COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-3
ARRÊT AU FOND
DU 04 JUILLET 2024
N° 2024/86
Rôle N° RG 20/00308 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFM34
SARL CLOTURES DE PROVENCE
C/
SA LINKEO.COM
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Gilles ALLIGIER
Me Joseph MAGNAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de DRAGUIGNAN en date du 17 Décembre 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 2018/3804.
APPELANTE
SARL CLOTURES DE PROVENCE, représentée par son représentant légal, dont le siège social est sis [Adresse 4] - [Localité 3]
représentée par Me Gilles ALLIGIER, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE assistée de Me David CHABBAT, avocat au barreau de GRASSE, plaidant, substituant Me Jean-Louis DAVID, avocat au barreau de GRASSE
INTIMEE
SA LINKEO.COM prise en la personne de son représentant légal,
dont le siège social est sis [Adresse 1] - [Localité 2]
représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Yasmine LEZHARI, avocat au barreau de PARIS, plaidant, substituant Me Jean-François PUGET, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise PETEL, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Philippe DELMOTTE, Président
Madame Françoise PETEL, Conseillère
Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024
Signé par Monsieur Philippe DELMOTTE, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
En 2015, la SARL Clôtures de Provence a souscrit auprès de la SA Linkeo.com un « bon de commande valant contrat de prestation et de location d'une solution logicielle » pour la création d'un site « e commerce » et sa maintenance.
Invoquant le défaut d'exécution par le prestataire de ses obligations contractuelles, par acte du 2 août 2018, la SARL Clôtures de Provence a fait assigner la SA Linkeo.com en paiement de dommages et intérêts devant le tribunal de commerce de Draguignan.
Par jugement du 17 décembre 2019, ce tribunal a :
- dit et jugé que le contrat n°140253 du 30 janvier 2015 oblige les deux parties,
- dit et jugé que le contrat signé le 26 février 2015, n°153331 n'a pas lieu de s'appliquer,
- condamné la SA Linkeo.com à verser à la SARLU Clôtures de Provence la somme de 8.040 euros HT au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
- condamné la SA Linkeo.com à payer à la SARLU Clôtures de Provence la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SA Linkeo.com aux entiers dépens en vertu de l'article 696 du code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Suivant déclaration du 9 janvier 2020, la SARL Clôtures de Provence a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées et déposées le 21 juillet 2020, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, l'appelante demande à la cour de :
- réformer le jugement objet de l'appel en ce que le tribunal :
- a condamné la SA Linkeo.com à lui verser la somme de 8.040 euros HT au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, et condamné la SA Linkeo.com à lui payer la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- l'a déboutée de ses demandes tendant à voir juger que le document n°153331 prétendument daté du 26 février 2015 n'a pas été signé par elle et de sa demande tendant à voir condamner la SA Linkeo.com au paiement d'une somme de 548.840 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi et à lui payer la somme de 7.000 euros au titre des frais irrépétibles,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Draguignan en date du 17 décembre 2019 en ce qu'il a jugé que seul le contrat n°140 253 du 30 janvier 2015 oblige les deux parties,
- confirmer le jugement en ce que le tribunal a condamné la SA Linkeo.com aux dépens,
statuant à nouveau,
- juger que le document n°153 331 en date du 26 février 2015 n'a pas été signé par elle,
- juger que le document n°153 331 en date du 26 février 2015 n'a ni existence, ni valeur juridique et lui est inopposable,
- juger que le nombre précis de 1800 visites mensuelles sur son site internet contenu dans le contrat n°140 253 du 30 janvier 2015 est une obligation substantielle et décisive pour son consentement,
- juger que la SA Linkeo.com a manqué à ses obligations contractuelles à son égard au regard du nombre de visites mensuelles contractualisé qui constitue une obligation de résultat,
- juger, à titre principal, que la clause limitative de responsabilité stipulée dans les conditions générales de vente de la SA Linkeo.com est réputée non-écrite et, à titre subsidiaire, lui est inopposable de par la faute lourde commise par cette dernière et, encore plus subsidiairement, qu'elle y a renoncé via sa proposition indemnitaire,
- juger qu'au regard du nombre de visites contractualisé, de son panier moyen, du taux de transformation annoncé par la SA Linkeo.com et de son taux de marge, la SA Linkeo.com lui a fait perdre une chance de gain égal à la somme de 548.840 euros,
- condamner la SA Linkeo.com à lui payer la somme de 548.840 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de sa perte de chance de réaliser ce gain au regard du nombre de visites contractualisé, de son panier moyen, du taux de transformation annoncé par la SA Linkeo.com et de son taux de marge,
- condamner la SA Linkeo.com à lui payer la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,
- condamner la SA Linkeo.com aux entiers dépens de l'instance,
- débouter la SA Linkeo.com de toutes demandes, fins et prétentions contraires aux présentes.
