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03/07/2024 | FRANCE | N°19/07602

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-4, 03 juillet 2024, 19/07602


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-4



ARRÊT AU FOND

DU 03 JUILLET 2024



N° 2024/162







Rôle N° RG 19/07602 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEHWT







[Z] [D]







C/



[K] [D]

[T] [D]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Julien AYOUN



Me Mireille JUGY















©cision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 11 Mars 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/06051.





APPELANTES



Madame [Z] [D]

née le [Date naissance 8] 1980 à [Localité 15], demeurant [Adresse 4] - [Localité 5]

en son nom et propre et en qualité d'héritière ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-4

ARRÊT AU FOND

DU 03 JUILLET 2024

N° 2024/162

Rôle N° RG 19/07602 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEHWT

[Z] [D]

C/

[K] [D]

[T] [D]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Julien AYOUN

Me Mireille JUGY

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 11 Mars 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/06051.

APPELANTES

Madame [Z] [D]

née le [Date naissance 8] 1980 à [Localité 15], demeurant [Adresse 4] - [Localité 5]

en son nom et propre et en qualité d'héritière de Madame [L] [E] veuve [D], décédée le [Date décès 6] 2020 à [Localité 15].

représentée par Me Julien AYOUN, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Cindy PIERI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

Madame [K] [D]

née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 16], demeurant [Adresse 7] - [Localité 11]

représentée par Me Mireille JUGY, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [T] [D], demeurant [Adresse 10] - [Localité 12]

représentée par Me Mireille JUGY, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 05 Juin 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Michèle JAILLET, Présidente

Madame Nathalie BOUTARD, Conseillère

Mme Pascale BOYER, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Fabienne NIETO.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2024,

Signé par Madame Michèle JAILLET, Présidente et Mme Fabienne NIETO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [L] [E] et M. [I] [D] se sont mariés le [Date mariage 3] 1975, après avoir adopté le régime matrimonial de la séparation de biens par acte notarié du 29 mai 1975.

De cette union est issue Mme [Z] [D], née le [Date naissance 8] 1980 à [Localité 15].

D'une précédente union dissoute par divorce en septembre 1974, [I] [D] avait deux filles :

- Mme [K] [D], née le [Date naissance 9] 1957,

- Mme [T] [D], née le [Date naissance 2] 1966.

Le 02 juillet 1999, faisant face à des difficultés financières, [I] [D] a reçu de sa fille [Z] un virement bancaire d'un montant de 128 000 francs (19 513,47 €).

Par testament olographe du 15 novembre 2002, déposé chez notaire, [I] [D] a légué à sa femme le ¿ en pleine propriété et les ¿ en usufruit des biens composant sa succession.

[I] [D] est décédé le [Date décès 13] 2013 à [Localité 15], laissant pour lui succéder sa seconde épouse, leur fille et ses deux filles issues de sa première union.

L'actif successoral se compose essentiellement d'un appartement.

Les parties se sont opposées sur l'inscription de la somme de 128 000 francs au passif de la succession.

Par acte d'huissier en date du 09 mai 2016, Mmes [L] [E] et [Z] [D] ont assigné Mmes [K] et [T] [D] devant le tribunal de grande instance de MARSEILLE aux fins de faire déclarer opposable à la succession la reconnaissance de dette

Par jugement contradictoire du 11 mars 2019, auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, le tribunal de grande instance de MARSEILLE a :

Débouté [Z] [D] et [L] [E] veuve d'[I] [D] de leurs demandes,

Condamné [Z] [D] et [L] [E] veuve d'[I] [D] à payer à [K] [D] la somme de 750 euros et à [T] [D] la somme de 750 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné [Z] [D] et [L] [E] veuve d'[I] [D] aux dépens.

Les parties n'ont pas justifié de la signification du jugement.

Par déclaration reçue le 07 mai 2019, Mmes [L] [E] et [Z] [D] ont interjeté appel de cette décision.

Mme [L] [E] est morte le [Date décès 6] 2020, sa fille reprenant l'action en sa qualité d'héritière.

Dans le dernier état de ses conclusions récapitulatives déposées par voie électronique le 20 octobre 2021, l'appelante demande à la cour de :

Vu la reconnaissance de dette du 13 juillet 1999 ;

Vu les articles l'article 1372, 1376 et 1415 du Code civil ;

Vu les dispositions des articles 768 et 773 du Code Général des Impôts ;

Vu la jurisprudence visée ;

Vu les pièces versées au débat

REFORMER le jugement du 11 mars 2019 en ce qu'il a débouté les requérantes de leurs demandes ayant pour objet :

- la constatation de la validité de la reconnaissance de dettes ;

- la dire opposable à la succession de Monsieur [D] ;

- prononcer la condamnation solidaire de Mesdames [D] au paiement de la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- prononcer la condamnation solidaire de Mesdames [D] au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers des dépens.

