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03/07/2024 | FRANCE | N°23/15865

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-4, 03 juillet 2024, 23/15865


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-4



ARRÊT AU FOND

DU 03 JUILLET 2024



N° 2024/ 168









Rôle N° RG 23/15865 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BMKUM







[L] [J]

[T] [J]





C/



[S] [J]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Joseph MAGNAN



Me Bérénice GOSSOT-DUPOND









Décision dÃ

©férée à la Cour :



Jugement de procédure accélérée au fond du Président du Tribunal judiciaire de TOULON en date du 28 Novembre 2023 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 23/00066.





APPELANTES



Madame [L] [J]

née le [Date naissance 8] 1947 à [Localité 12] (COTE D'IVOIRE)

de nationalité Française,...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-4

ARRÊT AU FOND

DU 03 JUILLET 2024

N° 2024/ 168

Rôle N° RG 23/15865 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BMKUM

[L] [J]

[T] [J]

C/

[S] [J]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Joseph MAGNAN

Me Bérénice GOSSOT-DUPOND

Décision déférée à la Cour :

Jugement de procédure accélérée au fond du Président du Tribunal judiciaire de TOULON en date du 28 Novembre 2023 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 23/00066.

APPELANTES

Madame [L] [J]

née le [Date naissance 8] 1947 à [Localité 12] (COTE D'IVOIRE)

de nationalité Française, demeurant [Adresse 9] ' CANADA

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE (avocat postulant) et plaidant par Me Benoît RAMBERT de l'AARPI 2BA Avocats, avocat au barreau de PARIS

Madame [T] [J]

née le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 13] (ALGERIE)

de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE (avocat postulant) et plaidant par Me Benoît RAMBERT de l'AARPI 2BA Avocats, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur [S] [J]

né le [Date naissance 5] 1950 à [Localité 13] (ALGERIE), demeurant [Adresse 10]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro C-13001-2023-9126 du 16/04/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

représenté par Me Bérénice GOSSOT-DUPOND, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 05 Juin 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Pascale BOYER, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Michèle JAILLET, Présidente

Madame Nathalie BOUTARD, Conseillère

Mme Pascale BOYER, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Fabienne NIETO.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2024,

Signé par Madame Michèle JAILLET, Présidente et Mme Fabienne NIETO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige

[P] [J] et [Z] [Y] se sont mariés en Algérie le [Date mariage 3] 1945 sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, selon contrat de mariage préalable.

De leur union sont issus quatre enfants :

- [D] [J] né le [Date naissance 6] 1946 à [Localité 12],

- [L] [J] née le [Date naissance 8] 1947 à [Localité 12],

- [S] [J] né le [Date naissance 5] 1950 à [Localité 13],

- [T] [J] née le [Date naissance 11] 1951 à [Localité 13].

Par acte notarié du 13 décembre 2005, [P] [J] et [Z] [Y] ont donné, en avancement d'hoirie, à leurs quatre enfants, chacun à concurrence d'un quart, la nue-propriété du domaine situé à [Localité 14].

La valeur mentionnée dans l'acte étant 700 000 euros.

Cet acte comporte une clause interdisant aux donataires d'aliéner le bien, de le vendre ou de l'hypothéquer et ce à peine de nullité des ventes qui seraient intervenus et de révocation de la donation-partage par les donateurs.

Il est précisé que cette clause sera valable 'jusqu'à la majorité du plus jeune des arrière-petits-enfants nés ou à naître, légitimes, adoptifs ou naturels des donateurs».

[Z] [Y] est décédée le [Date décès 2] 2006 et [P] [J] le [Date décès 7] 2008 sans avoir testé.

Depuis, [D] [J] est décédé laissant pour lui succéder sa fille [G] [J].

Le règlement des successions a entraîné des litiges entre les héritiers relativement à l'occupation et au sort du bien indivis grevé de la clause d'inaliénabilité.

Le 9 octobre 2013, le juge des référés du tribunal d'instance de TOULON a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande d'[L] et [T] [J] tendant à l'expulsion de leur frère [S] [J].

