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04/07/2024 | FRANCE | N°20/00376

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 04 juillet 2024, 20/00376


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 04 JUILLET 2024



N° 2024/ 126



RG 20/00376

N° Portalis DBVB-V-B7E-BFND7







[D] [Y] épouse [H]





C/



[J] [G]

S.A.S. LES 2 G TRAITEURS











Copie exécutoire délivrée le 04 Juillet 2024 à :



-Me Julien BERNARD, avocat au barreau de MARSEILLE



-Me Valérie KEUSSEYAN-

BONACINA, avocat au barreau de MARSEILLE
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- Me Livia GARIDOU, avocat au barreau de MARSEILLE































Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 13 Décembre 2019 enregistré au répertoire généra...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024

N° 2024/ 126

RG 20/00376

N° Portalis DBVB-V-B7E-BFND7

[D] [Y] épouse [H]

C/

[J] [G]

S.A.S. LES 2 G TRAITEURS

Copie exécutoire délivrée le 04 Juillet 2024 à :

-Me Julien BERNARD, avocat au barreau de MARSEILLE

-Me Valérie KEUSSEYAN-

BONACINA, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Livia GARIDOU, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 13 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F18/00874.

APPELANTE

Madame [D] [Y] épouse [H], demeurant [Adresse 5] - [Localité 1]

comparante en personne, assistée de Me Julien BERNARD de la SELARL LESCUDIER & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Aude JOUBERT-COPPANO, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [J] [G], demeurant [Adresse 3] - [Localité 1]

représenté par Me Valérie KEUSSEYAN-BONACINA, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Emilie BERTAUT, avocat au barreau de MARSEILLE

S.A.S. LES 2 G TRAITEURS, demeurant [Adresse 4] - [Localité 2]

représentée par Me Livia GARIDOU, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2024, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 4 Juillet 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 4 Juillet 2024

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

M. [J] [G] était engagé par Mme [D] [Y] épouse [H], exploitant sous l'enseigne Boucherie [H], à compter du 1er mars 2017, en qualité de charcutier traiteur, selon contrat à durée indéterminée à temps complet.

La convention collective nationale applicable était celle de la boucherie, boucherie-charcuterie, boucherie hippophagique, triperie, commerces de volailles et gibiers du 12 décembre 1978.

Par avenant du 1er mai 2017, la durée du travail était portée à 24 heures hebdomadaires réparties du mardi au vendredi de 7 h à 13 h, moyennant un salaire mensuel brut de 1 155 €.

M. [G] était convoqué le 20 novembre 2017 par courrier remis en main propre contre décharge à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 28 novembre 2017. Il était licencié pour motif économique par courrier du 8 décembre 2017.

Selon courrier recommandé avec avis de réception du 8 janvier 2018, Mme [H] faisait savoir au salarié qu'elle avait procédé à l'annulation du licenciement pour motif économique.

En raison de la cession du fonds de commerce à la société les 2G Traiteurs, M. [G] était convoqué par cette dernière le 2 février 2018 à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 9 février 2018. Il était licencié pour motif économique par courrier du 20 février 2018.

M. [G] saisissait le 27 avril 2018 le conseil de prud'hommes de Marseille en contestation du licenciement du 8 décembre 2017 et en paiement d'indemnités.

Par jugement du 13 décembre 2019 le conseil de prud'hommes a statué comme suit :

« CONDAMNE Madame [D] [Y] épouse [H] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse après la procédure licenciement et notification du licenciement du CSP, le 08 décembre 2017.

Le salarie est réintégré dans l'entreprise et nous avons des bulletins de salaires jusqu'au 31 janvier 2018.

CONDAMNE Madame [D] [Y] épouse [H] à payer à Monsieur [S] [G] les sommes suivantes :

- 1.155,40 euros pour irrégularité de procédure.

- 2.310,80 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- 4.000 euros pour exécution fautive du contrat de travail;

- 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et intérêts de droits depuis la saisine du 24 juillet 2018.

DEBOUTE Monsieur [J] [G] de sa demande concernant le manquement d'information préalable à cession.

La SAS les 2 G TRAITEURS est libérée par son solde de tout compte de son salarié Monsieur [J] [G] en date du 21 mars 2018.

CONDAMNE Madame [D] [Y] épouse [H] aux entiers dépens ».

