La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2024 | FRANCE | N°20/00956

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 04 juillet 2024, 20/00956


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 04 JUILLET 2024



N° 2024/ 127



RG 20/00956

N° Portalis DBVB-V-B7E-BFPCE







SAS VIRAGE CONSEIL 1





C/



[E] [R]





















Copie exécutoire délivrée le 04 Juillet 2024 à :



-Me Karine GRAVIER, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE



<

br>




















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 20 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 18/00397.





APPELANTE



SAS VIRAGE CONSEIL 1, demeurant [Adresse 1] -...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024

N° 2024/ 127

RG 20/00956

N° Portalis DBVB-V-B7E-BFPCE

SAS VIRAGE CONSEIL 1

C/

[E] [R]

Copie exécutoire délivrée le 04 Juillet 2024 à :

-Me Karine GRAVIER, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 20 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 18/00397.

APPELANTE

SAS VIRAGE CONSEIL 1, demeurant [Adresse 1] - [Localité 4]

représentée par Me Karine GRAVIER de la SELAS GRAVIER FRIBURGER AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [E] [R], demeurant [Adresse 3] - [Localité 2]

représenté par Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Pierre MICHOTTE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2024, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 4 Juillet 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 4 Juillet 2024

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

M. [E] [R] était engagé par la société Virage Conseil à compter du 1er décembre 2015 en qualité d'animateur VRP selon contrat à durée indéterminé à temps complet, avec au titre de sa rémunération un fixe mensuel de 2 200 € bruts par mois, une commission de 30 € bruts par contrat net, des tickets restaurant et une prime de résultat applicable pour une équipe de 5 à 10 vendeurs.

La convention collective nationale applicable était celle des VRP.

M. [R] était convoqué le 4 janvier 2017 à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 18 janvier 2017. Il était licencié pour insuffisance professionnelle et insuffisance de résultats par courrier du 20 janvier 2017.

Le salarié saisissait le 22 février 2018 le conseil de prud'hommes de Marseille en contestation du licenciement et en paiement d'indemnités.

Par jugement du 20 décembre 2019 le conseil de prud'hommes a statué comme suit :

« Dit et juge que le licenciement de Monsieur [E] [R] est sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence :

Condamne la société Virage Conseil au paiement :

* de la somme de 7 141 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* de la somme de 2 382 € au titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,

* 1 000 € au titre de l'exécution fautive et déloyale du contrat de travail,

* 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute le demandeur de1'ensemble de ses autres demandes,

Condamne le défendeur aux entiers dépens».

Par acte du 20 janvier 2020, le conseil de la société a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 28 septembre 2020, la société demande à la cour de :

« Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de MARSEILLE, le 20/12/2019, en ce qu'il a :

Dit et Juge que le licenciement de Monsieur [E] [R] est sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Virage Conseil 1 au paiement de la somme de :

7 141€ au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

2 382€ au titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,

1 000 € au titre de l'exécution fautive et déloyale du contrat de travail,

500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

STATUANT À NOUVEAU :

Juger que le licenciement pour insuffisance professionnelle de Monsieur [E] [R] notifié par la société SAS Virage Conseil 1 repose sur une cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

Débouter Monsieur [E] [R] de sa demande tendant à Condamner la société SAS Virage Conseil 1 à lui verser la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, voire toute autre somme de ce chef.

Juger que la société Virage Conseil 1 n'a pas manqué à l'obligation de sécurité qui lui incombe en sa qualité d'employeur, au cours de l'exécution du contrat de travail de Monsieur [E] [R], et/ou, en tout état de cause que Monsieur [E] [R] ne démontre pas le préjudice qu'il en serait résulté,

En conséquence,

Débouter Monsieur [E] [R] de sa demande tendant à Condamner la société SAS Virage Conseil 1 à lui verser la somme de 2 382€ à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat.

