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04/07/2024 | FRANCE | N°19/11863

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 04 juillet 2024, 19/11863


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 04 JUILLET 2024



N°2024/ 124





RG 19/11863

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEUQE







SA COVEA PROTECTION JURIDIQUE





C/



[M] [D]

















Copie exécutoire délivrée

le : 04 juillet 2024

à :



-Me Nathalie BEHAIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V200



- Me Catherine CLAVIN, avocat au ba

rreau de MARSEILLE





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 01 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/01920.







APPELANTE



SA COVEA PROTECTION JURIDIQUE venant aux dr...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024

N°2024/ 124

RG 19/11863

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEUQE

SA COVEA PROTECTION JURIDIQUE

C/

[M] [D]

Copie exécutoire délivrée

le : 04 juillet 2024

à :

-Me Nathalie BEHAIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V200

- Me Catherine CLAVIN, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 01 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/01920.

APPELANTE

SA COVEA PROTECTION JURIDIQUE venant aux droits de la société DAS ASSURANCES MUTUELLES, [Adresse 1]

représentée par Me Nathalie BEHAIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Frédéric DANNEKER, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur [M] [D], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Catherine CLAVIN, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Avril 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargées du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

M. [M] [D] était engagé par la société DAS (Défense Automobile et Sportive) Assurance Mutuelle, faisant partie du groupe d'assurance MMA, selon contrat à durée indéterminée à temps complet à effet du 3 mai 1993 en qualité d'inspecteur du cadre, 1er échelon.

La convention collective nationale applicable était celle de l'inspection d'assurance du 27 juillet 1992.

À compter du 27 mai 1994, le salarié devenait « Inspecteur Agence et Courtage DAS», classe 6, fonction n° 00440.

Par avenant du 1er juillet 2000, la durée annuelle de son travail était fixée dans le cadre d'un forfait jours de 205 jours pour un temps plein et le salarié était détaché le 30 novembre 2001 auprès de Covéa Fleet, société de flottes et transports, nouvellement créée.

Par avenant du 19 mars 2007, la rémunération fixe annuelle du salarié s'élevait à 51'422 € bruts comportant une indemnité de contrainte de déplacemen, une indemnité mensuelle permanente et une partie variable s'ajoutant au fixe, dont les conditions de calcul et de versement étaient déterminées conformément aux dispositions conventionnelles en vigueur dans l'entreprise.

L'application d'un nouvel accord relatif à la rémunération « Inspection » était concrétisée par un avenant du 22 décembre 2014 à effet au 1er janvier 2015, aux termes duquel la fonction de «AB601- Responsable Développement Commercial Expert » relevait de la dénomination «15- Inspecteur Souscripteur Entreprises Flottes», l'indemnité de contrainte de déplacement n'étant maintenue que pour la même fonction.

Le salarié était en arrêt maladie à compter du 8 décembre 2015 et reprenait son poste le 16 juin 2016.

M. [D] était convoqué le 29 août 2016 à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 13 septembre 2016 avec mise à pied à titre conservatoire.

La réunion du conseil paritaire a eu lieu le 13 octobre 2016.

Le salarié était licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée du 28 octobre 2016.

M. [D] saisissait le 20 septembre 2018 le conseil de prud'hommes de Marseille en contestation du licenciement et en paiement d'indemnités.

Par jugement du 1er juillet 2019 le conseil de prud'hommes a statué comme suit :

«DIT que le licenciement de Monsieur [D] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

En conséquence :

CONDAMNE la société DAS à payer à Monsieur [D] les sommes suivantes :

* 135 000 € tous préjudices confondus pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

ORDONNE à la société DAS de communiquer à Monsieur [D] une attestation d'inscription santé et prévoyance Malakoff Médéric,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

DIT que la moyenne des trois derniers mois de salaires s'élève à la somme de 5 605 €,

DIT que le présent jugement bénéficiera de l'exécution provisoire de droit sur les créances et dans la limite des plafonds définis par l'article R1454-28 du Code du Travail,

CONDAMNE le défendeur aux entiers dépens».

Par acte du 19 juillet 2019, le conseil de la société Covéa Protection Juridique venant aux droits de la société DAS a interjeté appel de cette décision ; M. [D] a également interjeté appel le 29 juillet 2019, et les deux procédures ont été jointes.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 22 février 2024, la société Covéa Protection Juridique demande à la cour de :

«À titre principal, infirmer partiellement le jugement de première instance et, statuant de nouveau :

Dire que le licenciement de Monsieur [D] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné la société DAS Assurances Mutuelles à payer à Monsieur [D] les sommes suivantes

* 135 000 € tous préjudices confondus pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné la société DAS Assurances Mutuelles aux entiers dépens.

À titre subsidiaire, infirmer partiellement le jugement de première instance et, statuant de nouveau :

Fixer le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 6 mois de salaire, soit à un montant de 33 632,64 €.

A titre également subsidiaire :

Rejeter toute demande complémentaire de Monsieur [D] à titre de dommages et intérêts ;

Rejeter les demandes de Monsieur [D] de publication et d'affichage de la décision à intervenir.