Le juge a relevé une contestation sérieuse sur la question de l'absence de droit d'occupation.

Le 21 novembre 2019, le tribunal de grande instance de TOULON a notamment

- déclaré irrecevable l'action en partage d'[L] et [T] [J],

- déclaré recevable l'action oblique en partage du Trésor Public, en tant que créancier de [S] [J],

- jugé nulle la clause d'inaliénabilité

- ordonné la licitation de l'immeuble indivis à la mise à prix de 338.000 euros.

Sur appel interjeté par [S] [J] et [G] [J], la cour d'appel d'AIX EN PROVENCE le 10 mai 2023, par défaut en l'absence de constitution d'avocat d'[L] et [T] [J], a :

- confirmé le jugement

mais, en raison de l'évolution du litige,

- déclaré irrecevable l'action oblique en partage au motif que le créancier et [S] [J] avaient conclu un protocole transactionnel en 2020, a

- jugé n'y avoir lieu à annulation de la clause d'inaliénabilité,

- jugé n'y avoir lieu à licitation de l'immeuble indivis.

Par acte du 7 novembre 2022, [L] [J] et [T] [J], ont fait assigner leur frère devant le président du tribunal judiciaire de TOULON aux fins, sur le fondement de l'article 815-9 du code civil, d'obtenir sa condamnation à leur verser une indemnité d'occupation et son expulsion des lieux en cas de non-paiement.

Dans leurs conclusions postérieures, elles ont fondé leurs demandes sur l'article 815-11 du code civil.

[S] [J] s'y est opposé en invoquant l'absence d'occupation privative, l'irrecevabilité des demandes en paiement qui ne sont pas émises au profit de l'indivision.

Subsidiairement, il s'est prévalu de la prescription partielle et de la compensation avec une créance de 490 000 euros envers l'indivision au titre du travail et des travaux réalisés dans le bien indivis, dont il a demandé la fixation au tribunal.

Par jugement rendu selon la procédure accélérée au fond du 29 novembre 2023, le président du tribunal judiciaire de TOULON a :

- DEBOUTÉ [L] et [T] [J] de leurs demandes y compris celle relative aux frais irrépétibles de procédure,

- DEBOUTÉ [S] [J] de ses demandes y compris de celle de condamnation au titre des frais irrépétibles de procédure,

- CONDAMNÉ [L] et [T] [J] aux dépens.

Le jugement a été signifié le 5 décembre 2023.

[L] [J] et [T] [J] ont formé appel par déclaration par voie électronique du 22 décembre 2023.

Le 30 janvier 2024, le président de la chambre 2-4 a fixé la date de l'audience dans le cadre de la procédure à bref délai du 5 juin 2024.

Le 7 février 2024, les appelantes ont fait signifier à [S] [J] leur déclaration d'appel et l'avis de fixation.

[S] [J] a constitué avocat le 9 février 2024.

Le 27 février 2024, le bureau d'aide juridictionnelle d' AIX EN PROVENCE a maintenu la décision du bureau d'aide juridictionnelle de TOULON en accordant à [S] [J], pour l'instance d'appel, l'aide juridictionnelle à 100 %.

Selon leurs premières conclusions du 29 février 2024, les appelantes demandent à la cour de :

- INFIRMER le jugement prononcé par Madame la Présidente de [Localité 15] le 28 novembre 2023, en ce qu'il les a déboutées de l'intégralité de leurs demandes et donc de leurs demandes de fixation de l'indemnité d'occupation due par M. [S] [J] à 3.000 € mensuels et de condamnation de M. [S] [J], à leur payer leur quote part, de 750 € mensuels pour chacune, des bénéfices de l'indivision existant entre eux, outre de 45.000 € à chacune au titre des sommes leur revenant au titre de la période de cinq ans précédant la délivrance de l'assignation et en ce qu'il les a condamnées au paiement des dépens de l'instance.

Et, statuant à nouveau

- FIXER à 3.000 €, payables d'avance le 1er jour de chaque mois, l'indemnité d'occupation mensuelle dont Monsieur [S] [J] est débiteur envers l'indivision successorale.

