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04/07/2024 | FRANCE | N°19/17701

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 04 juillet 2024, 19/17701


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024



N° 2024/







Rôle N° RG 19/17701 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFFWZ







[L] [O] épouse [P]

SARL AURELIA PROMOTIONS





C/



[Z] [B]







Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Raphaël MARQUES



Me Patrick GIOVANNANGELI









Décision déférée à la Cour :



Ju

gement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 06 Novembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/00885.





APPELANTES



Madame [L] [O] épouse [P]

née le 22 Septembre 1934 à [Localité 2], demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Raphaël MARQUES, avoca...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024

N° 2024/

Rôle N° RG 19/17701 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFFWZ

[L] [O] épouse [P]

SARL AURELIA PROMOTIONS

C/

[Z] [B]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Raphaël MARQUES

Me Patrick GIOVANNANGELI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 06 Novembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/00885.

APPELANTES

Madame [L] [O] épouse [P]

née le 22 Septembre 1934 à [Localité 2], demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Raphaël MARQUES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SARL AURELIA PROMOTIONS

, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Raphaël MARQUES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [Z] [B]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/2968 du 21/08/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Patrick GIOVANNANGELI de l'AARPI GIOVANNANGELI COLAS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN et ayant pour avocat plaidant Me Sophie FOURNIER-ROUX, avocat au barreau de CUSSET/VICHY

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 14 Mai 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Véronique MÖLLER, Conseillère

M. Adrian CANDAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024.

ARRÊT

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Mme [L] [P] née [O], maître d'ouvrage, et gérante de la société AURELIA PROMOTION, expose avoir verbalement confié à M. [Z] [B], architecte, la mise en 'uvre de travaux de réhabilitation de son ancienne bastide sise [Adresse 3] à [Localité 2] au cours de l'année 2009.

Des divergences sont apparues entre les intéressés lors de la mise en 'uvre de ces opérations de réhabilitation.

Le 18 octobre 2011 un protocole d'accord a été conclu entre Mme [P] et M. [B] lequel recevra force exécutoire selon une ordonnance rendue par le Président du Tribunal de Grande Instance de Draguignan le 22 janvier 2013. Cette même ordonnance a été retractée le 3 mai 2013 par le Président du Tribunal judiciaire de Draguignan et Madame [P] a été déboutée de sa demande tendant à voir condamner Monsieur [B] à exécuter les obligations mises à sa charge par ce protocole d'accord.

Par ordonnance en date du 25 février 2015 le Président du Tribunal de Grande Instance de Draguignan a rejeté la demande d'expertise sollicitée par Madame [P].

Par acte d'huissier en date du 12 janvier 2016, Mme [P] et la société AURELIA PROMOTIONS, ont donné assignation à M. [Z] [B], devant le Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN, en vue de voir reconnaitre la responsabilité délictuelle de M. [B] et obtenir l'indemnisation des préjudices occasionnés par ce dernier.

Par acte d'huissier en date du 24 mai 2016, M. [Z] [B], a donné assignation en intervention forcée à son assureur, la société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF).

Par ordonnance en date du 16 septembre 2016, les deux instances ont été jointes.

Par jugement en date du 06 novembre 2019, le Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN :

DECLARE la SARL AURELIA PROMOTIONS et Madame [L] [P] recevables en leurs demandes,

DECLARE Monsieur [Z] [B] recevable en ses demandes,

DEBOUTE la SARL AURELIA PROMOTIONS et Madame [L] [P] de leurs demandes,

DIT n'y avoir lieu à statuer sur la demande de Monsieur [Z] [B] aux fins de condamner la MUTUELLE DES ARCHITECTE FRANCAIS à le relever et garantir,

DECLARE le présent jugement commun et opposable à la MUTUELLE DES ARCHITECTE FRANCAIS,

CONDAMNE la SARL AURELIA PROMOTIONS et Madame [L] [P] à payer à Monsieur [Z] [B] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE Monsieur [Z] [B] de sa demande de condamnation à l'endroit de la MUTUELLE DES ARCHITECTE FRANCAIS au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE la MUTUELLE DES ARCHITECTE FRANCAIS de sa demande de condamnation à l'endroit de Monsieur [Z] [B] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SARL AURELIA PROMOTIONS et Madame [L] [P] aux dépens,

DIT que les dépens seront distraits conformément à l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître GIOVANNANGELI,

DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire,

REJETTE le surplus des demandes.