En tout état de cause :

Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a ordonné à la société DAS Assurances Mutuelles de communiquer à Monsieur [D] une attestation d'inscription santé et prévoyance Malakoff Médéric».

Dans ses dernières écritures communiquées au greffe par voie électronique le 21 mars 2024, M. [D] demande à la cour de :

«CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Marseille :

En ce qu'il a dit que le licenciement prononcé à l'encontre de M. [M] [D] par la société d'assurance DAS Assurances Mutuelles est sans cause réelle et sérieuse.

En ce qu'il a condamné la société DAS ASSURANCES à payer à M. [D] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En ce qu'il a ordonné à la société DAS de communiquer à M. [D] une attestation d'inscription santé et prévoyance Malakoff Médéric.

INFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Marseille pour le surplus

ET EN CONSÉQUENCE

CONDAMNER la société Covéa Protection Juridique venant aux droits de la société DAS Assurances Mutuelles à payer à M. [D] :

- 50 000€ en réparation de son préjudice moral distinct des dommages et intérêts à prononcer sur le fondement de l'article L1235-3 du Code du travail

- 420 000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, sur le fondement de l'article L1235-3 du Code du travail, version en vigueur avant le 24 septembre 2017 ;

ORDONNER la publication du jugement à intervenir aux frais de la société Covéa Protection Juridique du dispositif du jugement rendu dans les éditions des journaux suivants : soit LA PROVENCE, VAR MATIN et NICE MATIN, soit L'ARGUS DE L'ASSURANCE et LA TRIBUNE DE L'ASSURANCE, ce sous astreinte de 100€ par jour de retard à compter du prononcé du jugement, ainsi que pendant 30 jours sur l'intranet de l'Entreprise rubrique « actualités » et dans les locaux syndicaux du Groupe MMA (ou tout autre mode d'information que la Cour jugera adapté auprès des organisations syndicales).

ENJOINDRE à la société d'assurance Covéa Protection Juridique de communiquer à M. [D] une attestation d'inscription auprès de MEDERIC MALAKOFF, les notices d'information et l'adresse du service qui le concerne, ce sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du prononcé du jugement.

CONDAMNER la société Covéa Protection Juridique au paiement de la somme de 2000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En vertu des dispositions de l'article L.1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.
 

En l'espèce, la lettre de licenciement était libellée dans les termes suivants :

« Par lettre recommandée avec accusé réception en date du 29 août dernier, vous avez été convoqué à un entretien préalable en vue d'une éventuelle mesure de licenciement, fixé au 13 septembre 2016 à 14 heures 30.

Par courriel du 9 septembre 2016, vous nous informez « [être] empêché », ne pas [être] en mesure d'honorer» ledit entretien et transmettre « les justificatifs par courrier ».

N'étant pas en mesure d'assister à l'entretien fixé, nous portons en conséquence à votre connaissance par courrier recommandé avec accusé réception du 13 septembre 2016 les motifs nous ayant conduit à engager la procédure.

Nous vous proposions ainsi par mesure de conciliation de présenter vos observations par écrit dans un délai de 10 jours. Vous y répondiez alors par lettre recommandée en date du 23 septembre 2016.

Aussi, en votre dernier état, vous avez occupé la fonction de Responsable Développement Commercial Expert, Classe 6.

Dans le cadre de la nouvelle organisation de la Direction Centrale Entreprises et en votre qualité de Responsable Développement Commercial Expert depuis le 1°' mai 2006, nous vous affections sur le métier de « Professionnalisation Flottes Déléguées » à compter du 1er avril 2016.

Votre fonction demeurait à cet égard identique.

Eu égard notamment au recentrage de l'activité sur la professionnalisation des collaborateurs régionaux sur le marché des Flottes déléguées, vous continuiez donc à exercer votre fonction habituelle mais dans un cadre modifié.

Vous refusiez cependant catégoriquement d'appréhender vos missions qui vous étaient confiées par l'entreprise dans cette nouvelle organisation.

Plus encore, vous réitériez à maintes reprises votre refus.

Par courrier recommandé avec accusé réception du 23 septembre 2016, vous indiquiez notamment refuser un poste « dont le contenu [selon vous] ne [correspondait] pas à la fonction AB601 que [vous occupiez] précédemment ».

Vous souligniez en outre que « le problème [n'était] pas le changement des missions en soi mais le fait de les maintenir artificiellement dans une fonction repère qui ne lui [correspondait] plus.»

Vous ajoutiez par ailleurs que « cette assimilation fantaisiste et unilatérale en AB601 [avait] pour seul résultat de [vous] priver des 3 offres prévues [par les dispositions de I'accord GPEC du 3 juillet 2013]. »

Comme nous avons pu déjà vous l'exposer, les réorganisations relèvent du pouvoir de l'employeur. C'est dans le cadre de son pouvoir de direction que l'employeur peut être amené à faire évoluer les missions des salariés.

Dès lors, la circonstance que les missions confiées soient différentes de celles que vous accomplissiez antérieurement ne caractérise pas une modification de votre contrat de travail supposant un accord préalable, dès l'instant ou elles correspondent à votre qualification.

C'est donc bien dans ce contexte que vos missions relevant de la même fonction ont évolué excluant à juste titre les mesures d'accompagnement spécifiques prévues par l'accord C-SPEC dans le cadre d'une mobilité fonctionnelle et/ou géographique.

