 90.000 euros, augmentée des intérêts conventionnels au taux de 4 % sur la somme en principal de 33.720,79 euros à compter du 28 juin 2019 jusqu'à complet règlement,

- 23.529,06 euros au titre du solde du prêt d'un montant initial de 60.000 euros, augmentée des intérêts conventionnels au taux de 2,5 % sur la somme en principal de 20.760,04 euros à compter du 28 juin 2019 jusqu'à complet règlement,

- ordonné la capitalisation des intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1154 devenu l'article 1343-2 du code civil, à compter du 24 juillet 2019,

- dit n'y avoir lieu d'octroyer des dommages et intérêts,

- condamné M. [E] [U] à payer la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [E] [U] aux entiers dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Suivant déclaration du 16 novembre 2020, M. [E] [U] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées et déposées le 22 mars 2024, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, l'appelant demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

à titre principal,

- constater la disproportion de son engagement en qualité de caution au moment de la signature des actes de cautionnement,

par conséquent,

- dire et juger nuls ses engagements de caution,

à titre subsidiaire,

- constater son absence de mise en garde sur la portée de son engagement,

- constater que ses engagements de caution sont arrivés à terme avant que la Lyonnaise de Banque ne saisisse la juridiction,

- constater l'inopposabilité à son égard de la déchéance du terme du débiteur principal,

- constater l'absence de mise en demeure préalable concernant les mensualités du 25 mai 2016 et suivantes, pour le prêt n°18075 723755 02, et des mensualités du 15 juin et suivantes pour le prêt n°1875 723755 05,

- condamner la Lyonnaise de Banque à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,

en tout état de cause,

- débouter la Lyonnaise de Banque de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- dire et juger la suppression des intérêts échus, et de tous les intérêts légaux ou conventionnels,

- condamner la Lyonnaise de Banque au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions récapitulatives notifiées et déposées le 18 mars 2024, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la SA Lyonnaise de Banque demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 27 octobre 2020 par le tribunal de commerce de Draguignan,

en conséquence :

- débouter M. [E] [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [E] [U], en sa qualité de caution solidaire de la société SMCJ, au paiement des sommes suivantes :

- 13.569,96 euros avec intérêts au taux légal sur celle de 13.198,57 euros à compter du 28 juin 2019 et jusqu'au complet règlement au titre du solde débiteur du compte courant,

- 39.851,72 euros avec intérêts au taux conventionnel de 4 % l'an sur 33.720,79 euros à compter du 28 juin 2019 et jusqu'au complet règlement au titre du prêt de 90.000 euros,

- 23.529,06 euros avec intérêts au taux conventionnel de 2,5 % l'an sur 20.760,04 euros à compter du 28 juin 2019 et jusqu'au complet règlement au titre du prêt de 60.000 euros,

- ordonner la capitalisation des intérêts, conformément à l'article 1343-2 du code civil,

- condamner M. [E] [U] au paiement de la somme de 1.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [E] [U] aux entiers dépens,

y ajoutant :

- condamner M. [E] [U] au paiement de la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée, outre celle de 2.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [E] [U] aux entiers dépens, distraits au profit de la SCP Duhamel Associés, avocat aux offres de droit.

MOTIFS

Sur le grief de disproportion :

Invoquant les dispositions de l'ancien article L.331-2 du code de la consommation, l'appelant soutient que, au moment de la souscription de ses engagements, il ne disposait pas de revenus et de biens propres à garantir une telle somme.

La SA Lyonnaise de Banque, qui rappelle par ailleurs que la sanction de la disproportion d'un engagement de caution n'est pas la nullité, réplique que les engagements de caution de M. [E] [U] n'étaient pas manifestement disproportionnés à ses biens et revenus au moment de leur conclusion, et qu'en outre, la caution étant toujours propriétaire d'un bien immobilier, son patrimoine lui permet de faire face à son obligation.

Aux termes du texte précité, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Pour l'application de ces dispositions, c'est à la caution qu'il incombe de rapporter la preuve de la disproportion qu'elle allègue, et au créancier qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné d'établir qu'au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.

Le caractère manifestement disproportionné du cautionnement s'apprécie au regard, d'un côté, de l'ensemble des engagements souscrits par la caution, d'un autre côté, de ses biens et revenus, sans tenir compte des résultats escomptés de l'opération garantie.

La situation de l'appelant doit donc être examinée à la date de chacun des engagements litigieux, et, ainsi qu'il le fait valoir, la fiche de renseignements versée aux débats par la banque, datée du 13 juillet 2012, ne peut être retenue en ce qui concerne les cautionnements antérieurs.