- Le CONDAMNER, en conséquence, à payer mensuellement, à ce titre, à terme d'avance, le 1er de chaque mois, la somme de 750 € à Madame [L] [J] et de 750 € à Madame [T] [J].

- CONDAMNER à ce titre Monsieur [J] à payer d'ores et déjà à chacune des

demanderesses la somme de 45.000 € (90.000 € au total) au titre de la période de 5

ans précédant la délivrance de l'assignation ' le 7 novembre 2022- outre celle

(également à chacune d'elles) de 11.250 € au titre de la période de décembre 2022 à

février 2024 (c'est-à-dire 750 € x 15 mois), à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir,

Soit au total, pour chacune d'elles, la somme de 56.250 €, à parfaire.

- Le CONDAMNER aux intérêts au taux légal sur chacune de ces sommes à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir,

- JUGER que tous intérêts dus par Monsieur [S] [J] depuis au moins un an seront productifs d'intérêts, en application de l'article 1343-2 du Code Civil et seront capitalisés annuellement.

- JUGER qu'en cas de défaut de paiement par Monsieur [J] des sommes au paiement desquelles il sera condamné, il sera de plein droit occupant sans droit ni titre à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant le commandement de payer qui lui sera signifié, sauf à s'acquitter de l'intégralité de sa dette entre les mains de l'huissier de justice intervenant, avant l'expiration de ce délai.

- JUGER qu'en cas d'un tel défaut de paiement intégral, son expulsion pourra être ordonnée par ordonnance de référé.

- DÉBOUTER Monsieur [S] [J] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

- Le CONDAMNER aux dépens de première instance et d'appel et à payer à chacune de Madame [L] [J] et [T] [J] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile (soit la somme totale de 8.000 euros) et aux entiers dépens.

Dans ses premières conclusions du 7 mars 2024, l'intimé demande à la cour de :

A TITRE PRINCIPAL

- CONFIRMER le jugement dont appel en ce qu'il a débouté les appelantes de

l'ensemble de leurs demandes,

En l'absence de jouissance privative et exclusive des lieux par [S] [J],

- REJETER toute demande au titre de l'indemnité de jouissance à son encontre,

- DÉCLARER irrecevable et REJETER toute demande de condamnation de monsieur [S] [J] au profit des demanderesses mesdames [L] et [T] [J] comme n'étant pas dirigées au profit de l'indivision,

- REJETER toute demande d'expulsion à l'encontre de monsieur [S] [J] qui dispose d'un titre étant indivisaire donc pour partie propriétaire des lieux,

SUBSIDIAIREMENT,

- RENVOYER les parties appelantes à faire expertiser le montant de la valeur locative,

- RENVOYER les parties appelantes à faire expertiser le montant de la créance de

'monsieur [S] [J]' à leurs frais si elles en contestaient le montant,

Si par extraordinaire, la juridiction de céans devait entrer en voie de condamnation à l'encontre de Monsieur [S] [J] :

- SUPPRIMER toute de demande au titre de l'indemnité de jouissance au regard des très faibles revenus du concluant,

- COMPENSER toute condamnation de [S] [J] avec sa créance d'un montant de 490.813,54 euros à l'encontre de l'indivision successorale,

A titre infiniment subsidiaire,

- ACCORDER à [S] [J] un abattement de 30 % sur le montant de la valeur locative outre la valeur de sa part indivise,

- ACCORDER à [S] [J] les plus larges délais de paiement,

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

- REJETER toutes les demandes fins et conclusions des demanderesses en les déclarant mal fondées,

- CONDAMNER solidairement Madame [T] [J] et Madame [L] [J] demanderesses d'avoir à payer à monsieur [S] [J] la somme de 18.339 euros en remboursement des taxes foncières payées en leur lieu et place outre intérêts de droit depuis chaque règlement par [S] [J],

- CONDAMNER l'indivision successorale à payer à [S] [J] la somme de 490.813, 54 euros avec intérêts de droit compter de la réalisation desdits paiements,

- CONDAMNER solidairement Madame [T] [J] et Madame [L] [J] demanderesses d'avoir à payer à monsieur [S] [J] la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens.