Juger que la société Virage Conseil 1 n'a exécuté, de façon fautive et déloyale, le contrat de travail de Monsieur [E] [R],

En conséquence,

Débouter Monsieur [E] [R] de sa demande tendant à Condamner la société SAS Virage Conseil 1 à lui verser la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail ou toute autre somme,

Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de MARSEILLE, le 20/12/2019, en ce qu'il a :

Débouté Monsieur [E] [R] des demandes tendant à lui régler les sommes suivantes:

- 805 € à titre de rappel de commissions,

- 80 € à titre de congés payés afférents,

- 2 382 € à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure,

Débouté Monsieur [E] [R] des demandes tendant à condamner l'employeur à lui délivrer les documents de fin de contrat et un bulletin de salaire rectifiés, sous astreinte de 100 € par jour de retard,

Déboute Monsieur [E] [R] de ses plus amples demandes.

A TITRE SUBSIDIAIRE :

Ramener à de plus justes proportions les demandes à caractère indemnitaire sollicitées par Monsieur [R],

Le débouter pour le surplus.

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

Condamner Monsieur [E] [R] à payer à la Société Virage Conseil Développement une indemnité de 2 500€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner le même aux entiers dépens ainsi qu'à ceux qui résulteraient de l'exécution forcée du jugement à intervenir ».

Dans ses dernières écritures communiquées au greffe par voie électronique le 18 janvier 2021, M. [R] demande à la cour de :

«Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a considéré le licenciement comme étant sans cause réelle ni sérieuse

Et, statuant à nouveau,

Dire et Juger le licenciement sans cause réelle ni sérieuse

Et, par conséquent

Condamner la Société Virage Conseil à verser à Monsieur [R], les sommes ci-après:

Rappel de commissions 805.00 €

Incidence congés payés 80.00 €

DI licenciement sans cause réelle ni sérieuse 15 000.00 €

DI au titre de l'irrégularité de procédure 2 382.00 €

DI violation d'une obligation de sécurité de résultat 2 382.00 €

DI exécution fautive et déloyale du contrat de travail 5 000.00 €

Condamner l'employeur sous astreinte de 100 € par jour de retard à :

- Délivrer l'intégralité des documents de rupture conformes à la décision à intervenir

- Délivrer un bulletin de salaire rectificatif mentionnant les sommes allouées judiciairement

Dire et Juger que la juridiction de céans se réservera le droit de liquider l'astreinte

Dire et Juger que le montant des condamnations portera intérêts de droit à compter du jour de l'introduction de la demande en justice avec capitalisation des intérêts.

Article 700 du code de procédure civile distrait au profit de MB AVOCATS 2 500.00 €

Condamner l'employeur aux dépens

Dire et Juger que la moyenne des salaires s'élève à la somme totale de 2 382.00 € ».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les « dire et Juger » et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi ; En conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur l'exécution du contrat de travail

1. Sur le rappel de commissions

Le salarié soutient que la société ne lui pas payé l'intégralité des contrats qu'il a placés et qu'elle a ramené à 10 €, au lieu de 30 €, le montant des commissions.

Il explique que cette somme correspond à :

- la somme de 150 €, soit les 5 ventes que la société ne lui a pas comptabilisées sur les 7 réalisées au mois de juillet 2016.

- la somme de 200 € pour 10 contrats placés à 30 € sur l'année 2016 moins les 100 € perçus.

- la somme de 455 € pour 15,17 ventes restantes réalisées sur la période d'octobre à décembre 2016.

Au visa de l'article 8 du contrat de travail, la société fait valoir que le salarié ne peut prétendre au rappel de salaire réclamé, puisqu'elle a établi le nombre de ventes d'abonnements réellement effectuées par le salarié et que ce nombre correspond bien aux indications portées sur les bulletins de salaire de ce dernier.

Les dispositions de l'article 8 du contrat de travail prévoient que « les commissions ne seront définitivement acquises au représentant qu'après paiement par le client et si le contrat réalisé a une durée minimale de six mois suivant le client de la société. Toute annulation de contrat de portage à domicile sera alors décomptée au représentant. Lors du départ de la société, la régularisation de l'ensemble des annulations sera effectuée sur le solde de tout compte ».

S'agissant de la période considérée, la société produit le tableau des ventes réalisées par le salarié avant l'annulation par les clients des ventes ainsi que le relevé informatique du nombre de ventes définitivement acquises conformément aux dispositions contractuelles (pièces appelante 11 et 14). Le salarié ne produit aucun élément contraire.