Mais, ce faisant, il ne peut qu'être constaté que M. [E] [U] ne justifie pas de la réalité de sa situation financière et patrimoniale à la date de souscription des dits cautionnements.

En effet, s'il verse aux débats son avis d'imposition sur les revenus, d'ailleurs de 2012 et non de 2011, dont il résulte qu'il a perçu, au titre des salaires et assimilés, des revenus nets imposables de 12.400 euros, que son épouse, commune en biens, a perçu des salaires nets imposables de 11.669 euros, que son foyer fiscal a perçu des revenus de capitaux mobiliers imposables de 446 euros et des revenus fonciers nets de 1.194 euros, il n'établit aucunement la valeur des biens mobiliers et immobiliers dont l'existence est ainsi attestée.

S'agissant en particulier de son patrimoine immobilier, manifestement préexistant puisqu'il produit les tableaux d'amortissement de deux prêts, respectivement de 2008 et 2010, l'appelant ne saurait se prévaloir des charges que représentent ces emprunts immobiliers sans démontrer la valeur vénale des biens qu'ils concernent.

Dès lors, faute pour la caution de rapporter la preuve de ce que l'engagement conclu le 23 février 2012 dans la limite de la somme de 108.000 euros était manifestement disproportionné à ses biens et revenus, le moyen tiré de l'application de l'ancien article L.332-1 du code de la consommation est écarté en ce qui concerne ce premier cautionnement.

S'agissant de celui souscrit le 24 mai 2012 dans la limite de 12.000 euros, portant alors le total de ses engagements à la somme de 120.000 euros, son caractère manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution tel qu'allégué par cette dernière n'est pas davantage démontré.

Pour le troisième, conclu le 3 octobre 2012, dans la limite de 24.000 euros, portant alors le total des engagements de M. [E] [U] à la somme de 144.000 euros, le grief doit également être écarté.

En effet, même à ne pas retenir la fiche patrimoniale, qu'il a signée le 13 juillet 2012 en certifiant exactes et sincères les déclarations faites et en s'engageant à informer la banque de toutes modifications de ces éléments, où la maison dont il est propriétaire, indiquée comme ayant été acquise en 2009 au prix de 313.000 euros, figure pour une valeur estimée de 350.000 euros, avec un capital restant dû sur le prêt immobilier contracté de 121.000 euros, soit une valeur nette de 229.000 euros, la disproportion manifeste prétendue n'est pas établie, à défaut de production par la caution d'éléments justifiant de la valeur de ses patrimoines mobilier et immobilier à la date de cet engagement.

Quant à celui du 15 mai 2014, souscrit dans la limite de la somme de 72.000 euros, portant alors à 216.000 euros le montant total des engagements de l'appelant, son caractère manifestement disproportionné aux biens et revenus de ce dernier n'est nullement établi, en l'absence de production par la caution de tout élément de nature à justifier de la réalité de sa situation financière et patrimoniale à cette date.

En conséquence, et sans qu'il y ait lieu d'examiner la situation de M. [E] [U] au moment où il a été appelé, le moyen tiré de l'application de l'ancien article L.332-1 du code de la consommation est écarté en ce qui concerne tous les cautionnements par lui souscrits auprès de la banque intimée.

Sur la mise en garde :

L'appelant expose qu'il a signé des actes dans des conditions mettant en évidence l'absence de mise en garde de la banque, et sa qualité de caution non avertie, que les anomalies observées dans les contrats, comme l'absence de signature de son épouse pour l'engagement à hauteur de 12.000 euros ou le défaut des paraphes et signature du conjoint de la caution pour le prêt de 60.000 euros, démontrent la fragilité de l'information qui a pu lui être délivrée et le défaut de mise en garde, attestant de son absence de connaissance de la portée de son engagement en sa qualité de caution.

Mais, il est tout d'abord observé que les prétendues anomalies dont fait état M. [E] [U] sont sans incidence sur la validité des cautionnements.

Par ailleurs, l'obligation de mise en garde à laquelle est tenu le banquier dispensateur de crédit envers une caution est subordonnée à deux conditions, la qualité de caution non avertie, et l'existence, au regard des capacités financières de cette dernière ou de l'emprunteur, d'un risque d'endettement né de l'octroi du prêt.

Si, comme le soutient l'appelant, la qualité de dirigeant de la société cautionnée ne suffit pas à établir le caractère averti de la caution, il résulte en l'espèce des pièces produites par la SA Lyonnaise de Banque que M. [E] [U] exerçait l'activité de gérant de la SARL SMCJ depuis octobre 2006, étant observé, au vu du document qu'il verse lui-même aux débats, que l'opération réalisée en 2012 consistait en la création d'un nouvel établissement.