Par ses dernières conclusions du 30 avril 2024, l'intimé modifie la présentation de ses prétentions et ajoute des demandes.

Il demande à la cour :

In limine litis

- REJETER comme étant irrecevables et mal fondées toute demande de condamnation de monsieur [S] [J] au profit des demanderesses mesdames [L] et [T] [J],

- REJETER comme étant irrecevables et infondées les demandes de mesdames [L] et [T] [J] à leur profit, à défaut d'avoir attrait au préalable en la cause [G] [J], indivisaire,

- REJETER les demandes de mesdames [L] et [T] [J] tendant à faire déclarer irrecevables les demandes financières de [S] [J],

A titre principal,

- CONFIRMER le jugement dont appel en ce qu'il a débouté les appelantes de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- REJETER toute demande de condamnation au titre de l'indemnité d'occupation à l'encontre de monsieur [S] [J],

- REJETER les demandes de Mesdames [L] et [T] [J] aux fins de condamnation du concluant à payer des intérêts sur les condamnations,

- DEBOUTER mesdames [L] et [T] [J] de leur demande au titre de l'indemnité d'occupation, le quantum de leur demande n'étant pas fondé,

- REJETER toute demande d'expulsion à l'encontre de monsieur [S] [J] qui dispose d'un titre étant indivisaire donc pour partie propriétaire des lieux,

- CONFIRMER le jugement en ce qu'il a reconnu le droit de créance de monsieur [S] [J] sur l'indivision,

- INFIRMER le jugement dont appel

STATUER à nouveau :

- FIXER la créance de monsieur [S] [J] à l'égard de l'indivision à hauteur de 490.813,54 euros et 18.339 euros outre intérêts de droit depuis chaque règlement,

- COMPENSER toute condamnation de [S] [J] au titre d'une éventuelle indemnité d'occupation avec sa créance à l'égard de l'indivision d'un montant de 490.813,54 euros et de 18.339 euros outre intérêts de droit depuis chaque règlement,

- CONDAMNER mesdames [L] [J] et [T] [J] in solidum à régler à monsieur [S] [J] sa créance d'un montant de 490.813,54 euros et 18.339 euros outre intérêts de droit depuis chaque règlement,

Subsidiairement,

- RENVOYER mesdames [T] et [L] [J] à faire expertiser à leur frais le montant de la valeur locative du bien indivis,

- RENVOYER mesdames [T] et [L] [J] appelantes à faire expertiser le montant de la créance de monsieur [S] [J] à leurs frais si elles en contestaient les quantums,

A défaut,

- DESIGNER un expert comptable ou tout expert compétent avec pour mission d'évaluer le quantum de la créance à l'égard de l'indivision de [S] [J],

A titre infiniment Subsidiaire, Si par extraordinaire, la juridiction de céans devait entrer en voie de condamnation à l'encontre de Monsieur [S] [J] :

- SUPPRIMER toute demande au titre de l'indemnité de jouissance au regard des très faibles revenus du concluant,

- ACCORDER à [S] [J] un abattement de 30 % sur le montant de la valeur locative outre la valeur de sa part indivise,

- ACCORDER à [S] [J] les plus larges délais de paiement,

En tout état de cause

- CONDAMNER SOLIDAIREMENT Madame [T] [J] et Madame [L] [J] demanderesses d'avoir à payer à monsieur [S] [J] la somme de 3000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens.

Par leurs dernières conclusions du 10 mai 2024, les appelantes actualisent leurs demandes en paiement au titre des indemnités d'occupation échues à la somme de 13500 euros chacune, soit au total pour chacune la somme de 58500 euros.

Elles demandent aussi sa condamnation à leur payer à chacune, à compter du 8 juin 2024, la somme de 750 euros par mois payable d'avance le 8 de chaque mois.

