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04/07/2024 | FRANCE | N°20/03293

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-3, 04 juillet 2024, 20/03293


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3



ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024



N° 2024/88













Rôle N° RG 20/03293 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFWHH







S.A. XEDA INTERNATIONAL S.A.





C/



S.A.R.L. EXPEDITION INNOVATION FRUITS ET LEGUMES

Société GREENYARD FRESH DFM GERMANY GMBH



























Copie exécutoire délivrée

le :


à :



Me Romain CHERFILS



Me Sabrina KHEMAICIA



Me Karine TOLLINCHI

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de TARASCON en date du 06 Janvier 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 2018/02898.





APPELANTE



S.A. XEDA INTER...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024

N° 2024/88

Rôle N° RG 20/03293 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFWHH

S.A. XEDA INTERNATIONAL S.A.

C/

S.A.R.L. EXPEDITION INNOVATION FRUITS ET LEGUMES

Société GREENYARD FRESH DFM GERMANY GMBH

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Romain CHERFILS

Me Sabrina KHEMAICIA

Me Karine TOLLINCHI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de TARASCON en date du 06 Janvier 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 2018/02898.

APPELANTE

S.A. XEDA INTERNATIONAL, prise en la personne de son représentant légal

dont le siège social est sis [Adresse 6] - [Localité 1]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Jean-Baptiste MEYRIER, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIMEES

S.A.R.L. EXPEDITION INNOVATION FRUITS ET LEGUMES, prise en la personne de son représentant légal,

dont le siège social est sis [Adresse 4] - [Localité 2]

représentée par Me Sabrina KHEMAICIA, avocat au barreau de MARSEILLE assistée de Me Stéphane SERVANT de la SELEURL LSA PARIS, avocat au barreau de PARIS, plaidant

Société GREENYARD FRESH DFM GERMANY GMBH, poursuites et diligences de ses représentants légaux

dont le siège social est sis [Adresse 5] - [Localité 3] (ALLEMAGNE)

représentée par Me Karine TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI - CORINNE PERRET-VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe DELMOTTE, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe DELMOTTE, Président

Madame Françoise PETEL, Conseillère

Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe, après prorogation, le 04 Juillet 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024

Signé par Monsieur Philippe DELMOTTE, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige

Dans le cadre du présent arrêt, la cour emploiera indifféremment le terme de châtaignes ou de marrons, appellation admise et donnée aussi aux fruits comestibles du châtaignier.

La société Expédition Innovation Fruits et Légumes( Eifel) a pour activité principale le négoce de fruits et légumes ; elle avait pour clientes la société Greenyard Fresh DFM Germany (la société Greenyard), société ayant son siège en Allemagne, spécialisée dans la distribution de fruits et légumes frais, ainsi que la société Eurogroup Espana Frutas y Verduras (la société Eurogroup), société espagnole ayant pour activité la distribution de fruits et légumes, elle-même cliente de la société Greenyard.

Depuis 2010, la société Eifel utilise une machine dénommée MAF, destinée au calibrage, au conditionnement et au tri des marrons.

Depuis cette même année, la société Eifel a entretenu des relations commerciales continues avec la société Xeda International SA (la société Xeda) laquelle fabrique et vend un produit dénommé Xedasol-M7 (Xedasol), cire d'enrobage des marrons qui doit, suivant les termes de la fiche produit n° 39, 'donner une pellicule de protection physique semi-perméable au gaz et résistante à l'humidité, permettant d'améliorer l'éclat des fruits, de ralentir le processus de maturation et de jaunissement et de diminuer la perte de poids et de flétrissement dû à l'évaporation de l'eau'.

A la suite d'une commande de 4 fûts de 200kgs de Xedasol ayant fait l'objet de deux factures des 6 et 12 septembre 2017, puis de la vente de marrons traités à la société Greenyard, les analyses sollicitées le 18 septembre 2017 par la société Greenyard à la suite de la réception des marrons on révélé la présence de pyrimethanil lequel est un fongicide.

Les sociétés Greenyard et Eurogroup ont fait retour des marrons commandés à la société Eifel.

Dès le 19 septembre 2017, la société Eifel a informé la société Xeda qui a prévenu son assureur.

Différents échanges sont intervenus entre la société Eifel et la société Xeda et leurs conseils sans qu'un accord intervienne sur l'indemnisation du préjudice invoqué par la société Eifel.

Estimant que la société Xeda avait manqué à ses obligations contractuelles, la société Eifel l'a assignée, par acte d'huissier du 30 mai 2018, devant le tribunal de commerce de Tarascon en paiement de différentes sommes.

