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04/07/2024 | FRANCE | N°20/05156

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-3, 04 juillet 2024, 20/05156


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3



ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024



N° 2024/76









Rôle N° RG 20/05156 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BF324







S.A. SOCIETE GENERALE





C/



[Y] [H]



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Caroline PAYEN



Me Renata JARRE








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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de SALON DE PROVENCE en date du 14 Mai 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 2019002639.





APPELANTE



S.A. SOCIETE GENERALE, représentée par ses représentants légaux, venant aux droits et obligations de la SOCIETE MARSEILLAISE DE C...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024

N° 2024/76

Rôle N° RG 20/05156 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BF324

S.A. SOCIETE GENERALE

C/

[Y] [H]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Caroline PAYEN

Me Renata JARRE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de SALON DE PROVENCE en date du 14 Mai 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 2019002639.

APPELANTE

S.A. SOCIETE GENERALE, représentée par ses représentants légaux, venant aux droits et obligations de la SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT, en suite de la fusion-absorption intervenue en date du 1er janvier 2023.

dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée et assistée de Me Caroline PAYEN de la SCP DRUJON D'ASTROS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [Y] [H]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 4] (62),

demeurant [Adresse 2]

représenté et assisté de Me Renata JARRE de la SELARL CABINET LAMBALLAIS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Silva HAROUTUNIAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise PETEL, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe DELMOTTE, Président

Madame Françoise PETEL, Conseillère

Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024

Signé par Monsieur Philippe DELMOTTE, Président et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Suivant convention du 2 mai 2012, la SARL Sud Travaux Provence, représentée par son gérant, M. [Y] [H], a ouvert un compte professionnel dans les livres de la SA Crédit du Nord.

Selon acte du 11 juin 2012, cette dernière et la SARL Sud Travaux Provence ont signé une convention de cession de créances professionnelles régie par les dispositions des articles L.313'23 et suivants du code monétaire et financier.

Par courrier du même jour, la SARL a autorisé la banque à prélever 10 % du montant des créances cédées par bordereau de cession [M] afin de constituer une garantie.

Par ailleurs, suivant acte sous seing privé du 11 juin 2012, M. [Y] [H] s'est porté caution solidaire de tous les engagements de la SARL Sud Travaux Provence envers la SA Crédit du Nord, dans la limite de la somme de 78.000 euros et pour la durée de dix ans.

Selon acte sous seing privé du 7 novembre 2012, M. [Y] [H] s'est porté caution solidaire de l'ensemble des sommes susceptibles d'être dues par la SARL Sud Travaux Provence à la banque, dans la limite de la somme de 143.000 euros et pour la durée de dix ans.

Par jugement du 18 février 2014, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la SARL Sud Travaux Provence, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 8 avril 2014.

La banque a déclaré ses créances au passif de cette procédure collective, pour les sommes de, à titre chirographaire et échu, 49.658,72 euros, et, à titre chirographaire et non échu, 1.945,62 euros.

La procédure de liquidation judiciaire de la SARL Sud Travaux Provence a été clôturée pour insuffisance d'actifs par jugement du 8 décembre 2017.

Par lettres recommandées des 25 septembre 2018 et 1er mars 2019, la SA Société Marseillaise de Crédit a mis en demeure la caution de lui régler la somme restant due en principal de 30.786,05 euros.

La banque a déposé une requête aux fins d'injonction de payer, à laquelle le président du tribunal de commerce de Salon-de-Provence a fait droit par ordonnance du 26 mars 2019.

L'ordonnance lui ayant été signifiée le 4 avril 2019, M. [Y] [H] a formé opposition le 11 avril 2019.