Par déclaration en date du 20 novembre 2019, Mme [L] [P] et la société AURELIA PROMOTIONS, ont formé appel de ce jugement à l'encontre de M. [Z] [B], en ce qu'il a :

Débouté la SARL AURELIA PROMOTIONS et Madame [L] [P], née [O] de leurs demandes à l'encontre de Monsieur [B],

Condamné la SARL AURELIA PROMOTIONS et Madame [L] [P], née [O] au paiement à Monsieur [B] d'une somme de 2000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et au paiement des dépens.

***

Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :

Mme [L] [P] et la société AURELIA PROMOTIONS par conclusions notifiées le 17 février 2020, demandent à la Cour de :

Recevoir l'appel formé par la SARL AURELIA PROMOTIONS et Madame [L] [P] née [O],

Réformer en toutes ses dispositions, le jugement dont appel rendu par le Tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN, le 6 novembre 2019,

En conséquence et vu les dispositions de l'article 1382 du Code civil,

Dire et juger que Monsieur [Z] [B] s'est rendu responsable, tant par ses omissions, manquements et fautes caractérisées au regard de sa qualité d'architecte que du fait de celles qui ont été commises dans la réalisation des travaux qu'il a conduits, d'un préjudice occasionné tant à Madame [L] [P] qu'à la société AURELIA PROMOTIONS.

Condamner en conséquence Monsieur [Z] [B] à payer :

à Madame [L] [P] :

la somme de 5 643,58 euros à titre d'honoraires indus,

la somme de 28 459,30 euros au titre des factures de réalisation des travaux totalement irréguliers et inadaptés qu'il a mis en oeuvre pour son compte sur l'immeuble litigieux,

la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice résultant du désistement de l'acquéreur du bien dont s'agit,

à la société AURELIA PROMOTIONS :

la somme de 14 007,43 euros au titre d'honoraires indus,

la somme de 20 000 euros au titre du manque à gagner financier subi du fait de l'impossibilité de vendre le bien litigieux depuis le désistement d'un précédent candidat acquéreur, intervenu en juillet 2014.

Condamner Monsieur [Z] [B] à payer à chacune des concluantes, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamner enfin Monsieur [Z] [B] aux entiers dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés comme prévu par les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Mme [L] [P] et la société AURELIA PROMOTIONS par conclusions d'appelants récapitulatives et complémentaires notifiées le 01 avril 2024, demandent à la Cour de :

Vu notamment les articles 1231-1 et 1240 du Code civil, les articles 11, 13, 18 et 29 du code de déontologie des architectes et l'article 700 du Code de procédure civile.

Recevant l'appel de la société AURELIA PROMOTIONS et de Madame [L] [P] et les déclarant fondées,

Infirmer le jugement du 06.11.2019 en ce qu'il a :

DECLARE Monsieur [Z] [B] recevable en ses demandes

DEBOUTE la SARL AURELIA PROMOTIONS et Madame [L] [P] de leurs demandes.

CONDAMNE la SARL AURELIA PROMOTIONS et Madame [L] [P] à payer à Monsieur [Z] [B] la somme de 2 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la SARL AURELIA PROMOTIONS et Madame [L] [P] aux dépens

DIT que les dépens seront distraits conformément à l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître GIOVANNAGELI

REJETTE le surplus des demandes

Statuant à nouveau, il est demandé à la Cour de bien vouloir :

JUGER qu'une relation contractuelle existait bien entre les appelantes et Monsieur [Z] [B] et que ce dernier a commis de nombreuses fautes contractuelles dans l'exécution de ce contrat.