Par actes d'huissier des 19 novembre 2018, la société Xeda a assigné en intervention forcée et en garantie les sociétés Greenyard et Eurogroup.

Par jugement du 6 janvier 2020, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Tarascon a :

- déclaré, en ce qui concerne les demandes principales formées par la société Eifel, la société Xeda , 'laquelle a manqué à son obligation contractuelle de livraison d'une cire d'enrobage conforme et exempte de pyriméthanil', responsable dans l'inexécution de sa prestation contractuelle

- en ce qui concerne les demandes d'indemnisation formées par la société Eifel, ordonné une expertise concernant les préjudices matériels

- sursis à statuer, dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise sur la demande d'indemnisation formée par la société Eifel au titre son préjudice moral

- sursis à statuer sur la demande que la société Xeda a formé contre la société Eifel en paiement d'une somme de 21 339,40€ avec intérêts à compter de l'assignation,

- dit n'y avoir lieu, au stade de la procédure, à faire droit aux demandes formées par les sociétés Eifel et Xeda au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- en ce qui concerne les demandes formées par la société Xeda à l'encontre de la société Eurogroup et de la société Greenyard et sur les demandes reconventionnelles formées par la société Eurogroup, déclaré la société Xeda mal fondée en ses demandes formées contre les société Eurogroup et Greenyard et l'en a déboutée

- déclaré la société Eurogroup mal fondée en ses demandes indemnitaires formées à titre reconventionnel et l'en a déboutée

- condamné la société Xeda à payer à la société Greenyard la somme de 3000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné la société Xeda à payer à la société Eurogroup la somme de 4000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté les parties 'de leurs conclusions plus amples ou contraires'

- laissé à la charge de la société Xeda les dépens liées au jugement de jonction d'instances du 8 février 2019

- a réservé les dépens.

Par déclaration du 3 mars 2020, la société Xeda a relevé appel contre ce jugement en ce que celui-ci

- a déclaré, qu' ayant manqué à son obligation contractuelle de livraison d'une cire d'enrobage conforme et exempte de pyriméthanil, elle est responsable dans l'inexécution de sa prestation contractuelle

- a sursis à statuer sur la demande qu'elle a formée contre la société Eifel en paiement d'une somme de 21 339,40€ avec intérêts à compter de l'assignation,

- a dit n'y avoir lieu, au stade de la procédure, à faire droit aux demandes qu'elle a formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- l'a déclarée mal fondée en ses demandes formées contre la société Greenyard et l'en a déboutée

- l'a condamnée à payer à la société Greenyard la somme de 3000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile

- l'a déboutée de ses conclusions plus amples ou contraires

- a ordonné l'exécution provisoire

- a laissé à sa charge les dépens liées au jugement de jonction d'instances du 8 février 2019

- a réservé les dépens.

La société Xeda a exclusivement dirigé son recours contre les sociétés Eifel et Greenyard.

L'expert a clos son rapport le 30 juillet 2021.

Par jugement du 22 avril 2022, le tribunal de commerce de Tarascon a sursis à statuer dans l'attente de la décision de la cour de céans saisie de l'appel formée contre le jugement du 6 janvier 2020 et a dit n'y avoir lieu, au stade actuel de la procédure, de faire droit aux demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile et a réservé les dépens.

Ce jugement n'a pas été frappé d'appel.

Vu les conclusions du 10 mai 2022 de la société Xeda demandant à la cour

- de réformer le jugement du 6 janvier 2020 des chefs attaqués et, statuant à nouveau

- de débouter à titre principal les sociétés Eifel et Greenyard de leurs demandes principales, comme reconventionnnelles, fins et conclusions

- à titre subsidiaire, si une quelconque responsabilité devait être retenue à son encontre, 'sous toutes réserves expresses dès lors que la société Eifel reste à ce stade en défaut de démontrer la réalité de ses prétendus préjudices, qu'elle soit limitée au maximum aux postes suivants, étant précisé que la plupart d'entre eux devraient, conformémement aux développements en pages 24 à 26 des conclusions, être chiffrées à zéro euro, comme suit :

+ deux fûts litigieux : 1410€, somme à laquelle sa responsabilité est formellement limitée tous postes confondus, aux termes de l'article 5 des conditions générales de vente

+ subsidiairement,

+ perte de marchandises : principalement zéro, sinon subsidiairement 6900€ correspondant aux 1500kgs de marchandises prétendument contaminés

+ frais divers :