Vous ne pouviez donc en l'état vous opposer à ce changement qui ne concernait que vos conditions de travail.

A réception de vos observations et suivant les dispositions de la Convention Collective Nationale de l'Inspection d'Assurance du 27 juillet 1992, un Conseil a été réuni le 13 octobre 2016 à votre demande afin de recueillir un avis.

Les Représentants Salariés ainsi que les Représentants Employeur ont ainsi formulé des avis. Il ressort notamment de l'avis de la Délégation Salariés que « l'exemplarité de [votre] parcours professionnel », «[votre] information [lors de cette réorganisation] (...) ont été amplificateur [d'un] malaise et [d'une] impasse ».

Dans ces conditions, la Délégation Salariés suggérait « l'ouverture vers la reprise de la mission actuelle sur le périmètre géographique de la DR de [Localité 3] » afin de vous permettre à brève échéance « de [vous] porter candidat sur les postes à venir et de répondre à un process classique de recrutement ».

Alors que la Délégation Employeur entendait naturellement la proposition de la Délégation Salariés, elle rappelait toutefois que « [votre) refus (...) d'effectuer les missions confiées » dans le cadre de la nouvelle organisation de la Direction Centrale Entreprises ne [constituait] une faute».

Votre posture ainsi que votre silence sur la proposition susvisée ne nous ont malheureusement pas permis de modifier notre appréciation des faits.

En conséquence, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Le salaire correspondant à la période pendant laquelle nous vous avons mis à pied à titre conservatoire vous sera donc versé (...)».

A- Sur la régularité du licenciement

Le salarié soutient que la lettre de licenciement est entachée d'une irrégularité formelle dans la mesure où elle est signée par Mme [K] [E], agissant prétendument pour le compte de la société DAS, qui n'était pas son employeur au vu de la lettre de détachement du 30 novembre 2001 et du fait que l'adresse et le numéro SIREN de la société DAS n'apparaissent pas sur la lettre de notification du licenciement.

Il souligne que la gestion de carrière et la rémunération sont conduites par la société DAS et qu'il doit en être de même en matière disciplinaire.

La société rétorque que ces constatations ne sont pas de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, dès lors que la société DAS peut valablement notifier le licenciement sur une lettre à en-tête du groupe ne mentionnant pas son adresse et numéro SIREN et que la signataire de la lettre de licenciement, en sa qualité de responsable d'affaires sociales du groupe MMA, n'est pas une personne étrangère à l'entreprise, aucune disposition n'exigeant en outre qu'une délégation de pouvoir soit donnée par écrit.

MMA est une société de groupe d'assurance mutuelles composé de trois sociétés d'assurances mutuelles DAS, IARD et MMA Vie, toutes trois ayant leur siège social à la même adresse.

Dans ces conditions, aucune irrégularité de forme ne peut être opposée à la société DAS du fait qu'il soit mentionné sur la lettre de licenciement «MMA, Direction Générale Ressources Humaines, Direction Sociale et Identité du groupe, Affaires sociales » et que l'adresse et le numéro SIREN n'y figure pas.

Le moyen soulevé doit être rejeté.

B- Sur le bien-fondé du licenciement

La société reproche au conseil des prud'hommes d'avoir dénaturé les pièces du dossier et fait une fausse application de la jurisprudence de la Cour de cassation en considérant que le changement de poste constituait une modification du contrat de travail et d'avoir jugé à tort qu'elle avait manqué à ses obligations issues des dispositions de l'accord d'entreprise sur la GPEC.

Elle fait valoir que la nouvelle affectation consistait essentiellement à accompagner les différents acteurs, dont les inspecteurs, et que ces tâches entraient pleinement dans les fonctions de Responsable Commercial Développement Expert du salarié.

Elle souligne que les représentants du personnel n'ont pas remis en cause ce poste et qu'il s'agissait d'un simple changement de poste, sans changement de fonction.

Elle conteste le déclassement du salarié et précise que le poste « d'Accompagnement Flottes Déléguées » est rattaché à la direction centrale d'entreprise (DCE) et relève de la classe 6 de la convention collective, avec des missions de promotion et de développement commercial auprès des équipes et des réseaux identiques à celles prévues dans la fiche de fonction « Responsable Développement Commerciale Expert ».

Elle précise que l'accord d'entreprise GPEC ne s'applique pas puisque la nouvelle affectation du salarié n'impliquait aucune mobilité géographique et conduisait à un simple changement de poste sans changement de fonction et indique que le salarié a décliné la possibilité d'un poste de chargé d'affaires protection juridiques positionnée en classe 6 basé à [Localité 3], ainsi qu'un cursus de formation 'dommages aux biens' en parallèle de l'activité d'accompagnement des flottes déléguées.

Le salarié soutient que son refus ne peut constituer un motif de licenciement dans la mesure où il y a eu une suppression de son poste pérenne et une modification substantielle, sans son accord, de son contrat de travail avec un changement de fonction, des activités principales et une finalité différentes qui ne correspondent pas à la convention collective de l'inspection d'assurance ainsi qu'une restructuration du salaire par suppression de la rémunération variable.