En conséquence,

DIRE ET JUGER que la reconnaissance de dette est conforme aux prescriptions légales

CONSTATER l'existence de la dette de Monsieur [D] à l'encontre de sa fille, [Z] [D]

DIRE ET JUGER que la dette n'a jamais été remboursée par Monsieur [D] et est opposable à la succession de Monsieur [D]

DIRE ET JUGER que la dette doit être inscrite au passif de la succession.

DEBOUTER Mesdames [K] et [T] [D] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

CONDAMNER solidairement Mesdames [K] et [T] [D] à payer à Madame [Z] [D], agissant en son nom et en qualité d'héritière de Madame [L] [E] veuve [D], la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans le dernier état de leurs écritures récapitulatives transmises par voie électronique le 22 octobre 2019, les intimées sollicitent de la cour de :

Après avoir écarté le document du 13 juillet 1999 qui, en l'état de ses graves irrégularités, ne peut ni constituer une preuve, ni un commencement de preuve.

CONFIRMER le jugement du 11 mars 2019 qui a débouté Madame [Z] [D] et Madame [L] [E] veuve [D] de leurs demandes tendant à voir inscrire au passif de la succession de Monsieur [I] [D] la somme de 128 000 Frs soit 19 513,47 euros et les a condamnées au paiement d'un légitime article 700.

Y rajoutant

CONDAMNER madame [Z] [D] et Madame [L] [E] veuve [D] à payer à Mesdames [K] [D] et [T] [D] la somme de 2.000 € chacune par application de l'article 700 du CPC.

CONDAMNER les appelantes aux entiers dépens.

La procédure a été clôturée le 15 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées.

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Il convient de rappeler que :

- en application de l'article 954 du code de procédure civile, la Cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif,

- l'article 9 du code de procédure civile dispose qu''il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention' et que l'article 954 du même code, dans son alinéa 1er, impose notamment aux parties de formuler expressément ses prétentions et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune des prétentions est fondée 'avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et leur numérotation',

- ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir 'constater' ou 'donner acte', de sorte que la cour n'a pas à statuer.

Il en est ainsi de la demande de l'appelante de « constater l'existence de la dette de Monsieur [D] à l'encontre de sa fille, [Z] [D] ».

Il n'y a pas lieu de reprendre ni d'écarter dans le dispositif du présent arrêt les demandes tendant à 'constater que' ou 'dire que ' telles que figurant dans le dispositif des conclusions des parties, lesquelles portent sur des moyens ou éléments de fait relevant des motifs et non des chefs de décision devant figurer dans la partie exécutoire de l'arrêt.

Les demandes de 'donner acte' sont dépourvues de tout enjeu juridique et ne constituent pas des prétentions au succès desquels les parties pourraient avoir un intérêt légitime à agir au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Par ailleurs l'effet dévolutif de l'appel implique que la Cour connaisse des faits survenus au cours de l'instance d'appel et depuis la décision querellée et statue sur tous les éléments qui lui sont produits même s'ils ne se sont révélés à la connaissance des parties qu'en cours d'instance d'appel.

Le jugement est critiqué dans son intégralité.

Sur la reconnaissance de dette du 13 juillet 1999

L'article 1326 ancien du code civil (devenu l'article 1376) applicable au jour du versement de la somme de 128 000 francs disposait que « l'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite de sa main, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l'acte sous seing privé vaut pour la somme écrite en toutes lettres ».

L'article 1353 du même code impose à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et, réciproquement, à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Pour débouter l'appelante et feue sa mère de leurs demandes, le premier juge a relevé que la reconnaissance de dette était sincère mais qu'aucun élément produit ne permettait d'affirmer que les parties avaient convenu du remboursement au décès du débiteur. L'opposition au passif successoral était fondée. Les demanderesses échouaient donc dans la charge de la preuve qui leur incombait.

Au soutien de l'appel, l'appelante fait valoir en substance que :

La sincérité du prêt ayant été reconnu, rien ne peut s'opposer au remboursement et à ce que la dette soit opposable à la succession,

- Le document reprend les exigences légales (signature et mention lu et approuvé manuscrites),

- La somme est mentionnée en chiffres et en lettres,

- La remise des fonds est établie,

- Si le terme n'est pas fixé, le remboursement doit intervenir au plus tard eu décès de l'emprunteur, la dette étant transmise aux héritiers,

- La dette a été réitérée le 21 avril 2011, preuve qu'aucun remboursement n'est intervenu,

- L'appelante avait reçu un héritage de sa grand-mère et disposait de la somme prêtée.