Par jugement du 14 mai 2020, le tribunal de commerce de Salon-de-Provence a :

- infirmé l'ordonnance rendue par le tribunal de commerce de Salon-de-Provence en date du 26 mars 2019, n° IP 2019000195,

- dit que les cautionnements du 11 juin 2012 à hauteur de 78.000 euros et du 7 novembre 2012 à hauteur de 143.000 euros sont nuls et de nul effet pour disproportion manifeste en regard du patrimoine et des revenus de M. [H],

- débouté en conséquence la Société Marseillaise de Crédit de ses demandes à voir condamner M. [H] au paiement des dites cautions,

- débouté M. [H] de sa demande à se voir payer des dommages et intérêts par la Société Marseillaise de Crédit,

- débouté les parties de leurs autres demandes et prétentions,

- condamné la Société Marseillaise de Crédit au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné la Société Marseillaise de Crédit en tous les dépens de l'instance.

Suivant déclaration du 4 juin 2020, la SA Société Marseillaise de Crédit a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées et déposées le 20 mars 2023, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la SA Société Générale, venant aux droits de la SA Société Marseillaise de Crédit, demande à la cour de :

- recevoir son appel, et le dire bien fondé,

- juger l'opposition formée contre l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Salon-de-Provence en date du 26 mars 2019 n°IP2019000195 par M. [Y] [H] le 11 avril 2019 parfaitement infondée,

- constater qu'il n'existe aucune impossibilité manifeste pour M. [Y] [H] de faire face à ses engagements de caution au jour de la souscription,

en conséquence, statuant à nouveau,

- rejeter l'intégralité des moyens de défense, fins de non-recevoir, demandes et conclusions de M. [Y] [H] comme manifestement irrecevables, infondés et injustifiés et particulièrement s'agissant du moyen tiré de la disproportion manifeste, entendue comme impossibilité manifeste, au jour de la souscription des engagements de caution,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Salon-de-Provence en date du 14 mai 2020 en toutes ses dispositions,

- confirmer l'ordonnance rendue par le tribunal de commerce de Salon-de-Provence en date du 26 mars 2019 n°IP 2019000195,

- condamner M. [Y] [H] en qualité de caution personnelle et solidaire de la SARL Sud Travaux Provence à lui payer la somme de 28.651,79 euros au titre des créances cédées échues, impayées et non contestées, outre intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2018 date de la mise en demeure et jusqu'à parfait règlement avec capitalisation annuelle,

- condamner M. [Y] [H] en qualité de caution personnelle et solidaire de la SARL Sud Travaux Provence à lui payer la somme de 2.134,26 euros au titre du solde débiteur du compte professionnel, non contesté et impayé outre intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2018 date de la mise en demeure et jusqu'à parfait règlement avec capitalisation annuelle,

- condamner M. [Y] [H] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens prononcés depuis l'injonction de payer distraits au profit de Me Caroline Payen, avocat associé au sein de la SCP Drujon d'Astros & Associés, avocats, sur son affirmation de droit.

Par ses dernières conclusions notifiées et déposées le 3 mars 2023, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [Y] [H] demande à la cour de :

- déclarer nulle la déclaration d'appel formée le 4 juin 2020 par la Société Marseillaise de Crédit,

- déclarer irrecevable l'appel,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- infirmé l'ordonnance rendue par le tribunal de commerce de Salon-de-Provence en date du 26 mars 2019 et

- déclaré les cautionnements nuls et de nul effet pour disproportion manifeste et en ce qu'il a débouté la Société Marseillaise de Crédit de ses demandes de le voir condamner au paiement des dites cautions,

- condamné la Société Marseillaise de Crédit au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700, outre les dépens,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de ses autres demandes,

- rejuger à nouveau tel que suit y ajouter :

- juger que l'acte de cautionnement du 11 juin 2012 ne porte pas sa signature,

- prononcer la nullité de l'acte de cautionnement du 11 juin 2012,

- juger que l'acte de cautionnement du 7 novembre 2012 ne respecte pas le formalisme de l'article L341-2 du code de la consommation,

- prononcer la nullité de l'acte de cautionnement du 7 novembre 2012,

- juger que la Société Marseillaise de Crédit n'a pas satisfait à son obligation de mise en garde envers lui, caution non avertie,