Il souligne que le nouveau métier sous l'intitulé « Accompagnement Flotte Déléguées » est un poste transitoire qui correspond en réalité à un poste de formateur MMA avec des critères d'autres fonctions repères qui relèvent des classes 4 et 5.

Il estime, au surplus, qu'il y a eu une fraude à l'accord GPEC du 2 juillet 2013, que la société a contourné cet accord afin de se dispenser de son obligation de faire les trois offres obligatoires, alors qu'il y avait deux postes susceptibles de lui convenir lors de son retour de maladie en juin 2016.

1. Sur la modification du contrat de travail

S'agissant de la chronologie des faits, le salarié a été embauché en qualité d'inspecteur 1er échelon par contrat de travail du 30 mars 1993 prévoyant comme fonction « animation de nos réseaux d'apporteurs dans le but de développer la production des produits DAS ».

Son poste devenu Responsable Développement Commercial Expert se référait à la fonction repère AB601 et sa rémunération était composée d'un fixe annuel composé d'une indemnité de contrainte de déplacement et d'une indemnité mensuelle permanente ainsi que d'une partie variable.

Dans le cadre d'une réorganisation entre la direction commerciale (DCC) et la direction Pros et entreprises (DCPE), les filiales Covéa Fleet et Covéa Risks ont été supprimées au 1er janvier 2016 et son poste a été supprimé.

La société a adressé au salarié par lettre simple du 11 janvier 2016, non remise en main propre du fait de l'arrêt maladie de ce dernier, un courrier l'informant de ce qu'il allait occuper le poste d'« Accompagnement Flotte Déléguée» devant être exercé à la DCE. Il a été précisé que « le montant moyen de la rémunération variable perçue au cours des deux exercices précédents sera intégré à la rémunération fixe. Si dans un délai de trois ans vous étiez amené à bénéficier d'une nouvelle rémunératin variable, votre rémunération fixe sera restructurée afin de tenir compte de l'intégration de cette rémunération variable »( pièce appelante 7-13).

Le salarié a été affecté à ce poste le 1er avril 2016 et a fait savoir par mail du 15 juin 2016 adressé au responsable des ressources humaines MMA qu'il n'avait reçu aucun courrier recommandé l'informant de ce changement et a demandé à bénéficier du dispositif GPEC qui lui avait été présenté le 2 décembre 2015 par le directeur régional.

Le responsable des ressources humaines MMA, lui a adressé en retour un e-mail le 21 juin 2016 confirmant son affectation sur le métier de transformation, estimant que la nouvelle affectation ne nécessitait pas l'établissement d'un avenant du fait de l'absence de modification du contrat de travail.

En l'état, la société n'établit pas le rattachement du poste 'Accompagnement Flotte Déléguée' à la fonction repère AB601 - classe 6 puisque dans la nouvelle organisation MMA mise en place, seuls les métiers d'inspecteur MMA, de chargé d'affaires courtage et de chargé d'affaires protection juridiques sont expressément mentionnés sous cette fonction repère.

Le métier de la transformation Accompagnement Flotte Déléguée ne fait référence à aucune fonction repère et du fait de ses missions, doit logiquement se rattacher à la fonction repère « HD 400 - formateur » relevant de la classe 4 et dépendant de la DCE (pièces intimé 19, 37 et 38).

En effet, le métier de la transformation 'Accompagnement Flotte Déléguée' a pour missions principales de : définir avec les responsables des équipes, à partir d'un diagnostic des fonctionnements existants, les besoins de transformation, de proposer aux équipes les actions à mettre en 'uvre, d'accompagner ses dernières sur un plan méthodologique afin d'assurer la réussite des actions de transformation mises en 'uvre, et nécessite une formation de base de formateur (formation IEP) (pièce intimé 18 et 36).

Mme [J] dans son mail du 26 juillet 2016 adressé au salarié a précisé que la mission de ce métier était de professionnaliser les collaborateurs en région IEP-SEP-CAC mais également les managers régionaux (montée en compétences sur les aspects techniques, process et outils sur le périmètre des flottes déléguées) (pièce appelante 7-15 ).

Ces missions ne correspondent pas à celles prévues par le contrat de travail et exercées pendant de nombreuses années par le salarié, à savoir une intervention auprès des réseaux chargés de vendre les produits, soit les mandataires exclusifs, (agents MMA), et ceux non exclusifs (courtiers), avec un objectif de développement commercial et une activité de souscription sur les risques Flotte sur mesure (pièce intimé 34).

Il s'ensuit une finalité différente de celles des missions de formation auprès des collaborateurs internes à l'entreprise aux flottes déléguée.

C'est donc en vain que la société indique que le poste 'Accompagnement Flotte Déléguée relève de la même qualification et fonction, nonobstant le maintien allégué du salarié dans une classification 6 qui n'est pas indiquée expressément dans la réorganisation des métiers.

