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04/07/2024 | FRANCE | N°20/06851

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-3, 04 juillet 2024, 20/06851


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3



ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024



N° 2024/89









Rôle N° RG 20/06851 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGCDW







[I] [W]





C/



S.A. BRASSERIE METEOR



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Jerry DESANGES



Me Lou GODARD









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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de DRAGUIGNAN en date du 04 Février 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 19/4507





APPELANT



Monsieur [I] [W]

né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 5],

demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Jerry DESANGES de la SCP BART...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024

N° 2024/89

Rôle N° RG 20/06851 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGCDW

[I] [W]

C/

S.A. BRASSERIE METEOR

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jerry DESANGES

Me Lou GODARD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de DRAGUIGNAN en date du 04 Février 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 19/4507

APPELANT

Monsieur [I] [W]

né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 5],

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Jerry DESANGES de la SCP BARTHELEMY-DESANGES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMÉE

S.A. BRASSERIE METEOR, agissant par son représentant légal,

dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Me Lou GODARD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise PETEL, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe DELMOTTE, Président

Madame Françoise PETEL, Conseillère

Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024

Signé par Monsieur Philippe DELMOTTE, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par contrat du 25 juillet 2017, la SA Banque CIC Est a consenti à la SAS Le Central, exploitant un fonds de commerce de brasserie à [Localité 4] (Hautes-Pyrénées), un prêt, destiné à financer un programme d'investissement, d'un montant de 25.550 euros, remboursable sur une durée de 60 mois dont 3 mois de franchise totale au taux de 0 % l'an, le prêt étant cautionné par la SA Brasserie Météor.

Suivant acte sous seing privé du 8 août 2017, M [I] [W], président de la SAS Le Central, s'est porté caution solidaire de cette dernière envers la SA Brasserie Météor, dans la limite de la somme de 30.660 euros et pour une durée de cinq années.

Les échéances du prêt n'étant plus réglées, la SA Brasserie Météor, en sa qualité de caution solidaire de l'emprunteur, a versé à l'établissement prêteur la somme totale de 23.308,75 euros selon quittance subrogative du 25 mai 2018.

Par jugement du 28 mai 2018, le tribunal de commerce de Tarbes a ouvert une procédure de liquidation judiciaire de la SAS Le Central.

Par courrier recommandé du 9 octobre 2018, la SA Brasserie Météor a mis en demeure la sous-caution de lui rembourser la somme de 22.860,50 euros.

Suivant exploit du 6 février 2019, elle a fait assigner M. [I] [W] en paiement devant le tribunal de commerce de Draguignan.

Par jugement du 4 février 2020, ce tribunal :

' s'est déclaré compétent pour connaître du litige,

' a débouté M. [Z] [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

' a condamné M. [I] [W], en sa qualité de caution et dans la limite de son engagement, à payer à la SA Brasserie Météor la somme de 22.860,25 euros, au titre du montant résiduel du prêt professionnel n°33441.000221086.02 consenti à la SASU Le Central, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2018,

' a condamné M. [I] [W] à payer la somme de 900 euros à la SA Brasserie Météor en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' a condamné M. [I] [W] aux entiers dépens,

' a ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Suivant déclaration du 23 juillet 2020, M. [I] [W] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées et déposées le 22 octobre 2020, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, l'appelant demande à la cour de :

' réformer le jugement rendu le 4 février 2020 par le tribunal de commerce de Draguignan en toutes ses dispositions,

à titre principal,

' se déclarer incompétent au profit du tribunal judiciaire de Draguignan,

subsidiairement,

' constater l'absence de régularisation de la procédure à l'égard du liquidateur,

' constater que la SA Brasserie ne justifie pas avoir régulièrement déclaré sa créance,

' dire et juger les demandes de la SA Brasserie irrecevables,

' prononcer la nullité de l'acte de sous-caution du 8 août 2017,

' en conséquence faute pour la SA Brasserie de justifier de l'irrécouvrabilité de sa créance à l'égard du débiteur principal, la débouter de l'ensemble de ses demandes à son égard,

' dire et juger en toute hypothèse que la SA Brasserie a manqué à son obligation d'information et de conseil à son égard,

' la condamner reconventionnellement à lui payer la somme de 23.000 euros,

' ordonner la compensation avec les éventuelles condamnations prononcées à son encontre,

' condamner la SA Brasserie à lui payer la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamner la SA Brasserie aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées et déposées le 27 novembre 2020, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la SA Brasserie Météor demande à la cour de :

' confirmer le jugement rendu le 4 février 2020 par le tribunal de commerce de Draguignan, sauf en ce qu'il a commis une erreur matérielle en indiquant :

' « débouter M. [Z] [W] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions »,

' « condamner M. [I] [W] à payer la somme de 900 euros à la SA Brasserie Météor en application des dispositions de l'article 700 du CPC »,

par conséquent :

' débouter M. [I] [W] de ses demandes,

' condamner M. [I] [W] à lui payer la somme de 22.860,25 euros, au titre du montant résiduel du prêt professionnel n°33441.000221086.02 consenti à la SASU Le Central, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2018,

' condamner M. [I] [W] aux entiers dépens,

' débouter M. [I] [W] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,

' condamner M. [I] [W] à lui payer la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamner M. [I] [W] aux entiers frais et dépens.