- juger que la banque Société Marseillaise de Crédit ne justifie pas avoir exécuté à son égard ni son obligation d'information relative au premier incident de paiement, ni son obligation d'information annuelle,

en tout état de cause :

- débouter la banque Société Marseillaise de Crédit de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- juger que la banque Société Marseillaise de Crédit ne peut se prévaloir des actes de cautionnement souscrits par lui,

- prononcer à l'encontre de la Société Marseillaise de Crédit la déchéance du droit aux pénalités et intérêts de retard,

- condamner la Société Marseillaise de Crédit à lui payer une somme équivalente à celle qu'elle lui réclame, et ce à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi,

- ordonner la compensation entre les sommes éventuellement dues par lui et celles auxquelles la Société Marseillaise de Crédit sera condamnée,

- condamner la banque Société Marseillaise de Crédit à lui payer la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens, en sus de l'article 700 de première instance.

MOTIFS

Sur la nullité de la déclaration d'appel :

Au visa des articles 901 et 542 du code de procédure civile, M. [Y] [H] demande que soit déclarée nulle la déclaration d'appel formée le 4 juin 2020, au motif qu'elle ne comporte aucun objet, seulement l'énumération des chefs visés.

Mais, cette prétendue nullité pour vice de forme n'ayant, au vu notamment de ses premières conclusions au fond notifiées le 6 octobre 2020, jamais été invoquée par l'intimé antérieurement à ses dernières écritures du 3 mars 2023, l'exception de nullité ainsi soulevée est irrecevable en application de l'article 112 du code précité.

Sur la créance de la banque à l'encontre de la débitrice principale :

M. [Y] [H] soutient que l'appelante ne justifie pas de la créance, qui trouverait son origine dans le non-paiement de créances escomptées, dont elle se prétend titulaire, alors qu'il ressort des pièces versées aux débats que plusieurs des créances cédées ont fait l'objet d'un règlement, la poursuite de la banque ne concernant plus aujourd'hui que la somme de 28.651,79 euros, qu'ainsi, préalablement à son engagement de caution, il appartient à l'appelante de justifier des diligences faites pour obtenir le règlement des créances qui lui ont été cédées.

Cependant, des documents produits, il résulte que, aux termes de sa déclaration de créances au passif de la procédure collective de la SARL Sud Travaux Provence, qui n'a pas fait l'objet de contestation, la banque a, au titre des créances professionnelles [M], déclaré, outre un encours alors non échu de 1.945,62 euros, des créances échues et impayées de 50.544,46 euros, précision faite que le solde de la retenue sur bordereau de cession dont elle bénéficiait en vertu de la lettre du 11 juin 2012 s'élevait alors à 3.020 euros, que, selon les relevés établis au titre des créances [M], lui a été versée, le 7 avril 2015, une somme qui a été recouvrée pour un total de 20.818,29 euros, de sorte que le montant de sa créance à ce titre à l'encontre de la débitrice principale est effectivement justifié à hauteur de 28.651,79 euros.

Dès lors, ainsi que le fait remarquer la SA Société Générale, il appartient à l'intimé de démontrer que d'autres paiements seraient intervenus, quand, en tout état de cause, ce dernier n'est nullement fondé, en sa qualité de caution solidaire, à prétendre opposer au créancier le bénéfice de discussion.

Sur la nullité des actes de cautionnement :

S'agissant du cautionnement du 11 juin 2012, M. [Y] [H] fait valoir qu'il n'est pas le signataire de l'acte.

En ce qui concerne celui du 7 novembre 2012, il expose que la formule manuscrite n'est pas conforme aux dispositions de l'article L.341-2 du code de la consommation, qu'en effet, il manque la fin de la mention obligatoire en ce qu'elle ne précise rien sur les éventuels manquements de la société Sud Travaux qui justifieraient sa mobilisation.

Sur ce dernier point, il apparaît effectivement que la mention manuscrite, en ce qu'elle n'est pas complète puisque manque l'indication « n'y satisfait pas elle-même », n'est pas conforme aux prescriptions impératives du texte précité.

