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04/07/2024 | FRANCE | N°19/18667

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 04 juillet 2024, 19/18667


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 04 JUILLET 2024



N° 2024/ 111





RG 19/18667

N° Portalis DBVB-V-B7D-BFIN6







SELARL PHARMACIE DE LA CONDAMINE





C/



[T] [Y]

























Copie exécutoire délivrée le 4 juillet 2024 à :



-Me Alexandre JAMMET, avocat au barreau de TARASCON



- Me François MAIRIN, avocat au

barreau de TARASCON





























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARLES en date du 19 Janvier 2017 enregistré au répertoire général sous le n° F16/00090.





APPELANTE



SELARL PHARMACIE DE LA CONDAMIN...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024

N° 2024/ 111

RG 19/18667

N° Portalis DBVB-V-B7D-BFIN6

SELARL PHARMACIE DE LA CONDAMINE

C/

[T] [Y]

Copie exécutoire délivrée le 4 juillet 2024 à :

-Me Alexandre JAMMET, avocat au barreau de TARASCON

- Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARLES en date du 19 Janvier 2017 enregistré au répertoire général sous le n° F16/00090.

APPELANTE

SELARL PHARMACIE DE LA CONDAMINE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Alexandre JAMMET de la SELARL PASCAL JAMMET DALMET, avocat au barreau de TARASCON

INTIMEE

Madame [T] [Y], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

Mme [T] [Y] a été embauchée le 24 octobre 1983 selon contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, par la pharmacie Navoiseau sise à [Localité 3], en qualité de reconditionneuse, et à compter du 15 mai 2006, le contrat de travail a été transféré à la société Pharmacie de la Condamine.

Le 9 janvier 2015, la salariée a été victime d'un accident sur le lieu de travail, reconnu comme accident du travail par la caisse primaire d'assurance maladie, le 15 janvier 2015.

Lors des deux visites de reprise des 22 octobre et 9 novembre 2015, Mme [Y] a été déclarée inapte à la reprise du travail au poste occupé.

Par lettre recommandée du 12 décembre 2015, la salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Selon requête reçue le 24 février 2016, Mme [Y] a saisi le conseil de prud'hommes d'Arles aux fins d'obtenir le doublement de l'indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis et des dommages et intérêts pour résistance abusive.

Selon jugement du 19 janvier 2017, le conseil de prud'hommes a statué ainsi :

Condamne la SELARL PHARMACIE DE LA CONDAMINE à payer à Mme [T] [Y] les sommes suivantes :

- 15 230,50 euros à titre d'indemnité spéciale de licenciement

- 3 340,02 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 334 euros au titre des congés payés afférents

- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de la société a interjeté appel par déclaration du 26 janvier 2017.

Après un retrait du rôle prononcé le 5 avril 2019, l'affaire a été rétablie sur demande de l'appelante.

Selon ordonnance du 12 janvier 2024, non déférée à la cour, le conseiller de la mise en état a rejeté l'incident soulevé par la salariée intimée au titre de la péremption.

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 18 novembre 2019, la société demande à la cour de :

«Recevant la concluante en son appel,

Infirmant en toutes ses dispositions la décision entreprise,

Statuant à nouveau sur l'intégralité des chefs présentés,

Au principal, Vu l'article L.1226-6 du Code du Travail et l'article L.1226-14,

Dire et juger que l'inaptitude dont a fait l'objet Madame [Y] ne résulte pas même partiellement de l'accident du travail survenu le 09 janvier 2015,

En conséquence la déclarer irrecevable en sa demande tendant à obtenir la remise d'un certificat de travail « rectifié » ou à tout le moins la débouter de cette prétention,

La débouter en outre de l'intégralité de ses autres prétentions indemnitaires,

Subsidiairement et avant dire droit désigner tel expert médical qu'il plaira au Conseil commettre avec la mission de :

- après examen de l'intégralité des dossiers médicaux de l'intimée en tout lieu où il peuvent se trouver, dire si l'inaptitude médicalement constatée les 22 octobre et 09 novembre 2015 est en relation avec un lien de causalité au moins partielle avec l'accident du 09 janvier 2015.

- dresser rapport.

Déclarer l'intimée irrecevable en sa demande relative au certificat de travail ou à tout le moins infondée.

En toute hypothèse débouter Madame [Y] de sa prétention au titre des dispositions de l'article 700 du C.P.C,

Condamner Madame [Y] à payer à la concluante la somme de 2.000 € par application des dispositions de l'article 700 du C.P.C.

La condamner aux entiers dépens. »

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 11 mars 2019, Mme [Y] demande à la cour de :

«Débouter la SELARL PHARMACIE DE LA CONDAMINE de son appel comme étant infondé;

Confirmer la décision dont appel en toutes ses dispositions.

Condamner la SELARL PHARMACIE DE LA CONDAMINE au paiement de la somme de 2.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du CPC.

Condamner la SELARL PHARMACIE DE LA CONDAMINE aux entiers dépens. »

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE L'ARRÊT

A titre liminaire, la cour relève que :

- sur le recours de l'employeur en annulation de l'avis d'inaptitude de la médecine du travail, par décision du 25 janvier 2016, l'inspection du travail a dit qu'elle pouvait être saisie s'il existe un désaccord entre l'employeur et la médecine du travail sur le sens de l'avis ou des recommandations faites, mais pas sur l'origine professionnelle ou non, et a rejeté le recours de la société,

- sur le recours de l'employeur concernant le taux d'incapacité permanente fixé à 25%, le tribunal du contentieux de l'incapacité de Montpellier a, par décision du 26 janvier 2017, déclaré la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Gard inopposable à la société, pour non respect du contradictoire,

- par arrêt du 19 octobre 2021, la cour nationale de l'incapacité a infirmé cette décision mais a réduit le taux d'incapacité permanente partielle à 15%, à la date de consolidation du 20 octobre 2015, suite à accident du travail survenu le 9 janvier 2015.