Elles formulent subsidiairement les demandes suivantes :

Vu l'article 815-11 du Code Civil :

- FIXER provisoirement les bénéfices annuels de l'indivision, au vu des actes et dépenses auxquels les concluantes ont consenti, à :

- du 8 novembre 2017 au 7 novembre 2018 : 33.067 € ( 36.000 ' 2.933 de taxes foncières)

- du 8 novembre 2018 au 7 novembre 2019 : 33.007 € ( 36.000 ' 2.993 de taxes foncières)

- du 8 novembre 2019 au 7 novembre 2020 : 32.970 € ( 36.000 ' 3.030 de taxes foncières)

- du 8 novembre 2020 au 7 novembre 2021 : 32.948 € ( 36.000 ' 3.052 de taxes foncières)

- du 8 novembre 2021 au 7 novembre 2022 : 33.801 € ( 36.000 ' 3.199 de taxes foncières)

- du 8 novembre 2022 au 7 novembre 2023 : 32.500 € ( 36.000 ' 3.500 de taxes foncières)

- du 8 novembre 2023 au 7 mai 2024 : 16.250 € ( 36.000 ' 3500 de taxes foncières) x 6 mois/12

TOTAL 214.543 euros,

- CONDAMNER M. [S] [J] à payer à titre provisionnel à chacune de Mesdames [T] [J] et [L] [J] le quart de ces bénéfices leur revenant, c'est-à-dire la somme de 53.635,75 euros au titre de la période du 8 novembre 2017 au 7 mai 2024 ;

- au titre de la période à compter du 8 juin 2024, le CONDAMNER à leur payer à titre provisionnel, à chacune d'elles, la somme de 677 € par mois, payable d'avance le 8 de chaque mois, à titre de 'quotes-parts' dans les bénéfices annuels de l'indivision ou de provisions sur ces bénéfices annuels, sur le fondement de l'article 815-11 du Code Civil, le tout sous réserve d'un compte à établir lors de la liquidation définitive, conformément à l'article 815-11 du Code Civil.

Elles réclament aussi une somme supérieure au titre des frais irrépétibles de procédure soit 6000 euros pour chacune d'elles, soit au total 12000 euros.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 mai 2024.

Motifs de la décision

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées.

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Les demandes de 'donner acte' sont dépourvues de tout enjeu juridique et ne constituent pas des prétentions au succès desquels les parties pourraient avoir un intérêt légitime à agir au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Ne constituent pas, par conséquent, des prétentions au sens de l'article sus-cité du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir 'constater' ou 'donner acte' ou encore à 'prendre acte' de sorte que la cour n'a pas à y répondre.

Il n'y a donc pas lieu de reprendre ni d'écarter dans le dispositif du présent arrêt les demandes tendant à 'constater que' ou 'dire que ' telles que figurant dans le dispositif des conclusions des parties, lesquelles portent sur des moyens ou éléments de fait relevant des motifs et non des chefs de décision devant figurer dans la partie exécutoire de l'arrêt.

L'article 9 du code de procédure civile dispose qu''il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention' et que l'article 954 du même code, dans son alinéa 1er, impose notamment aux parties de formuler expressément ses prétentions et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune des prétentions est fondée 'avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et leur numérotation'.

En application de cet article, la cour n'est saisie que des prétentions figurant dans le dispositif des conclusions des parties.

Par ailleurs l'effet dévolutif de l'appel implique que la cour connaisse des faits survenus au cours de l'instance d'appel et depuis le jugement déféré et statue sur tous les éléments qui lui sont produits même s'ils ne se sont révélés à la connaissance des parties qu'en cours d'instance d'appel.

En l'espèce, le jugement est critiqué en toutes ses dispositions.

Sur la recevabilité des prétentions

L'article 564 du code de procédure civile dispose que : 'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'

L'article 565 du même code précise que 'Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent'.

L'article 566 énonce, enfin, que 'Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire'.

L'article 910-4 du code de procédure civile prévoit que : 'A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'

En l'espèce, les modifications apportées par les parties dans les conclusions postérieures aux premières communiquées ont été rendues nécessaires par l'évolution du litige et constituent une réplique aux conclusions adverses. Elles sont donc recevables.

