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04/07/2024 | FRANCE | N°20/03562

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 04 juillet 2024, 20/03562


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 04 JUILLET 2024



N° 2024/ 119





RG 20/03562

N° Portalis DBVB-V-B7E-BFXDE







[T] [C]





C/



S.N.C. SONALEX



















Copie exécutoire délivrée le 4 juillet 2024 à :



- Me Christel ANDRAUD, avocat au barreau de MARSEILLE





- Me Nadine SOULAN, avocat au barreau de MARSEILLE


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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 13 Février 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 18/01655.





APPELANT



Monsieur [T] [C], demeurant [Adresse 2]



repr...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024

N° 2024/ 119

RG 20/03562

N° Portalis DBVB-V-B7E-BFXDE

[T] [C]

C/

S.N.C. SONALEX

Copie exécutoire délivrée le 4 juillet 2024 à :

- Me Christel ANDRAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Nadine SOULAN, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 13 Février 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 18/01655.

APPELANT

Monsieur [T] [C], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Christel ANDRAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

S.N.C. SONALEX, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Nadine SOULAN, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

Le 13 septembre 2010, la société Sonalex, exploitant un fonds de commerce de bar, tabac, brasserie Le San [M], au sein d'un centre commercial à [Localité 3], a embauché à temps complet M. [T] [C], en qualité de serveur niveau 1 échelon 1 de la convention collective nationale des Hôtels Cafés Restaurants dite HCR.

Il travaillait sous la responsabilité de la gérante Mme [U] [W].

Par avenant, le salarié a bénéficié d'un temps partiel de 20 h par semaine, à compter du 1er janvier 2014.

Selon ordonnance du 1er février 2018, la formation de référés du conseil de prud'hommes de Marseille, saisie par M.[C] d'une erreur commise sur le bulletin de novembre 2017, a constaté la remise des documents sollicités et a condamné la société à payer au salarié la somme provisionnelle de 600 euros au titre du préjudice moral.

Le salarié a été en arrêt pour maladie à compter du 22 novembre 2017.

Après étude du poste le 1er février 2018, la médecine du travail a, lors de la visite de reprise du 5 février 2018, déclaré M.[C] inapte à son poste, précisant que son état de santé fait obstacle à tout reclassement.

Convoqué à un entretien préalable au licenciement pour le 1er mars 2018, le salarié a été licencié pour iaptitude et impossibilité de reclassement par lettre recommandée du 5 mars 2018.

Considérant avoir été victime de harcèlement moral, M.[C] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille au fond, afin notamment de voir dire son licenciement nul et obtenir diverses sommes à caractère salarial et indemnitaire.

Selon jugement du 13 février 2020, le conseil de prud'hommes a débouté M.[C] de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Le conseil du salarié a interjeté appel par déclaration du 9 mars 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 8 mars 2022, M.[C] demande à la cour de :

«REFORMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Marseille du 13 février 2020 en toutes des dispositions

STATUER A NOUVEAU

DIRE le licenciement de Monsieur [C] nul,

EN CONSEQUENCE,

CONDAMNER la société SONALEX au paiement des sommes suivantes :

- 2186,28 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 218,62 € à titre d'incidence congés payés sur indemnité précitée

ORDONNER à la société SONALEX, sous astreinte de 150,00 € par jour de retard, 15 jours à compter de la notification de jugement à intervenir, d'avoir à délivrer à Monsieur [C] les documents suivants :

-Bulletins de salaire rectifiés du chef du préavis

-Attestation Pôle emploi rectifiée du même chef et mentionnant au titre de la rupture un licenciement nul

DIRE que la Cour de céans se réservera le droit de liquider l'astreinte sur simple requête de Monsieur [C]

DIRE que les créances salariales précitées porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes

CONDAMNER en outre la société SONALEX au paiement des sommes suivantes :

- 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul

- 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive

- 2000 € au titre de l'article 700 du CPC

DIRE que les créances indemnitaires précitées porteront intérêt au taux légal à compter du jugement à intervenir,

ORDONNER la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1343 du Code civil,

CONDAMNER la société défenderesse aux entiers dépens, y compris les honoraires d'Huissier qui pourraient être dus au titre de l'exécution du jugement à intervenir, ce en application des dispositions de l'article 10 du décret du 12 décembre 1996.»

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 20 mars 2024, la société demande à la cour de :

«Confirmer le jugement du Conseil des prud'hommes de [Localité 3] du 13 février 2020 en toutes ses dispositions.