Les intimées invoquent essentiellement :

- Le non-respect des formes requises pour un tel document,

- Le document semble falsifié, le document transmis par le notaire étant différent de celui produit pas les appelantes,

- Le jeu d'écritures sur le compte bancaire enlève toute sincérité au prêt,

- Il n'est pas indiqué que la somme serait remboursée à la succession,

- Le prêt a déjà peut-être été remboursé.

Il ressort de l'analyse des pièces des parties que deux versions de la reconnaissance de dette, aucune en original, ont été produites :

- L'une sans en-tête, en date du 13 juillet 1999, dactylographié portant signature et mention « lu et approuvé » manuscrite, indique que le prêt est « sans intérêt » pour solder le « sur endettement », que le virement a été opéré « le 02 juillet 1999 » sur un compte au [14],-

- L'autre, avec un en-tête « RECONNAISSANCE DE DETTE », indiquant que le prêt est assorti d'« un intérêt au taux légal en cours » et que le virement a été effectué le 02 juillet 1999 au « [14] », la mention manuscrite « lu et approuvé » ayant disparu mais la mention dactylographiée « Modifié à [Localité 15] le 21 AVRIL 2011 pour valoir ce que de droit », suivie d'une signature manuscrite, a été ajoutée.

- Il existe donc deux versions différentes de la « reconnaissance de dette », aucune ne précisant les modalités et la date du remboursement.

Aucun justificatif d'enregistrement auprès de l'administration fiscale, formalisant auprès de cette dernière la dette, n'est produit. 

La pièce 17, communiquée par l'appelante et déposée le jour de l'audience dans son dossier de plaidoiries représentant des centaines de pages de relevés bancaires des époux [D] sans aucune précision, non seulement ne respecte pas le délai de l'article 912 alinéa 3, pourtant rappelé dans l'avis de fixation en date du 11 mars 2024 et dans l'ordonnance de clôture du 15 mai 2024, mais de surcroît ne répond pas au principe « une pièce, un numéro » de l'article 954 du code de procédure civile.

Elle ne saurait constituer une preuve irréfutable de l'existence la dette revendiquée par l'appelante au jour du décès de son père, d'autant que sur certains relevés figure la mention « VIR [Z] » ou « [Z] » ou « VIR [Z] REMBOURSEMENT » et une somme au débit (120 € le 27 février 2004, 500 € le 09 avril 2005, 250 € le 11 mars 2006, 200€ le 17 avril 2006, 80 € le 11 mai 2006, 250 € le 02 octobre 2006, 400 € et 250 € le 11 janvier 2007, 400 € le 25 avril 2007, 300 € le 19 juillet 2007, 300 € le 16 août 2007, 400 € le 11 octobre 2007, 50 € le 11 décembre 2007, 80 € le 14 décembre 2007, 300 € le 18 janvier 2008, 385 € le 05 avril 2008 , 300 € 15 juillet 2008, 400 € le 13 août 2008, 400 € le 28 août 2008, 700 € le 10 octobre 2008, 150 € le 18 novembre 2008, 200 € le 1er avril 2009, 300 € le 23 juin 2009, 219€ le 05 août 2010, 99 € le 1er septembre 2010, 119 € le 02 septembre 2010, 200 € le 23 novembre 2010).

Enfin, les conditions de forme exigées par l'article applicable au jour de la reconnaissance de dette ne sont pas satisfaites en ce que la somme, en chiffres et en lettres, n'est pas écrite de la main du défunt.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement attaqué.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement entrepris doit être confirmé en ses dispositions relatives aux dépens/et aux frais irrépétibles.

L'appelante, qui succombe, doit être condamnée aux dépens d'appel, de sorte qu'elle sera déboutée de sa demande de remboursement de frais irrépétibles.

Les intimés ont exposé des frais de défense complémentaires en cause d'appel ; il convient de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à son profit à hauteur de 2 000 € chacune.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Condamne Mme [Z] [D] aux dépens d'appel,

Condamne Mme [Z] [D] à verser à Mme [K] [D] une indemnité complémentaire de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [Z] [D] à verser à Mme [T] [D] une indemnité complémentaire de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute Mme [Z] [D] de sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame Michèle JAILLET, présidente, et par Madame Fabienne NIETO, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

la greffière la présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-4
Numéro d'arrêt : 19/07602
Date de la décision : 03/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-03;19.07602 ?
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