Subsidiairement, JUGER que Monsieur [Z] [B] a commis des fautes délictuelles occasionnant des préjudices à la SARL AURELIA PROMOTIONS et à Madame [L] [P]

CONDAMNER en conséquence Monsieur [Z] [B] à payer :

à Madame [L] [P] :

la somme de 5 643,58 euros à titre d'honoraires indus,

la somme de 28 459,30 euros au titre des factures de réalisation des travaux totalement irréguliers et inadaptés qu'il a mis en oeuvre pour son compte sur l'immeuble litigieux, et intérêts depuis 2010

la somme de 4.000 € pour le préjudice résultant de la procédure pénale subie par l'appelante,

à la société AURELIA PROMOTIONS :

la somme de 14 007,43 euros au titre d'honoraires indus,

la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice résultant du désistement de l'acquéreur de son bien,

la somme de 20.000 € pour dépréciation du bien et absence des assurances légales obligatoires,

Condamner Monsieur [Z] [B] à payer à chacune des concluantes, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamner enfin Monsieur [Z] [B] aux entiers dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés comme prévu par les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

En premier lieu Mme [L] [P] et la société AURELIA PROMOTIONS soutiennent pouvoir agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle de Monsieur [B], ce changement de moyen ne constituant pas une prétention nouvelle et étant conforme aux exigences de l'article 565 du Code de procédure civile. Elles soutiennent que le lien contractuel qui s'est noué avec Monsieur [B] n'est pas contestable, le contrat d'architecte étant soumis au principe du consensualisme et prouvé en l'espèce par les éléments produits, notamment les factures et devis émis par Monsieur [B] lui-même et des courriers qui ont été échangés.

Elles reprochent à Monsieur [B] un manquement à ses obligations déontologiques pour n'avoir pas procédé à la conclusion d'un contrat écrit et en ayant fait appel, pour la réalisation des travaux, à une entreprise appartenant à un membre de sa famille qui de surcroît ne disposait pas des compétences nécessaires, privilégiant ainsi ses intérêts personnels.

Elles soutiennent également que Monsieur [B] a manqué à son devoir de conseil en ne les mettant pas en garde sur le choix des entreprises aptes à réaliser l'ouvrage, en contractant directement avec des entreprises sans les avertir, et en omettant de donner les informations administratives relatives aux travaux engagés, les engageant ainsi dans la réalisation de travaux non conformes aux prescriptions d'urbanisme.

Subsidiairement, elles concluent donc à l'engagement de la responsabilité de l'architecte sur le fondement de sa responsabilité délictuelle compte tenu de la réalité de l'intervention de Monsieur [B] et des manquements qu'il a commis.

Quant au préjudice subi, les appelantes estiment que leur préjudice se compose : de l'immobilisation du bien immobilier durant 5 ans, de la perte d'un acquéreur potentiel du fait du contentieux urbanistique, de diverses malfaçons ainsi que d'une atteinte morale et financière principalement liées aux poursuites pénales engendrées par le manquement aux règles d'urbanisme.

M. [Z] [B] par conclusions d'intimé récapitulatives notifiées 29 février 2024, demande à la Cour de :

Confirmer en toutes ses dispositions la décision rendue par le Tribunal de Grande Instance de Draguignan du 6 novembre 2019.

Débouter la Société à responsabilité limitée AURELIA PROMOTIONS et Madame [L] [P] en toutes leurs demandes,

Débouter la Société à responsabilité limitée AURELIA PROMOTIONS et Madame [L] [P] de leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Dire et juger que M [B] n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité.

Condamner la Société à responsabilité limitée AURELIA PROMOTIONS, et Madame [L] [P] à payer la somme de 6000.00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la Société à responsabilité limitée AURELIA PROMOTIONS et Madame [L] [P] aux entiers dépens ;

Et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Maître GIOVANNANGELI pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Monsieur [B] soutient qu'en tant qu'architecte, sa responsabilité ne peut être recherchée que dans la limite de la mission qui lui est confiée et sous condition de démonstration de l'existence d'une faute ; qu'en l'espèce, les demanderesses ne justifient pas de l'étendue de cette mission et qu'elles ne démontrent pas l'existence d'une faute ; que la signature d'un contrat n'était pas possible en l'absence de cocontractant désigné et compte tenu des fluctuations des attentes de Madame [P]. Il précise qu'il ne lui appartenait pas de déposer un dossier d'autorisation de travaux valant permis de construire et qu'il n'avait pas été missionné pour réaliser des plans.

