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04/07/2024 | FRANCE | N°19/10666

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 04 juillet 2024, 19/10666


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 4 JUILLET 2024



N° 2024/ 110



RG 19/10666

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEQ7Q







[F] [V]





C/



SAS CM-CIC LEASING SOLUTIONS

























Copie exécutoire délivrée le 04 Juillet 2024 à :



- Me Marion AUTONES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V190



- Me Karine GRAVIER, avocat a

u barreau de MARSEILLE





























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 29 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F17/02731.





APPELANT



Monsieur [F] [V], demeuran...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 4 JUILLET 2024

N° 2024/ 110

RG 19/10666

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEQ7Q

[F] [V]

C/

SAS CM-CIC LEASING SOLUTIONS

Copie exécutoire délivrée le 04 Juillet 2024 à :

- Me Marion AUTONES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V190

- Me Karine GRAVIER, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 29 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F17/02731.

APPELANT

Monsieur [F] [V], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Marion AUTONES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SAS CM-CIC LEASING SOLUTIONS, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Karine GRAVIER, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Manon BACHES, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2024, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 4 Juillet 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 4 Juillet 2024

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

Selon lettre du 6 avril 2006, la société GE Capital Équipement Finance a engagé M.[F] [V], en qualité d'attaché commercial à l'agence de [Localité 1] activité BTI, au coefficient hiérarchique 400, position cadre de la convention collective des sociétés financières.

La prie de fonctions était prévue au plus tard le 1er juin 2006, pour une rémunération annuelle brute de 34 000 euros outre une rémunération variable.

En dernier lieu, le salarié occupait l'emploi d'ingénieur commercial, et la société a pris en 2016 le nom de CM-CIC Leasing Solutions.

Convoqué à un entretien préalable au licenciement pour le 28 juillet 2017, M.[V] a été licencié pour insuffisance professionnelle, par lettre recommandée du 2 août 2017.

Contestant notamment son licenciement, le salarié a saisi par requête du 23 novembre 2017 le conseil de prud'hommes de Marseille, aux fins d'obtenir diverses sommes à caractère salarial et indemnitaire.

Selon jugement du 29 mai 2019, le conseil de prud'hommes a débouté M.[V] de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Le conseil du salarié a interjeté appel par déclaration du 2 juillet 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 2 mai 2022, M.[V] demande à la cour de :

«Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

Débouté Monsieur [V] de l'ensemble de ses demandes

Condamné Monsieur [V] aux entiers dépens.

Et, statuant à nouveau :

1. Sur l'invalidation du forfait en jours appliqué par la société et ses conséquences

DIRE ET JUGER que Monsieur [V] ne relevait pas d'une organisation de son temps de travail selon un forfait en jours valable en l'absence d'accord collectif prévoyant ce mode d'organisation du temps de travail et de convention individuelle précisant le nombre de jours travaillés ainsi que de tenue d'entretiens annuels sur la charge de travail

DIRE ET JUGER que Monsieur [V] relevait de l'horaire de travail légal, correspondant à 35 heures par semaine et qu'il accomplissait des heures supplémentaires

CONDAMNER la société CM CIC LEASING SOLUTIONS à verser à Monsieur [V] :

8 238.34 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires sur l'année 2015, outre 823.83 euros d'incidence congés payés

8 403.11 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires sur l'année 2016, outre 840.31 euros d'incidence congés payés

5 429.33 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires sur l'année 2017, outre 542.93 euros d'incidence congés payés

CONDAMNER la société CM CIC LEASING SOLUTIONS à verser à Monsieur [V] la somme de 26 367.48 euros en application de l'article L 8223-1 du Code du travail à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

2. Sur le rappel de prime sur objectifs sollicité

CONDAMNER la société CM CIC LEASING SOLUTIONS, défaillante dans la transmission des objectifs ouvrant droit au versement de prime en début d'exercice et dans la communication des modalités de calcul desdites primes sur objectifs, à verser à Monsieur [V] la somme de 21 519.09 euros à titre de rappel de prime sur objectifs, outre 2 151.90 euros d'incidence congés payés, se décomposant comme suit :

Au titre de l'année 2015 : 4 161.04 euros bruts, outre 416.10 euros d'incidence congés payés

Au titre de l'année 2016 : 11 929.45 euros, outre 1 192,94 euros d'incidence congés payés