Les bulletins de salaire des mois de juillet, octobre à décembre 2016 reprennent le nombre de ventes acquises et mentionnent des commissions à 30 € et non 10 €, ce qui, ce qui va à l'encontre des allégations de l'intimé (pièce appelante 15).

Dès lors, c'est à juste titre que le conseil des prud'hommes a débouté le salarié de sa demande.

Le jugement entrepris doit être confirmé de ce chef.

2. Sur l'obligation de sécurité

La société indique qu'une visite médicale avait été prévue au bénéfice du salarié le 7 décembre 2015 et qu'elle a dû organiser une nouvelle visite médicale pour le 10 janvier 2017, n'ayant pu obtenir de rendez-vous auprès du service de santé au travail.

Elle précise que le salarié en a eu connaissance, mais qu'il n'a pu s'y rendre du fait de son arrêt maladie.

Elle rappelle que l'obligation de sécurité qui pèse sur l'employeur n'est qu'une obligation de moyen renforcé et que la cour de cassation a mis fin au préjudice automatique.

Le salarié invoque un manquement à l'obligation de sécurité en ce que la société ne l'a pas convoqué dans le cadre de la visite médicale d'embauche pour vérifier son aptitude à occuper le poste de VRP, soulignant que les fonctions exercées nécessitaient des déplacements importants et successifs.

L'article R.4624-10 du code du travail dans sa rédaction applicable, prévoit que le salarié doit bénéficier d'un examen médical par le médecin du travail avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai.

C'est à l'employeur de justifier qu'il s'est conformé à ses obligations en matière de visite médicale.

En l'espèce, si la société a bien sollicité une visite médicale six jours après l'embauche du salarié, il s'avère cependant que cette dernière n'a pu être effective avant le 10 janvier 2015 et a dû être reportée en raison de l'arrêt de travail du salarié.

Dès lors que la société ne justifie pas s'être conformée à son obligation en matière de visite médicale d'embauche, le manquement, au demeurant non véritablement contesté, est établi.

Cependant, le défaut de visite médicale d'embauche est ancien et le salarié se limite à affirmer qu'il a nécessairement subi un préjudice pour avoir été placé dans l'incertitude totale concernant la compatibilité de son poste avec son état de santé, sans justifier du préjudice qui serait résulté du défaut d'organisation de la visite médicale d'embauche.

En conséquence, la cour, par voie d'infirmation, rejette la demande comme non fondée.

3. Sur l'exécution déloyale

La société soutient avoir respecté les dispositions légales et jurisprudentielles relatives au statut de VRP et précise que le contrat doit indiquer de manière alternative et non cumulative, l'existence d'un secteur géographique ou d'un secteur professionnel, et que dans la mesure où il est visé une catégorie de clients, son activité peut s'exercer sur la France entière.

Elle souligne qu'il ne lui incombait pas de remettre au salarié au salarié une liste de clientèle à prospecter et que ce dernier disposait des moyens matériels permettant d'exécuter sa mission.

Le salarié reproche à la société de ne pas avoir suffisamment défini avec précision le secteur géographique et les catégories de clients dans le contrat de travail, de ne pas avoir mis à sa disposition des moyens matériels utiles et nécessaires à l'accomplissement de ses fonctions, ni de listing de clients à prospecter et d'avoir pratiqué un 'décommissionnement' injustifié.

Tout contrat de travail comporte une obligation de loyauté qui impose à l'employeur d'exécuter le contrat de travail de bonne foi.

La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur à l'exécution de bonne foi du contrat de travail suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d'une part la réalité du manquement et d'autre part l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.

En vertu de l'article L.7311-3 du code du travail : « Est voyageur, représentant ou placier, toute personne qui :

1º travaille pour le compte d'un ou plusieurs employeurs ;

2º exerce en fait d'une façon exclusive et constante une profession de représentant ;

3º ne fait aucune opération commerciale pour son compte personnel ;

4º est liée à l'employeur par des engagements déterminant :

a) la nature des prestations de services ou des marchandises offertes à la vente ou à l'achat ;

b) la région dans laquelle il exerce son activité ou les catégories de clients qu'il est chargé de visiter ;

c) le taux des rémunérations ».