Il conteste le fait d'avoir fait intervenir un membre de sa famille dans les travaux sans en aviser les requérantes et de ne pas leur avoir soumis les devis relatifs aux travaux. Il se prévaut également de l'absence de lien de causalité entre les fautes alléguées par les demanderesses et les différents préjudices invoqués.

L'affaire a été clôturée par ordonnance en date du 15 avril 2024 et appelée en dernier lieu à l'audience du 14 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande principale :

Sur l'existence d'un contrat :

En premier lieu, les appelantes sollicitent la reconnaissance de la responsabilité contractuelle de Monsieur [B]. Elles font valoir à juste titre que cette demande ne saurait être considérée comme nouvelle au sens de l'article 564 du Code de procédure civile dès lors qu'elle tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge sur un fondement juridique différent.

Pour faire valoir qu'un contrat a effectivement été conclu avec Monsieur [B], elles exposent que le contrat de louage d'ouvrage est soumis au principe du consensualisme et se forme donc par le seul échange des consentements, cela par application de l'article 1779 du Code civil ; que l'existence d'un écrit n'est donc pas exigée pour la validité d'un tel contrat. Elles soutiennent ainsi que les pièces produites justifient de la réalité de cette relation contractuelle.

Il est ainsi versé aux débats :

Un mémoire d'honoraires émis par Monsieur [B] le 26 juillet 2010 d'un montant de 1.410€ au titre d'une étude de dossier rénovation ' bâtiment existant [Adresse 3] ' devis quantitatif estimatif des travaux dans le cadre d'une mission « aménagement intérieur et abords sur construction existante ».

Une facture de Monsieur [B] émise le 30 juin 2010 relative au « chantier [Localité 2] » relative à des travaux d'électricité (2.744,31€ TTC) et de débroussaillage du terrain (3.833,11€ TTC).

Une seconde facture du 30 juin 2010 relative à de la main d''uvre et à la fourniture de matériaux d'un montant de 8.764,32€.

Une demande d'acompte établie par Monsieur [B] le 25 juillet 2010 d'un montant de 4.022,03€ relative à des prestations de réalisation d'une clôture, de repose d'un portail sur entrée jardin, de réfection d'une gouttière avec dauphins, de maçonnerie, de pose de BA13 et de faux plafond.

Sont également versées aux débats les factures émises par les prestataires de ce chantier et adressée directement à Monsieur [B], dont notamment une facture de nettoyage de terrain et de rénovation de clôture émise par la société [B] EMMANUEL le 23 août 2010 et visée par Monsieur [Z] [B] le 25 août 2010 avec la mention « bon à payer ».

Les appelantes se prévalent également du protocole d'accord conclu entre Mme [P] [L] et Monsieur [Z] [B] le 18 octobre 2011 qui expose les faits suivants :

« [Localité 4] 2009 Madame [P] [L] a passé une commande verbale auprès de Monsieur [B] [Z] Architecte pour la rénovation des accès, et de travaux en rez-de-chaussée de l'immeuble sis, le [Adresse 7].

Consécutivement à cet accord verbal, les travaux ont été réalisés sous l'appréciation de Monsieur [B] [Z] Architecte, et contrôlé par Madame [P] [L] lors des visites sur le chantier.

Madame [P] [L] reproche à Monsieur [B] [Z] de ne pas avoir fait établir de devis, et produit les assurances des divers corps d'état, et sa propre assurance.

Courant Juin 2011, à l'issue de la dernière visite de chantier, Madame [P] [L] a émis des réserves qui à ce jour n'ont pas été levées ».

Cette présentation des faits est suivie d'une liste de tâches que Monsieur [B] [Z] s'engage à réaliser.

Le protocole a été signé par Madame [L] [P] et Monsieur [Z] [B] ' Architecte.

Les appelantes considèrent que ces pièces établissent le fait que Monsieur [B] a agit en véritable intermédiaire entre le maître d'ouvrage et les différentes entreprises intervenues et qu'elles démontrent ainsi l'existence d'un lien contractuel.