Sur la question de la recevabilité des demandes des appelantes

Cette fin de non recevoir a été soulevée par [S] [J] en première instance mais le juge du fond n'y a pas répondu.

Il l'invoque à nouveau dans ses premières conclusions devant la cour au motif que l'indemnité éventuellement due est au profit de l'indivision et doit être partagée équitablement entre les indivisaires après compensation de leurs créances éventuelles.

Il se prévaut ensuite de l'absence de mise en cause de la quatrième indivisaire à l'appui de la demande en paiement.

Il indique que doivent être déduites de l'indemnité d'occupation qui serait due les dépenses entraînées par les actes auxquels elles ont consentis ou qui leur serait opposables.

Il ajoute que les appelantes demandent un partage de l'indemnité en deux parts égales entre elles alors qu'elles n'ont pas mis en cause la quatrième indivisaire.

Les appelantes répliquent qu'elles sollicitent, en application des dispositions de l'article 815-11 du code civil, le paiement de leur part dans les revenus de l'indivision constitués par l'indemnité d'occupation due par leur frère conformément à l'article 815-9 du même code.

Elles rappellent que la demande en paiement de l'indemnité d'occupation par un indivisaire ressort de la catégorie des actes conservatoires que tout indivisaire peut accomplir seul.

Elles en déduisent que la mise en cause de [G] [J] n'est pas nécessaire à la recevabilité de leur action.

Elles ajoutent que leur nièce est informée de la procédure puisqu'elle a établi des attestations produites aux débats.

Elles soutiennent qu'il appartenait à [S] [J] de la mettre en cause s'il l'estimait utile.

Elles précisent qu'elles sollicitent chacune le paiement d'un quart du total de l'indemnité d'occupation due, représentant leur quote-prat dans la succession.

Elles ajoutent qu'elles ont fourni des comptes de l'indivision pour les 5 années non prescrites en déduisant les taxes foncières de sorte que leur demande porte sur les bénéfices de l'indivision.

Elles indiquent que leur frère ne conteste pas ce compte.

L'article 122 du code de procédure civile prévoit que la fin de non recevoir permet de faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond pour défaut du droit d'agir.

Les demandes en paiement des appelantes sont fondées sur les dispositions de l'article 815-11 du code civil selon lesquelles : 'Tout indivisaire peut demander sa part annuelle dans les bénéfices, déduction faite des dépenses entraînées par les actes auxquels il a consenti ou qui lui sont opposables.

A défaut d'autre titre, l'étendue des droits de chacun dans l'indivision résulte de l'acte de notoriété ou de l'intitulé d'inventaire établi par le notaire.

En cas de contestation, le président du tribunal judiciaire peut ordonner une répartition provisionnelle des bénéfices sous réserve d'un compte à établir lors de la liquidation définitive.

A concurrence des fonds disponibles, il peut semblablement ordonner une avance en capital sur les droits de l'indivisaire dans le partage à intervenir.'

L'action d'[L] [J] et [T] [J] est exercée à titre personnel et non en qualité de membre de l'indivision.

Les demandes en paiement portent sur les sommes qui seraient dues à titre d'indemnité d'occupation par l'un des indivisaires. Or, l'action en paiement d'une telle indemnité, destinée à réparer le préjudice résultant du non-respect des droits concurrents des autres indivisaires, peut être menée par l'un des indivisaire sans avoir à recueillir l'assentiment de l'unanimité des autres.

Toutefois, la recevabilité de l'action concerne aussi la personne contre laquelle elle est menée.

Or, en l'espèce, les prétentions des appelantes portent sur une indemnité d'occupation qui est due à l'indivision, soit au profit de l'ensemble des indivisaires.

Leurs demandes de répartition provisionnelle des bénéfices de l'indivision doivent être opposables à l'ensemble des indivisaires car elles peuvent avoir des conséquences sur le partage en cours.