Au titre de l'année 2017 : 5 428.59 euros, outre 542.85 euros d'incidence congés payés

3. Sur la contestation du licenciement prononcé

DIRE ET JUGER que le licenciement intervenu est dépourvu de cause réelle et sérieuse

A TITRE PRINCIPAL CONDAMNER la société CM CIC LEASING SOLUTIONS à verser à Monsieur [V] la somme de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

A TITRE SUBSIDIAIRE CONDAMNER la société CM CIC LEASING SOLUTIONS à verser à Monsieur [V] la somme de 26 794,07 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, correspondant aux salaires des six derniers mois précédant la rupture en application de l'article L1235-3 du Code du travail dans sa version applicable au présent litige

CONDAMNER la société CM CIC LEASING SOLUTIONS à verser à Monsieur [V] la somme de 15 0000 euros à titre de préjudice moral causé par ce licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

4. Sur les autres demandes

DEBOUTER la société CM CIC LEASING SOLUTIONS de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires et de tout appel incident

ORDONNER à la société la remise des documents sociaux (bulletin de salaire, attestation destinée à Pôle Emploi rectifiée) sous astreinte de 15 euros par jour de retard commençant à courir 15 jours après la signification de la décision à intervenir

ASSORTIR les condamnations à intervenir de l'intérêt légal à compter de l'acte introductif d'instance avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du Code civil

CONDAMNER la société CM CIC LEASING SOLUTIONS à payer à Monsieur [V] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du CPC

CONDAMNER la société CM CIC LEASING SOLUTIONS aux entiers dépens de première instance et d'appel ».

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 29 mai 2020, la société demande à la cour :

« qu'elle confirme le jugement du Conseil de Prud'hommes de Marseille en date du 29 mai 2019 en toutes ses dispositions, et qu'elle déboute par conséquent Monsieur [V] de l'intégralité de ses demandes, fins, écrits et conclusions.

Elle sollicite également de la Cour qu'elle condamne Monsieur [V] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance. »

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur l'exécution du contrat de travail

1- sur le forfait jours

Au visa des articles L.3121-55 et L.3121-60 du code du travail, le salarié soutient que la lettre d'engagement de 2006 ne précise rien, que la convention collective nationale est muette et qu'aucun document contractuel n'a été formalisé, de sorte que la convention est nulle ou privée d'effet, soulignant également l'absence d'organisation d'un entretien.

La société fait valoir que le nombre de jours figure sur les bulletins de salaire et que le contrat de travail fait référence à l'accord collectif ; elle indique que le salarié a bénéficié d'entretiens chaque année.

Elle considère que les dispositions de l'article L.3121-45 du code du travail ne permettent pas de remettre en cause la validité du forfait jours mais seulement pour M.[V] d'obtenir des dommages et intérêts, lequel ne fait pas la preuve d'un préjudice.

Pour qu'une entreprise puisse recourir à la formule du forfait annuel en jours, deux conditions doivent être réunies :

- un accord collectif d'entreprise ou d'établissement, et à défaut : une convention ou un accord collectif de branche, étendu ou non, doit autoriser le recours à ce type de forfait (article L. 3121-63 du code du travail ) ;

- chaque salarié concerné doit donner son accord individuel matérialisé par écrit (article L.3121-55 du même code).

En l'espèce, comme l'indique à juste titre le salarié, il ne figure dans la convention collective nationale applicable, aucune disposition en ce sens et l'employeur, s'il fournit en pièce 2, un protocole d'accord du 31/10/2001 sur les 35h, ne présente aux débats aucun accord collectif conforme à l'article L.3121-39 du code du travail dans sa rédaction applicable à la date de signature du contrat de travail, soit un accord déterminant les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixant les caractéristiques principales des conventions individuelles.

En outre, il est constant qu'aucune convention de ce type n'a été signée par M.[V] même après l'entrée en vigueur des dispositions de l'article L.3121-53 du code du travail, la simple mention sur les bulletins de salaire, du nombre de jours (203) étant insuffisante.

En tout état de cause, pour partie de la demande, la société n'a pas respecté les dispositions de l'article L.3121-65 du code du travail, lequel prévoit que l'employeur doit s'assurer que la charge de travail est compatible avec le respect des temps de repos, et doit être raisonnable, ni celles de l'article L. 3121-60 du code du travail, également issu de la loi du 8 août 2016, qui, au titre des dispositions d'ordre public applicables à toute situation de forfait en jours, exigent de l'employeur qu'il s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable, et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.