Et, dans la mesure où la partie manquante prive de sens la phrase prévue à peine de nullité, il ne peut qu'être fait droit à la demande de ce chef en ce qui concerne le cautionnement du 7 novembre 2012.

En revanche, il n'y a pas lieu à annulation de l'acte souscrit le 11 juin 2012.

En effet, si l'intimé, qui ne conteste pas être le rédacteur de la mention manuscrite conforme aux dispositions des anciens articles L.341-2 et L.341-3 du code de la consommation, dénie en être le signataire, il ressort de l'ensemble des pièces portant sa signature qui sont versées aux débats sans qu'il conteste en être l'auteur que cette signature est, selon les documents, souvent différente, que cependant la signature qui figure sur le cautionnement litigieux émane manifestement de la même main que celle apposée sur la convention de cession de créances professionnelles, qu'il a signée en sa qualité de gérant de la SARL Sud Travaux Provence, et dont il ne prétend pas qu'il s'agirait d'un faux.

Sur le grief de disproportion :

Invoquant les dispositions de l'article L.341-4 du code de la consommation alors applicable, M. [Y] [H] soutient que, lorsqu'il a souscrit l'engagement du 11 juin 2012, la banque a omis d'exécuter son obligation de contrôle de la proportionnalité de ses revenus et biens, que, son épouse n'étant pas intervenue à l'acte, ses revenus et patrimoine doivent être écartés de l'assiette retenue pour apprécier la disproportion, qu'il est évident en l'espèce que se porter caution à hauteur de 78.000 euros alors que ses revenus annuels sont de 38.000 euros est manifestement disproportionné, que devra être prononcée la nullité de l'acte de cautionnement litigieux.

La SA Société Générale, qui rappelle par ailleurs que la sanction de la disproportion d'un engagement de caution n'est pas la nullité, réplique notamment qu'elle a bien pris le soin de se renseigner sur le patrimoine et le montant des revenus fixes de l'intimé, que c'est manifestement par erreur que le tribunal, qui en outre a retenu l'existence d'une obligation de renseignement supplémentaire, n'a pas tenu compte de l'indication par la caution de son actif immobilier, que les engagements de cette dernière n'étaient pas manifestement disproportionnés à ses biens et revenus au moment de leur conclusion, qu'en tout état de cause, au regard de sa situation et du montant réclamé, M. [Y] [H] peut faire face à son obligation.

Sur ce, aux termes du texte invoqué, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Pour l'application de ces dispositions, c'est à la caution qu'il incombe de rapporter la preuve de la disproportion qu'elle allègue, et au créancier qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné d'établir qu'au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.

Le caractère manifestement disproportionné du cautionnement s'apprécie au regard, d'un côté, de l'ensemble des engagements souscrits par la caution, d'un autre côté, de ses biens et revenus, sans tenir compte des résultats escomptés de l'opération garantie.

La situation de la caution doit donc être examinée à la date de l'engagement litigieux du 11 juin 2012.

Il est tout d'abord rappelé que, contrairement à ce qu'affirme l'intimé, l'établissement d'une fiche de renseignements par la banque n'est pas obligatoire, l'existence d'un tel document, certifié sincère par son signataire ayant simplement pour effet de dispenser le créancier, qui, sauf anomalies apparentes, est en droit de s'y fier, de vérifier l'exactitude des déclarations de son client, lequel ne peut ensuite se prévaloir de leur fausseté pour échapper à ses obligations.

A cet égard, l'appelante produit d'ailleurs une « fiche de renseignements de solvabilité personne physique » concernant M. [Y] [H], certes antérieure de quelques mois à l'acte en cause puisque datée du 24 janvier 2012, dont ce dernier conteste l'authenticité alors pourtant qu'y figurent son paraphe et, sous la mention manuscrite attestant de l'exactitude des renseignements donnés dont l'écriture est par comparaison à tous les autres documents versés aux débats manifestement de sa main, sa signature.