La cour ajoute que :

- si la société peut faire évoluer les missions du salarié du fait de son pouvoir de direction , encore faut-il que ce soit dans le respect du cadre prévu par le contrat de travail et ses avenants

- les organisations 'salariés' au conseil du 13 octobre 2016 ont considéré que les process RH n'ont pas été adaptés à la situation du salarié

- le poste Accompagnement Flotte Déléguée est un poste précaire puisque limité à 12 mois contrairement au poste Responsable Développement Commercial Expert qui était pérenne. Ce poste dépend d'une autre direction la DCE (la direction Centrale Entreprise ) au lieu la DCM (Direction Centrale Commerciale) devenue DCMC (Direction centrale marketing & Commerciale)

- la convention collective de rattachement du salarié était celle de l'inspection d'assurance du 27 juillet 1992. Or, la convention collective du métier de la transformation relève de la convention collective nationale des sociétés d'assurance du 27 mai 1992 (pièces intimé 41 et 42), ce qui a nécessairement une incidence sur le contrat de travail

- le salarié a formalisé à plusieurs reprises son refus du poste Accompagnement Flotte Déléguée, y compris lors des réunions de septembre à décembre 2015 mais il n'en a pas été tenu compte, puisque le salarié a été positionné sur un poste ne correspondant pas à son parcours d'animateur commercial et de souscripteur, sans son accord et sans qu'aucun avenant au contrat ne soit prévu

- la restructuration du salaire, sans l'accord du salarié, par intégration de la rémunération variable au fixe annuel constitue en tout état de cause une modification substantielle du contrat de travail, étant relevé que les missions du nouveau poste n'ayant plus un caractère commercial, celles-ci ne pouvaient amener de partie variable.

En l'état de ces éléments, la cour considère que le salarié a fait l'objet d'un déclassement et que le contrat de travail du salarié a été modifié suite à un changement de qualification et de fonction et à une modification de sa rémunération.

2. Sur l'application des dispositions de l'accord d'entreprise relatif à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC):

L'accord relatif à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et à la formation professionnelle prévoit en ses articles :

7.1: Définition de la mobilité interne

« La mobilité interne s'entend de la mobilité fonctionnelle et ou géographique d'un salarié. La mobilité fonctionnelle correspond à un changement de fonction. La mobilité géographique correspond à un changement d'établissement en dehors de la zone géographique d'emploi du salarié entraînant une modification du lieu d'exercice de l'activité (...) ».

7.1.9.2 : Formalismes de la mise en 'uvre de la mobilité interne

« Lorsqu'une mesure individuelle de mobilité est envisagée, la proposition est faite au salarié par écrit. La lettre de notification informe le salarié qui dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. À défaut de réponse dans le délai d'un mois, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée.

En cas de refus par un salarié de la proposition de mobilité interne, celui-ci se verra proposer au minimum trois offres de reclassement au sein de MMA, dans la mesure du possible situé dans la zone géographique d'emploi du salarié. Ces offres seront présentées de façon simultanée afin de faciliter le choix du salarié concerné. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. À défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposé au salarié sont écrites et précises. La recherche de reclassement sera individualisée et tiendra compte à la fois des souhaits éventuels manifestés par le salarié des opportunités d'emploi recensé au niveau de MMA (...) ».

La société, qui a informé le salarié qu'il occuperait le poste d'Accompagnement Flotte Déléguée par lettre simple du 11 janvier 2016, alors que ce dernier était en arrêt maladie, n'a pas respecté les dispositions prévues par l'accord précité, et du fait du changement de fonction n'a fait aucune offre de reclassement au sein de la société, correspondant à un emploi relevant de la même catégorie que celui occupé par M. [D], et ce, alors que deux postes pouvaient lui correspondre (poste d'inspecteur sur mesure et poste de conseiller technique de souscription dommages aux biens).

En l'état de ces constatations, la cour dit que le refus du salarié ne peut être constitutif d'une cause réelle et sérieuse et c'est à juste titre que le conseil des prud'hommes a estimé que le licenciement du salarié ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris doit être confirmé de ce chef.

Sur les conséquences financières de la rupture

1- Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salarié soutient qu'il pouvait espérer travailler jusqu'à l'âge de 66 ans et 3 mois, soit encore pendant 14 ans au sein de l'entreprise mais que du fait des agissements subis par son employeur et de santé, et notamment de son invalidité deuxième catégorie, il sera mis à la retraite d'office à 62 ans, soit 4 ans plus tôt que prévu, ce qui va entraîner une baisse de pouvoir d'achat anticipé mais également un montant de retraite minorée de 30 % au vu de la législation actuelle.

Il estime ainsi que sa retraite va être minorée de 30 % la faisant passer de 3 640 €, à désormais 2670 € bruts compte tenu des trimestres maladie de 2017, soit un préjudice financier particulièrement lourd.

Il précise qu'au titre du régime général, il se trouve lésé de 17 trimestres et que le barème légal de rachat du trimestre au titre de la durée de cotisation s'élevant à 6132 € en 2021 et qu'il devra débourser la somme de 104'244 €.

Il indique qu'au titre du régime complémentaire, il a perdu un nombre annuel de 779,95 points sur une durée de 4 ans et 3 mois (différence entre l'âge initial de départ à la retraite de 66 ans et 3mois et l'âge légal imposé à 62 ans), soit un solde cumulé de 3 314,78 points et que la valeur de rachat du point s'élevant 1,2714 € en 2021 avec un coefficient lié au rachat compte tenu de l'âge de 24,9, il devra débourser la somme de 109'574 euros.