MOTIFS

Sur l'incompétence :

L'appelant, exposant que le cautionnement constitue un acte civil et qu'il n'a pas la qualité de commerçant, soutient que la procédure initiée à son encontre en sa qualité de caution relève de la compétence exclusive du tribunal judiciaire, que le seul fait qu'il ait pu tirer des revenus de la SASU Le Central est insuffisant pour qualifier sa caution d'acte commercial.

L'intimée réplique que M. [I] [W] était le président de la SASU Le Central, qu'il avait intérêt à la bonne marche de sa société, que, signant l'acte de caution en cette qualité de président, son cautionnement revêt un caractère commercial.

Sur ce, le contrat de cautionnement souscrit le 8 août 2017 par l'appelant, qui n'avait certes pas la qualité de commerçant, a acquis un caractère commercial dès lors que, dirigeant et associé unique de la société cautionnée ainsi que cela ressort des pièces produites, M. [I] [W] avait un intérêt personnel et patrimonial à l'opération garantie.

Le jugement est donc confirmé en ce que le tribunal de commerce a retenu sa compétence.

Sur le défaut de mise en cause du liquidateur :

L'appelant fait valoir qu'il appartient à la SA Brasserie Météor de justifier de la régularisation de la procédure à l'égard du liquidateur judiciaire de la SASU Le Central, qu'à défaut, sa demande devra être déclarée irrecevable.

Il indique que l'intimée ne justifie pas avoir régulièrement déclaré sa créance au passif de la liquidation de la société cautionnée, et qu'à défaut de produire un certificat d'irrecouvrabilité de sa créance, elle doit nécessairement mettre en cause le liquidateur.

Mais, il apparaît, au vu des pièces versées aux débats, que la SA Brasserie Météor a, le 4 juillet 2018, déclaré, entre les mains du liquidateur judiciaire de la SAS Le Central dont la liquidation judiciaire avait été prononcée par jugement du 28 mai 2018, sa créance au passif de ladite procédure collective.

Et, ainsi que le soutient à juste titre l'intimée, s'agissant d'une action à l'encontre de la caution de la société en liquidation, la mise en cause du liquidateur de cette dernière n'est aucunement nécessaire à la régularité de la présente instance.

Sur le grief de disproportion :

Invoquant les dispositions de l'article L 341-4 du code de la consommation, aux termes duquel « Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation », M. [I] [W], qui fait valoir que la SA Brasserie Météor n'a procédé à aucune étude financière et patrimoniale sérieuse et réelle de sa situation au jour de son engagement, expose qu'au regard de ses revenus et de l'absence de patrimoine, celui-ci est disproportionné.

Faisant valoir qu'en tout état de cause, il appartient à la caution de prouver la disproportion manifeste, l'intimée réplique qu'en l'espèce, il est constant que la fiche patrimoine remplie par l'appelant permet de constater que le cautionnement était largement proportionné dès lors que la somme pour laquelle il s'est porté caution représente 25 % du patrimoine déclaré.

A cet égard, il est rappelé que l'existence d'une fiche de renseignements, dont le signataire a certifié l'authenticité des informations données, a simplement pour effet de dispenser le créancier, qui, sauf anomalies apparentes, est en droit de s'y fier, de vérifier l'exactitude des déclarations de la caution, laquelle ne peut ensuite se prévaloir de leur fausseté pour échapper à ses obligations.

En l'espèce, de la « fiche patrimoine » telle que par lui renseignée et signée le 1er juillet 2017, il résulte que M. [I] [W] disposait d'un compte épargne d'un montant de 50.000 euros, qu'il détenait la SAS Le Central d'une valeur par lui alors estimée à 70.000 euros, qu'il n'avait pas de prêt en cours et n'avait donné aucune autre caution.

En considération de ces éléments, la preuve du caractère manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution de l'engagement souscrit le 8 août 2017 dans la limite de la somme de 30.660 euros n'est aucunement rapportée.

Étant surabondamment rappelé que la sanction encourue n'est en tout état de cause pas la nullité de l'acte de caution, le moyen tiré de l'application de l'article L 341-4 précité est écarté.