Monsieur [B] ne conteste pas qu'une mission lui a verbalement été confiée par Madame [P] consistant selon lui en « une mission d'étude et d'assistance pour trouver des corps d'état pour effectuer des travaux urgents ». Il soutient qu'aucun contrat n'a pu être rédigé entre eux du fait des fluctuations de Madame [P] et de l'impossibilité en résultant de rédiger une mission précise.

En tout état de cause, l'existence d'une convention écrite n'est effectivement pas une condition de validité du contrat d'architecte. Les éléments mentionnés ci-dessus établissent la réalité de la relation contractuelle nouée entre Madame [P] et Monsieur [B]. L'action en recherche d'une responsabilité contractuelle est donc fondée dans son principe.

Sur la responsabilité de Monsieur [B] :

Il convient de rappeler que l'architecte n'est responsable que dans la limite des obligations qui lui sont confiées par le maître d'ouvrage, la charge de la preuve de l'étendue de la mission reposant sur le demandeur.

Les appelantes reprochent en l'espèce à Monsieur [B] un manquement à son obligation d'avoir fait établir un contrat écrit et d'avoir fait intervenir sur le chantier son propre fils pour les prestations de débroussaillage alors qu'il n'avait pas la compétence nécessaire pour une telle prestation.

Les appelantes soulignent que ces éléments sont constitutifs d'une faute déontologique de l'architecte par référence aux articles 11, 13, 18 et 29 du Code de déontologie des architectes.

Comme indiqué ci-avant, Monsieur [B] oppose qu'aucun contrat n'a été établi en raison des changements d'attente de Madame [P] et de l'impossibilité de définir une mission précise. Il précise que lorsqu'il a été saisi, il ne s'agissait que de procéder à un chiffrage de travaux sans qu'une mission de maîtrise d''uvre ne lui soit confiée.

Toutefois, si ces éléments ne sont factuellement pas contestables, les appelantes ne justifient d'aucun préjudice résultant de ces manquements pouvant le cas échéant revêtir une dimension déontologique. Ce moyen n'est donc pas fondé.

Sur le manquement au devoir de conseil : les appelantes exposent que Monsieur [B] aurait dû les mettre en garde sur le choix des entreprises aptes à réaliser l'ouvrage envisagé et sur la nécessité d'obtenir les assurances obligatoires pour chacune d'elles. Elles font également valoir que Monsieur [B] a contracté directement avec les entreprises en question sans les avertir ni solliciter leur autorisation.

Elles lui reprochent également d'avoir manqué à son obligation de les informer de l'ensemble des contraintes administratives inhérentes aux travaux envisagés et notamment sur le respect de la législation d'urbanisme applicable ; elles exposent ainsi que les travaux réalisés par Monsieur [B] pour leur compte sont contraires aux règles d'urbanisme. Elles ajoutent que Madame [P] a fait l'objet d'une proposition de composition pénale pour avoir accompli des travaux (transformation d'ouvertures) sans procéder à la déclaration préalable à l'autorité compétente ; qu'une amende de 1.500€ a été prononcée à son encontre.

Concernant l'absence de dépôt de permis de construire, Monsieur [B] oppose que cette attribution ne faisait pas partie de la mission qui lui a été confiée et que les demandes administratives devaient donc être faites par le maître d'ouvrage lui-même. Il considère que la lettre dont se prévaut Madame [P] à ce titre est dépourvue de valeur probante en ce qu'elle l'a elle-même émise pour les besoins de la cause.

Dans le même sens, il fait valoir qu'il n'a pas été missionné pour la réalisation de plans et qu'il a bien communiqué à Madame [P] les devis des différentes interventions. Il conteste également être intervenu dans les modifications d'ouverture et de fenêtres qui ont valu à Madame [P] de faire l'objet d'une mesure de composition pénale.

Il est constant que dans le cadre de sa mission, l'architecte est en premier lieu tenu à une obligation générale de conseil et de renseignement aux termes de laquelle il doit éclairer son client sur les différents aspects du projet qui lui est confié et cela pendant toute la durée de sa mission. L'étendue de ce devoir de conseil dépend du contenu de la mission qui a été confiée à l'architecte.