S'agissant de la baisse anticipée de pouvoir d'achat, il estime son préjudice à la somme de 178'491 €, soit la différence entre le montant annuel du dernier salaire d'activité connue (72'521€ bruts en 2016) et le montant de la pension annuelle qui se dessine de 30'600 € bruts (2 550 € x12)

sur la même durée de 4 ans et 3 mois.

Il souligne enfin que le préjudice réclamé ne repose pas sur un calcul lié à des paramètres hypothétiques puisque le préjudice de rachat est bien avéré actuel et certain, la notion de perte de chance ne s'appréhendant que pour les trimestres excédant ces plafonds et dont il demande l'indemnisation à hauteur des valeurs attribuées par le régime général, soit 5 trimestres (17-12) et le régime complémentaire de 2 894 points (3314-420) en vue de mettre en place un plan d'épargne retraite.

Il fait également valoir :

- la perte de droits au fonds de pension : puisqu'il s'est vu privé, du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse, des versements sur ce fond mis en place et financé par l'employeur à hauteur de 1 % de la rémunération du salarié et jusqu'à l'âge prévu pour sa retraite, soit 14 années pleines, un manque à gagner de 16 100 € (1 150 € perçus en 2016 x14)

- la perte des droits au plan épargne entreprise : en 2016, il a perçu un montant de 8771,52 € bruts

au titre de l'exercice 2015 pour l'intéressement et la participation, soit un manque à gagner de 122'801 € (8 771,52 € x14).

- la perte des augmentations de salaire : dans la mesure où son salaire ne pouvait que continuer à augmenter dans un grand groupe d'assurances à la santé florissante et qu'à raison d'un gain annuel de 1 586€ € entre 2011 et 2016 le manque à gagner s'élève à 166 574 € sur 14 années de travail qu'il lui restait à travailler avant l'âge de la retraite, étant entendu que, du fait de ces hausses de salaires, le montant de sa future retraite complémentaire aurait aussi mécaniquement augmenté.

La société réplique que les demandes du salarié sont totalement disproportionnées et que le fait que le salarié bénéficie d'une invalidité de deuxième catégorie ne démontre pas qu'il ne soit plus en mesure de travailler, les notions juridiques d'invalidité et d'inaptitude ne se confondant pas.

Le salarié a perçu une somme mensuelle brute de 6 043,48 €, intéressement et participation comprise, pour l'année 2016 au titre de son salaire au vu de l'attestation de salaire pour l'année 2016 produite par la société (pièce intimé 71).

Le salarié, employé dans une entreprise employant habituellement plus de onze salariés, avait 23 années complètes d'ancienneté.

La cour dispose d'éléments suffisants au vu des pièces produites par le salarié, eu égard aux circonstances particulières qui ont entouré la rupture des relations contractuelles, de l'âge du salarié (52 ans), de la reconnaissance de l'invalidité deuxième catégorie justifiant les difficultés réelles de reconversion et d'emploi du fait de ses capacités résiduelles, de la perte d'une chance en matière de droits à la retraite et de droits au fonds de pension résultant de la rupture aux torts de l'employeur, pour fixer le prejudice de M.[D] à la somme de 200 000 €.

2- sur le prejudice distinct

Le salarié soutient avoir subi un préjudice moral compte tenu des agissements de la société à sa reprise du travail alors qu'il réintégrait son poste à l'issue d'un épuisement professionnel et de sa situation d'isolement et de fragilité qui a entraîné une rechute de son burnout.

Il explique également que la société en qualité de subrogé a retenu ses indemnités journalières de sécurité sociale qui lui avait été versées par la caisse primaire d'assurance maladie, qu'il s'est senti humilié suite aux rumeurs selon lesquelles il aurait commis des fautes importantes justifiant la rupture du contrat de travail avec mise à pied conservatoire et dispense d'exécuter son préavis, ce qui ne lui a pas permis d'expliquer le motif de son départ à ses collègues de travail.

Il invoque enfin le fait que la société n'a pas respecté ses obligations d'information concernant la portabilité de ses droits.

La société s'oppose à cette demande l'estimant exagérée et conteste les arguments développés par M. [D], estimant avoir respecté ses obligations en informant son salarié de ses droits en matière de portabilité des garanties de santé et prévoyance.

Elle indique que la mise à pied conservatoire n'avait pas de caractère brutal dès lors qu'elle était intervenue après que le salarié ait réitéré à maintes reprises son refus de rejoindre sa nouvelle affectation et qu'il ne peut lui être reproché de l'avoir dispensé de préavis en maintenant sa rémunération.

Tout salarié peut obtenir la condamnation de l'employeur au paiement de dommages intérêts en raison du préjudice moral dès lors qu'il établit l'existence d'une faute ou la mauvaise foi de l'employeur ayant causé un préjudice distinct de ceux déjà réparés.

La mise à pied conservatoire a été brutale et vexatoire, voire infamante vis à vis de ses collègues de travail, aucune faute grave ou lourde ne lui ayant en réalité été reprochée, étant relevé que la société l'a ainsi privé de ses revenus pendant ces deux mois.