Ces deux décisions ont l'autorité de la chose jugée mais ne lie pas le juge prud'homal, seul compétent pour déterminer l'origine professionnelle de l'inaptitude.

Sur l'origine professionnelle de l'inaptitude

La société fait valoir qu'il appartenait au conseil de prud'hommes de se prononcer sur la question posée : le lien de causalité entre l'accident et interdisant le reclassement, et qu'il ne pouvait rejeter le rapport du Dr [P] soumis à la contradiction des parties au seul motif qu'il concernait le recours à l'encontre de la caisse.

Elle estime que les pièces produites ne permettent pas de rapporter la preuve de ce qu'au moins partiellement, l'inaptitude de la salariée a pour origine l'accident survenu sur son lieu de travail le 9 janvier 2015.

Elle s'appuie notamment sur :

- la demande de rattachement d'une nouvelle lésion le 28/01/2015

- la notification de refus de celle-ci par la caisse primaire d'assurance maladie le 11/03/2015

- le rapport médico-légal du 03/10/2016 du Dr [P], expert, lequel fait état d'arrêts de travail de 2006 à 2013 pour des durées allant de 3 à 9 mois, qui «ne peuvent être prescrites pour des pathologies anodines», de la tentative de rattachement d'une nouvelle lésion affirmant que «la pathologie est susceptible de motiver la restriction de poste du médecin du travail», et soulignant que l'accident du travail recouvre un traumatisme bénin (entorse cheville droite).

La salariée fait observer qu'elle a été indemnisée au titre d'un accident du travail de façon ininterrompue du 12 janvier au 21 novembre 2015 et que la procédure sur le taux d'incapacité est sans influence.

Elle produit aux débats :

- son bordereau de paiement des indemnités journalières en accident du travail

- ses arrêts de travail en accident du travail,

- le certificat final en accident du travail du 26/10/2015

- les avis d'inaptitude, dont celui du 22/10/2015 visant la visite de reprise après accident du travail et spécifiant : «Formulaire indemnité temporaire d'inaptitude instruit ce jour».

Les règles spécifiques applicables aux salariés inaptes, victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quelque soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur a connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

En l'espèce, la société ne dénie pas cette connaissance, laquelle résulte tant des arrêts de travail délivrés à la salariée et qui lui ont été remis, que de sa propre contestation de l'avis du médecin du travail.

Il n'y a pas lieu d'écarter le rapport de l'expert sollicité par la société dans le cadre du contentieux de l'incapacité, qui est un élément de preuve, tout en relevant qu'il s'agit d'un avis sur pièces médicales, qui n'apporte pas d'éléments précis sur le lien de causalité, face aux autres documents.

En effet, outre la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie par la prise en charge sur l'intégralité de la période des arrêts de travail, la médecine du travail a bien constaté que la visite de reprise se faisait après un accident du travail et l'employeur est taisant quant au formulaire concernant l'indemnité temporaire, laquelle n'est attribuée qu'aux salariés inaptes, victimes d'accident du travail.

En conséquence, la cour dispose d'éléments suffisants, sans nécessité d'une mesure d'instruction, pour dire que l'inaptitude a, au moins partiellement une origine professionnelle au sens des articles L.1226-10 & suivants du code du travail.

Sur les conséquences financières de la rupture

Le caractère professionnel de l'inaptitude du salarié licencié active le versement d'indemnités spécifiques, et ce, quelle que soit son ancienneté.

Dès lors, sans discussion de la part de l'appelante sur les montants sollicités, il y a lieu de confirmer la décision quant au doublement de l'indemnité de licenciement.

En revanche, si la salariée a droit à une indemnité compensatrice dont le montant est égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents ne sont pas dûs.

Sur la délivrance d'un certificat de travail rectifié

Dans ses dernières conclusions, l'intimée n'a pas repris dans son dispositif ce chef de demande, au demeurant abandonné dans le cadre de la première instance, de sorte que la cour n'en est pas saisie et n'a pas à se prononcer sur son irrecevabilité.

Sur les autres demandes

Outre l'absence de critique de la part de la société sur sa condamnation par le conseil de prud'hommes, à des dommages et intérêts pour résistance abusive, la cour estime qu'eu égard aux éléments visés ci-dessus, l'employeur a fait montre d'une résistance ayant dérivé en abus, de sorte que la décision doit être confirmée sur ce point.

L'appelante succombant totalement doit s'acquitter des dépens de l'entière procédure, être déboutée de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à ce titre, condamnée à payer à Mme [Y] la somme supplémentaire de 2 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme, dans ses dispositions soumises à la cour, le jugement déféré SAUF s'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et Y ajoutant,

Condamne la société Pharmacie La Condamine à payer à Mme [T] [Y], les sommes suivantes :

- 3 340,02 euros à titre d'indemnité compensatrice spécifique

- 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société Pharmacie La Condamine aux dépens de 1ère instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/18667
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;19.18667 ?
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