En l'espèce, selon le mémoire d'honoraires du 26 juillet 2010, la mission confiée à Monsieur [B] était une étude de dossier rénovation bâtiment existant /devis quantitatif estimatif des travaux pour un « aménagement intérieur et abords sur construction existante ». Les honoraires ont été fixés à 1.410,43€ sur la base d'un montant total HT des travaux de 13.874€.

En premier lieu, il convient de relever que cette mission n'implique pas la réalisation des plans dès lors que l'étude d'un dossier et la réalisation d'un devis quantitatif ne sont pas des prestations pouvant s'assimiler une mission de conception avec fourniture de plans. La mission ne comprend pas davantage l'obligation pour l'Architecte de solliciter les autorisations administratives applicables au projet.

Il est certain que malgré tout, dans le cadre de son obligation de conseil, l'architecte doit avertir le maître d'ouvrage des difficultés réglementaires qui pourraient survenir et s'assurer de la conformité du projet avec les règles d'urbanisme. Dès lors, compte tenu du contenu de la mission telle qu'elle est exprimée dans le mémoire d'honoraires, qu'il convient de prendre en considération, il appartenait à Monsieur [B] d'attirer l'attention de Madame [P] et de la SARL AURELIA sur les enjeux réglementaires et les autorisations à solliciter. Il est certain qu'une partie des travaux réalisés par les appelantes impliquait une obtention d'autorisation administrative.

En effet, s'agissant de la procédure de composition pénale diligentée par les services du Parquet du Tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN, celle-ci est consécutive au fait d'avoir :

« exécuté des travaux non soumis à l'obtention du permis de construire, en l'espèce transformation d'une porte de remise en porte d'entrée, d'une porte de remise en fenêtre et remplacement des menuiseries et réalisation de travaux sur les seuils et encadrements sans avoir effectué une déclaration préalable à l'autorité compétente ».

L'intitulé de la mission donnée à Monsieur [B] telle qu'il est indiqué ci-dessus n'indique pas que cette opération de modification des ouvertures et menuiserie entrait dans le champ de cette mission. Cependant, la demande d'acompte du 25 juillet 2010 fait état d'une prestation de pose de porte d'entrée au rez-de-chaussée et « maçonnerie ». En outre Monsieur [B] a bien été rendu destinataire par la société COMATER d'une facture datée du 3 septembre 2010 d'un montant de 508,30€ TTC correspondant à une porte d'entrée « BPE Acier [Localité 6] ».

Or, Madame [P] a fait établir un constat d'huissier le 5 décembre 2012 sur sa propriété. Il est fait état dans ce constat de modifications réalisées sur des ouvertures en façade Nord (réduction) dont l'une a été ramenée à une largeur d'environ 90cm et dotée d'une porte en aluminium qui correspond à celle mentionnée dans la facture ci-dessus.

Il se déduit de ces éléments que Monsieur [B] est bien intervenu dans le projet des appelantes pour le changement de cette porte alors qu'il lui appartenait d'attirer l'attention de ses clientes sur le fait que les modifications apportées à la façade étaient susceptibles d'être soumises à l'obtention d'autorisations préalables.

Il doit cependant être relevé que les faits qui ont donné lieu à la mesure de composition pénale ont un domaine plus large que le seul changement de cette porte, sans qu'il puisse se déduire des pièces produites que les autres modifications d'ouvertures relevaient de la mission d'aménagement intérieur et abords sur construction existante confiée à Monsieur [B] et que ce dernier soit donc intervenu à ce titre.

Il en résulte qu'une faute contractuelle ne peut être retenue à l'encontre de Monsieur [B] que pour le fait de n'avoir pas attiré l'attention de ses clientes sur les éventuelles autorisations administratives qui étaient à demander pour l'installation de la porte précitée.

