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04/07/2024 | FRANCE | N°20/00421

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 04 juillet 2024, 20/00421


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 04 JUILLET 2024



N°2024/ 113



RG 20/00421

N° Portalis DBVB-V-B7E-BFNG3







[N] [M] née [G]





C/



Société ALOTRA























Copie exécutoire délivrée

le : 04 Juillet 2024 à :



- Me Pascale ROBLOT DE COULANGE, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Laurent LAILLET, avocat au bar

reau D'AIX-EN-PROVENCE

V379





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 20 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/02141.







APPELANTE



Madame [N] [M] née [G], demeurant [...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024

N°2024/ 113

RG 20/00421

N° Portalis DBVB-V-B7E-BFNG3

[N] [M] née [G]

C/

Société ALOTRA

Copie exécutoire délivrée

le : 04 Juillet 2024 à :

- Me Pascale ROBLOT DE COULANGE, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Laurent LAILLET, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

V379

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 20 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/02141.

APPELANTE

Madame [N] [M] née [G], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Pascale ROBLOT DE COULANGE de la SCP LINARES/ ROBLOT DE COULANGE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Association ALOTRA, [Adresse 1]

représentée par Me Laurent LAILLET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Avril 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargées du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

L'Association pour le Logement des Travailleurs dite Alotra a pour objet : la gestion patrimoniale de résidences sociales, étudiantes, et de tout établissement à vocation sociale, l'étude, la création et la reprise de toutes structures à vocation identique, l'accompagnement social des résidents, la maîtrise d'ouvrage et la gestion d'opérations immobilières à vocation sociale en partenariat avec les collectivités locales.

Mme [N] [M] née [G] a été engagée par cette association le 8 juin 2000, en qualité d'assistante de gestion, statut agent de maîtrise, selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, puis à compter du 1er janvier 2005, à temps plein.

Après avoir été nommée successivement, assistante ressources humaines le 30 mars 2010, puis responsable ressources humaines en janvier 2011, la salariée a été promue le 1er janvier 2015, au statut cadre, membre du comité de direction.

La salariée a été en arrêt maladie du 1er au 14 septembre 2016, prolongé à plusieurs reprises et n'est plus revenue dans l'entreprise.

Après avoir été convoquée à un entretien préalable au licenciement tenu le 15 novembre 2016, Mme [M] a été licenciée par lettre recommandée du 31 novembre 2016, pour insuffisance professionnelle et faute, étant dispensée d'effectuer son préavis de trois mois.

La salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille par requête du 13 juin 2017 en contestation de son licenciement et en paiement de diverses sommes à caractère salarial et indemnitaire.

Selon jugement du 20 décembre 2019, le conseil de prud'hommes a débouté Mme [M] de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Le conseil de la salariée a interjeté appel par déclaration du 12 janvier 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 28 janvier 2023, Mme [M] demande à la cour de :

«A titre principal,

Recevoir les demandes en appel de Madame [M] et, les dire bien fondées;

Infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Marseille, en ce qu'il a été jugé que le licenciement de Madame [M] reposait sur une insuffisance professionnelle constitutive d'une cause réelle et sérieuse et I'a débouté de la somme de 66 285 EUR a titre de dommages et intérêts;

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [M] de la somme de 173.56 € au titre des IJSS indument retenues par ALOTRA du 05/12/2016 au 08/12/2016;

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [M] de la somme de 2 889,18 € au titre du reliquat de la prime annuelle 2016 outre la somme de 306, 27 € au titre des congés payés y afférents ;

Infirmer le jugement en ce qu"il a débouté Madame [M] dela somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du CPC;

Infirmer lejugement en ce qu'il a condamné Madame [M] aux entiers dépens.