Dès lors, la cour dit que la convention de forfait doit être invalidée, le salarié ne sollicitant pas sa nullité dans le dispositif de ses écritures, et les conséquences étant les mêmes, soit la recevabilité d'une demande d'heures supplémentaires, au-delà des 35 heures légales.

2- Sur les heures supplémentaires

En application de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Le salarié sollicite des heures supplémentaires depuis 2015, précisant qu'il travaillait de 9 à 13h puis de 14 à 18h30, soit 42h30 par semaine, et fournit un tableau des heures réclamées, par année et par semaine civile, ainsi qu'un détail de ses calculs pages 8 & 9 de ses conclusions.

La société considère que le salarié ne rapporte pas la preuve des heures supplémentaires prétendues, n'ayant jamais émis de remarque sur une charge de travail trop lourde, se contentant de verser aux débats un tableau réalisé seul, sans autre élément.

Elle verse aux débats des extraits des agendas 2015 et 2016 du salarié démontrant qu'il ne travaillait pas 8h30 par jour de manière continue, de nombreux rendez-vous personnels (coiffeur, garage, ophtalmo) étant inscrits.

Subsidiairement, elle demande à la cour de ramener à de plus justes proportions les demandes,et de retenir comme base de calcul, la rémunération minimale prévue par la convention collective nationale pour le coefficient hiérarchique et non la rémunération annuelle perçue par le salarié.

Si l'employeur ne démontre pas les horaires exacts et le nombre d'heures accomplies par M.[V], cela ne le prive pas du droit de critiquer le caractère linéaire des tableaux, non corrélés à des agendas, les pièces 64 & 65 de la société démontrant que M.[V], n'accomplissait pas sa semaine de travail suivant un horaire aussi millimétré que celui exposé ( 35h ou 42h30).

S'agissant du taux, le salarié a retenu un taux horaire de 28,97 euros sur les trois années, correspondant à son salaire annuel, rapporté sur 12 mois, à 151,67 h, mais dans la mesure où les bulletins de salaire font apparaître le salaire mensuel à temps plein, seul ce taux peut être retenu.

En considération de l'ensemble des éléments présentés par les parties, la cour a la conviction que M.[V] a effectué des heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées, mais pas dans la proportion affichée, le calcul d'une moyenne par semaine, étant au demeurant inadéquat.

La cour fixe ainsi la créance du salarié :

- année 2015 : 77h x 23,36 = 1 798,72 €

- année 2016 : 81h x 23,84 = 1 931,04 €

- année 2017 : 49h x 23,84 = 1 168,16 €,

soit un total de 4 897,72 euros outre l'incidence de congés payés.

Les intérêts au taux légal sur ces sommes doivent courir à compter de la date de convocation de l'employeur (présentation de la lettre recommandée) à l'audience de tentative de conciliation valant mise en demeure.

  La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

Il convient, en outre, d'ordonner la remise par la société d'un bulletin de salaire récapitulatif conforme aux sommes allouées par la cour, mais il n'est pas nécessaire de prévoir une astreinte.

3- Sur le travail dissimulé

L'article L.8221-5-2° du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ce texte n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce, si l'employeur a démontré sa négligence notamment dans le suivi de la charge de travail du salarié, il ne peut en être déduit qu'il a entendu dissimuler son activité en ce que le salarié était totalement autonome dans ses fonctions et qu'il n'a formulé aucune demande en paiement pendant la période contractuelle, les parties s'estimant liées par une convention de forfait jours.

Dès lors, M.[V] doit être débouté de sa demande indemnitaire forfaitaire formée sur le fondement de l'article L.8223-1 du code du travail.

4- sur les primes d'objectifs

Le salarié dénonce au-delà de l'opacité du mode de détermination des objectifs, une communication tardive et considère qu'il est dès lors, fondé à réclamer le versement d'un rappel de prime correspondant à l'objectif atteint (100 %), soit 40% du salaire annuel brut.