La représentation commerciale se définit comme une circulation externe à l'entreprise en vue de la recherche de clientèle mais aussi par de la négociation avec cette dernière. Le VRP exerce sur un secteur géographique déterminé ou intervient auprès d'une clientèle donnée pour assurer la distribution des produits de l'entreprise. Le contrat de travail doit donc définir le secteur puisqu'il s'agit d'une des conditions du statut. Il peut s'agir d'un secteur géographique ou d'une catégorie de clients à visiter et il est admis que le secteur géographique peut être très vaste à la condition que la clientèle fasse l'objet de précisions, ces éléments devant être suffisamment stables.

En l'espèce, M. [R] a été engagé dans le but de placer des abonnements de journaux de la presse auprès d'une clientèle de particuliers et occasionnels, de sorte que la clientèle est bien précisée dans le contrat (article 4 ).

Ce dernier précise également que « le représentant s'engage à exercer son activité sur le secteur défini par la société en fonction de la progression de l'exploitation et sans priorité sur toute la zone desservie par le journal ou les clients concernés».

La société avait principalement passé un contrat avec les journaux la Provence et la zone géographique était celle desservie par celui-ci, et à défaut, sur le secteur défini par la société, de sorte que salarié avait connaissance de son secteur de prospection.

Comme le précise le témoignage de M. [H], ancien salarié de la société Virage Conseil, il y avait un secteur d'origine mais les salariés pouvaient être amenés à accepter des missions à plus de 500 km de leur secteur (pièce intimé 22).

Le salarié ne peut reprocher à la société un défaut de précision du secteur géographique et des catégories de clients, dès lors que le contrat de travail prévoit une catégorie de client à prospecter suffisamment précise, à savoir les clients particuliers ou occasionnels, la stipulation d'un secteur géographique délimité par le journal ou les clients concernés respectant les exigences légales.

S'agissant des moyens matériels nécessaires à l'exécution de la mission, le contrat d'animateur VRP prévoyait une mise à disposition d'une carte carburant et d'un télépéage à usage professionnel exclusivement, ainsi qu'un véhicule de société.

Le contrat ne prévoyait cependant pas la mise à disposition d'un listing de clients à prospecter mais le mode de prospection était prévu par l'article 5 (en porte à porte, en GSM, foire et salon et après rendez-vous).

Enfin, le décomissionnement n'a pas été retenu par la cour.

En conséquence, le salarié,qui n'établit pas la réalité des manquements reprochés et ne fait pas la démonstration cumulative de l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité, doit être débouté de sa demande.

Le jugement entrepris doit être infirmé de ce chef.

Sur le licenciement

1. Sur la régularité du licenciement

Le salarié soutient que la procédure de licenciement est irrégulière et que dans la mesure où la lettre de convocation à l'entretien préalable donne la possibilité pour le salarié de se faire assister par un membre du personnel, il lui appartient de justifier de la régularité des élections professionnelles concernant les institutions représentatives du personnel.

Il indique que la lettre de convocation à l'entretien préalable ne mentionne pas l'adresse précise de la mairie du domicile du salarié où celui-ci pouvait régulièrement consulter la liste départementale des conseillers extérieurs inscrits.

La société réplique que, conformément à la jurisprudence, la lettre de convocation à un entretien préalable de licenciement doit toujours mentionner la faculté pour le salarié de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, en présence de représentants de personnel dans l'entreprise, et l'adresse de la mairie portée sur la lettre de convocation est correcte eu égard au lieu de l'entretien préalable, le délai de cinq jours ayant été respecté.

Elle souligne l'absence de démonstration d'un quelconque préjudice par le salarié.

En application des dispositions de l'article L. 1232-2 al.3 du code du travail, le délai de cinq jours ouvrables commence à courir après la présentation de la lettre recommandée ou de la remise en main propre de la lettre de convocation.

En l'espèce, le salarié a disposé de cinq jours ouvrables pour pouvoir assurer sa défense entre la réception de la convocation le 10 janvier 2017 et l'entretien du 18 janvier 2017.