En conséquence, Statuant à nouveau,

Déclarer et juger, que le licenciement pour insuffisance professionnelle notifié à Madame [M] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En conséquence, Condamner l'Association ALOTRA d'avoir à lui régler la somme de 66 285 € à titre de dommages et intérêts ;

Déclarer et juger, que l'Association ALOTRA doit verser à Madame [M],

La somme de 173.56 € au titre des IJSS indûment retenues du 05/12/2016 au 08/12/2016;

La somme de 2 889,18 € au titre du reliquat dela prime annuelle 2016 outre la somme de 306, 27 € au titre des congés payés y afférents.

Confirmer le jugement, en ce qu'il débouté l'Association ALOTRA de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

En tout état de cause,

Condamner l'Association ALOTRA d'avoir à lui régler :

3 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile de première instance,

3 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d"appel

La condamner en outre, aux entiers dépens de l'instance, y compris les frais d'exécution forcée de l'arrêt à intervenir.»

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 5 février 2021, la société demande à la cour de :

«CONFIRMER le jugement du conseil des Prud'hommes du 20 décembre 2019 en ce qu'il a :

Débouté Madame [N] [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions;

Condamné Madame [N] [M] aux entiers dépens.

En Conséquence, statuer de nouveau et,

REJETER toutes les demandes fins et conclusions de Madame [N] [M].

CONDAMNER Madame [N] [M] au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNER Madame [N] [M] aux entiers dépens. »

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur l'exécution du contrat de travail

La salariée sollicite d'une part, le paiement d'un rappel de salaire pour la période du 5 au 8 décembre 2016, l'employeur ayant encaissé les indemnités journalières, et d'autre part, un reliquat de prime au titre de l'année 2016, précisant que les conditions d'attribution ne sont pas définies.

L'association indique qu'elle a assuré le maintien du salaire sur la période concernée et que le paiement de la prime est lié pour moitié à une condition de présence et l'autre moitié à l'atteinte des objectifs, relevant que, malgré les trois mois d'absence de Mme [M] et l'absence d'atteinte des objectifs, elle a perçu en juin 2016, un acompte de 30% soit 910,82 euros, dont il n'est pas demandé le remboursement.

S'agissant du rappel de salaire, il résulte des mentions du bulletin de salaire de décembre 2016, que l'employeur a perçu les indemnités journalières (du 29/10 au 08/12/2016) mais a maintenu entièrement le salaire de Mme [M] sur la période visée par l'appelante, de sorte que la demande de cette dernière n'est pas fondée.

Concernant la prime 2016, la salariée s'appuie sur les pièces suivantes :

- un document Alotra sur 11 pages intitulé «prime de qualité de service 2015» pouvant représenter 30 à 150% du salaire brut, sous réserve du présentéisme, comportant divers critères au nombre de points, calculés par métier (pièces 5 & 74)

- une lettre du 10/12/2013 du directeur général attribuant à la salariée, au titre de la prime 2013 la somme globale de 3 950 euros bruts, dont un acompte versé en juin 2013 (pièces 76 & 85)

- un tableau effectué par l'appelante où sont reproduits les montants versés depuis 2011, au titre de la prime, et notamment pour 2014 : 3 700 euros, et 2015 : 3800 euros.

La cour relève que la pièce 75 de la salariée concerne une prime exceptionnelle versée au mois de mars 2016, à raison de 300 € pour les salariés et 800 € pour les membres du comité de direction, laquelle est sans rapport avec la demande faite.

Il résulte des pièces 44 & 45 de la salariée que la direction a mis en place à compter de l'année 2015, une prime de qualité de service en remplacement de la prime dite annuelle et dont les modalités d'attribution sont conformes à ce qui est indiqué par l'employeur.

Au regard de l'exemple donné dans ces pièces élaborées par Mme [M] en sa qualité de RRH, la salariée ayant eu 3 mois d'absence ne peut obtenir les 50% liés au présentéisme mais faute d'une évaluation fin 2016, elle est en droit d'obtenir 50% du salaire brut de décembre (pièce 8 société), soit la somme de 1 518,03 euros dont à déduire l'acompte reçu en juin, soit un reliquat de 607,21 euros bruts, auquel il convient d'ajouter les congés payés afférents, s'agissant d'un complément de salaire.