Sur l'imprécision de l'engagement de caution :

Au visa de l'article L.341-2 du code de la consommation, l'appelant soutient ensuite que son engagement doit être déclaré nul en raison de son imprécision, qu'en effet, étant indiqué « montant capital prêt + 20 % », le montant du prêt garanti n'est pas mentionné, qu'il devait écrire, non pas « montant capital prêt », mais « le montant du prêt accordé, soit la somme de 25.550 € ».

Cependant, une telle précision n'ayant en tout état de cause pas lieu d'être au regard des dispositions du texte visé, M. [I] [W] ne peut soutenir s'être mépris sur la portée et l'étendue de son engagement dès lors que la mention manuscrite qu'il a rédigée comporte la somme, en chiffres et en lettres, dans la limite de laquelle il s'est porté caution solidaire de l'emprunteur, à savoir celle de 30.660 euros.

Sa demande de nullité de ce chef est rejetée.

Sur la durée du cautionnement :

Arguant encore de ce que, s'agissant d'un engagement à durée indéterminée, la SA Brasserie Météor devait lui rappeler les conditions de résiliation unilatérale, l'appelant soutient qu'elle ne justifie en aucun cas avoir respecté cette obligation d'information annuelle, et que, cette faculté de résiliation n'ayant jamais été portée à sa connaissance, l'acte de cautionnement « tous engagements » devra être déclaré nul et de nul effet.

Mais, cette argumentation apparaît sans fondement, le cautionnement souscrit par M. [I] [W], en garantie d'ailleurs du seul prêt consenti à la SAS Le Central le 25 juillet 2017, étant à durée déterminée, en l'occurrence cinq années ainsi que cela résulte de la mention manuscrite figurant dans l'acte par lui signé le 8 août 2017.

Sur le manquement à l'obligation d'information et de conseil :

Invoquant l'obligation de mise en garde d'un établissement de crédit envers la caution, l'appelant expose qu'à ce titre, la SA Brasserie Météor doit justifier l'avoir dument informé d'une part du risque encouru mais également de la situation de solvabilité du débiteur principal.

Il soutient qu'il appartient à l'intimée de justifier de l'endettement de celui-ci à la date du 8 août 2017, qu'elle se devait ainsi de réaliser une étude de faisabilité financière de la SAS Le Central et de l'éclairer sur les risques qu'il encourait en sa qualité de sous-caution, qu'en l'espèce, il apparait manifeste qu'elle a manqué à son obligation d'information et de mise en garde à son égard, cette faute étant de nature à engager sa responsabilité.

Mais, si, contrairement à ce qu'elle soutient, la SA Brasserie Météor est bien un créancier professionnel dès lors que la créance dont elle poursuit le recouvrement se trouve en rapport direct avec son activité professionnelle ainsi que cela résulte clairement du contrat du 25 juillet 2017, elle n'est effectivement, en sa qualité de caution, pas débitrice à l'égard de la sous-caution, ni davantage d'ailleurs à l'égard de la débitrice principale, de l'obligation de mise en garde à laquelle est tenu le banquier dispensateur de crédit.

En conséquence, sans même qu'il y ait, notamment, lieu de s'interroger sur le caractère averti ou non de M. [I] [W], ou sur l'existence, qu'il appartiendrait d'ailleurs à ce dernier d'établir, d'un risque d'endettement, au regard de ses capacités financières ou de celles de la SAS Le Central, né de l'octroi du crédit, l'appelant, qui n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de l'intimée à ce titre, est débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts.

Sur le certificat d'irrecouvrabilité :

Enfin, exposant que la caution ne saurait être actionnée au seul motif de l'ouverture d'une procédure collective contre le débiteur, que, si l'article L.643-1 du code de commerce énonce que le jugement qui prononce la liquidation judiciaire emporte déchéance du terme, cette déchéance produit ses effets à l'encontre du débiteur et non à l'égard de la caution, et que, dans ces conditions, faute pour la SA Brasserie Météor de justifier d'un certificat d'irrecouvrabilité de sa créance à l'égard du débiteur principal, M. [I] [W] déclare être bien fondé à opposer le bénéfice de discussion et division.

Cependant, une telle argumentation apparaît dépourvue de tout fondement de la part d'une sous-caution à l'égard d'une caution, envers laquelle elle s'est engagée solidairement, renonçant ainsi aux bénéfices de discussion et de division.

En conséquence, l'appelant, dont le prénom est [I] et non [Z], est débouté de l'ensemble de ses demandes, et, la créance de l'intimée n'étant pas autrement contestée, le jugement confirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris,

Condamne M. [I] [W] à payer à la SA Brasserie Météor la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [I] [W] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-3
Numéro d'arrêt : 20/06851
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;20.06851 ?
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