Par ailleurs, la convocation précise que le salarié pouvait se faire assister au cours de l'entretien soit par une personne de son choix appartenant à l'entreprise, soit par un conseiller extérieur inscrit sur la liste départementale du Vaucluse des conseillers du salarié et mentionne l'adresse des services dans lesquels la liste des conseillers peut être consultée conformément aux dispositions de l'article L.1232-4 du code du travail.

L'adresse de la mairie de [Localité 6], située [Adresse 7], y figure et correspond au lieu

de l'entretien préalable à la mesure de licenciement.

En l'absence de tout moyen développé sur les élections professionnelles des institutions représentatives du personnel, il n'y a pas lieu d'en apprécier la régularité.

Le jugement entrepris, qui a dit la procédure est régulière et qui a débouté le salarié de sa demande indemnitaire, doit être confirmé.

2. Sur le bien fondé du licenciement

Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En vertu des dispositions de l'article L.1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.
 

En l'espèce, la lettre de licenciement était libellée dans les termes suivants :

« Par lettre recommandée avec accusé de réception, nous vous avons convoqué à un entretien préalable, pour le 18 janvier 2017, afin de vous exposer les raisons nous amenant à envisager votre licenciement.

Bien que régulièrement convoqué, vous n'avez pu assister à l'entretien préalable à un eventuel licenciement.

Compte-tenu de votre absence à l'entretien préalable, nous vous avons alors précisé, par écrit, à la fois par lettre recommandée avec accusé de réception du 20janvier 2017 et par courriel du même jour, les motifs nous conduisant à envisager une éventuelle mesure de licenciement à votre égard.

Vous étiez alors invité à nous faire connaître, par écrit, vos observations avant le jeudi 26 janvier 2017,date au-delà de laquelle nous pourrions être amenés à prendre une décision définitive quant à cette éventuelle mesure de licenciement.

A ce jour, aucune de vos observations n'a été portée à notre connaissance.

Aussi, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour les motifs suivants:

Vous occupez actuellement le poste d'animateur VRP au sein de notre société, depuis le ler décembre 2015. A l'occasion de votre embauche, la société VIRAGE CONSEIL 1 vous a assigné des objectifs individuels auxquels vous avez adhéré.

Or, nous déplorons une insuffisance de résultats de votre part. II en est ainsi dès l'instant où vous n'avez jamais atteint vos objectifs personnels pourtant réalisables.

Le nombre de contrats d'abonnement que vous avez vendus en 2016, récapitulés dans le tableau ci-dessous, s'avère effectivement faible:

Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Août Sept Oct Nov

0 0 1 12 8 7 3 5 2 7.33 4

Force est ainsi de constater, à l'aune de ces résultats bien en deçà des résultats attendus, que vous vous êtes révélé incapable d'atteindre vos objectifs personnels. Il apparaît, au demeurant, que vous ne vous donnez pas les moyens de réaliser vos objectifs.

Cette incompétence professionnelle en matière de production commerciale individuelle s'avère préjudiciable aux intérêts de l'entreprise et entraîne des dysfonctionnements. Elle a ainsi contribué à la perte du marché conclu avec le journal LA PROVENCE nous obligeant ainsi à réorganiser les secteurs.

Votre insuffisance professionnelle se caractérise, en outre, par votre incapacité à réaliser toutes vos missions.

En effet, vous n'avez pas réussi à exécuter pleinement et de façon satisfaisante l'ensemble des attributions confiées dans le cadre de votre travail :

La partie commerciale de votre poste, comme il vient d'être évoqué, matérialisé par votre insuffisance de résultats,

Mais aussi, la partie administrative :

Il apparaît, effectivement, que vous ne réalisez pas les remontées d'informations correctement (à titre d'exemple, vous avez déclaré 16 contrats d'abonnement conclus en novembre 2016 alors que seuls 4 ont été validés).

De même, vous êtes défaillant dans la remise de vos rapports. II en est ainsi dès lors que vous ne transmettez pas les tableaux de production hebdomadaires pourtant nécessaires au bon suivi du travail effectué et des résultats réalisés.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible et nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour insuffisance professionnelle.