Sur la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement ne peut être reproduite utilement, comme faisant onze pages, mais il y a lieu de constater qu'elle a un fondement mixte.

A- Sur la faute reprochée

La salariée indique que ce motif n'a pas été évoqué lors de l'entretien préalable au licenciement et conteste que son sms constitue une menace directe dépassant les limites de la liberté d'expression.

L'association considère que la salariée, en sa qualité de membre du comité de direction, a commis une faute, en envoyant un message perçu comme une menace et qui avait vocation à troubler le personnel.

A l'appui, l'employeur produit uniquement des attestations dactylographiées (pièces 16-17-18) de M.[B], directeur de la gestion locative sociale, Mme [X], directrice du développement social et de Mme [K], responsable administrative et financière, indiquant avoir reçu sur leurs téléphones professionnels respectifs, le 29 octobre 2016, le message suivant, envoyé par Mme [M] :

« Je vous envoi ce message pour vous remercier de votre soutien exceptionnel. Je vous informe que j'ai bien reçu ma lettre de convocation préalable au licenciement mais vous savez que cela

n'arrive pas qu'aux autres. La roue tourne. Regardez autour de vous ce qui se passe car vous

risquez d'être surpris. La vie n'est pas un long fleuve tranquille. Je vous rappelle que ce numéro de tel est le mien et que je compte bien le conserver ».

La cour constate que si l'expression se veut ironique, la salariée n'a pas enfreint les limites de la liberté d'expression et que les attestations ne font que reproduire à l'identique le message reçu, sans indiquer que sa réception les a troublés ou qu'ils l'ont vécu comme une menace, de sorte que l'employeur ne démontre pas le caractère fautif du message.

2- Sur l'insuffisance professionnelle

L'insuffisance professionnelle qui se définit comme l'incapacité objective et durable d'un salarié d'exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification, constitue une cause légitime de licenciement.

Si l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir de l'employeur, l'insuffisance alléguée doit toutefois reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de ce dernier.

Aux termes de la lettre de licenciement du 31 novembre 2016, l'employeur reprend l'évolution de la carrière de la salariée, les moyens mis à sa disposition par un accompagnement et des formations, compte tenu de ses difficultés persistantes depuis 2014 à répondre aux nouveaux besoins afin de doter la société d'un service de RH à la hauteur des enjeux, concluant ainsi :

« Certains manquements peuvent avoir des conséquences juridiques importantes et vont à l'encontre des objectifs fixés pour pouvoir prétendre à se doter d'un service de ressources humaines fiable et crédible aux yeux des salariés.

L'exemple de la formation professionnel [SIC]est caractéristique, il s'agit d'un point identifié comme prioritaire depuis 2012.

Vous donnez aux salariés d'ALOTRA le contre-exemple de ce que nous attendons de tous, à savoir professionnalisme, implication et responsabilisation, ce qui est d'autant plus difficile au regard de notre objet social (l'aide au plus défavorisé avec le logement social et la gestion des aires d'accueil de gens de voyage) et de nos partenaires.

La cohésion des membres du CODIR qui pallient régulièrement aux dysfonctionnements du service RH commence à s'en ressentir.

Malgré plusieurs recadrages dans l'exercice de vos fonctions depuis 2014 (juin 2014, décembre

2014, juin 2015, août 2015, décembre 2015), nous constatons que malgré tous nos efforts en termes de formation et d'appui, les objectifs fixés ne sont pas atteints du fait de ces insuffisances

professionnelles.

Cette situation est devenue préjudiciable au bon fonctionnement d'ALOTRA et ne peut plus perdurer ».

La salariée fait valoir l'évolution croissante de l'effectif de salariés, passé sur les trois dernières années à 85, et le fait qu'en fin d'année 2014, l'association était satisfaite de son travail puisqu'elle a obtenu une prime et une promotion au statut cadre.