Débouter Monsieur [C] de sa demande au titre du harcèlement moral.

Débouter Monsieur [C] de sa demande au titre de l'exécution fautive du contrat de travail.

Débouter Monsieur [C] de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement.

À titre subsidiaire, réduire dans de grandes proportions le montant des dommages et intérêts sollicités au titre de l'exécution fautive du contrat de travail.

De même, à titre subsidiaire, réduire le montant des dommages et intérêts pour licenciement nul qui ne saurait excéder la somme de 6 558€.

Débouter Monsieur [C] de sa demande formulée au titre de l'article 700 du CPC.

A titre subsidiaire, réduire le montant sollicité au titre de l'article 700 du CPC.

À titre reconventionnel, condamner Monsieur [C] au paiement de la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.»

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur le harcèlement moral

Selon l'article L1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En vertu de l'article L1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Le salarié invoque des conditions de travail dégradées à compter d'avril 2016, après le changement de propriétaire.

Il indique avoir été victime de multiples remarques désobligeantes de la part de son employeur, notamment concernant son état de santé et le fait qu'il était contraint d'être placé en arrêt de travail et avoir été même accusé de voler dans la caisse, de manière totalement infondée, aucune plainte n'ayant été d'ailleurs déposée par la société, ce qui démontre à l'évidence le caractère purement mensonger de ce grief.

Il précise que les agissements répétés de la société, combinés à la dégradation des conditions de travail l'ont contraint à être placé en arrêt de travail à compter du 9 novembre 2017.

Il déclare qu'à cette occasion, la société lui faisait part de son intention de l'évincer, ce qui ressort très clairement du courrier du 24 novembre 2017, par lequel il se plaignait du harcèlement dont il était victime.

Il ajoute que le médecin du travail était avisé de son état d'anxiété en lien avec son environnement de travail.

Le salarié décrit les faits suivants :

- mise à l'écart en ne lui adressant pas la parole

- dénigrement auprès de ses collègues de travail, notamment s'agissant de ses arrêts de travail

- retrait des tâches sur la tenue de la caisse du tabac.

Il produit à l'appui :

- le témoignage de M.[J], cuisinier, (pièce 5) indiquant «j'ai vus à plusieurs reprises des altercations avec M.[C] et les 2 patrons. A chaque arrêt de travail, c'était des reproches ne le croyant pas. Une mise à l'écart s'est installé petit à petit,(...) ont ne lui disait même plus bonjour, ont lui a supprimé la responsabilitée du tabac ainsi que le bar. Les patrons ont dit que M.[C] étais accusé de vol.»

- l'attestation de Mme [E] [N], serveuse du 01/12/2009 au 31/07/2014, indiquant que «M.[C] était responsable du tabac et de la salle, personne fiable et responsable» et que lors du changement de propriétaire, elle a été reprise avec une période d'essai de 2 mois mais «ils ne m'ont pas gardé sans raison», expliquant que «M.[C] n'avait plus toutes ses responsabilités et l'ambiance avait changé» (pièce 6)

- une autre attestation de Mme [N] (pièce 30), en ces termes : « Je reviens sur l'attestation qui a été faite par la société SONALEX. Une personne se faisant passer pour un officier de police judiciaire nommé [M] [S], afin de me questionner sur l'attestation que j'ai faite à Monsieur [C] pour l'affaire du SAN [M], j'ai bien répondu à toutes ces questions concernant mes dires sur l'attestation que j'ai faite à Monsieur [C].

En aucun cas je n'ai donné ma pièce d'identité et la page 2 est purement et simplement un faux, d'ailleurs ce n'est pas ma signature.

Ensuite, je reconfirme que quand j'ai travaillé au SAN [M] pour Monsieur [R] et Monsieur [I], Monsieur [C] avait bien le poste de chef de rang et par moment de la vente de tabac.»