+ principalement 0, sinon subsidiairement 700€ de frais de transport

+ principalement 0, sinon subsidiairement 408€ de frais d'huissier

+ principalement 0, sinon subsidiairement 1265€ de frais de laboratoire (facture Friedle)

+ perte de chance (perte d'exploitation) : principalement 0, sinon subsidiairement 783€

+ préjudice moral : 0

+ article 700 du code de procédure civile : 0

Total principal 1410€, sinon subsidiairement 11 466€

- Très subsidiairement, de dire que la société Greenyard sera tenue, le cas échéant, de la garantir formellement contre toute condamnation au titre de la prétendue perte de chiffre d'affaires dont la société Eifel lui fait grief, s'il s'avérait qu'elle en est seule à l'origine et sans que l'incident litigieux signalé le 22 septembre 2017 en soit la cause, ou qu'elle s'en soit servie de mauvaise foi comme d'un prétexte pour justifier sa décision abusive et en tout état de cause motivée par d'autres raisons de rompre prétendument ses relations avec la société Eiffel, ou qu'elle participe comme complice à la fraude mise en place et orchestrée par la société Eifel, et en conséquence la mettre purement et simplement hors de cause relativement à ce chef de demande et lui substituer intégralement la société Greenyard comme partie principale, conformément aux articles 334 et suivants du code de procédure civile

- Plus subsidiairement, d'ordonner une enquête relativement aux allégations portées par la société Eifel et la société Greenyard et aux informations qu'elle a sollicitées de cette dernière suivant courrier du 3 octobre 2018, conformément aux articles 204 et 232 et suivants du code de procédure civile

- de condamner à titre reconventionnel la société Eifel seule ou in solidum avec la société Greenyard à lui payer la somme de 100 000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive (en ce compris le préjudice moral que ces sociétés lui ont causé) à compenser le cas échéant avec tout montant dont la Cour estimerait qu'elle est redevable, sans préjudice d'une amende civile dont la Cour appréciera l'opportunité et le montant

En tout état de cause

- de condamner la société Eifel à lui payer la somme de 21 339,40€ au titre des 20 fûts de Xedasol M-7 dépourvus de tout défaut et restant impayés à ce jour, avec intérêts à compter de la date de l'assignation, soit le 1er août 2018

- de compenser ce montant avec celui qu'elle pourrait rester devoir

- de dire que sa responsabilité est limitée en tout état de cause et tous postes confondus à la somme de 1410€, correspondant au prix des deux fûts litigieux, conformément à l'article 5 des conditions générales de vente

- de lui donner acte de ce qu'elle se réserve le droit de porter la présente cause à la connaissance du ministère public, conformément aux dispositions des articles 422 et suivants du code de proécdure civile

- de condamner la société in solidum avec la société Greenyard à la somme de 69 500€ (60 000€ + 9500€ en remboursement des montants versés aux sociétés Greenyard et Eurogroup) au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, en ce compris l'ensemble des frais engendrés par la première instance et en cause d'appel, ainsi que les frais de signification de l'arrêt à intervenir.

Vu les conclusions du 23 août 2022 de la société Eifel demandant à la cour

- de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la société Xeda a manqué à son obligation contractuelle de livraison d'une cire d'enrobage exempte de pyriméthanil

- de condamner la société Xeda à lui payer

+ la somme de 64 503,80€ au titre de son préjudice matériel

+ celle de 412 288€ au titre de la perte de chance

+ celle de 31 510€ au titre de son préjudice moral

+ celle de 32 943,13€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel (comprenant le coût de l'expertise à concurrence de 12 943,13€ et les frais irrépétibles à concurrence de 20 000€) ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu les conclusions du 2 novembre 2020 de la société Greenyard demandant à la cour

- de dire que les demandes formées à son encontre par la société Xeda aont recevables mais dénuées de fondement

- de confirmer le jugement du 6 janvier 2020

- de débouter la société Xeda de l'ensemble de ses demandes formées à son encontre

- de condamner la société Xeda à lui payer la somme de 8000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction du dossier est intervenue le 26 septembre 2023.

Motifs

1. Sur la portée de l'appel partiel formé par la société Xeda

Il convient, en premier lieu, de relever que la société Xeda a exclusivement dirigé son appel contre les sociétés Eifel et Greenyard, de sorte que les dispositions du jugement mixte concernant la société Eurogroup sont définitives.

En second lieu, les conclusions des sociétés Xeda et Eifel tendent l'une et l'autre à voir la cour user de sa faculté d'évocation et statuer sur l'évaluation du préjudice subi par la société Eifel.