Elle conteste le qualificatif de «lettre de recadrage» du mail d'août 2015, le directeur général ayant seulement actualisé les objectifs, précisant qu'en 16 ans de carrière, le seul courrier reçu est celui du 12 septembre 2016 auquel elle a répondu, mais dont il n'a pas été tenu compte.

A titre liminaire, il y a lieu de relever que par lettre recommandée du 12 septembre 2016 (pièce 14 société), adressée à Mme [M], alors qu'elle était en arrêt pour maladie, le directeur général avait sollicité de la salariée des réponses précises sur 9 des 13 points évoqués dans la lettre de licenciement et que Mme [M] a répondu par lettre recommandée du 15 septembre, postée le 23 septembre.

Bien que la lettre de rupture ne vise pas de façon cohérente et selon des rubriques précisées, les manquements invoqués, les parties s'accordent, dans leurs écritures respectives, à regrouper ceux-ci, de la manière suivante :

- des erreurs portant sur les contrat de travail, les salaires versés et les bulletins de paie,

- des erreurs réitérées sur des dossiers sensibles,

- des missions non abouties,

- une impréparation des dossiers et un manque d'anticipation,

- un déficit durable de communication et une absence de crédibilité pour les salariés.

a) « Des contrats de travails ne correspondent pas au nombre d'heures effectuées (4 salariés à temps partiel mais ayant un contrat de travail pour un temps plein et bénéficiant d'un salaire sur cette base. Parmi ces salariés, il y a vous ; vous n'avez jamais proposé de normaliser la situation), vous n'avez pas alerté ni le CODIR ni le DG, puis n'avez pas respecté les consignes (relevé du CODIR du 04/04/2016)».

L'employeur démontre que le sujet était à l'ordre du jour du CODIR en avril 2016, mais n'apporte aucun élément démontrant que la mise en conformité demandée à Mme [M] n'a pas été faite, étant précisé que la salariée a donné des explications concrètes dans sa lettre du 15/09/2016, à savoir qu'il ne s'agissait pas de travail à temps partiel mais d'aménagement d'horaires validés par l'ancienne direction concernant trois salariés, aménagements qui ont été reconduits finalement, sauf le sien.

S'agissant des «dossiers de salariés mal gérés Mr [R],Mme [V], Mr [J]», la cour note que concernant ce dernier, l'employeur ne produit aucune pièce, et que dans ses écritures, il y a substitué le cas de Mme [U].

Il s'avère que pour cette dernière, Mme [V] et M.[R], il a été commis des erreurs sur leur salaire (notamment passage à temps plein vers un temps partiel), générant un trop perçu (pièces 19-21-22 société).

Ces erreurs sont imputables à la salariée mais il y a lieu de constater que les sommes avaient déjà été récupérées, lors du licenciement et que pour M.[R], entré le 22/08/2016, le différentiel de moins de 300 euros a été retenu sur le salaire du mois de septembre 2016.

Concernant des «Erreurs sur les congés payés et fiches de paie :sur la paie de Septembre 2016, reprenant les éléments de paie des mois précédent, il s'avère que les compteurs de congés payés sur les bulletins de salaire sont différents des compteurs du logiciel de congé : pas de vérification mensuelle de votre part», et «Salariés en congés inscrits à la journée salariés Ensemble et Solidaires ou en formation, d'où des surcoûts non justifiés», l'employeur ne produit aucune pièce et ne cite aucun exemple, se contentant de produire en pièce 71, une lettre d'Actifsud du 02/10/2019, service comptable externalisé en charge de la paie, lequel reproche à Mme [M] un travail d'interface tardif, brouillon et incomplet.

En conséquence, ces négligences répertoriées (pièce 69 société) lors de l'absence de la salariée en septembre 2016, ne peuvent lui être imputées avec certitude.

b) L'employeur reproche à Mme [M] : «Retard puis erreurs dans la gestion de la rupture conventionnelle de Mme [Z], gestionnaire sociale aire d'accueil des gens du voyage de [Localité 4], dossier sensible(salarié protégé)» et «Retards puis erreurs (saisine de la DIRECTE du Var au lieu de celle des Bouche du Rhône)».