Par acte du 10 janvier 2020, le conseil de cette dernière a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 2 juillet 2020, Mme [H] demande à la cour de :

« Recevoir Madame [H] en sa voie de recours,

La dire recevable et bien fondée,

Débouter Monsieur [G] de son appel incident,

Infirmer dans toutes ses dispositions, remises en cause par l'appelante, le jugement déféré et statuant à nouveau :

A titre principal :

Dire et Juger que le Conseil des Prud'hommes de Marseille était matériellement incompétent pour connaître de la demande de Monsieur [G] tendant à l'octroi de dommages et intérêts au titre du prétendu non-respect de l'obligation d'information des salariés en cas de vente d'un fonds de commerce sur le fondement des dispositions des articles L.141-23 du Code de Commerce,

Dire et Juger que l'intimé devait saisir la Juridiction de droit commun pour connaître de sa demande, en l'occurrence le Tribunal judiciaire de Marseille,

L'inviter à se mieux pourvoir,

A titre subsidiaire :

Constater que Monsieur [G] ne pouvait ignorer le projet de cession du fonds de commerce des Epoux [H],

Dire et Juger qu'il ne rapporte pas la preuve d'un préjudice résultant du prétendu défaut d'information de ce chef,

Par conséquent, Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté purement et simplement Monsieur [G] de sa demande d'indemnisation de ce chef,

En tout état de cause :

Débouter Monsieur [G] de sa demande tendant à se voir remettre sous astreinte la copie de l'acte de cession au fonds de commerce, cette demande étant devenue sans objet,

Dire et Juger que le licenciement notifié le 08 décembre 2017 a fait l'objet d'une rétractation de Madame [H] à laquelle Monsieur [G] a consenti,

Constater que le Contrat de travail de Monsieur [G] a été repris par la Société Les 2G Traiteurs conformément aux dispositions de l'article L.1224-1 du Code du Travail, et qu'il a été poursuivi,

Ce faisant, Débouter Monsieur [G] de ses demandes formulées au titre du licenciement notifié le 08 décembre 2017 et dirigées contre Madame [H],

Constater encore que Madame [H] a cessé d'être l'Employeur de Monsieur [G] en date du 1er février 2018,

Ce faisant, Débouter Monsieur [G] de ses demandes formulées au titre du licenciement initié et notifié par la SAS Les 2G Traiteurs dirigées envers Madame [H],

Dire et juger que Monsieur [G] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une exécution fautive du contrat de travail imputable à Madame [H], ni d'un quelconque préjudice qui en découlerait,

Ce faisant, Débouter Monsieur [G] de toutes ses diverses, fins et prétentions dirigées à l'encontre de Madame [H],

Condamner Monsieur [G], in solidum avec toutes autres parties succombantes, à payer à Madame [H] la somme de 4.000 € au titre de ses frais irrépétibles sur le fondement

des dispositions de l'article 700 du CPC, incluant ceux exposés en première instance,

Condamner enfin Monsieur [G], in solidum avec toutes autres parties succombantes, à supporter les dépens de première instance et d'appel ».

Dans ses dernières écritures communiquées au greffe par voie électronique le 2 septembre 2020, M. [G] demande à la cour de :

« A titre principal,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

Dit et jugé que le licenciement prononcé par Madame [H] est dénué de cause réelle et sérieuse, Condamné Madame [H] à payer à Monsieur [G] les sommes suivantes:

' 1.155,40 € à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure,

' 2.310,80 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Recevoir Monsieur [G] en son appel incident,

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [G] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions relatives à l'information préalable à la cession des salariés,

Statuant à Nouveau,

Dire et Juger qu'en ne respectant pas les dispositions impératives de l'article L141-23 du Code de Commerce, Madame [H] a commis un grave manquement constituant une exécution fautive du contrat de travail au préjudice de Monsieur [G],

Condamner Madame [H] à verser à Monsieur [G] la somme de 4.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

Condamner Madame [H] à verser à Monsieur [G] la somme de 4.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner Madame [H] aux intérêts de droit depuis la saisine du Conseil, avec capitalisation des intérêts (article 1342-2 du Code Civil),

Débouter Madame [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire :

Recevoir Monsieur [G] en son appel provoqué,

Rejeter l'appel incident et la demande reconventionnelle de la Les 2G Traiteurs comme étant mal fondés,