Par ailleurs, le salarié justifie que la société ne lui a pas reversé ses indemnités journalières au vu de l'attestation de paiement des indemnités journalières par la CPAM du Var à l'employeur par subrogation pour la période du 1er septembre 2016 au 1er novembre 2016.

À cet égard, le juge d'instruction du tribunal judiciaire du Mans, saisi pour abus de confiance à l'encontre de la société, a considéré le 10 février 2023 que les faits ne pouvaient recevoir la qualification pénale d'abus de confiance, bien que l'élément matériel soit acquis, faute d'éléments suffisants pour retenir l'élément moral.

Toutefois, cette décision ne saurait lier le juge prud'homal. En effet, si les indemnités, certes pour des sommes relativement modiques, lui ont été reversées à compter du mois de novembre 2016, il n'en demeure pas moins que ce manquement de la part de la société s'est ajouté à la perte de revenus de la mise à pied injustifiée et a contribué à aggraver la situation financière et psychologique du salarié.

De même, la société ne justifie pas avoir rempli son obligation légale vis-à-vis du salarié par la remise à ce dernier, assuré bénéficiaire de la complémentaire santé et de la prévoyance collective de la société, de la notice d'information écrite issue de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1989, dite Loi Evin et conformément aux dispositions de l'article L. 932-6 du code de la sécurité sociale.

La simple note d'information du 26 janvier 2017, produite par la société et visée pièce 9, ne peut être considérée comme une notice, ne comportant pas les indications des garanties souscrites auxquelles le salarié est éligible, ni leurs modalités d'entrée en vigueur, ni les formalités à accomplir en cas de réalisation du risque.

La non information du salarié en temps voulu concernant l'étendue de ses garanties et l'absence d'information à l'organisme assureur de la rupture du contrat de travail de son salarié conformément aux dispositions de l'article L. 911 -8 3° du code de la sécurité sociale ainsi que l'absence de diligences de la société du fait du changement d'assureur en cours de portabilité, cause à ce dernier un préjudice certain.

Ainsi, le salarié, qui devait bénéficier de la portabilité des garanties de frais de santé et de prévoyance jusqu'au 31 janvier 2018, a dû à maintes reprises réclamer à la société lesdites notices d'informations alors qu'il se trouvait à nouveau en maladie à compter du 17 janvier 2017.

L'assurance Humanis devant prendre en charge l'incapacité temporaire de travail pour 2017 et le sinistre d'invalidité du 1er janvier 2018 lui a refusé les garanties et le groupe Malakoff Médéric, qui s'est substitué le 1er janvier 2018 au précédent organisme et qui a récupéré les contrats Santé Mutualiste du personnel MMA et de la prévoyance, n'a pas pu intervenir faute d'information et d'inscription en portabilité des anciens salariés.

Il s'ensuit que le salarié n'a pas pu se faire rembourser des frais médicaux ainsi qu'il résulte des pièces intimé 65-73- 95.

Enfin, le contexte conflictuel du licenciement a entraîné une rechute de la pathologie du salarié qui a été de nouveau en arrêt de travail du 7 au 23 septembre 2016, puis placé en invalidité deuxième catégorie à compter du 1er janvier 2018.

Il est ainsi démontré des manquements fautifs de la part de la société en lien avec un préjudice distinct de celui résultant de la rupture et il y a lieu d'allouer au salarié à ce titre, par infirmation du jugement, la somme de 8 000 €.

3- La cour applique d'office la sanction de l'article L.1235-4 du code du travail.

Sur la demande d'attestation d'inscription santé de prévoyance Malakoff Médéric

Le salarié sollicite ce document dans la mesure où le nouvel assureur ne peut délivrer une attestation d'assurance tant que l'employeur n'a pas procédé à son inscription.

Il explique qu'il ne peut bénéficier des remboursements santé de cet organisme sur la période considérée du fait du refus de la société d'inscrire les anciens salariés en portabilité, et ce, en contradiction avec les dispositions de l'article L. 911-83° du code de la sécurité sociale et du guide des bonnes pratiques diffusées par la FFSA.

Il précise que la société a refusé de fournir à l'organisme Malakoff Médéric les éléments permettant l'inscription, notamment la liste et l'adresse des personnes en portabilité, et donc d'assurer les anciens salariés de la société, et ce, afin d'échapper au supplément de prime d'assurance qui lui aurait été inévitablement demandé par le nouvel assureur en vertu du risque aggravé lié à la prise en compte des anciens salariés.

Il considère que le nouvel assureur Malakoff Médéric ne peut être tenu ici pour responsable de la volonté délibérée de Covéa, souscripteur des contrats d'assurance collective santé prévoyance, de se soustraire à un dispositif légal.

La société estime que le conseil de prud'hommes a ordonné à tort et sans fondement légal la remise d'une attestation d'inscription santé prévoyance, ces informations ne pouvant lui être remises que par le nouvel organisme de prévoyance.

Il estime donc le salarié mal fondé à lui reprocher un défaut d'information, en particulier quant au changement d'organisme gestionnaire des régimes de frais de santé de prévoyance postérieur à son licenciement, dont l'information n'était en tout état de cause pas à sa charge.