Cependant, si l'évocation est possible en cas d'appel d'un jugement mixte ayant tranché une partie du principal et ordonné une mesure d'instruction, c'est à la condition que la cour soit saisie du chef du jugement qui a prescrit cette mesure.

Or en l'espèce, l'appel partiel formé par la société Xeda ne critique pas le jugement en ce qu'il a ordonné une expertise ; la société Eifel n'a pas davantage relevé un appel incident pour critiquer le jugement en ce qu'il a prescrit une telle mesure d'instruction.

Dès lors, la cour n'étant pas saisie du chef du jugement qui a prescrit une mesure d'instruction, les conditions de l'évocation ne sont pas réunies.

2. Sur le manquement de la société Xeda à ses obligations contractuelles

En application des articles 1603 et 1604 du code civil, le vendeur est tenu de délivrer à l'acquéreur une chose conforme aux stipulations contractuelles, l'acquéreur n'étant pas tenu d'accepter une chose différente de celle qu'il a commandée.

Il ressort en l'espèce de la fiche produit n° 39 établie par la société Xeda (pièce n° 49 de la société Eifel), que le Xedasol est composé de gomme laque, de cire de carnauba, d'acides gras et d'inertes alimentaires.

Par suite de la vente par la société Xeda de quatre fûts de Xedasol ayant donné lieu à l'établissement des factures des 31 août 2017 et 12 septembre 2017 et des ventes de marrons effectuées les 15 et 20 septembre 2017 par la société Eifel au bénéfice des sociétés Greenyard et Eurogroup, les analyses commandées par la société Greenyard ont révélé la présence de pyriméthanil.

La société Xedia n'a pas contesté la présence de pyriméthanil dans les produits livrés ni sa responsabilité puisque dès le 27 septembre 2017, elle écrivait dans un courriel adressé à la société Eifel : 'Je fais suite à nos échanges concernant le problème de résidus de Pyriméthanil sur les châtaignes. Après analyses sur les fûts encore chez nous ainsi que dans le réacteur, nous avons effectivement retrouvé des résidus de Pyriméthanil de l'ordre de 50ppm, ce qui expliquerait les niveaux de résidus que vous retrouvez sur les châtaignes. La faute nous incombant donc, je vous demanderai de réunir toutes les pièces (factures, bons de livraison, bons de retour, etc...) nécessaires à la constitution du dossier auprès de notre assureur, et de nous envoyer une copie...'.

Lors de l'expertise contradictoire du 28 février 2018, réalisée par le cabinet Polyexpert, expert en matière de risques industriels, mandaté par la compagnie d'assurance de la société Eifel, l'expert a indiqué que la société Xeda avait trouvé la cause du sinistre : en l'occurrence, l'un de ses employés aurait réalisé le mauvais rincage d'une cuve. La production suivante (30 à 40 fûts) concernait le Xedasol destiné aux marrons ; les résidus de Pyriméthanil de la cuve se sont intégrés à la production de Xedasol destinée aux marrons et l'ont contaminée. Ces explications ont été recueillies auprès du représentant de la société Xeda, présent lors des opérations d'expertise effectuée dans les locaux de la société Eifel.

En page 11 de ses conclusions d'appel, la société Xeda rappelle d'ailleurs qu'elle a spontanément reconnu depuis le premier jour 'sa responsabilité dans l'incident industriel qui a mené à la contamination d'une partie de sa production de cire au pyriméthanil et la livraison de deux fûts de cire ainsi contaminés à la société Eifel'

Dès lors, la discussion introduite par la société Xeda sur le fait qu'il existe une certaine tolérance dans l'utilisation du pyriméthanil ou que cette substance n'est pas formellement interdite en ce qui concerne la protection des marrons est, comme le souligne la société Eifel, inopérante.

En effet, la société Xeda n'a pas indiqué à son cocontractant que le Xedasol contenait du pyriméthanil, la fiche de composition du produit ne mentionnant pas la présence de ce fongicide dans la cire d'enrobage, alors même que les rapports d'analyses des 28 septembre et 2 octobre 2017, produits par la société Eifel, ont révélé la présence du fongicide dans les marrons traités avec le Xedasol et livrés.

Ainsi, la société Xeda était tenue contractuellement de livrer à la société Eifel du xedasol, exempt de tout pyriméthanil.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré que la société Xeda a manqué à son obligation contractuelle de livraison d'une cire d'enrobage conforme et exempte de pyryméthanil et l'a déclarée responsable dans l'inexécution de sa prestation contractuelle.