Réformer le jugement entrepris et statuant à nouveau,

Condamner Madame [H] et la société Les 2G Traiteurs in solidum pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamner Madame [H] et la société Les 2G Traiteurs in solidum à verser à Monsieur [J] [G] les sommes suivantes :

- dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure

pour défaut d'entretien préalable ................................................. 1.155,40 €

- dommages et intérêts pour licenciement sans cause

réelle ni sérieuse ......................................................................... 2.310,80 €

Condamner Madame [H] et Les 2G Traiteurs in solidum à verser à Monsieur [G] la somme de 4.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner Madame [H] et Les 2G Traiteurs in solidum aux intérêts de droit depuis la saisine du Conseil, avec capitalisation des intérêts (article 1343-3 du Code Civil),

Débouter la SAS Les 2G Traiteurs de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions».

Selon ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 12 juin 2020, la société Les 2G Traiteurs demande à la cour de :

« Dire la société Les 2G Traiteurs recevable en son appel incident à l'encontre du jugement du 13 décembre 2019,

Dire et Juger mal fondé l'appel incident de Monsieur [G],

Dire et Juger mal fondé l'appel provoqué de Monsieur [G],

En conséquence :

Réformer partiellement le jugement entrepris,

Et statuant à nouveau :

A titre principal :

Constater que le licenciement de Monsieur [G] prononcé par Madame [H] a emporté la cessation du contrat de travail de ce dernier,

Constater que le contrat de travail de Monsieur [G] n'était pas « en cours » au sens de l'article L.1224-1 du Code du travail au moment de la cession du fonds de commerce dont la société Les 2G Traiteurs a pris possession le 1er février 2018,

Constater que le contrat de travail de Monsieur [G] n'a pas été transféré sur le fondement de l'article L.1224-1 du Code du travail à l'endroit de la société les 2G Traiteurs,

Constater l'absence de relation salariale entre la société Les 2G Traiteurs et Monsieur [G],

Constater que le licenciement notifié par la société Les 2G Traiteurs le 20 février 2018, à l'endroit de Monsieur [G] est sans objet en l'absence de lien de subordination juridique existant entre les parties,

Débouter en conséquence Monsieur [G] de ses demandes de condamnation «in solidum» à l'encontre de la société Les 2G Traiteurs au titre de son prétendu licenciement sans cause réelle et sérieuse et, au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement,

Condamner Monsieur [G] à rembourser à la société Les 2G Traiteurs la somme de 1825,30 € versée par erreur,

A titre subsidiaire :

Constater que les demandes au titre du caractère dépourvu de cause réelle et sérieuse du licenciement de Monsieur [G] et de l'irrégularité de la procédure de licenciement ne peuvent pas se cumuler, Constater que Monsieur [G] ne justifie pas de son prétendu préjudice au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement dont il a fait l'objet et pas non plus, au titre de la rupture de son contrat de travail,

Débouter en conséquence, Monsieur [G] de l'ensemble de ses demandes de ces chefs,

A titre infiniment subsidiaire :

Constater la compensation des créances entre les condamnations éventuelles prononcées et la somme de 1825,30 € versée par erreur par la société Les 2G Traiteurs au bénéfice de Monsieur [G],

En tout état de cause :

Condamner Monsieur [J] [G] et Madame [D] [Y] épouse [H] aux entiers dépens,

Condamner Monsieur [J] [G] à verser la somme de 2 500 € à la société Les 2G Traiteurs en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner Madame [D] [Y] épouse [H] à verser la somme de 2 500 € à la société Les 2G Traiteurs en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Débouter Monsieur [J] [G] de l'ensemble de ses demandes contre la société Les 2G Traiteurs».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les « Dire et Juger» et les «Constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi. En conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur le licenciement

1. Sur le défaut d'entretien préalable

Mme [H] soutient qu'il y a eu un entretien préalable à la mesure de licenciement le 28 novembre 2017 et qu'elle a remis à cette date, au salarié les documents d'information relatifs au contrat de sécurisation professionnelle.

M. [G] fait valoir que l'entretien préalable n'a jamais eu lieu et qu'il ne lui a nullement été proposé un contrat de sécurisation professionnelle.Il indique que lors la remise de la lettre de licenciement du 8 décembre 2017, Mme [H] lui a fait signer le récépissé du contrat de sécurisation professionnelle en ayant pris soin de le faire antidater et qu'il a refusé le 8 décembre 2017 d'adhérer au dispositif proposé, ce qui démontre l'absence d'entretien préalable.