Il convient de rappeler que l'indivision successorale n'a pas de personnalité juridique et que les actions à son encontre ne peuvent être valablement entreprises qu'à l'encontre de tous ses membres.

Or, en l'espèce, les appelantes, demanderesses à l'initiative de la procédure, n'ont pas mis en cause la quatrième indivisaire, [G] [J].

Il appartenait aux demanderesses d'accomplir les actes de procédure nécessaires à la régularité de leur action.

Le fait qu'elle soit informée de la procédure ne suffit pas à régulariser son défaut de mise en cause.

Il convient, en conséquence, de réformer la décision de première instance et, statuant à nouveau, de déclarer irrecevables les demandes de fixation d'une indemnité d'occupation, d'expulsion en cas de non paiement et de paiement de provisions sur les bénéfices de l'indivision.

Sur les demandes reconventionnelles de [S] [J]

L'intimé réplique que la fin de non recevoir tirée de l'irrecevabilité de ses demandes en remboursement des dépenses faites au profit de l'indivision est nouvelle en appel et donc irrecevable.

A toutes fins utiles, il reformule ses demandes en paiement à l'encontre de [L] [J] et [T] [J] et sollicite, à tout le moins, la fixation de sa créance à valoir lors du partage de ces chefs.

Il réplique qu'il formule ses demandes en son nom propre et non en qualité de représentant de l'indivision.

Il invoque les dispositions de l'article 815-12 du code civil appliqué par le juge de première instance. Il soutient que, s'agissant d'un bien inaliénable, sa présence permet un entretien régulier au bénéfice de l'ensemble des indivisaires qui ne participent pas financièrement aux dépenses.

Subsidiairement, si la cour n'était pas suffisamment éclairée par l'attestation comptable qu'il produit, il sollicite une expertise comptable.

Il indique qu'il a fait réaliser, à ses frais, l'entretien et l'amélioration du bien indivis, notamment la réfection de la piscine, l'agrandissement du pool-house, la réfection de la toiture. Il estime que ces dépenses étaient nécessaires.

S'agissant du quantum de la somme due, il indique qu'il ne dispose pas des moyens pour financer une expertise judiciaire, qu'il apporte l'analyse d'un professionnel et qu'il appartient aux appelantes de faire réaliser à leurs frais une expertise si elles en contestent les termes.

Il ajoute qu'il a réglé, depuis 2009, les taxes foncières en totalité jusqu'en 2019, date à partie de laquelle il a payé uniquement sa quote-part d'un quart.

Il sollicite le paiement par les autres indivisaires des trois quarts de la somme réglée jusqu'en 2018.

Il ajoute que ces créances de sont pas prescrites car elles doivent faire l'objet de rapport de dettes.

Il réplique que les autres indivisaires ont donné leur accord écrit en 2009 pour la location du bien indivis et qu'il en a rendu compte pour 2009 et 2010 auprès du notaire.

Les appelantes soulèvent l'irrecevabilité de la demande de condamnation de l'indivision à lui payer la somme de 490.813,54 euros au motif que l'indivision n'a pas de personnalité juridique.

Elles fondent l'irrecevabilité des demandes au titre des dépenses d'entretien sur l'absence de mandat de l'ensemble des indivisaires. Elles indiquent que les dépenses dont il se prévaut ne constituent pas des actes conservatoires du bien indivis.

Subsidiairement, elles soulèvent la prescription des demandes antérieures à 2018, excédant la somme de 17457,01 euros. Elles répliquent que les dépenses d'un indivisaires pour l'indivision ne relèvent pas du rapport des dettes car elles sont exigibles dès qu'elles sont réalisées sans attendre le partage.

Elles soutiennent que les demandes au titre des taxes foncières sont entièrement prescrites puisqu'il a cessé de régler ces charges depuis 2019.

Elles répliquent qu'elles ont soulevé l'irrecevabilité de ses demandes reconventionnelles dès leurs premières conclusions.