De ce document, il résulte essentiellement que l'intimé, gérant d'une société Provence Investissements, percevait des revenus annuels de 42.000 euros, qu'il était propriétaire de son logement à [Localité 5], alors estimé à 350.000 euros, qu'il n'avait pas d'autre crédit en cours qu'un prêt personnel pour un montant restant dû de 24.000 euros, qu'il n'avait alors donné aucune caution.

Ceci étant, outre que M. [Y] [H] ne justifie pas d'une quelconque modification qui serait intervenue dans sa situation entre le 24 janvier et le 11 juin 2012, et que les pièces qu'il produit ne contredisent pas les éléments précédemment évoqués, il apparaît en revanche, au vu des documents dont il entend désormais se prévaloir, tel notamment son avis d'imposition 2013 sur les revenus de 2012, qu'il disposait alors également de capitaux mobiliers, dont ni la nature ni la valeur ne sont cependant par lui démontrées.

Ainsi, au vu de l'ensemble des éléments précités et sans qu'il y ait davantage lieu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, il ne peut qu'être constaté que le caractère prétendument manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution de l'engagement conclu le 11 juin 2012 dans la limite de la somme de 78.000 euros n'est aucunement établi.

Le moyen tiré de l'application de l'ancien article L.341-4 du code de la consommation est donc écarté en ce qui concerne ce cautionnement.

Sur le devoir de mise en garde :

L'intimé expose que, ayant toujours travaillé en qualité de salarié, il était âgé de quarante-six ans lorsqu'il a créé la SARL Sud Travaux Provence et contracté ses premiers engagements, qu'il n'avait aucune connaissance du monde des affaires et des mécanismes de cautionnement, que, d'ailleurs, la banque n'apporte au débat aucun élément susceptible de nier son caractère de caution non avertie, que, eu égard à sa totale inexpérience, elle n'a pas hésité à lui faire souscrire à deux mois d'intervalle deux actes de cautionnements à hauteur de 221.000 euros, qu'il est évident que l'appelante a commis une faute en manquant à son devoir de mise en garde, qu'en effet, elle a consenti des concours bancaires excessifs à la société cautionnée, commettant par là même une faute à son égard dans la mesure où ils n'ont été accordés qu'en considération des engagements de caution recueillis.

La SA Société Générale répond que la demande de dommages et intérêts formulée reconventionnellement à ce titre est manifestement prescrite eu égard à l'ancienneté de la souscription, qu'en tout état de cause, elle est infondée, qu'en effet, elle n'était tenue à aucune obligation de mise en garde au regard de la qualité de caution avertie de M. [Y] [H], gérant et associé de la SARL Sud Travaux Provence et de la SARL Provence Investissements créée en 2010, que, par ailleurs, le risque d'endettement excessif était à l'évidence exclu.

S'agissant de la fin de non-recevoir soulevée par l'appelante au visa de l'article 2224 du code civil, elle doit en l'espèce être rejetée.

En effet, ainsi que le rappelle la banque elle-même, en application du texte précité, la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu connaissance précédemment.

Dès lors, l'action de la caution court, non pas comme le soutient la SA Société Générale à compter de la souscription de son engagement, mais à partir du moment où elle est avisée de ce qu'elle va être amenée à l'honorer.

Et la prescription quinquennale ne saurait donc ici être acquise.

Au fond, l'obligation de mise en garde à laquelle est tenu le banquier dispensateur de crédit envers une caution est subordonnée à deux conditions, la qualité de caution non avertie, et l'existence, au regard des capacités financières de cette dernière ou de l'emprunteur, d'un risque d'endettement né de l'octroi du prêt.

Comme le fait valoir l'intimé, la qualité de dirigeant de société ne suffit pas à établir le caractère averti de la caution, et, en l'espèce, il ne résulte pas des pièces produites que M. [Y] [H], qui exerçait cette activité de gérant depuis 2010, disposait, lorsqu'il a souscrit le cautionnement litigieux, le 11 juin 2012, d'une compétence et d'une expérience en matière économique et financière lui permettant de mesurer les risques attachés à ses engagements.