Ainsi, lorsqu'il a souscrit le premier cautionnement litigieux, le 23 février 2012, l'appelant disposait d'une compétence et d'une expérience en matière économique lui permettant de mesurer les risques attachés à ses engagements.

Il doit dès lors être considéré comme étant une caution avertie, et ce, en conséquence, également pour les autres cautionnements, souscrits ultérieurement.

Aussi, étant surabondamment constaté qu'en tout état de cause n'est aucunement démontrée l'existence, au regard des capacités financières de la débitrice principale ou de sa caution, d'un risque d'endettement né de l'octroi des crédits à la date de l'un quelconque des actes litigieux, M. [E] [U], qui n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de l'intimée au titre d'un devoir de mise en garde dont elle n'était pas débitrice à son égard, est débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts.

Sur les termes des actes de cautionnement :

Exposant que les actes de cautionnement des 24 mai 2012 et 3 octobre 2012, souscrits pour une durée de cinq ans, prévoyaient que la caution ne restait tenue au remboursement des engagements du cautionné que jusqu'aux échéances, respectivement, des 24 mai et 3 octobre 2017, de sorte que, au-delà de ces dates, la banque perdait la possibilité de se prévaloir de ces actes à son encontre, l'appelant soutient que, n'ayant engagé son action que le 24 juillet 2019, la SA Lyonnaise de Banque ne peut lui opposer des actes dont elle avait alors perdu le bénéfice.

Cependant, il ne peut qu'être constaté que, ce faisant, M. [E] [U] opère une confusion entre obligation de couverture et obligation de règlement.

En effet, si en l'espèce les cautionnements ont effectivement pris fin à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la signature de l'engagement, soit, respectivement, les 24 mai 2017 et 3 octobre 2017, la caution reste tenue au paiement des sommes dues en exécution des obligations nées antérieurement à ces dates de cessation des dits cautionnements.

Or, il est constant que les sommes réclamées à l'appelant en vertu des contrats des 24 mai et 3 octobre 2012 le sont au titre du solde débiteur du compte courant professionnel de la SARL SMCJ, devenu exigible en raison de la liquidation judiciaire de cette dernière intervenue le 12 avril 2016.

L'obligation de la débitrice principale étant née durant la période de couverture des actes précités, l'intimée est fondée à en poursuivre le règlement à l'encontre de la caution, dont l'argumentation de ce chef est donc rejetée.

Sur la déchéance du terme :

Faisant valoir que, s'il est vrai qu'il résulte de l'article L.643-1 du code de commerce que l'ouverture d'une procédure de liquidation entraîne l'exigibilité de la créance, ce n'est qu'à l'égard de l'emprunteur, mais pas de la caution, M. [E] [U] expose qu'aucune clause des actes de cautionnement qu'il a consentis ne stipule expressément qu'il renoncerait à se prévaloir du bénéfice du terme en cas d'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la SARL SMCJ, et que, contrairement à ce que soutient l'intimée, les clauses relatives à la mise en jeu du cautionnement ne prévoient pas le contraire.

Précisant que lesdites clauses ne prévoient « pas une obligation de paiement immédiat, mais simplement une obligation de paiement », et que la SA Lyonnaise de Banque ne pouvait donc se prévaloir de la déchéance du terme à son encontre, l'appelant ajoute que la mise en demeure du 17 mai 2016 n'avait potentiellement de valeur qu'à l'égard des sommes véritablement exigibles à cette date, de sorte qu'il était tout au plus redevable des mensualités du mois d'avril pour les deux prêts, et du mois de mai dans le prêt n°1875 723755 05, soit un total de 2.603,31 euros, et que, faute d'une mise en demeure préalable, le recouvrement des mensualités ultérieures ne peut être poursuivi par voie judiciaire.

Mais, il ne peut, au vu des pièces communiquées, qu'être constaté que, ainsi que le soutient à juste titre l'intimée qui rappelle que la déchéance du terme en raison du jugement qui ouvre une liquidation judiciaire ne peut effectivement avoir d'effet sur la caution qu'à la condition qu'une clause le prévoit, chacun des contrats de cautionnement litigieux comporte une clause aux termes de laquelle « En cas de défaillance du cautionné pour quelque cause que ce soit, la caution sera tenue de payer à la banque (') y compris les sommes devenues exigibles par anticipation. »

Dans ces conditions, l'interprétation qu'entend faire de ces termes pourtant clairs l'appelant étant écartée, la SA Lyonnaise de Banque, qui fait en outre remarquer qu'à la date de l'assignation, valant mise en demeure, les deux prêts étaient échus et donc intégralement exigibles, est fondée à poursuivre en paiement la caution, laquelle est déboutée de sa demande en inopposabilité de la déchéance du terme.