- l'attestation de Mme [G] [F], sa conjointe, relatant que «M.[C] subit depuis plusieurs mois par ces employeurs Mr. [R], des propos désobligeants et des propos dévalorisants sur son travail», relatant que le 22 novembre, il lui a raconté «qu'il a était pris à partis par ses patrons Mr.[R] et Mr.[I] stipulant qu'ils ne voulaient plus de lui au bar. Mr [C] est rentré en état de choc» (pièce 7)

- le témoignage de son fils [D] sur son état afaibli (pièce 31)

- l'attestation d'un ami venu en janvier 2020 au bar et ayant appris par un serveur « que M.[C] avait été viré car il a été attrapé en train de volé de l'argent» (pièce 33)

- sa lettre du 24/11/2017 (pièce 25) : «Je fais suite à notre entrevue du 22/11/2017.ou vous avez évoqué votre envie de me licencier (bien que je sois actuellement en arrêt maladie); vous m'avez indiqué que vous préfériez en passer par une rupture conventionnelle mais sans vouloir me payer toutes les indemnités qui m'étaient dues (...). vous êtes allés jusqu'à me menacer de porter plainte contre moi pour vol si je n'acceptais pas vos conditions. (...) L'état moral dans lequel je me trouve aujourd'hui est la résultante d'un harcèlement moral que je subis de votre part depuis de nombreuses semaines et qui m'a fait tomber en dépression.(...)».

Il fait état des éléments médicaux suivants :

- son dossier personnel de la médecine du travail (pièce 4) dans lequel la médecine du travail a noté lors de la visite du 02/10/2017 : «mi-temps invalidité 1 (...) état de santé compatible avec le poste de travail sous réserve d'un temps partiel et de restriction du port de charges lourdes $gt; 10 kgs. A voir dans 12 mois» puis lors de la visite du 17/01/2018, au titre des allégations : «dit avoir des problèmes relationnels dans son environnement pro», notant la cause de l'arrêt de travail: syndrome anxiodépressif

- ses arrêts de prolongation des 29/11 et 15/12/2017 (pièce 27)

- le certificat du Dr [A] médecin traitant du 06/07/2018, certifiant «avoir vu en consultation M.[C] pour des problèmes d'anxiété liés à son travail depuis juin 2017.»

- la lettre du Dr [L], psychiatre, du 16/01/2018 et son attestation du 21/02/2018 (pièces 10 & 10bis) indiquant «sur fond de personnalité fragile et limite, ce patient décompense sur un mode dépressif, impulsif et anxieux, suite à des difficultés qu'il juge insurmontable avec son employeur» et précisant le suivre depuis le 29/11/17 :«le patient souffre d'un état anxieux sévère, réactionnel d'après ses dires, à des difficultés professionelles récurrentes».

Concernant les remarques désobligeantes, la conjointe du salarié n'a pu en être le témoin et sur ce point, tant le cuisinier dans son attestation que M.[C] ne citent aucun propos précis ni aucune date, étant relevé en outre que le salarié n'a été absent pour cause de maladie que les 9 & 10 novembre 2017.

L'accusation de vol, dont la réalité n'est pas démontrée autrement que par des propos rapportés et postérieurement à la rupture, ne peut être retenue.

En conséquence, hormis ces faits non circonstanciés, les autres faits, pris dans leur ensemble, pourraient laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral.

La société fait valoir que le salarié ne démontre l'existence d'aucun fait, même isolé, qui

pourrait constituer du harcèlement moral, procédant par de simples allégations dénuées de toute matérialité.

Elle soutient que la demande tendant à contester le retrait de certaines fonctions est prescrite, considérant en tout état de cause que si les anciens propriétaires ont demandé à M.[C] de s'occuper de la vente de tabac, cette attribution était totalement illégale, rappelant les dispositions des articles 3, 22 et 23 du décret du 28 juin 2010, qui encadrent la profession.

Elle estime que les éléments présentés par M.[C] pour dire qu'on lui a retiré la qualité de chef de rang sont insuffisants, n'ayant jamais émis une quelconque contestation sur l'indication d'un emploi différent depuis avril 2016, date de la cession.

Elle fait état du paiement en lieu et place du salarié de sa taxe d'habitation par deux fois, correspondant à un prêt à taux zéro, ce qui vient contredire le prétendu contexte de harcèlement moral.

Elle produit à l'appui :

- deux attestations du second de cuisine Mme [P] (pièce 9 & 15), arrivée en août 2016, laquelle indique: « [T] n'était pas un bon élément dans notre équipe. Il mettait une mauvaise ambiance. Il ne se mélangeait pas à nous. Il ne mangeait pas avec nous mais à part, il lisait son journal et partait. Il se disputait en plein service avec le chef et moi.