La rupture de votre contrat de travail sera effective à l'issue de votre préavis de 2 mois. Votre préavis, que nous vous dispensons d'effectuer, débutera à compter du jour de première présentation de cette lettre de licenciement à votre domicile par voie de recommandé avec accusé de réception.

Les sommes vous restant dues ainsi que votre certificat de travail, votre reçu pour solde de tout compte et votre attestation Pôle Emploi vous seront adressés, ultérieurement, par courrier».

La société reproche au conseil des prud'hommes d'avoir considéré que les objectifs du salarié n'étaient pas raisonnables et réalisables par d'autres salariés et qu'il a mis à sa charge une obligation en ce qu'il a retenu qu'il revenait à l'employeur de mettre en demeure le salarié d'effectuer de façon correcte les remontées d'information et de tableaux de production.

Elle explique ainsi que plusieurs salariés ont atteint l'objectif de 40 contrats par mois démontrant ainsi que l'objectif était tout à fait atteignable, que le salarié disposait des moyens matériels et humains pour assumer correctement sa mission d'animateur VRP et que le code du travail n'impose pas une mise en demeure adressée au salarié afin qu'il effectue de façon correcte sa mission.

Elle conteste le témoignage de M. [W] responsable hiérarchique du salarié.

Le salarié conteste les griefs et soutient que l'insuffisance de résultats ne suffit pas à elle seule pour motiver un licenciement et que les objectifs fixés n'étaient pas réalistes.

Il précise que les fiches de production ont été remplies, que certaines ventes ont été annulées par les clients après la souscription des contrats d'abonnement, baissant artificiellement les chiffres réalisés et qu'à la suite de la rupture du contrat commercial avec la société la Provence, il a été dans l'obligation de commercialiser d'autres journaux.

Il souligne qu'il n'était pas astreint à des objectifs personnels de vente d'abonnement auprès des clients à prospecter puisqu'il devait pour l'essentiel s'occuper de son équipe, en sa qualité d'animateur VRP.

Il rappelle qu'il était dans l'obligation d'exécuter l'ensemble de ses prestations de travail en l'absence totale de secteur géographique contractuellement défini, ce qui a augmenté ses difficultés du quotidien, qu'il n'avait pas à sa disposition des moyens utiles et nécessaires à l'accomplissement de ses fonctions et qu'il ne disposait pas d'une force de vente suffisante et adaptée.

L'insuffisance de résultats ne peut constituer en soi une cause de licenciement. Il doit donc être recherché si ces résultats procèdent ou non d'une insuffisance professionnelle et il doit être démontré que les objectifs étaient réalisables.

L'insuffisance professionnelle consiste en l'inaptitude du salarié à exécuter son travail de façon satisfaisante. Elle se définit comme une incapacité objective et durable d'exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à la qualification du salarié. Pour constituer une cause réelle et sérieuse de rupture, elle doit être établie par des éléments objectifs, constatée sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme passagère ou conjoncturelle, et être directement imputable au salarié, alors que l'employeur lui a donné tous les moyens pour qu'il puisse faire ses preuves en temps et en formation, et non la conséquence d'une conjoncture économique difficile ou du propre comportement de l'employeur.

Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties

1. Les objectifs de résultat fixés au salarié figurent dans l'annexe1 du contrat de travail animateur VRP du salarié et prévoient « un minimum de 40 contrats mensuels après deux semaines de phoning suivi de deux semaines de terrain, un minimum de 60 contrats mensuels après quatre semaines de phoning par un téléprospecteur et un minimum de 40 contrats mensuels après quatre semaines de terrain en prospection porte à porte.

À cet égard, la société a retenu dans la lettre de licenciement un tableau des ventes réalisées par le salarié après les annulations de vente par les clients et non les ventes effectivement réalisées par ce dernier qui étaient plus élevées.

S'il est manifeste que le salarié n'a pas atteint l'objectif de 40 contrats mensuels, il est constaté que seuls 3 VRP ont réussi à atteindre cet objectif une seule fois en une année, au vu du tableau produit par l'appelante en pièce 11, ce qui démontre que les objectifs fixés étaient difficilement réalisables.