3. Sur l'évaluation des dommages subis par la société Eifel

Le désaccord entre la société Xeda et la société Eifel tient à la nature et l'étendue du dommage subi par la société Eifel, la société appelante entendant limiter au principal le dommage matériel à la livraison de deux fûts contaminés et excluant les dommages immatériels invoqués par la société Eifel comme leur lien de causalité avec la contamination litigieuse.

L'évocation étant écartée, le tribunal devra statuer sur l'appréciation des dommages subis par la société Eifel, au regard des éléments fournis par le rapport d'expertise, de la question du lien de causalité des demandes formées par la société Eifel avec le dommage survenu et de la question de l'opposabilité de l'article 5 des conditions générales de vente, invoquée par la société Xeda, prévoyant une clause limitative de responsabilité et d'exclusion des dommages indirects ou consécutifs à la livraison.

4. Sur la demande reconventionnelle de la société Xeda en paiement de la somme de 21 339,40€

Au regard de la nature du litige, des contestations opposées par la société Eifel relatives à la contamination des fûts de xedasol livrés par la société Xeda, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que le jugement a sursis à statuer sur cette demande qui devra être traitée concomittament avec l'évaluation des dommages subis par la société Eifel ; ce sursis à statuer se justifie d'ailleurs d'autant plus que la société Xeda entend demander une compensation de la somme qu'elle réclame avec les dommages et intérêts qui seraient mis à sa charge.

5. Sur la demande de la société Xeda tendant à être garantie par la société Greenyard

Il est constant que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.

La société Xedia soutient dans ses écritures qu'il existerait une collusion frauduleuse et une complicité entre la société Eifel et la société Greenyard laquelle aurait rompu abusivement ses relations contractuelles avec la société Eifel, cette prétendue rupture n'ayant aucun lien avec l'incident survenu en septembre 2017 et ayant servi de prétexte à la société Eifel pour gonfler ses demandes au titre notamment de son préjudice commercial, tiré de la perte d'un chiffre d'affaires.

La société Greenyard rétorque qu'elle a cessé de s'approvisionner auprès d'Eifel en raison de la perte de confiance suscitée par la contamination des produits livrés par la société Eifel.

Les vicissitudes de la procédure de première instance, les incidents ayant opposé les conseils des sociétés en cause, les incidents de communication de pièces comme les échanges de correspondance ne constituent pas des éléments suffisants pour établir la fraude ou la complicité dont se serait rendue coupable la société Greenyard.

Les accusations portées par la société Xeda contre la société Greenyard reposent sur des soupçons qui ne sont renforcés par aucun élément probant et constituent de simples allégations insusceptibles de caractériser en quoi la société Greeyard aurait commis une faute dans la rupture de ses relations avec la société Eifel.

A cet égard, la cour n'a pas à ordonner une enquête pour pallier la carence de la société Xeda dans l'administration de la preuve ; elle n'a pas davantage à donner acte à la société Xeda de ce que celle-ci entend informer le ministère public de la présente cause.

C'est donc par des motifs que la cour adopte que le jugement a rejeté les demandes formées par la société Xeda contre la société Greenyard et l'a condamnée à payer à celle-ci la somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

6. Sur la demande de la société Xeda en paiement de la somme de 100 000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive

Le jugement déféré étant confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Xeda et a rejeté les demandes formées par la société Xeda contre la société Greenyard, la demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ne peut aboutir. La société Xeda sera déboutée de cette demande.

7. Il sera observé que le coût de l'expertise judiciaire est inclus dans les dépens ; il appartiendra au tribunal, qui a réservé les dépens, de statuer sur la charge des frais d'expertise à la suite de sa décision statuant sur l'évaluation des dommages de la société Eifel.

PAR CES MOTIFS

Statuant dans les limites de l'appel partiel formé par la société Xeda International SA ;

Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions ;

Dit n'y avoir lieu à évocation ;

Renvoie en conséquence les parties devant le tribunal de commerce de Tarascon qui doit statuer sur l'évaluation des dommages subis par la société Expédition Innovation Fruits et Légumes ;

Y ajoutant ;

Déboute la société Xeda International SA de sa demande tendant à l'organisation d'une enquête ;

Déboute la société Xeda International SA de sa demande en paiement de la somme de 100 000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne la société Xeda International SA aux dépens de l'instance d'appel ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute la société Xeda International SA de sa demande, la condamne à payer à la société Expédition Innovation Fruits et Légumes et à la société Greenyard Fresh DFM Germany GMBH, chacune, la somme de 2000€.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-3
Numéro d'arrêt : 20/03293
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;20.03293 ?
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