La société les 2G soutient qu'aucune condamnation in solidum entre elle et l'appelante ne saurait être prononcée à son encontre au titre de l'irrégularité du licenciement intervenu, en raison du non cumul avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle précise que M. [G] ne justifie ni d'un préjudice, ni du quantum des dommages et intérêts sollicités du fait de l'absence prétendue de son entretien préalable.

En vertu des dispositions de l'article L.1233-66 du code du travail lorsque l'employeur envisage de prononcer un licenciement pour motif économique, il est tenu de proposer lors de l'entretien préalable à l'issue de la dernière réunion des représentants du personnel, le bénéfice de contrat de sécurisation professionnelle.

En l'espèce, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement économique le 28 novembre 2017, la convocation mentionnant explicitement qu'au cours de l'entretien, il lui sera proposé le bénéfice d'un contrat de sécurisation professionnelle, avec un délai de 21 jours pour faire connaître sa réponse expirant le 19 décembre 2017.

L'appelante justifie en pièce 5 avoir remis au salarié le document de présentation du contrat de sécurisation professionnelle que ce dernier a signé le 28 novembre 2017, jour de l'entretien préalable, ce qui laisse présumer que celui-ci s'est tenu à cette date.

La notification le 8 décembre 2017 du licenciement pour motif économique par lettre remise en main propre contre décharge et le refus de contrat de sécurisation professionnelle signé par le salarié à la même date ne permettent pas d'accréditer une man'uvre dolosive de la part de Mme [H], le salarié ne produisant aucun élément probant en ce sens.

Dès lors, l'irrégularité n'est pas établie et le salarié doit être débouté de sa demande à l'encontre de Mme [H] et de la société les 2G, le jugement entrepris étant infirmé de ce chef.

2 . Sur la rétractation du licenciement

Mme [H] soutient que l'annulation du licenciement a été notifiée au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 8 janvier 2018, déposée en bureau de poste le 11 janvier 2018 et pris en charge par les services postaux le 13 janvier 2018 et qu'il y a eu un transfert du contrat de travail à la société 2 G Traiteurs.

Elle estime que M. [G] a acquiescé à l'annulation de son licenciement et qu'à aucun moment ce dernier ne s'est opposé à la rétractation de son licenciement pour motif économique. Elle souligne que son bulletin de salaire du mois de janvier 2018 précise qu'il était en congés payés du 9 au 23 janvier 2018, soit postérieurement à la date théorique de la fin de son préavis et qu'il était en congés sans solde du 24 au 31 janvier 2018.

Elle précise également que dès son retour de congé le 29 janvier 2018, le salarié a été sommé de reprendre son travail et qu'il a revendiqué sa qualité de salarié de l'entreprise SAS 2 G Traiteurs indiquant qu'il se tenait à leur disposition.

M. [G] fait valoir que Mme [H] ne peut valablement invoquer l'annulation du licenciement puisque la lettre n'a été postée que le 13 janvier 2018, soit après la fin du préavis.

Il fait valoir que cette dernière s'abstient de verser au débat l'accusé réception démontrant la réalité de l'envoi du courrier de l'annulation du licenciement adressé à la Direccte et souligne, qu'à l'évidence au vu du compromis de cession et de l'acte définitif, Mme [H] a tenté de se soustraire aux dispositions impératives de l'article L. 1224-1 du code du travail.

La société les 2 G Traiteurs conclut à l'absence de transfert du contrat de travail et soutient qu'aucune condamnation ne saurait être prononcée à son encontre dans la mesure où le contrat de travail a été rompu avant la cession du fonds de commerce et ne lui a pas été transféré.

Elle considère qu'il n'y avait pas de relation salariale entre les parties, M.[G] n'ayant jamais accompli la moindre prestation de travail et qu'elle lui a notifié un licenciement en méconnaissance et sur les conseils de Mme [H]. Il souligne que l'intimé a sollicité la condamnation de la cédante du fond de commerce et n'a jamais demandé la poursuite de son contrat de travail par la société 2G Traiteurs.

Selon une jurisprudence constante, dès l'instant où il est notifié, le licenciement ne peut être annulé unilatéralement par l'employeur et ce dernier ne peut revenir sur sa décision qu'avec l'accord express du salarié licencié. Ce dernier est alors en droit de refuser la reprise des relations contractuelles. Par ailleurs, l'accord du salarié sur la rétractation du licenciement doit être clair et non équivoque.