M. [H], ancien employé de la société, témoigne en ce sens : « les primes qui permettaient d'avoir un salaire correct étaient déclenchées par un palier d'objectifs atteints. Le premier palier était de 40 ventes nettes pour le mois, objectif qui ne pouvait être atteint au vu des conditions de rémunération et que si des moyens sont mis en place pour y arriver, ce qui n'était pas le cas » ( pièce intimé 22).

Par ailleurs, le salarié justifie qu'il exerçait en sus de ses objectifs la fonction de manager, limitant d'autant ses prospections.

Ainsi, M. [W], responsable commercial de la société et responsable hiérarchique du salarié, atteste ainsi : « En qualité de manager terrain, M. [R] n'avait pas d'attribution de 'portes 'à prospecter pour réaliser des ventes, la politique de la Provence était contre cette procédure. Malgré cela M. [R] gérait au mieux sa distribution de secteur aux commerciaux et réalisait des ventes sur le peu de 'portes' qu'il mettait était en réserve. Les contrats signés étaient mis en challenge pour motiver les prospecteurs terrain », précisant sur les objectifs de vente d'abonnement : « Sous ma responsabilité directe, M. [R] n'avait pas d'objectifs de production personnelle de vente d'abonnement auprès des clients et prospects. De surcroît, il est certain que l'éditeur la Provence a maintenu son engagement commercial avec Virage Conseil grâce à la présence d'une équipe commerciale dédiée d'une façon générale de la présence M. [R] en particulier. L'efficacité managériale de M. [R] a toujours été en phase avec l'objectif de développement de Virage Conseil et n'a été en aucun cas contraire la politique de l'entreprise » (pièces 12 et 21).

2. S'agissant de l'absence des remontées d'information et de transmission des tableaux de production hebdomadaire, ce manquement est contredit par le témoignage de M. [W] qui précise que le salarié « transmettait tous les soirs les résultats quotidiens de l'équipe terrain et qu'il prenait en charge ses commerciaux sur une tranche horaire de 9 h à 21 h environ ».

Le salarié produit également plusieurs tableaux récapitulatifs par mois, de bons de commande mentionnant le nom, l'adresse, la ville, la date de signature et la date de mise en service, ce qui démontre que contrairement à ce qui est soutenu par l'appelante, ce dernier assurait bien ses attributions conformément à sa mission, et ce, même si le salarié n'est pas en mesure de verser aux débats l'intégralité des tableaux récapitulatifs sur l'année 2016 (pièce intimé 15).

3. La cour constate au surplus que :

- la société ne justifie pas que la perte du marché avec le journal la Provence soit une conséquence directement imputable au salarié alors que M. [W] souligne : « De fait, la société Virage Conseil a perdu le contrat avec la Provence par manque de commerciaux dans le Sud. L'organisation nationale de l'entreprise détachait quelquefois des commerciaux à [Localité 5], déstabilisant ainsi la constitution de l'équipe naissante »

- aucune observation sur le travail de M. [R] n'a été émise par la société pour l'inciter à rectifier ses résultats

- la période de travail du salarié qui correspond à une année est trop brève pour permettre de caractériser une insuffisance de résultats.

En l'état de ces éléments, l'insuffisance professionnelle n'est pas démontrée et le licenciement ne procède pas d'une cause réelle et sérieuse.

La cour confirme la décision de ce chef.

Sur les conséquences de la rupture

Le salarié avait une année complète d'ancienneté et l'entreprise comptait plus de onze salariés. Eu égard au montant de sa rémunération mensuelle brute (2 285 €), de son âge au moment de la rupture (50 ans), c'est par une juste appréciation de la cause que le conseil des prud'hommes a fixé à la somme de 7 141€, le montant du préjudice subi par M.[R].

Sur les autres demandes

La société qui succombe même partiellement doit s'acquitter des dépens, être déboutée de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à ce titre, condamnée à payer au salarié la somme de 2 000 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré SAUF dans ses dispositions relatives à l'obligation de sécurité et à l'exécution fautive du contrat de travail,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute M. [E] [R] de ses demandes de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et pour exécution fautive,

Condamne la société Virage Conseil 1 à payer à M. [E] [R] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société Virage Conseil 1 aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 20/00956
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;20.00956 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award