La société soutient qu'entre janvier et mars de chaque année, tous les commerciaux recevaient une information lors d'une réunion annuelle commerciale, dite « Kick-Off » concernant les objectifs à atteindre. Ces objectifs globaux étaient ensuite déclinés par segment, de sorte que chaque directeur de segment connaissait parfaitement son objectif annuel à cette date et ensuite, au niveau de la région, le directeur déclinait ses objectifs lors d'une réunion mensuelle, de sorte qu'une communication était réalisée tout au long du premier quadrimestre afin de donner de la visibilité aux commerciaux.

Elle indique que, concernant M.[V], au regard de ses insuffisances professionnelles, une communication lui était faite à chaque réunion quasi-hebdomadaire notamment dans le cadre des plans de performance 2017.

Elle estime qu'il a été rempli de ses droits, le montant versé étant proportionné à ses performances professionnelles réduites.

Elle produit à l'appui :

- les objectifs communiqués à M.[V] en début d'exercice (pièces 18-19-20-45-53),

- les éléments communiqués en 2017 (pièces 51 à 59)

- les bulletins de salaire au titre des années 2015-2016 et 2017 (pièces 66 à 68).

Par les pièces sus-visées, la société démontre que pour les années 2014, 2016 et 2017, le salarié a été informé par voie de mails envoyés en mars, du plan de rémunération variable dit SIC contenant les règles de gouvernance, un plan détaillé et les objectifs.

Par ses propres pièces 22-23-24, M.[V] justifie avoir reçu le programme commercial SIC 2015, lequel a été modifié en juillet 2015, pour tenir compte de la suppression d'un critère, à compter d'avril 2015.

Le salarié ne peut dès lors reprocher à la société d'avoir communiqué tardivement les objectifs à remplir, l'ensemble des personnes concernées étant destinataire du mail en même temps, étant précisé que l'ajustement fait en juillet 2015, était précisément une correction en faveur des salariés.

Dans chaque document individualisé (pièces 20-21-24 salarié et celles visées par la société), étaient indiqués les deux critères retenus (et leur poids respectif) , avec indication pour chacun des 4 trimestres, des objectifs à atteindre, de sorte que M.[V] en a bien eu connaissance et il ne peut se fonder sur une unique pièce qui est un mail d'un autre salarié envoyé en 2009 (pièce 25), soit plus de 5 ans avant, pour considérer le mode de calcul opaque, eu égard à ses fonctions et le calcul étant chaque année rappelé dans les documents transmis, sans qu'à aucun moment, le salarié n'ait émis la moindre question ou critique pendant les 11 années de relation contractuelle.

Il ressort du tableau édité par M.[V] en pièce 28 et de la lecture des bulletins de salaire, que le salarié a perçu pour l'année 2015, la somme totale de 12 472,11 euros, mais il ne peut solliciter le maximum de la rémunération variable, en l'état d'une synthèse (pièce 8 société) faisant état d'une atteinte à 89% des objectifs et non à 100%.

Il en est de même pour l'année 2016, la pièce 9 de la société visant une atteinte à 54% et le salarié ayant reçu la somme de 5 559,94 euros.

Pour le 1er semestre 2017, la pièce 10 de la société démontre une atteinte à 82% et le salarié a reçu la somme totale de 8 474,46 euros.

En conséquence, la cour constate que le salarié a été rempli de ses droits.

Sur la rupture du contrat de travail

En vertu des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.
 

En l'espèce, la lettre de licenciement est libellée de la manière suivante :

«Par courrier du 18 juillet 2017 envoyé par lettre recommandé, nous vous avons adressé une convocation à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement.

Au cours de cet entretien qui s'est déroulé le 28 juillet suivant, et pendant lequel vous étiez assisté de M. [P] [S], nous vous avons exposé les griefs qui nous amenaient à envisager une telle mesure.

En effet embauché en 2006 au sein de CM-CIC Leasing Solutions, vous occupez à cette date un poste d'Ingénieur Commercial dont les principales missions consistent à :

- Animer, former et développer les relations commerciales avec nos clients et partenaires (revendeurs de matériels)

- Prospecter de nouveaux clients et partenaires

- Commercialiser et promouvoir l'ensemble de la gamme des produits Leasing auprès des clients et des partenaires

- Prendre en charge la réalisation d'objectifs chiffrés et mettre à jour des outils de reporting d'activités

- S'assurer du respect des procédures internes et veiller au strict respect des règles de conformité du groupe

Or, depuis plusieurs années et malgré des objectifs très modérés au regard de ceux de vos collègues et un accompagnement accru de votre encadrement, force est de constater que vos réalisations sont bien loin du résultat escompté.