S'agissant des autres manquements que les appelantes imputent à Monsieur [B], ils portent sur le fait que ce dernier aurait validé de son propre chefs les différents devis et n'aurait pas demandé la production des attestations d'assurance des différentes sociétés intervenues. Cependant, il n'est pas démontré que Monsieur [B] ait été investi d'une mission relative à la passation des marchés. S'il est établi qu'il a bien joué un rôle d'intermédiaire entre les sociétés intervenues et le maître d'ouvrage, notamment dans le paiement des prestataires, il n'est pas justifié de ce qu'il avait la charge de l'étude des différentes offres et d'une assistance du maître d'ouvrage dans leur analyse. De surcroît, les appelantes ne justifient d'aucun préjudice qui résulterait d'un défaut d'assurance des sociétés en question étant relevé que les travaux dont s'agit ont été réalisés au cours de l'année 2010. Elles se prévalent donc d'une dépréciation à ce titre qui n'est pas démontrée.

En outre, les appelantes exposent qu'elles subissent un préjudice au titre de factures et travaux mal exécutés qui ont été facturés à hauteur de 28.459,30€. Pourtant, aucun élément ne caractérise ces défauts d'exécution. Si l'intervention du fils de Monsieur [B] dans les travaux du jardin est le cas échéant susceptible de constituer un manquement déontologique au vu des obligations applicables en la matière, il n'est pas établi que ces travaux aient été mal accomplis ou que la facturation appliquée ne soit pas adaptée à la prestation. De même le courrier de la société LUCIA CONCEPTION BATIMENT du 2 février 2016 que les appelantes invoquent pour faire reconnaître une inadaptation du chauffage électrique ne présente pas la valeur probante suffisante pour caractériser un manquement de Monsieur [B] à ce titre.

Ainsi, la seule faute pouvant être retenue à l'encontre de Monsieur [B] est celle relative au manquement à l'obligation d'information et de conseil s'agissant de l'installation d'une porte sur le bien objet des travaux. Or, les appelantes ne justifient pas d'un préjudice rattachable à cette faute. En effet, la mesure de composition pénale dont Madame [P] a fait l'objet s'est fondée sur des faits plus étendus comprenant la « transformation d'une porte de remise en porte d'entrée, d'une porte de remise en fenêtre et remplacement des menuiseries et réalisation de travaux sur les seuils et encadrements sans avoir effectué une déclaration préalable ». Il n'est donc pas démontré que cette procédure, au demeurant engagée sur le fondement de la seule responsabilité de Madame [P], soit imputable à la faute de l'architecte.

En conséquence, Mme [L] [P] et la société AURELIA PROMOTIONS ne justifient d'aucun préjudice imputable à une faute commise par Monsieur [B].

Enfin, s'agissant de la demande formulée au titre de l'immobilisation du bien, les appelantes exposent que l'infraction commise aux règles d'urbanisme a fait obstacle à la possibilité de vendre le bien et a donné lieu à la perte d'un acquéreur qui s'était manifesté en 2011 avant de renoncer à cette acquisition en 2014 en raison de la persistance de ces difficultés. Elles versent à ce titre deux courriers de ces acquéreurs potentiels dont il ne ressort pas que la non-réalisation de cette vente soit imputable au manquement aux règles d'urbanisme commises par Madame [P]. Cette prétention est manifestement infondée.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement du Tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN du 6 novembre 2019 en ce qu'il a débouté Mme [L] [P] et la société AURELIA PROMOTIONS de leurs demandes formulées à l'encontre de Monsieur [B].

Sur les demandes annexes :

Compte tenu de la solution du litige, il convient de condamner Mme [L] [P] et la société AURELIA PROMOTIONS à payer à Monsieur [B] une somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Mme [L] [P] et la société AURELIA PROMOTIONS seront en outre condamnées aux entiers dépens de l'instance avec distraction au profit de Me GIOVANNANGELI qui en a fait la demande.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN en date du 6 novembre 2019 ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [L] [P] et la société AURELIA PROMOTIONS à payer à Monsieur [Z] [B] une somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Mme [L] [P] et la société AURELIA PROMOTIONS seront en outre condamnées aux entiers dépens de l'instance avec distraction au profit de Me GIOVANNANGELI qui en a fait la demande.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024,

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 19/17701
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;19.17701 ?
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