Dans sa lettre en réponse du 15/09/2016, la salariée faisait observer que la procédure a suivi son cours normal, la signature ne se faisant pas au premier RV comme décidé lors d'un précédent CODIR et que tout le reste a été traité pendant ses congés.

La cour constate que Mme [Z] a déclaré dans une lettre reçue le 27/06/2016 vouloir signer une rupture conventionnelle sous un mois, et il ressort de la pièce 20 que le 1er entretien a a eu lieu le 7 juillet 2016, qu'il en était prévu un second le 10 août et on ignore la teneur de la lettre envoyée en juillet à une adresse erronée (pièce 36 société), de sorte que la date prévue pour le comité d'entreprise en août 2016 ne peut être considérée comme tardive.

Il ressort au surplus des pièces 48-50-52-53 de la salariée, qu'en réalité, pendant les congés de la RRH en juillet, Mme [Z] avait changé d'avis et s'orientait vers un congé sabbatique qui a été refusé, et que la procédure en vue d'une rupture conventionnelle a été reprise début août et signée le 10 août 2016, selon délégation donnée à Mme [M].

La demande d'autorisation à l'inspection du travail a été adressée le 26 août et même si Mme [M] l'a envoyée à tort à la Direccte du Var (lieu de l'établissement non autonome) et non à celle des Bouches du Rhône, cette erreur n'a pas été source de conséquences, puisque cette dernière y a répondu dès le 29 août, en prévoyant une enquête contradictoire en septembre, de sorte que le retard invoqué n'est pas imputable à la RRH mais résulte des impératifs de la procédure.

Dans ce cadre de ses écritures (mais non explicitement dans la lettre de licenciement), l'employeur

reproche encore à Mme [M] d'avoir fait une simulation d'indemnité spécifique pour une somme inférieure à celle prévue pour l'indemnité légale de licenciement, mais la cour constate que le document de calcul en pièce 20B produit par l'employeur ne peut être attribué à Mme [M], et qu'en tout état de cause, la convention signée prévoyait le versement d'une somme de 2 400 euros, soit supérieure à celle de l'indemnité légale de licenciement, évaluée à 2 360 euros.

c) L'employeur reproche à Mme [M] d'avoir laissé de côté une mission d'optimisation des charges, de n'avoir pas finalisé un référentiel des métiers et compétence, et d'avoir reproduit d'une année sur l'autre, des plans de formation, sans vision.

Sur le 1er point, intitulé dans la lettre de licenciement «Dossier prioritaire de maîtrise des charges D'ALOTRA non traité avec la société OPTIMUM ACE, qui aurait permis une économie de 3 295,60 euros nets, c'est finalement le fournisseur qui vous a relancé», la salariée a répondu dans sa lettre du 15/09/2016 qu'en 2015, le traitement de la partie URSSAF avait pris un temps non négligeable et que de ce fait, compte tenu de sa charge de travail, elle avait mis de côté le dossier, précisant avoir posé une question en juillet 2016, à laquelle il n'a pas été répondu.

Il est exact que le 28 juin 2016, le fournisseur a recontacté Mme [M] sans que l'on sache la suite donnée alors que cet organisme était chargé d'un audit, mais les pièces présentées par la société (40A et suivantes) sont les factures de cette société et aucun élément ne permet d'affirmer que l'association aurait fait l'économie visée dans la lettre de licenciement.

Sur le 2ème point, non expressément visé comme tel dans la lettre de licenciement, le directeur général considère que les trois projets remis en 2015 (pièces 32 à 34) révélaient une incompréhension des objectifs de cette mission, des termes métiers, familles de métiers, postes, et que pour 2016, les objectifs comportaient donc encore la finalisation du référentiels métiers avec l'actualisation des fiches de postes (pièce 35), pour laquelle la salariée bénéficiait de l'assistance du Cabinet RH Partners, mais qu'elle n'a pas communiqué en interne pour finaliser le document.