Dès novembre 2014, il vous est reproché :

- Un manque d'investissement,

- Un défaut de prise de recul dans vos relations commerciales,

- Une mauvaise gestion de votre temps de travail

- L'absence accrue d'effort sur la prospection de nouveaux partenaires

- Votre passivité devant les nouveaux challenges proposés

- La piètre qualité des dossiers proposés au département des risques et des montages des dossiers de financement.

Cela s'est invariablement traduit par une baisse des résultats avec un portefeuille qui s'est étiolé d'année en année, une prospection inexistante et une production en deçà des attentes.

En effet :

Pour l'année 2015, alors que vous aviez un objectif réduit par rapport à vos collègues de 8m€ et bénéficie sur Q2 d'un dossier exceptionnel de 3M€, vous atterrissez seulement à une réalisation de 89% de votre objectif, contraignant ainsi votre management à juger votre réalisation insatisfaisante lors de l'entretien annuel d'évaluation. Celui-ci constatera une baisse considérable de vos réalisations à partir de Q3 tant en chiffres d'affaires qu'en marge.

Or, vous êtes alerté de cette situation dès juin 2015 par votre manager direct. Celui-ci préconisera des axes de développement de votre portefeuille notamment par plus de visites chez vos apporteurs et plus d'actions de prospection

Lors de l'entretien de fin d'année (EMS), vous imputerez toutefois ces mauvais résultats sur votre inexpérience et un manque de méthodologie. Un tel argumentaire était relativement inaudible étant donné votre ancienneté sur ce poste et les efforts de votre hiérarchie.

Tout au long de l'année 2016, vous aurez des entretiens réguliers avec votre manager direct qui continuellement vous donnera de la visibilité de la liste de prospects à votre portée, votre niveau de performance, les axes d'améliorations. Malgré cet accompagnement et un objectif réduit, votre réalisation est jugée insatisfaisante lors de l'entretien annuel d'évaluation. Vous serez seulement à 54% de réalisation du chiffre d'affaires et 52% de réalisation en marge, vous positionnant à nouveau en dessous de vos collègues.

Un plan d'amélioration de la performance sera mis en 'uvre dès janvier 2017 afin de vous aider à sortir de cette situation d'échec et vous permettre de répondre aux attentes de l'entreprise.

Ce plan consistait à améliorer l'utilisation du CRM pour obtenir un meilleur suivi des actions commerciales, le montage des dossiers pour améliorer la qualité des dossiers présentés au département des risques, la préparation des visites apporteurs et la prospection de nouveaux apporteurs, et cela afin d'atteindre les objectifs fixés, à savoir :

- Nombre de prise de rendez-vous de prospection : 3 en janvier, 5 en février et 5 en mars

- Nombre d'ouverture de prospects (avec validation du département des engagements et signature des conventions): 1 en février et 2 en mars

- Volume d'acception (en milliers d'euros) : 1250 en janvier, 1500 en février et 1750 en mars

- Volume de chiffre d'affaires (en milliers d'euros) : 500 en janvier, 600 en février et 690 en mars.

A la suite de ces 3 premiers mois, vos résultats étaient les suivants :

- Nombre de prise de rendez-vous de prospection : 0 en janvier, 2 en février et 2 en mars

- Nombre d'ouverture de prospects (avec validation du département des engagements et signature des conventions): 0 en février et 0 en mars

- Volume d'acception (en milliers d'euros) : 937 en janvier, 957 en février et 1545 en mars

- Volume de chiffre d'affaires (en milliers d'euros) : 212 en janvier, 259 en février et 681 en mars.

Devant ces résultats, la Direction a souhaité poursuivre cet accompagnement en mettant en place un nouveau plan d'amélioration de la performance le 18 avril 2017 d'une durée de 3 mois avec les objectifs suivants :

- Nombre de prise de rendez-vous de prospection : 3 en avril, 5 en mai et 5 en juin

- Nombre d'ouverture de prospects (avec validation du département des engagements et signature des conventions): 2 en avril, 2 en mai et 2 en juin,

- Volume d'acception (en milliers d'euros) : 1400 en avril, 1400 en mai et 1400 en juin

- Volume de chiffre d'affaires (en milliers d'euros) : 550 en avril, 560 en mai et 560 en juin.