Il doit dès lors être considéré comme étant une caution non avertie.

Cependant, il ne peut qu'être constaté, au regard des éléments précédemment évoqués quant à sa situation financière et patrimoniale, que n'est aucunement démontrée l'existence, au regard de ses capacités financières, d'un risque d'endettement né de l'octroi des crédits consentis à la date de l'acte litigieux.

Par ailleurs, l'intimé n'établit pas davantage l'existence, au regard des capacités financières de la débitrice principale, d'un tel risque d'endettement, le constat que la SARL Sud Travaux Provence ait fait l'objet d'une procédure collective moins de deux ans après la souscription dudit cautionnement ne pouvant suffire à démontrer que l'entreprise était vouée à l'échec lorsque la banque lui a accordé ses concours.

En conséquence, la caution, qui n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de l'appelante au titre d'un devoir de mise en garde dont celle-ci n'était pas débitrice à son égard, est déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts.

Sur l'information annuelle de la caution :

Invoquant les dispositions de l'article L.313-22 du code monétaire et financier, M. [Y] [H], qui expose qu'il n'a pas, depuis la souscription de l'acte litigieux, reçu de lettre d'information annuelle émanant de la banque, sollicite que cette dernière soit déchue de son droit aux intérêts.

La SA Société Générale réplique que, contrairement à ce qu'il prétend, l'intimé a constamment et annuellement été tenu informé, que, notamment, elle n'a pas à justifier de la réception par la caution de cette information, que le moyen est au demeurant sans objet, seuls des intérêts au taux légal étant par elle réclamés.

Sur ce, par les seuls éléments produits, en l'occurrence quelques listings informatiques, la banque ne démontre pas avoir respecté l'obligation d'information annuelle de la caution qui lui incombe en vertu du texte d'ordre public précité.

Ainsi, par application dudit article L.313-22, le manquement de l'appelante à cette obligation emporte, dans les rapports entre elle et la caution, déchéance des intérêts échus depuis le 31 mars 2013, date avant laquelle devait intervenir pour la première fois l'information annuelle, les paiements effectués par la débitrice principale, la SARL Sud Travaux Provence, étant réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement bancaire, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

Cependant, des pièces versées aux débats, il résulte que la dette de la société cautionnée au titre des créances [M] impayées ne comporte pas d'intérêts, de sorte que la sanction encourue est ici dépourvue d'effet.

La SA Société Générale est ainsi fondée en sa demande tendant à voir condamner M. [Y] [H] à lui payer à ce titre la somme de 28.651,79 euros, outre intérêts au taux légal à compter de sa mise en demeure en qualité de caution, le 25 septembre 2018, les dits intérêts se capitalisant dans les termes de l'article 1343-2 du code civil.

S'agissant du solde débiteur du compte courant de la SARL Sud Travaux Provence, au vu des différents éléments produits par la banque, le montant de la créance de cette dernière à l'encontre de la caution est, déduction faite d'agios pour un montant de 604,05 euros, fixée à ce titre à la somme de 1.530,21 euros, laquelle porte intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2018, avec capitalisation en application de l'article 1343-2 précité.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare irrecevable l'exception de nullité de la déclaration d'appel soulevée par M. [Y] [H],

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Prononce la nullité de l'engagement de caution souscrit par M. [Y] [H] le 7 novembre 2012,

Condamne M. [Y] [H], en vertu de son engagement de caution du 11 juin 2012, à payer à la SA Société Générale :

- au titre des créances [M] impayées, la somme de 28.651,79 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2018, et capitalisation annuelle,

- au titre du solde débiteur du compte courant, la somme de 1.530,21 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2018, et capitalisation annuelle,

Déboute M. [Y] [H] de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts,

Condamne M. [Y] [H] à payer à la SA Société Générale la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Le condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-3
Numéro d'arrêt : 20/05156
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;20.05156 ?
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