La construction du référentiel métiers était toujours en cours fin 2015 et sa finalisation faisait partie des objectifs de l'année 2016, mais il y a lieu de constater que la pièce 51 produite par l'association démontre un échange avec le cabinet partenaire début août 2016, sur la poursuite du projet, des fiches de postes restant à compléter par remontée du personnel, mais il est manifeste que tant la maladie puis le licenciement ont empêché la salariée de mener à bien cette mission.

Sur le 3ème point, il est précisé dans la lettre de licenciement, au titre des griefs : «Le plan de formation 2016 est incohérent, très insuffisant en terme de contenu, tout comme les orientations de celui de 2017, faux sur certains points et non conformes aux objectifs fixés», puis «Absence totale d'identification des besoins de formation, d'évaluation des formations dispensées et de suivi pour chaque salarié, non inscrit dans ue démarche progressive d'accumulation de compétences».

Même si l'élaboration du plan articulé avec les besoins et attentes des salariés, faisait partie des objectifs 2016 à accomplir par Mme [M], la cour constate l'absence d'éléments concrets et vérifiables donnés, permettant de retenir la critique formulée dans la lettre de licenciement.

d) Au titre du grief d'impréparation des dossiers et de manque d'anticipation, lequel ne figure pas comme tel dans la lettre de licenciement, l'employeur donne deux exemples : actualisation du plan d'action relatif à l'égalité hommes-femmes, et réunion du comité d'entreprise du 2/09/2016 auquel Mme [M] était absente.

Il ressort des pièces visées par l'employeur (45 à 48), concernant le 1er point, que la salariée a répondu aux interrogations de l'employeur sur la NAO considérée comme obligatoire par l'inspection du travail dans sa missive du 4 juillet, et a préparé une réponse signée le 24 août 2016, de sorte qu'aucun grief ne peut être retenu.

Il est constant que la salariée a dû s'absenter pour raison médicale dès le 1er septembre, mais elle a demandé elle-même à rencontrer le directeur général le 31 août, afin de préparer le comité d'entreprise.

Elle s'en explique dans sa lettre du 15/09/2016, relatant sans être contredite leur accord pour ne présenter le document final sur les fiches de poste, que lors de la prochaine réunion du CE en octobre, et après validation du CODIR, relevant ne pas comprendre les erreurs invoqués sur les plans de formation, s'étant basée sur les actions réalisées en cours.

e) Il est reproché de façon générale à Mme [M], dans la lettre de licenciement, des difficultés sur le plan de la communication avec les salariés, et plus précisément :«absence de réponse aux demandes de formation des salariés : cas de la gestionnaire sociale de [Localité 4] ; sollicitation de la Directrice du développement Social (DDS)auprès de la RH concernant une formation, démontrant vos difficultés à être vue comme une personne ressource ; réponse non adaptée à la demande de récupération effectuée par la responsable de la gestion locative (RGL)de la résidence sociale [6]».

Sur ce dernier point, la salariée a répondu dans sa lettre du 15/09/2016, avoir rappelé les règles en matière d'heures supplémentaires et être dans son rôle, puisque le décompte des heures adressé au supérieur hiérarchique de la RGL n'avait pas été validé par ce dernier.

Concernant le devis soumis par la DDS en juin 2016, Mme [M] s'est contentée de dire que la formation lui paraissait un peu chère et a demandé à avoir le détail du programme, ce qui montre son intérêt apporté à donner des réponses.

Il est exact que dans son mail du 28 août 2015, le directeur général, après avoir évoqué divers dossiers de l'été, avait non pas recadrer la salariée mais compléter la feuille de route de celle-ci, lui fournissant quelques indications, concernant son positionnement en tant que RRH, mais les quelques exemples donnés dans la lettre de licenciement sont insuffisants à eux seuls pour démontrer que Mme [M] était en déficit de communication avec les salariés, étant précisé que comme l'a reconnu l'employeur lors d'un CE du 21 octobre 2016, le turn-over était préoccupant.