Mme [H] a notifié au salarié son licenciement pour motif économique le 8 décembre 2017 et y a renoncé par un courrier recommandé du 8 janvier 2018, distribué le 29 janvier 2018.

Or, il s'avère que par courrier du 9 janvier 2018, soit à l'issue de son préavis, le salarié avait réclamé à l'appelante son solde de tout compte ainsi les documents pour son inscription au service pôle emploi et qu'il s'est présenté le 29 janvier 2018 sur son lieu de travail, non pas pour reprendre le travail, mais pour récupérer son chèque de salaire, ce qui est confirmé par les témoignages de M. [I], frigoriste, et de M. [U] [H], boucher.

En effet, tous deux ont constaté que le salarié s'était présenté le 29 janvier 2018 à l'issue de ses congés afin de récupérer le chèque de son salaire du mois de janvier 2018 et qu'il avait refusé de reprendre le travail (pièces appelante 9 et 10 et pièce intimée 8).

Il se déduit de ces éléments que le salarié, qui avait à cette date, connaissance de la rétractation du licenciement, n'a pas souhaité poursuivre la relation contractuelle.

Le bulletin de salaire du mois de janvier 2018 portant mention des congés payés du 9 au 23 janvier 2018 et des congés sans solde, à la seule initiative de l'employeur et nonobstant l'absence de demande de rectification de la part du salarié, ne sauraient constituer une volonté de M.[G] de consentir à la rétractation.

Dès lors, l'appelante ne justifie pas de l'accord clair et non équivoque du salarié, et dès lors la rupture de la relation contractuelle par le licenciement économique doit être considérée comme acquise, de sorte que le transfert du contrat de travail à la société les 2 G traiteurs ne peut être opposé, ni à cette dernière, ni au salarié, peu importe que celui-ci ait indiqué être à la disposition de la société dans un courrier postérieur (pièce intimée 11).

Le jugement entrepris doit en conséquence être infirmé de ce chef.

3. Sur le bien fondé du licenciement

En vertu des dispositions de l'article L.1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.
 

En l'espèce, la lettre de licenciement était libellée dans les termes suivants :

« Nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour motif économique. Celui-ci est justifié par le motif suivant : la cessation d'activité de l'entreprise entraînant la suppression de votre poste (...) »

L'appelante soutient qu'elle a cessé d'être l'employeur de M.[G] et souligne que l'information préalable des salariés sur les difficultés économiques de l'entreprise n'obéit à aucun formalisme particulier. Elle estime que la clause selon laquelle elle assumerait toutes les conséquences financières en cas de condamnation suite à la vente du fonds de commerce est sans effet sur le litige.

Le salarié objecte que les motifs figurant dans la lettre de licenciement ne peuvent être qualifiés de réels et sérieux. Il indique par ailleurs que l'employeur doit lors de la mise en 'uvre d'une procédure de licenciement économique exposer au salarié à l'occasion de l'entretien préalable ou de la remise du contrat de sécurisation professionnelle les motifs du licenciement, ce qui n'a pas été le cas. Il estime également qu'en sa qualité de charcutier traiteur, il pouvait parfaitement être transféré sur la nouvelle activité de fromagerie et de charcuterie traiteur initialement envisagée par l'appelante.

Il souligne que Mme [H] s'est engagée à vendre aux consorts [K] et [F] le fonds de commerce de boucherie traiteurs dès le 11 octobre 2017, et que les parties ont donc souhaité se soustraire aux dispositions d'ordre public de l'article L. 1224-1 du code du travail au regard de la clause mentionnant « une procédure de rupture conventionnelle en cours, la partie cédante s'engageant d'ores et déjà assumer l'ensemble des conséquences financières et sociales de la rupture ».

Il précise que le conseil n'a pas tranché une question de droit commercial mais s'est positionné sur le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement.

Le salarié doit être informé au plus tard au moment où la proposition du contrat de sécurisation professionnelle lui est formulée de la motivation économique de la rupture envisagée.

Par ailleurs, si par application de l'article L1233-3, 4° du code du travail dans sa version applicable au litige, le licenciement pour motif économique peut résulter d'une cessation d'activité de l'entreprise, encore faut-il que l'employeur démontre la réalité de la suppression de l'activité.