Sur l'information annuelle de la caution :

Au visa des dispositions de l'article L.313-22 du code monétaire et financier, M. [E] [U] sollicite que soit ordonnée la suppression des intérêts échus et de tous les intérêts légaux ou conventionnels.

L'intimée conclut au rejet de cette demande tendant à obtenir la déchéance de son droit aux intérêts, en indiquant qu'elle verse aux débats l'ensemble des courriers d'information annuelle qui ont été envoyés à l'appelant, à l'adresse que celui-ci mentionne dans ses écritures, et qui ne lui ont pas été retournés.

Cependant, par les seuls éléments produits, en l'occurrence des photocopies de lettres dont il n'est pas justifié de l'envoi, la SA Lyonnaise de Banque ne démontre pas avoir respecté l'obligation d'information annuelle de la caution qui lui incombe en vertu du texte d'ordre public invoqué.

Ainsi, par application dudit article L.313-22, le manquement de l'intimée à cette obligation emporte, dans les rapports entre elle et la caution, déchéance des intérêts échus depuis, en ce qui concerne les obligations garanties par les trois cautionnements de 2012, le 31 mars 2013, date avant laquelle devait intervenir pour la première fois l'information annuelle, et, en ce qui concerne le cautionnement souscrit en 2014, le 31 mars 2015, les paiements effectués par la débitrice principale, la SARL SMCJ, étant réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement bancaire, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

Au vu des pièces versées aux débats, et notamment, en ce qui concerne le crédit du 23 février 2012 d'un montant initial de 90.000 euros, du contrat de prêt, du tableau d'amortissement, de la déclaration de créance au passif de la procédure collective de la SARL SMCJ et du décompte détaillé, il apparaît que la créance, expurgée conformément aux dispositions de l'article L.313-22 du code monétaire et financier, dont peut se prévaloir la SA Lyonnaise de Banque à l'encontre de M. [E] [U], s'élève en principal à la somme de 28.601,56 euros.

S'agissant du crédit professionnel du 15 mai 2014 d'un montant initial de 60.000 euros, libéré à hauteur de 37.363,94 euros, au vu notamment du contrat de prêt, du tableau d'amortissement, de la déclaration de créance et du décompte détaillé versés aux débats, il apparaît que la créance, expurgée en application de l'article précité, dont peut se prévaloir la banque à l'encontre de la caution s'élève à la somme principale de 21.194,83 euros.

Pour ce qui est du solde débiteur du compte courant de la débitrice principale, en considération des éléments produits, déclaration de créance de l'intimée et décompte, le montant de la créance de cette dernière à l'encontre de l'appelant est fixée à ce titre à la somme de 12.961,14 euros.

En conséquence, M. [E] [U] est condamné à payer à la SA Lyonnaise de Banque les sommes précitées, lesquelles portent intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de la caution, lesdits intérêts se capitalisant dans les termes de l'article 1343-2 du code civil.

Sur la demande de dommages et intérêts de la banque :

Au regard de ce qui vient d'être jugé, la demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive formulée par l'intimée ne peut qu'être rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [E] [U], en sa qualité de caution solidaire de la société SMCJ et dans la limite de ses engagements, à payer à la société Lyonnaise de Banque les sommes suivantes :

- 13.569,96 euros au titre du solde débiteur du compte courant, augmentée des intérêts au taux légal sur la somme de 13.198,57 euros à compter du 28 juin 2019,

- 39.851,72 euros au titre du solde du prêt d'un montant initial de 90.000 euros, augmentée des intérêts conventionnels au taux de 4 % sur la somme en principal de 33.720,79 euros à compter du 28 juin 2019,

- 23.529,06 euros au titre du solde du prêt d'un montant initial de 60.000 euros, augmentée des intérêts conventionnels au taux de 2,5 % sur la somme en principal de 20.760,04 euros à compter du 28 juin 2019,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Condamne M. [E] [U] à payer à la SA Lyonnaise de Banque :

- en vertu de ses engagements de caution des 24 mai et 3 octobre 2012, au titre du solde débiteur du compte courant, la somme de 12.961,14 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2016,

- en vertu de son engagement de caution du 23 février 2012, au titre du prêt de 90.000 euros, la somme de 28.601,56 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2016,

- en vertu de son engagement de caution du 15 mai 2014, au titre du prêt libéré à hauteur de 37.363,94 euros, la somme de 21.194,83 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2016,

Confirme le jugement pour le surplus,

Dit n'y avoir lieu en cause d'appel à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [E] [U] aux dépens d'appel, dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-3
Numéro d'arrêt : 20/11156
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;20.11156 ?
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