Il disait bonjour aux clients qu'il voulait. Il prenait les commandes des clientes qu'il connaissait ou voulait draguer. Il faisait pareil avec les bons de commande. Les autres clients, à la limite il les envoyait balader»

- deux attestations de M.[V] [H] (pièce 10 & 14) décrivant le salarié comme non motivé, parlant peu, :« Mr [C] arrivait le matin ou après-midi selon son planning, disait simplement bonjour. Pendant le service celui-ci n'adressait pas la parole à quelques personnes salariées et partait après sa prestation en disant simplement au revoir ». ajoutant qu'il «n'ai jamais passé au comptoir débit de tabac» et précisant qu'il travaille depuis 2015 et qu'il n'y a jamais eu de chef de rang, qu'ils étaient tous serveurs, faisant la même chose

- le rapport de [X] [S] ( pièce 11) du 8 septembre 2018, se déclarant directeur d'enquête de droit privé, indiquant « je me suis transporté sur le lieu de travail de Monsieur [C] aux fins de constatation sur le comportement et agissements de Monsieur [C]. Je me suis installé comme un client lambda, je dis bonjour à Monsieur [C] et lui ai demandé un café, celui-ci ne m'a pas répondu, plutôt ignoré, j'ai réitéré ma demande par 3 fois, il n'a pas réagi, j'ai alors commandé mon café à un responsable de la brasserie, en la personne de Monsieur [R], qui a demandé à Monsieur [C] de faire un café et de le servir.

J'ai de même constaté qu'il ne débarrassait pas les tables inoccupées et discuter avec des clients faisant parti de son entourage proche, de ce fait les clients qui attendaient pour s'installer attendaient que la table soit prête et nettoyée »

- l'attestation d'une cliente déclarant : « Mr [C] était froid avec les clients.... il n'avait aucune envie de s'investir et pour lui, les clients l'ennuyaient. Il faisait plus acte de présence que de travail.... Il m'est arrivé d'avoir des réflexions de Me [C] [T], tel que je cite « si vous voulez du pain, vous vous levez et allez le chercher à la boulangerie ». (pièce 16)

- l'annexe au contrat de gérance du débit de tabac (pièce 17) indiquant que Mme [R] [O] est la gérante, comme ayant suivi un stage de formation professionnelle initiale du 16 au 19/12/2014, et M [I] étant désigné comme suppléant, ayant suivi le stage du 16 au 19/02/2016

- l'attestation de M.[I] (pièces 18 & 19) confirmant avoir effectué un stage de trois jours pour les douanes

- la fiche de poste de chef de rang

- le registre d'entrées et sorties (pièce 26)

- une attestation de l'expert comptable (pièce 27).

La preuve étant libre en droit social, il n'y a pas lieu d'écarter les attestations de Mme [P] et de M.[H] réécrites par eux, mais de constater que M.[X] [S], est un agent de recherches privées, qui invoque à tort l'article 202 du code de procédure civile comme une règle de déontologie alors qu'il s'agit des règles édictées en matière d'attestations, qu'il n'a d'ailleurs pas respectées pour partie dans le cadre de son «enquête», omettant également de préciser à quelle date il s'est rendu dans l'établissement.

S'agissant de la mise à l'écart du salarié , celle-ci est évoquée en termes généraux par le cuisisiner et est contredite par les attestations des serveurs en salle, démontrant que c'est l'intéressé qui ne créait pas de lien et par les clients avec lesquels, le salarié avait un contact rugueux.

Concernant le retrait de certaines attributions, ainsi que l'a jugé le conseil de prud'hommes, c'est en toute illégalité et au mépris des textes spécifiques à la vente de tabac, que M.[C] a pu procéder à la vente à la place de la gérante, ne justifiant pas avoir effectué le stage de formation initiale ; les nouveaux gérants démontrent avoir tous deux compétence pour ce faire, de sorte que c'est pour une raison objective d'organisation que M.[C] n'a pas été sollicité.

Le salarié prétend qu'il occupait le poste de chef de rang jusqu'à l'arrivée des nouveaux propriétaires mais cette qualification n'apparaît que sur un bulletin de salaire de décembre 2011 et un autre de février 2016, ainsi que dans un descriptif du personnel fait dans l'acte de cession par la précédente gérante, mais force est de constater que d'une part, le contrat de travail n'a pas été modifié et d'autre part, qu'aucun autre élément ne vient corroborer ces simples présomptions, le salarié ne citant pas le nom des salariés qui auraient été sous ses ordres.