En l'espèce, l'appelante ne justifie pas avoir porté à la connaissance du salarié, que ce soit par écrit ou par tout autre moyen, les motifs du licenciement économique, avant la proposition du contrat de sécurisation professionnelle.

Par ailleurs, le motif économique invoqué, à savoir la cessation de l'activité de boucherie-charcuterie, n'est ni réel ni sérieux, dans la mesure où cette activité s'est poursuivie après le licenciement retenu par la cour, du fait de la cession du fonds de commerce reprenant la même activité , le 1er février 2018, à la société les 2G Traiteurs.

Il est constaté enfin que Mme [H] avait connaissance de la poursuite de l'activité de charcuterie traiteur dès la signature le 11 octobre 2017 de la promesse de la vente du fonds de commerce, soit antérieurement au licenciement, établissant l'inanité de ce motif.

En conséquence, la cour dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences de la rupture

L'appelante conteste le quantum de la demande dans la mesure où le salarié sollicite l'octroi d'une indemnisation à hauteur de deux mois de salaire, ce qui correspond à l'indemnisation maximale prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version en vigueur à la date du licenciement.

La société les 2 G Traiteurs soutient que la cour ne saurait prononcer une quelconque condamnation au titre de la rupture abusive d'un contrat de travail qui n'a pas été transféré et qui est inexistant.

Elle fait valoir qu'en application de l'article L. 1235 -3 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, le salarié qui ne justifie pas d'une année complète d'ancienneté et qui fait l'objet d'un licenciement abusif par une entreprise employant moins de 11 salariés ne peut prétendre à aucun dommage et intérêts.

Elle indique également que le salarié ne démontre pas le préjudice lié à la perte de son emploi, ni ne justifie de sa situation professionnelle après la rupture de son contrat de travail et précise que ce dernier est cogérant d'une société ayant pour activité la charcuterie, laquelle est active depuis 2005.

Le salarié indique qu'au regard de la jurisprudence il n'est pas tenu de justifier d'un tel préjudice, la perte d'un emploi suffisant amplement à le caractériser.

Le salarié, employé dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés et qui avait moins d'un d'ancienneté, peut prétendre en application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce, à une indemnité maximale d'un mois de salaire.

Eu égard au montant de la rémunération mensuelle brute perçue par le salarié, le préjudice résultant pour ce dernier, de la rupture du contrat de travail doit être fixé à la somme de 1 155 euros.

Le jugement entrepris doit être infirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

Mme [H] reproche au conseil des prud'hommes de l'avoir condamnée pour exécution fautive sans caractériser la prétendue faute qu'elle aurait commise, ni le préjudice qui en serait résulté. Elle relève que, dans le cadre de son appel incident,le salarié ne sollicite désormais que l'octroi de dommages-intérêts pour exécution fautive de son contrat de travail en raison du non-respect des dispositions relatives à l'information préalable à la cession des salariés.

Elle soulève à ce titre une exception de procédure tirée de l'incompétence de la juridiction prud'homale et indique que cette obligation relève de la compétence des juridictions de droit commun.

Elle explique que l'obligation d'information des salariés prévue en cas de vente d'un fonds de commerce par le propriétaire découle non pas de l'exécution du contrat de travail mais de l'application des dispositions légales prévues par le code de commerce. Elle considère que l'action en responsabilité fondée sur le non respect de cette obligation relève de la compétence des juridictions de droit commun.

Elle précise que M. [G] connaissait parfaitement le projet de cession du fonds de commerce et la possibilité qui lui était offerte de formuler une offre d'achat dès le 11 août 2017, cette information ayant été communiquée par voie d'affichage, et que ce dernier est taisant sur la nature du préjudice subi du fait de cette prétendue absence d'information de la cession.

M. [G] soutient que le non respect des dispositions du code de commerce caractérise une exécution fautive du contrat de travail et que la juridiction prud'homale est compétente pour en connaître.

Il explique qu'il n'a pas appris la vente du fonds de commerce qu'à réception du courrier de rétractation du licenciement et conteste le document d'information et les attestations versées par l'appelante et établis pour les besoins de la cause.

La société les 2G Traiteurs estime qu'elle ne peut être condamnée à ce titre.

Aux termes des articles L1411-1 et L1411-4 du code du travail, le conseil de prud'hommes est seul compétent pour juger les litiges qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail entre les employeurs ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient.