Sur le fond, elles s'opposent aux sommes réclamées en contrepartie du gardiennage effectué. Elles font valoir qu'aucun gardiennage n'était nécessaire si l'immeuble avait été libéré pour être vendu ou loué au profit de tous les indivisaires.

Elles ajoutent qu'ils ne justifient pas des paiements réalisés par lui pour les travaux qu'il invoque et qu'il ne prouve pas qu'il s'agirait de travaux n'entrant pas dans l'entretien courant de l'immeuble qui appartient à l'occupant et qu'ils auraient été nécessaires à la conservation de l'immeuble.

Elles précisent qu'il n'intègre pas dans les comptes les 30.000 euros versés par sa nièce.

Elles ajoutent que la demande au titre de l'article 815-13 du code civil ne relève pas de la compétence du président du tribunal judiciaire en procédure accélérée au fond.

Sur le fond, les articles 815-12 et 815-13 du code civil permettent à l'indivisaire qui gère le bien indivis d'obtenir une rémunération et à celui qui l'améliore à ses frais d'obtenir une indemnité.

Les appelantes n'ont pas soulevé en première instance la fin de non recevoir tiré de l'absence de personnalité juridique de l'indivision à l'encontre de laquelle était formulée la demande en paiement des sommes réclamées par [S] [J].

Cette prétention est donc irrecevable au stade de l'appel en application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile.

En revanche, à l'instar des demandes sur le fondement des articles 815-9 et 815-11 du code civil, les prétentions concernant la rémunération de l'indivisaire gérant et l'indemnité due au titre de l'amélioration ne sont recevables que si elles sont formées à l'encontre de l'ensemble des indivisaires.

Or, [G] [J] n'a pas été mise en cause dans le cadre de la procédure de première instance et d'appel.

Le jugement critiqué sera donc réformé en ce qu'il a rejeté les demandes de [S] [J]. Statuant à nouveau, il convient de les juger irrecevables.

Sur la demande subsidiaire d'expertise

L'intimé, subsidiairement, si la cour n'était pas suffisamment éclairée par l'attestation comptable qu'il produit sur ses demandes au titre des travaux et gardiennage, sollicite une expertise comptable.

Les appelantes répliquent qu'elle est destinée à pallier la carence de leur frère dans l'administration de la preuve des travaux qui auraient été réalisés.

A titre subsidiaire, elles demandent qu'elle soit réalisée aux frais avancés de l'intimé.

La cour ne pouvant statuer sur les demandes de [S] [J], sa demande d'expertise est sans objet.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les chefs du jugement ayant statué sur les dépens et les frais irrépétibles ont été déférés à la cour par la déclaration d'appel.

Les appelantes sollicitent la condamnation de [S] [J] aux dépens de première instance et d'appel et réclament une somme globale de 6000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure.

[S] [J] ne formule pas de demande de réformation concernant les dépens et les frais irrépétibles en première instance.

Il sollicite la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

Malgré la réformation du jugement, les chefs du dispositif concernant les dépens et les frais irrépétibles seront confirmés.

Les appelantes qui succombent en appel supporteront la charge des dépens de cette instance.

Elles seront condamnées à verser à [S] [J] la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après débats publics par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort :

Réforme le jugement critiqué en ce qu'il a rejeté les demandes en paiement d'[L] [J] et [T] [J] et rejeté les demandes reconventionnelles de [S] [J] ;

Statuant à nouveau,

Juge irrecevables les prétentions de Madame [L] [J] et de Madame [T] [J] au titre de l'indemnité d'occupation, de l'expulsion et des provisions sur les bénéfices de l'indivision ;

Juge irrecevables les demandes reconventionnelles en paiement de [S] [J] ;

Juge sans objet la demande subsidiaire d'expertise de [S] [J] ;

Confirme le jugement critiqué pour le surplus ;

Y ajoutant,

Condamne Madame [L] [J] et Madame [T] [J] aux dépens d'appel ;

Condamne Madame [L] [J] et Madame [T] [J] à régler à Monsieur [S] [J] la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-4
Numéro d'arrêt : 23/15865
Date de la décision : 03/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-03;23.15865 ?
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