Il indique qu'il appartenait à ce nouvel assureur d'entrer en contact avec le bénéficiaire de la portabilité pour l'informer du changement assureur et qu'il ne lui incombe pas d'accomplir les démarches pour bénéficier de manière effective de la portabilité.

Les dispositions de l'article L.911-8 du code de la sécurité sociale prévoient que :

« Les salariés garantis collectivement, dans les conditions prévues à l'article L. 911-1, contre le risque décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité bénéficient du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par le régime d'assurance chômage, selon les conditions suivantes :

1° Le maintien des garanties est applicable à compter de la date de cessation du contrat de travail et pendant une durée égale à la période d'indemnisation du chômage, dans la limite de la durée du dernier contrat de travail ou, le cas échéant, des derniers contrats de travail lorsqu'ils sont consécutifs chez le même employeur. Cette durée est appréciée en mois, le cas échéant arrondie au nombre supérieur, sans pouvoir excéder douze mois ;

2° Le bénéfice du maintien des garanties est subordonné à la condition que les droits à remboursements complémentaires aient été ouverts chez le dernier employeur ;

3° Les garanties maintenues au bénéfice de l'ancien salarié sont celles en vigueur dans l'entreprise;

4° Le maintien des garanties ne peut conduire l'ancien salarié à percevoir des indemnités d'un montant supérieur à celui des allocations chômage qu'il aurait perçues au titre de la même période;

5° L'ancien salarié justifie auprès de son organisme assureur, à l'ouverture et au cours de la période de maintien des garanties, des conditions prévues au présent article ;

6° L'employeur signale le maintien de ces garanties dans le certificat de travail et informe l'organisme assureur de la cessation du contrat de travail mentionnée au premier alinéa ».

Le contrat d'assurance collective à adhésion obligatoire à effet au 1er janvier 2018 souscrit entre Covéa et Malakoff Médéric s'applique à plusieurs assurances dont DAS et DAS Mutuelle. Il est précisé que le maintien des garanties prend effet à compter de la date de cessation du contrat de travail et que la durée de ce maintien est égale à celle de l'indemnisation chômage, dans la limite de 12 mois.

Ce contrat, ayant pour objet d'assurer des garanties de prévoyance en faveur du groupe assuré prévoit en son article 3.1 que le groupe assuré est constitué des salariés assurés et des anciens salariés assurés « les garanties sont maintenues au profit des anciens salariés du souscripteur, dont les droits à maintien des garanties au titre de la portabilité ont été ouverts auprès d'un assureur précédent, sous réserve de continuer à remplir les conditions définies à l'article 5. 2 des présentes conditions générales pour la période de droits restant à courir et d'une déclaration préalable faite par le souscripteur, sauf dans le cas où l'assureur précédent maintient la couverture jusqu'à l'expiration des droits au dispositif»

En l'espèce, à compter de la rupture du contrat de travail, M. [D] devait bénéficier de la portabilité Santé Prévoyance pendant 12 mois, soit du 29 janvier 2017 au 31 décembre 2017 auprès de l'assureur Humanis et à compter du 1er janvier 2018 jusqu'à fin janvier 2018 auprès de Malakoff Médéric Prévoyance, en raison du changement d'organisme.

En l'état des dispositions précitées, il appartenait donc à la société qui était bien au fait des obligations légales et du dispositif d'ordre public de faire une déclaration préalable de portabilité auprès de l'organisme Malakoff Médéric, afin que le salarié puisse prétendre à la garantie.

Le jugement entrepris doit dès lors être confirmé en ce qu'il a ordonné à la société de communiquer au salarié une attestation d'inscription santé prévoyance Malakoff Médéric, sans qu'il soit nécessaire d'enjoindre de verser la notice d'information et l'adresse du service qui ont déjà été communiquées.

Une astreinte de 100 € par jour de retard doit être ordonnée, la société ne s'étant pas saisie de la longue période écoulée depuis le jugement, pour remplir son obligation à ce titre.

Sur les autres demandes

Les circonstances de la présente affaire n'exigent pas que soit ordonnée une publicité particulière sur les journaux, sur l'intranet de l'entreprise ou dans les locaux des organisations syndicales.

La demande doit être rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

La société qui succombe au principal, doit s'acquitter des dépens, être déboutée de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à ce titre, condamnée à payer au salarié la somme supplémentaire de 2 000 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré SAUF s'agissant du montant des dommages et intérêts alloués au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, du rejet de la demande de dommages et intérêts pour prejudice distinct et de celle concernant l'astreinte ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société Covéa Protection Juridique venant aux droits de DAS Assurance Mutuelle, à payer à M. [M] [D] les sommes suivantes :

- 200 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 8 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,

- 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que l'obligation de faire concernant l'attestation d'inscription auprès de Médéric Malakoff doit être assortie d'une astreinte de 100 € par jour de retard, passé le délai de 15 jours à compter du présent arrêt, et ce, pendant une durée de 60 jours ;

Ordonne le remboursement par la société Covéa Protection Juridique à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de 6 mois,

Dit qu'à cette fin, une copie certifiée conforme de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi, par le greffe,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société Covéa Protection Juridique aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/11863
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;19.11863 ?
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