A la lumière des explications fournies par Mme [M] et des pièces communiquées par les parties, il y a lieu de constater que les griefs exposés dans la lettre de licenciement étaient non pertinents pour partie et les erreurs pointées non significatives, et qu'il n'a pas été tenu compte des points positifs (journée pour les salariés organisée en juin 2016, installation du CHSCT, engagement unilatéral sur prime d'ancienneté, diverses notes d'information).

L'association qui a voulu se doter d'un véritable service RH, au regard du nombre de salariés répartis sur plusieurs entités de la région PACA, a, certes, utilisé les services de cabinet extérieurs pour des missions ciblées, permis à Mme [M] de suivre une formation à l'[5] d'[Localité 3] en 2015, mais n'a pas accédé à la demande de la salariée, d'avoir une assistante (cf CODIR de mai 2016 pièce 24 salariée et demande du 28/06/16 à raison de 24h hebdomadaires pièce 56 salariée), ne l'a déchargée de la fonction paye qu'en janvier 2016, et ne s'est pas interrogée suffisamment sur sa charge de travail au regard des objectifs fixés, le cabinet RH Partners ayant lui-même évalué l'effectif RH nécessaire de 1 à 2 %, au-delà de 74 salariés.

Par ailleurs, il est manifeste que l'employeur a agi avec précipitation, puisque dès fin septembre 2016, Mme [M] a répondu à ses questions, de façon précise et qu'il n'a tenu aucun compte de cette lettre, dans laquelle Mme [M] exposait également un ressenti de harcèlement moral par acharnement (mail pendant les congés payés et lettre pendant un arrêt de travail), un comportement discriminatoire par suppression des accès professionnels quelques jours après le début de son arrêt de travail.

En effet, l'employeur n'a pas offert à Mme [M] la possibilité de s'expliquer plus avant par le biais d'un entretien et ainsi de procéder à des actions correctives notamment concernant les documents RH qu'il considérait essentiels, à son retour d'arrêt maladie prévu le 14 septembre 2016.

En conséquence, la cour relevant de surcroît que l'employeur n'a pas démontré que les quelques éléments en défaveur de la salariée ont eu une répercussion sur le fonctionnement de l'association, dit que la cause du licenciement n'était ni fondée ni légitime.

Sur les conséquences financières de la rupture

La salariée était âgée de 52 ans lors de son licenciement et avait plus de 16 ans d'ancienneté. Elle a perçu, selon l'attestation Pôle Emploi délivrée, une rémunération moyenne sur les trois derniers mois d'un montant de 3 387,38 euros bruts et n'a pas retrouvé d'emploi, ayant été déclarée invalide en 2019.

En considération de ces éléments, il convient de fixer son préjudice global résultant de la rupture, à la somme de 50 000 euros.

La sanction prévue à l'article L.1235-4 du code du travail doit être appliquée d'office, dans la limite de trois mois.

Sur les frais et dépens

L'intimée qui succombe au principal, doit s'acquitter des dépens de la procédure, être déboutée de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à ce titre, payer à Mme [M] la somme de 2 500 euros.

La demande relative aux frais d'exécution forcée doit être rejetée, s'agissant de frais futurs.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme le jugement déféré SAUF en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de salaire,

Statuant des chefs infirmés et Y ajoutant,

Dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne l'Association pour le Logement des Travailleurs dite Alotra à payer à Mme [N] [M], les sommes suivantes :

- 607,21 euros bruts au titre du reliquat de prime 2016

- 60,72 euros bruts au titre des congés payés afférents

- 50 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 2 500 euros nets sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne s'il y a lieu, le remboursement par l'association Alotra à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à la salariée, dans la limite de 3 mois,

Dit qu'à cette fin, une copie certifiée conforme de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi, par le greffe,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne l'association Alotra aux dépens de 1ère instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 20/00421
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;20.00421 ?
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