Vos résultats étaient toujours inférieurs à ceux escomptés à savoir :

- Nombre de prise de rendez-vous de prospection : 0 en avril, 2 en mai et 2 en juin

- Nombre d'ouverture de prospects (avec validation du département des engagements et signature des conventions): 0 en avril, 1 en mai et 1 en juin,

- Volume d'acception (en milliers d'euros) : 1344 en avril, 1083 en mai et 877 en juin

- Volume de chiffre d'affaires (en milliers d'euros) : 563 en avril, 347 en mai et 549 en juin.

Pour le premier semestre de l'année 2017, vous êtes seulement à 36% de réalisation de votre objectif annuel de 7,2 millions. L'effondrement des acceptations sur Q2 ayant nécessairement un impact sur le chiffre d'affaires du second semestre, la réalisation de votre année est incontestablement compromise.

Enfin, il est à noter que tout au long de votre activité, plusieurs actions de formation vous ont été proposées. Ainsi et alors même que de tels acquis étaient inhérents à votre fonction et votre niveau d'expérience, il a été décidé de vous faire bénéficier de la formation « Prospecter et gagner des nouveaux clients » en 2017. Pour certaines, comme la formation « Finance pour non-financiers » qui aurait pu permettre de résoudre plusieurs des axes d'amélioration remontées lors de vos différents entretiens annuels, vous n'avez pas daigné vous présenter ; agissements qui reflètent votre manque de pugnacité.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, l'investissement et la confiance qui vous ont été accordés par votre hiérarchie, force est de constater votre manque manifeste de résultat et de professionnalisme.

Imputant votre échec sur des éléments extérieurs inopérants, vous avez fait preuve tout au long de l'entretien préalable d'un défaut patent de remise en question et de prise de responsabilité. Les explications fournies au cours de cet entretien préalable ne nous ayant pas permis de modifier notre appréciation des faits, nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour insuffisance professionnelle (') ».

Le salarié soutient que les objectifs fixés, aux termes du contrat de travail, avaient uniquement vocation à générer une rémunération variable, de sorte qu'il ne peut lui être reproché une insuffisance de résultats.

Il fait valoir que celle-ci ne lui est pas imputable au regard d'éléments de contexte (en 2014, retrait d'un partenaire puis en 2015, arrêt des relations commerciales avec Chrome Bureautique, absence de mise en place d'une formation sur la prospection).

Il reproche à l'employeur des objectifs inatteignables, une contrainte début 2017 à respecter de nouvelles obligations auxquelles il n'a pas adhéré, qualifiant de simulacre les plans d'amélioration de performance mis en place, et de ne pas avoir attendu la fin de l'exercice 2017 pour décider que les objectifs n'étaient pas atteints.

Enfin, il invoque l'absence de respect des exigences de l'article 27 de la convention collective, l'employeur n'ayant pas tenté de rechercher des missions répondant mieux à ses capacités.

L'insuffisance professionnelle qui se définit comme l'incapacité objective et durable d'un salarié d'exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification, constitue une cause légitime de licenciement.

Si l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir de l'employeur, l'insuffisance alléguée doit toutefois reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de ce dernier.

Même si la fiche de poste présentée par la société n'a pas été contresignée par M.[V], ce dernier ne dénie pas que les fonctions qu'il occupait, étaient celles décrites dans cette fiche, et parmi elles, l'activité de prospection inhérente au poste d'ingénieur commercial, étant précisé que lors des entretiens d'évaluation et des plans successifs, les attendus du poste étaient rappelés.

L'entretien annuel d'évaluation permet de faire le bilan de l'année écoulée (missions et activités réalisées au regard des objectifs fixés, difficultés rencontrées, points à améliorer, etc.) et de fixer les objectifs professionnels et les moyens à mettre en 'uvre pour l'année à venir.

La société produit l'ensemble de ceux-ci réalisés en fin d'année sauf pour 2014 (effectué le 20 janvier 2015), de sorte que c'est de façon non pertinente que M.[V] soutient que les objectifs n'auraient servi qu'à calculer sa rémunération variable.