Les dispositions de l'article 141-23 du code du commerce prévoient par ailleurs une obligation d'information des salariés des petites et moyennes entreprises non dotées d'un CE lorsque la cession d'un fonds de commerce de leur employeur est envisagée, au plus tard deux mois avant la cession.

En l'espèce, la demande du salarié ne saurait être considérée comme une action en responsabilité autonome et en vertu de son contrat de travail, M. [G] devait être informé du projet de cession.

Dès lors, la juridiction prud'homale est compétente et l'exception soulevée doit être rejetée.

Au fond, Mme [H] justifie de l'information aux salariés de l'entreprise de la cession du fonds de commerce au vu de la fiche qui a été apposée dans la boucherie charcuterie et en l'état de témoignage de M. [E] qui atteste « avoir vu la fiche vente du fond de la boucherie charcuterie traiteur dans le laboratoire et la cuisine de la boucherie de la période d'août 2017 à fin janvier lors du dépannage et de l'entretien des installations » (pièces appelante 11 et 12).

L'exécution déloyale du contrat de travail fondée sur ce seul moyen n'est pas démontrée et le salarié doit être débouté de ce chef de demande.

Dès lors, le jugement entrepris doit être infirmé ce chef.

Sur la demande reconventionnelle de la société les 2G

La société les 2G Traiteurs réclame le remboursement de la somme de 1 825,30 € versée indûment à M. [G], au titre du solde de tout compte en raison de son erreur, alors que ce dernier n'a jamais été son salarié, ni au titre du contrat de travail conclu avec l'appelante, ni au titre d'une nouvelle relation salariale en l'absence de lien quelconque de subordination juridique.

Elle souligne qu'elle a erronément cédé aux demandes de régler un reçu pour solde de tout compte, que l'erreur n'étant pas créatrice de droit, ce paiement ne saurait constituer la reconnaissance d'un quelconque lien de subordination.

M. [G] s'y oppose relevant que la rétractation du licenciement par Mme [H] a entraîné sa réintégration dans les effectifs de la société de boucherie acquise par la société les 2G traiteurs et qu'il lui appartenait de régler le solde de tout compte.

Il précise que si indû il y a, la demande reconventionnelle de la société les 2 G Traiteurs doit être dirigée à l'encontre de Mme [H], dès lors qu'il est bien indiqué à l'acte de cession qu'elle assumera toutes les conséquences de la rupture du contrat du salarié.

En l'espèce, la société les 2G Traiteurs a versé au salarié la somme de 1825,30 € correspondant au mois de février 2018 et à l'indemnité de licenciement économique, visée au solde de tout compte signé le 20 mars 2018, somme régularisée à la barre du tribunal au vu du jugement du conseil des prud'hommes.

En l'absence de transfert du contrat de travail, le salarié ne peut prétendre à ces sommes qui sont donc indues, nonobstant le fait que le salarié se soit tenu à la disposition de la société les 2G Traiteurs et dès lors, la société les 2G Traiteurs doit être accueillie en sa demande reconventionnelle.

Sur les autres demandes

Mme [H] qui succombe même partiellement doit s'acquitter des dépens, être déboutée de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à ce titre, condamnée à payer la somme de 1 500 € au salarié et la somme de 1 500 € à la société 2G Traiteurs.

Les sommes allouées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision.La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil .

Les circonstances de la cause justifient de voir écarter la demande de la société les 2 G Traiteurs à l'encontre de M. [G] faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Rejette l'exception de procédure soulevée par Mme [H];

Infirme le jugement déféré SAUF dans ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit le licenciement économique notifié le 08/12/2017, dénué de cause réelle et sérieuse,

Condamne Mme [D] [Y] épouse [H] à payer à M. [J] [G], les sommes suivantes :

- 1 155 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Dit que les intérêts au taux légal sur ces sommes sont dûs à compter de la présente decision,

Ordonne leur capitalisation à condition qu'ils soient dûs au moins pour une année entière,

Condamne M. [J] [G] à payer à la société les 2G Traiteurs la somme de 1 825,30€ en repétition de l'indû ,

Condamne Mme [D] [Y] épouse [H] à payer à la société les 2G Traiteurs la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne Mme [D] [Y] épouse [H] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 20/00376
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;20.00376 ?
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