En effet, l'attestation de Mme [N] est peu crédible, au regard de ses propres déclarations faites à M.[S] où elle qualifiait M.[C] d'employé polyvalent ; par ailleurs, la classification pour un serveur chevronné et un chef de rang est semblable, l'indication donnée par la médecine du travail dans le dossier médical résultant des seuls dires de M.[C] et ce dernier n'ayant pas même revendiqué cette qualification dans ses écrits à l'employeur et à l'expert comptable, ni dans sa requête en référé.

En conséquence, au regard du nombre de salariés dans l'entreprise, la cour dit que M.[C] n'établit pas avoir accompli réellement ces fonctions et dès lors, il n'a pu en être destitué.

Concernant les éléments médicaux, la cour relève, que contrairement aux affirmations de la société, les praticiens n'ont pas enfreint les règles déontologiques les concernant, puisqu'ils ont pris la précaution de préciser qu'il s'agissait des dires du patient, sauf le médecin traitant.

La réalité de l'état dépressif n'est pas contestable mais il ne peut à lui seul venir justifier une situation de harcèlement moral, étant précisé en outre que la reconnaissance de travailleur handicapé du 16/04/2018 soit postérieure au licenciement, comme l'inaptitude au poste sont en lien avec l'affection de spondylarthrite ankylosante dont souffrait M.[C] depuis plusieurs années et ayant conduit la médecine du travail à préconiser un temps partiel.

En conséquence, l'employeur démontrant que les faits présentés par M.[C] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la demande indemnitaire relative au harcèlement et celles subséquentes en nullité du licenciement, indemnisation de celui-ci et demandes accessoires doivent être rejetées, par confirmation du jugement.

Sur l'exécution fautive du contrat de travail

Au visa de l'article L.1222-1 du code du travail, M.[C] invoque le retard dans la régularisation du paiement de son salaire au titre du complément employeur et un manquement à l'obligation de sécurité, puisqu'il a été victime de harcèlement moral, considérant que les répercussions sur son état de santé ont été importantes du fait de l'inertie de l'employeur, malgré ses alertes.

La société indique que sur le 1er point, le salarié a été indemnisé de son préjudice par l'ordonnance de référé et que concernant sa réclamation de février 2018, elle a immédiatement adressé le complément non correctement chiffré par le cabinet d'expertise comptable.

Elle invite M.[C] à produire tous justificatifs sur les prétendues alertes qu'il aurait adressées à la société sur son état de santé, précisant que le certificat médical de son médecin traitant indique uniquement un état anxieux, le lien avec d'hypothétiques difficultés professionnelles ne bénéficiant ni de preuve ni même d'un commencement de preuve, hormis ses propres dires, et rappelant que l'affection dont souffre le salarié a été la cause en 2013 de la réduction de son temps de travail demandé par le médecin du travail à l'époque des anciens propriétaires de la brasserie et qui, vraisemblablement, est à l'origine de l'avis d'inaptitude.

La cour relève que la société a immédiatement répondu aux différentes missives du salarié sur le complément employeur le 26 mars 2018 et que M.[C] n'a maintenu aucune demande au fond notamment concernant l'indemnité de licenciement, de sorte qu'il n'a pu subsister aucun préjudice à ce titre, plus ample que celui déjà indemnisé par l'allocation d'une provision en référé.

A supposer que l'appelant invoque l'obligation de sécurité pesant sur l'employeur, au titre de la prévention du harcèlement moral, la cour relève que le salarié ne justifie pas de ses alertes, ayant écrit pour la première fois à son employeur le 24 novembre 2017, alors qu'il était déjà en arrêt pour maladie, ne lui permettant pas de mettre en oeuvre une action.

En outre, la médecine du travail n'a pas prescrit lors de la dernière visite de fin octobre 2017, d'autres mesures que le maintien du temps partiel avec l'absence de port de charges lourdes, dont il n'est pas dénié par le salarié, qu'elles ont été respectées.

La cour ajoute que l'employeur a fait preuve de bienveillance à l'égard du salarié, en lui avançant par deux fois le montant des taxes d'habitation en 2016 et 2017(pièces 35 & 36 société).

En conséquence, la cour confirme le jugement qui n'a pas retenu de manquement de la part de l'employeur dans le cadre de l'exécution du contrat de travail et a rejeté la demande indemnitaire de M.[C] à ce titre.

Sur les frais et dépens

L'appelant succombant totalement doit s'acquitter des dépens et être débouté de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La situation économique de M.[C] justifie d'écarter la demande de la société au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré, en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne M.[T] [C] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 20/03562
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;20.03562 ?
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