Il ressort de ces évaluations comme des nombreux mails produits par l'employeur que :

- dès la fin de l'année 2014, son supérieur hiérarchique M.[J], a demandé au salarié de porter son attention sur les prospects, lui proposant de faire un point tous les 15 jours en plus des entretiens informels,

- en juin 2015, il lui était demandé de réagir mais le salarié répondait de façon défaitiste,

- en septembre 2015, suite à un entretien, il remerciait son supérieur de la qualité de son écoute,

- fin 2015 et début 2016, M.[J] prenait des nouvelles du salarié et l'engageait à se reposer et à ne pas travailler pendant son arrêt maladie,

- tout au long de l'année 2016, des entretiens, des échanges, des points étaient faits,

- en 2017, un premier plan de performance était mis en place du 17 janvier au 18 avril, avec un point particulièrement détaillé le 07/02/2017 (pièce 52) et un rendez-vous de conclusions a été effectué le 20/04/2017 sur les points d'amélioration, les actions et résultats chiffrés, suivi d'un 2ème plan d'amélioration avec un point à faire toutes les deux semaines.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que sur une période de 30 mois, le salarié a bénéficié, outre de formations externes, d'un accompagnement et d'un suivi personnalisé, particulièrement bienveillant, au regard des mots d'encouragements, des conseils prodigués par son supérieur hiérarchique, lesquels ne peuvent en aucun cas être qualifiés de pressions.

C'est précisément en raison d'une évolution peu favorable, que l'employeur a mis en place en 2017, un outil plus structuré avec des échéances et il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir attendu la fin de l'année 2017, alors que malgré l'adaptation des objectifs, par leur réduction, les résultats de M.[V] pour le 1er semestre demeuraient très insuffisants.

Aucun des éléments externes opposés par le salarié ne sauraient être retenus, les retraits de certains clients ayant eu lieu en 2014 et 2015 et ayant été compensés à chaque fois par la réduction des objectifs, l'employeur démontrant par les documents de comparatifs des autres commerciaux, non contredits utilement par le salarié, que les objectifs n'étaient pas inatteignables.

En outre, il appartenait à M.[V], cadre dans l'entreprise depuis 10 ans, de renouveler son portefeuille afin de pallier d'éventuelles variations potentielles dans son activité, mais sur ce point, force est de constater que malgré les incitations et le coaching mis en place en sa faveur, il a manqué de dynamisme, la cour relevant qu'il ne produit aucun écrit de sa part, démontrant son implication et qu'il demeurait moteur dans la conduite de son évolution professionnelle.

Le seul fait que le salarié n'a pas été remplacé sur l'agence de [Localité 1] ne peut suffire à démontrer que le licenciement avait une autre cause - non explicitée par l'appelant - que celle pour laquelle elle a été prononcée.

Dès lors, considérant que la société a tout mis en oeuvre de façon conciliante et adaptée pour permettre au salarié de faire face à ses missions, mais qu'aucune amélioration et aucune attitude correctrice n'est intervenue de sa part, au regard de son expérience dans la fonction, les résultats et performances objectivés par des éléments chiffrés étant très médiocres de façon durable, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a dit que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, et a rejeté les demandes indemnitaires de M.[V], y compris le préjudice moral, aucune circonstance vexatoire n'ayant entouré la rupture.

Sur les frais et dépens

La société succombant même partiellement doit s'acquitter des dépens d'appel.

Il n'est pas justifié de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré SAUF en ce qu'il a rejeté les demandes relatives au forfait jours et aux heures supplémentaires,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et Y ajoutant,

Invalide le forfait en jours,

Condamne la société CM-CIC Leasing Solutions à payer à M.[F] [V], les sommes suivantes :

- 4 897,92 euros au titre des heures supplémentaires 2015-2016-2017

- 489,79 euros au titre des congés payés afférents

Dit que les intérêts au taux légal doivent courir sur ces sommes à compter du 01/12/2017,

Ordonne la capitalisation de ces intérêts, à condition qu'ils soient dus au moins pour une année entière,

Ordonne la remise par la société CM-CIC Leasing Solutions à M.[F] [V], d'un bulletin de salaire récapitulatif, précisant par année, les sommes allouées par le présent arrêt,

Dit n'y avoir lieu à astreinte,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société CM-CIC Leasing Solutions aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/10666
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;19.10666 ?
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