Par ses dernières conclusions notifiées et déposées le 27 novembre 2020, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la SA Linkeo.com demande à la cour de :
- réformer le jugement du tribunal de commerce de Draguignan du 17 décembre 2019 en ce qu'il a dit et jugé que le contrat n°l40253 signé le 30 janvier 2015 obligeait les deux parties, dit et jugé que le contrat n°l53331 signé le 26 février 2015 n'avait pas lieu à s'appliquer, l'a condamnée à verser à Clôtures de Provence la somme de 8.040 euros HT au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
statuant à nouveau :
à titre principal,
- constater que seulement le contrat n°15333l engage les parties,
- constater qu'elle a formé et exécuté le contrat n°15333l de bonne foi,
- constater qu'elle a respecté ses obligations contractuelles,
en conséquence,
- débouter Clôtures de Provence de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
à titre subsidiaire,
- limiter toute condamnation en principal, frais et accessoires à la somme de 1.000 euros,
à titre infiniment subsidiaire,
- limiter, en cas d'inapplicabilité de la clause de limitation de responsabilité, toute condamnation à la somme de 8.040 euros HT, correspondant à 12 mensualités du contrat n°l53331,
en tout état de cause,
- condamner Clôtures de Provence au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Clôtures de Provence aux entiers dépens d'appel et de première instance,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
MOTIFS
Les parties ne s'accordent pas même sur le contrat conclu en 2015 qui les lie, l'appelante se prévalant d'un « bon de commande valant contrat de prestation et de location d'une solution logicielle » n°l40253 du 30 janvier 2015, l'intimée invoquant un bon n°l53331 du 26 février 2015.
S'agissant du contrat n°l40253, il ne peut tout d'abord qu'être constaté que la SARL Clôtures de Provence se contente de verser aux débats une photocopie dont seuls sont lisibles les termes pré-imprimés, et où n'apparaît donc pas même clairement sa signature.
Par ailleurs, elle produit un courriel, adressé à « Grillages de Provence », émanant de la SA Linkeo.com dont l'objet s'intitule « récapitulatif de votre offre », daté du 4 février 2015, et donc postérieur à la convention qu'elle soutient être définitive.
Pour sa part, l'intimée verse aux débats un « bon de commande valant contrat de prestation et de location d'une solution logicielle » n°l53331, dont les mentions manuscrites sont entièrement lisibles, daté du 26 février 2015 et comportant notamment la signature de la SARL Clôtures de Provence, représentée par Mme [T] [P], qui y a apposé un « bon pour accord », comme elle l'a également fait sur deux mandats de prélèvement SEPA, l'un répétitif, l'autre pour trois prélèvements ponctuels de 160 euros, qu'elle a, au nom de l'appelante, signés à cette même date du 26 février 2015, lesdits mandats, annexés au contrat, portant chacun la référence de contrat l53331.
La SARL Clôtures de Provence conteste avoir rempli et signé ledit contrat n°l53331, au motif qu'il y a des incohérences factuelles et intellectuelles qui démontrent qu'(elle) n'a jamais signé ce document.
Cependant, si l'appelante dénie ainsi sa signature, et qualifie ledit contrat de juridiquement inexistant, faisant valoir qu'à tout le moins, il lui est inopposable, elle ne fournit aucun élément de comparaison, contemporain de l'acte litigieux, permettant de procéder à la vérification d'écriture de sa gérante, puisque notamment, comme il vient d'être dit, la signature de cette dernière n'apparaît pas sur le document dont elle se prévaut.
Et surtout, elle ne donne aucune explication satisfaisante concernant les mandats de prélèvement y annexés, lesquels, signés à la même date, sont manifestement de la même main que celle qui a donné son accord au contrat du 26 février 2015.
En effet, ne pouvant les contester dès lors qu'ils ont été sans difficulté exécutés durant plusieurs années, étant d'ailleurs observé que la référence unique du mandat est F 153331 ainsi que cela résulte de l'échéancier qui lui a été adressé le 23 mars 2015, la SARL Clôtures de Provence indique seulement à cet égard qu'elle a mis en place un paiement par prélèvements et, dès lors que le montant figurant sur les échéances était conforme au prix convenu dans le contrat du 30 janvier 2015, elle n'a pas vérifié le numéro de contrat pour la bonne et simple raison que rien ne lui laissait penser que le numéro pouvait ne pas être le bon dès lors qu'elle n'a signé qu'un contrat, sans pour autant s'expliquer sur le fait que les seuls mandats produits aux débats sont datés du 26 février 2015, et manifestement signés par la personne qui, à cette date, a signé un contrat avec la SA Linkeo.com.
En considération de ces éléments, et fort logiquement, il apparaît que le contrat liant finalement les parties est le dernier en date, soit celui du 26 février 2015, dont la fausseté prétendue n'est nullement établie, et seul d'ailleurs à avoir, en vertu des mandats précités, reçu exécution de la part de l'appelante.
Or, le reproche que formule, pour se prévaloir d'une exception d'inexécution, cette dernière à l'encontre de sa cocontractante, aux termes d'un courrier de son conseil du 12 mars 2018, est de n'avoir pas respecté son engagement de 1800 visites mensuelles sur son site internet.
Mais, un tel engagement ne figure pas sur le contrat appliqué depuis 2015 par les parties, et, sans qu'il y ait davantage lieu de suivre celles-ci dans le détail de leur argumentation, la SARL Clôtures de Provence est en conséquence déboutée de sa demande en paiement d'une somme, à titre de dommages et intérêts, de 548.840 euros qui n'apparaît en aucun cas justifiée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Déboute la SARL Clôtures de Provence de l'ensemble de ses demandes,
Condamne la SARL Clôtures de Provence à payer à la SA Linkeo.com la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT