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02/07/2024 | FRANCE | N°23/13724

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 02 juillet 2024, 23/13724


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION

DU 02 JUILLET 2024



N° 2024/272







Rôle N° RG 23/13724 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BMDVR







SA SNCF RÉSEAU





C/



S.A. SOCIÉTÉ LOCALE D'EQUIPEMENT ET D'AMENAGEMENT DE L' AIRE METROPOLITAINE (SOLEAM)

















Copie exécutoire délivrée

le :





à :

- Me Agnès ERMENEUX

- Me Brice T

IXIER















Décision déférée à la Cour :



Sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation de PARIS en date du 08 Juin 2023 enregistré au répertoire général sous le n° T21-25.699 lequel a cassé et annulé l'arrêt n°2021/432 rendu par...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION

DU 02 JUILLET 2024

N° 2024/272

Rôle N° RG 23/13724 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BMDVR

SA SNCF RÉSEAU

C/

S.A. SOCIÉTÉ LOCALE D'EQUIPEMENT ET D'AMENAGEMENT DE L' AIRE METROPOLITAINE (SOLEAM)

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Agnès ERMENEUX

- Me Brice TIXIER

Décision déférée à la Cour :

Sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation de PARIS en date du 08 Juin 2023 enregistré au répertoire général sous le n° T21-25.699 lequel a cassé et annulé l'arrêt n°2021/432 rendu par la chambre 1-1 de la cour d'appel d'aix-en-provence le 23 Novembre 2021 à l'encontre du jugement rendu le 11 Décembre 2018 par le tribunal de grande instance Marseille

DEMANDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

S.A SNCF RÉSEAU, prise en la personne de son représentant légal y domicilié

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Manuel PENNAFORTE de la SCP CABINET BOIVIN ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Solal GALIMIDI, avocat au barreau de PARIS

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

S.A. SOCIÉTÉ LOCALE D'EQUIPEMENT ET D'AMENAGEMENT DE L' AIRE METROPOLITAINE (SOLEAM),

demeurant [Adresse 12]

représentée par Me Brice TIXIER, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

-1-

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Juin 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Madame Catherine OUVREL, conseillère,

et Madame Fabienne ALLARD, conseillère

chargées du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Catherine OUVREL, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

Madame Sophie LEYDIER, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Anaïs DOVINA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Juillet 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 02 Juillet 2024,

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Anaïs DOVINA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Par compromis du 4 mai 1999, l'EPIC réseau ferré de France a vendu à la ville de [Localité 13] différents terrains.

Par actes authentiques des 23 et 24 juillet 2001, ainsi que du 10 septembre 2003, l'EPIC réseau ferré de France, devenu la SA SNCF Réseau, a vendu à la société [Localité 13] Aménagement, qui s'est substituée à la ville de [Localité 13], devenue la SA société locale d'équipement et d'aménagement de l'aire marseillaise (la SA SOLEAM), plusieurs parcelles cadastrées C[Cadastre 2], C[Cadastre 3] et C[Cadastre 4], situées [Adresse 11] à [Localité 13], ainsi que les parcelles R[Cadastre 10] et R[Cadastre 9] situées [Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Adresse 8] et [Adresse 7] à [Localité 13].

Ces terrains ont été divisés en divers lots, A, B, C, D, E et F aux aménagements distincts. Le lot D, notamment, était constitué de terrains destinés, après aménagement, à recevoir, un ensemble immobilier, comprenant une maison de retraite, des logements réservés aux primo accédants, des commerces en pied d'immeuble, ainsi qu'un lot non dénommé destiné à la création d'une future voie à créer.

Par compromis du 16 décembre 2004, la société [Localité 13] Aménagement a vendu à M. [Y] [G] une parcelle de 2 636 m² à détacher de la parcelle R[Cadastre 10] d'une superficie totale d'environ 26 702 m², incluse dans le lot D.

Par avenant du 20 décembre 2007, la société [Localité 13] Aménagement a déclaré à l'acquéreur, M. [G], que la parcelle avait fait l'objet par le passé d'exploitation au titre de la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement et qu' elle avait fait effectuer un diagnostic initial au mois de janvier 2004. Il était précisé que les travaux de dépollution de la parcelle vendue seraient réalisés par la société [Localité 13] Aménagement, à ses frais avancés, dans l'attente de la procédure en cours à l'encontre de l'ancien propriétaire, l'EPIC réseau ferré de France.

-2-

Par ordonnance du 20 juillet 2009, Monsieur [P], expert, a été désigné au titre du lot D, notamment aux fins de chiffrer le coût des travaux de remise en état pour la dépollution du site. Le rapport d'expertise a été déposé le 8 janvier 2014.

L'ensemble des terrains s'étant révélés pollués, la SA SOLEAM a assigné la SA SNCF Réseau en paiement des frais de dépollution et en dommages et intérêts au titre du retard subi par le chantier.

Par jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 8 novembre 2011, arrêt confirmatif de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 16 mai 2013 et arrêt de la Cour de cassation du 12 novembre 2014, la SA SNCF Réseau a été condamnée à indemniser la SA SOLEAM au titre des parcelles C[Cadastre 2], C[Cadastre 3] et C[Cadastre 4].

Par jugement du 14 avril 2015 du tribunal de grande instance de Marseille, la SA SNCF Réseau été condamnée s'agissant de la pollution du lot A, s'agissant de la parcelle R66. Un appel a été interjeté par la SA SNCF Réseau.

Par jugement en date du 11 décembre 2018, ne concernant que le litige relatif au lot D, le tribunal de grande instance de Marseille a :

déclaré recevable l'action de la SA société locale d'équipement et d'aménagement de l'aire marseillaise (la SA SOLEAM),

déclaré que l'EPIC réseau ferré de France, aux droits et obligations duquel vient l'EPIC SNCF Réseau, a manqué à son obligation de délivrance à l'égard de la SA SOLEAM,

condamné l'EPIC SNCF Réseau à verser à la SA SOLEAM la somme de 1 400 816,20 € HT au titre du coût de la dépollution,

condamné l'EPIC SNCF Réseau à verser à la SA SOLEAM la somme de 341 492,51 € au titre de la TVA sur la somme de 1 400 816,20 €, sous réserve de la justification de l'absence de récupération de la TA,

condamné l'EPIC SNCF Réseau à verser à la SA SOLEAM la somme de 100 000 € au titre du retard subi par le chantier,

condamné l'EPIC SNCF Réseau à verser à la SA SOLEAM la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

rejeté la demande formée par l'EPIC SNCF Réseau au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

rejeté toute autre demande,

ordonné l'exécution provisoire de la décision,

condamné l'EPIC SNCF Réseau aux dépens, avec distraction.

Le tribunal a, notamment, estimé que la SA SNCF Réseau avait manqué à son obligation de délivrance conforme pour avoir vendu à la SA SOLEAM des biens dont la pollution a été minimisée, les actes de vente ne faisant aucunement référence aux métaux lourds dont la présence a été révélée ensuite, et, alors que la destination des parcelles, à usage d'équipements publics, d'habitations et de bureaux, était connue du vendeur et entrée dans le champ contractuel.

S'agissant de l'indemnisation des préjudices soufferts par la SA SOLEAM, le tribunal a retenu les éléments du rapport d'expertise au titre des 4 marchés de travaux concernés, dont le marché 10.42 confié à la société GRS-Valtech à hauteur de 388 219,67 € TTC, sous déduction du coût des travaux de terrassements nécessaires à l'opération immobilière, soit, au total 742 308,71 € TTC. Il a également retenu un préjudice lié au retard des travaux induit par la découverte de la pollution, non chiffré par l'expert.

Selon déclaration reçue au greffe le 4 février 2019, la SA SNCF Réseau a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt contradictoire du 23 novembre 2021, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a :

' confirmé le jugement déféré, sauf en ce qui concerne la TVA sur les frais de dépollution,

Statuant à nouveau de ce chef, et y ajoutant :

' dit n'y avoir lieu à la condamnation de la SA SNCF Réseau au paiement la TVA sur les frais de dépollution,

-3-

' condamné la SA SNCF Réseau à payer à la SA SOLEAM la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamné la SA SNCF Réseau au paiement des dépens, de première instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, et de l'appel, à recouvrer conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La cour d'appel d'Aix-en-Provence a estimé que la rédaction des actes de vente impliquait que l'absence de pollution importante des biens vendus était entrée dans le champ contractuel et que, pour remplir l'obligation de délivrance conforme, le terrain vendu devait être exempt de pollution aux métaux lourds. Elle s'est fondée sur le rapport d'expertise qui a révélé que les terres du lot concerné étaient polluées, de manière généralisée, sur une profondeur comprise entre 2 et 3,5 mètres, par des métaux lourds liés à la présence de remblais provenant de zones d'activité industrielle extérieures au site utilisés pour remblayer le terrain d'origine, et, qui a mis en évidence la nécessaire dépollution par évacuation des terres polluées sur toute la surface du terrain, sauf une partie de 350 m². Elle a retenu le caractère indifférent, en matière d'obligation de délivrance conforme, de la connaissance ou non de la pollution par le vendeur, ainsi que des connaissances possibles à ce titre de l'acquéreur professionnel. La cour en a déduit un manquement du vendeur à une obligation substantielle de délivrance conforme, compte tenu de la destination des lieux dont il avait connaissance.

Au titre de la prise en charge des frais de dépollution du site, conformément au projet d'aménagement initial, en application de l'article 1611 du code civil, la cour a retenu l'ensemble des préjudices chiffrés par l'expert, à l'exception du coût des travaux de terrassements, ainsi que l'avait fait le premier juge. Elle a considéré que la nécessité d'évacuation des remblais pollués était démontrée et que le surcoût devait être supporté par la SA SNCF Réseau. La cour a notamment estimé que les frais d'évacuation après tri sur une aire de stockage des terres, confiées à la société GRS-Valtech, devaient également être pris en compte, la SA SNCF Réseau ne pouvant en contester le montant dans ses dernières conclusions devant la cour alors qu'elle n'avait présenté aucune observation à ce titre devant l'expert, et qu'elle ne reprenait pas au dispositif de ses écritures sa demande d'expertise complémentaire.

La cour a également retenu un préjudice pour la SA SOLEAM à raison du retard dans le chantier.

La SA SNCF Réseau a formé un pourvoi en cassation.

Par arrêt du 8 juin 2023, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 23 novembre 2021, mais seulement en ce qu'il inclut, dans la condamnation de la SA SNCF Réseau à payer à la SA SOLEAM le coût de la dépollution, la somme de 388 219,97 €. La Cour de cassation a remis sur ce point l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyé devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

La Cour de cassation a retenu un défaut de motifs de l'arrêt, au visa de l'article 455 du code de procédure civile, en ce que la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions de la SA SNCF Réseau faisant valoir que le marché confié à la société GRS Valtech, d'un montant de 388 219,97 €, ne concernait pas exclusivement des terres provenant du lot D.

Selon déclaration de saisine reçue au greffe le 7 novembre 2023, la SA SNCF Réseau a saisi la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Par dernières conclusions transmises le 4 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SA SNCF Réseau sollicite de la cour qu'elle :

réforme le jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 11 décembre 2018 en ce qu'il l'a condamnée à verser à la SA SOLEAM la somme de 1 400 816,20 € HT au titre du coût de la dépollution sans déduction de la somme de 324 598,64 € HT afférente au marché confié à la société GRS-Valtech qui ne concernait pas exclusivement des terres provenant du lot D litigieux, et en ce qu'il l'a condamnée à verser la SA SOLEAM la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

-4-

Statuant à nouveau :

déboute la SA SOLEAM de l'ensemble de ses demandes,

déduise du montant de la condamnation prononcée par le tribunal de grande instance de Marseille contre la SA SOLEAM, la somme de 324 598,64 € HT afférent au marché 10.42 confié à la société GRS-Valtech le 22 juin 2010, ou, subsidiairement, ramène à la somme de 112 419,10 € HT le montant de la condamnation prononcée à son encontre au titre du marché 10.42 précité,

condamne la SA SOLEAM à lui verser la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

La SA SNCF Réseau soutient que le marché 10.42 confié à la société GRS-Valtech au titre de l'évacuation des terres pour un prix de 388 219,67 € TTC ne concerne pas le lot D. Elle assure que, d'après le rapport d'expertise, les travaux de dépollution des terrains composant le lot D n'ont donné lieu qu'aux marchés confiés aux entreprises Copramex, Ortec et Qualiconsult, pour un coût de 1 676 103,91 € TTC dont 322 014,87 € TTC à déduire au titre des travaux de terrassements nécessaires à l'opération immobilière. Elle se fonde sur le rapport d'expertise judiciaire pour soutenir qu'au moins la moitié des terres stockées en application du marché confié à la société GRS-Valtech sont extérieures au lot D.

S'agissant de l'autre moitié de ces terres, la SA SNCF Réseau soutient qu'il s'agit d'une prestation imposée par l'aménagement choisi par la SA SOLEAM qui a modifié la méthodologie de construction de l'îlot 1, ce qui a généré une quantité de terres polluées plus importante à évacuer. Elle estime ne pas à avoir à assumer ce surcoût.

La SA SNCF Réseau conteste encore devoir supporter le coût de l'élimination des terres inertes formant des dépôts sauvages, représentant 168 m², pour être sans lien avec le lot D.

À titre subsidiaire, la SA SNCF Réseau entend que seule l'évacuation des terres du tas n°1 du marché 10.42 soit prise en compte et mise à sa charge, de sorte que seule une somme de 112 419,10 € HT devrait être intégrée au coût de la dépollution du lot D. Elle explique ses calculs en insistant sur la nécessité de distinguer, et de ne mettre à sa charge, que le surcoût effectivement lié à l'état de pollution des sols composant le lot D, et non le traitement de tous les sols (CET3), dû en tout état de cause.

Par dernières conclusions transmises le 7 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SA société locale d'équipement et d'aménagement de l'aire marseillaise (la SA SOLEAM) sollicite de la cour qu'elle :

À titre principal :

déboute la SA SNCF Réseau de toutes ses demandes,

confirme le jugement rendu le 11 décembre 2018 par le tribunal de grande instance de Marseille en ce qu'il a condamné la SA SNCF Réseau à lui verser la somme de 324 598,64 € HT afférente au marché confié à la société GRS-Valtech,

À titre subsidiaire, en cas d'infirmation :

condamne la SA SNCF Réseau à lui verser la somme de 210 854,13 € HT afférente au marché confié à la société GRS-Valtech,

En tout état de cause :

condamne la SA SNCF Réseau à lui verser 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamne la SA SNCF Réseau aux entiers dépens.

La SA SOLEAM invoque les conclusions de l'expert judiciaire et soutient que celles-ci permettent d'affirmer que l'évacuation du tas n°1 (correspondant à 2 380 m³) dans le cadre de l'exécution du marché de travaux 10.42 (portant en tout sur 4 382 m³ en tout), confié à la société GRS-Valtech, est directement lié à l'état de pollution des terrains composant le lot D. Elle en déduit que la somme de 210 854,13 € doit être laissée à la charge de la SA SNCF Réseau.

L'affaire a reçu fixation le 20 décembre 2023 à l'audience de plaidoiries du 28 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande relative aux frais d'évacuation des terres au titre du marché 10.42 confié à la société GRS-Valtech

Le principe de la condamnation de la SA SNCF Réseau à indemniser la SA SOLEAM au titre de la pollution des biens vendus les 23 et 24 juillet 2001 outre le 10 septembre 2003, pour manquement à son obligation de délivrance conforme, a été jugé de manière définitive.

-5-

Plusieurs actions ont été menées.

Le présent litige, sur renvoi de cassation partielle de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 23 novembre 2021, confirmant sur ce point le jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 11 décembre 2018, ne concerne que les terres constituant le lot D, situées sur la parcelle R[Cadastre 10].

Plus précisément, le montant de la condamnation prononcée à l'endroit de la SA SNCF Réseau, au titre de l'indemnisation de la SA SOLEAM s'agissant des frais de dépollution de ce site, n'est remis en cause qu'au titre du marché 10.42 confié à la société GRS-Valtech.

Il résulte des pièces produites, et notamment du rapport d'expertise judiciaire du 8 janvier 2014 reprenant les pièces contractuelles des parties, ainsi que du rapport de fin de travaux établi par la société GRS-Valtech le 8 novembre 2010, et du tableau synthétisant la décomposition du prix global et forfaitaire de ce marché, que cette société s'est vue confier, le 22 juillet 2010, pour un prix total de 324 598,64 € HT ou 388 219,97 € TTC, un marché n°10.42 ayant pour unique objet 'd'évacuer, après tri sur aire de stockage, les terres mises en stock sur aires provisoires dans le cadre du premier marché confié à ORTEC (tas n°1 de 2380 m³), ainsi que les terres en stock provenant du parvis du palais de la glace et de la glisse (tas n°2 de 859 m³) et du bassin de rétention provisoire (tas n°3 de 922 m³ et tas n°4 de 221 m³), soit au total 4 382 m³'.

La mission ainsi confiée à la société GRS-Valtech de gérer les déblais pollués issus des opérations de terrassement de l'îlot O1 (emprise des futures bâtiments) et de la future voie O2 de la ZAC, a consisté à réaliser le tri et le chargement des déblais stockés sur des aires distinctes et sécurisées, à optimiser les volumes à évacuer en filières par un tri visuel et analytique des terres, et, à reprendre et transporter les terres polluées en procédant à leur élimination en filières autorisées.

En page 27 du rapport d'expertise, l'expert judiciaire relève que le rapport de la société Copramex, chargée du marché d'assistance technique pour la réalisation d'études de dépollution, fait état de trois tas de terres stockés provisoirement au Nord Ouest du lot 2 ; le volume constituant le tas 1 issu de l'îlot O1 et de la voie O2 est de 2 380 m³. Il précise que les terres constituant le tas 1 devaient être évacuées en filière K2 ou Ecocentre, le stock de 2 380 m³ ayant été évacué à l'été 2010. En revanche, M. [P] ajoute que les terres constituant le tas 2 de 859 m³ provenaient du parvis du palais de la glisse et de la glace, extérieur au lot D, et, que les terres constituant le tas 3 de 1 143 m³ provenaient du bassin de rétention du parking provisoire extérieur au lot D.

Il ressort donc de ces éléments concrets que la totalité du coût du marché de travaux confié à la société GRS-Valtech ne concerne pas le lot D, seul objet du présent litige, de sorte que l'intégralité de la facture de cette société ne peut être mise ici à la charge de la SA SNCF Réseau. Seules les terres du tas n°1 représentant 2 380 m³ sur les 4 382 m³ traités en tout se rapportent au lot D.

En outre, il est exact que l'expert judiciaire a noté que la réalisation d'une paroi berlinoise dans le cadre de l'opération de l'îlot O1, en remplacement du grand talus, a augmenté le terrassement de la voie O2, et, de ce fait a augmenté les quantités de terres polluées à évacuer puisque le confinement de terres sous la voie O2 a été supprimé. En revanche, l'expert a exclu le fait que des travaux de réaménagement n'ont pas été suffisamment anticipés et que d'importants surcoûts ont été engendrés.

La question de savoir si l'excavation et l'évacuation induite du volume de terres concernées ont été accrus par les choix d'aménagement réalisés par la SA SOLEAM a été débattue devant l'expert qui y a répondu, ensuite des dires versés au dossier, en pages 29 et suivantes de son rapport. Or, ainsi que l'a relevé à juste titre l'expert, l'acquéreur d'un terrain peut, à tout moment, réaliser le projet qu'il souhaite, le modifier, l'amender, dès lors que ce projet est conforme aux règles d'urbanisme. De plus, en l'occurrence, les projets d'aménagement des différentes zones du lot D étaient connus lors de l'acte d'achat et étaient entrés dans le champ contractuel, ce dont la SA SNCF Réseau était parfaitement informée. La SA SOLEAM disposait également d'un libre choix constructif, compte tenu des contraintes techniques opposables pour assurer la stabilité des sols et des structures. Ainsi, le fait que la SA SOLEAM ait fait réaliser une paroi berlinoise au lieu du talus initialement envisagé, en bordure de la voie d'accès O2,

-6-

ne peut induire une diminution de la prise en charge du coût total de dépollution supporté par la SA SNCF Réseau, quand bien même ce choix implique, pour sa réalisation, plus d'excavation, d'évacuation des terres polluées et une augmentation du terrassement.

L'expert explique techniquement cette solution en pages 30 et 31 et souligne que la solution première, consistant dans le seul talus, engendrait un confinement de terres polluées qui était en soi source de difficultés. Aussi, il ne peut être retranché du volume du tas n°1 une partie liée au surplus généré par les modifications constructives librement choisies par la SA SOLEAM ; l'opération de dépollution des terres demeure nécessaire dans tous les cas. La SA SNCF Réseau est tenue à l'ensemble de cette dépollution, quand bien même elle a été majorée par une modification du type de structure construite par l'intimée.

La SA SNCF Réseau entend en outre que soit déduite la somme de 7 559,25 € HT correspondant au différentiel entre le devis initial de la société GRS-Valtech et sa facture correspondant à la prise en compte de l'élimination de terres inertes formant des dépôts sauvages d'un volume total de 168 m³. Toutefois, ni le rapport d'expertise, ni le tableau de la société GRS-Valtech décomposant le prix global et forfaitaire ne permettent d'identifier l'origine de ces terres inertes, ni de les imputer au seul lot D. Au contraire, les éléments produits tendent à considérer que ce volume de 168 m³ intervient en sus mais n'est pas intégré dans les 2 380 m³ afférents au lot D. Aucune déduction n'est donc justifiée dans ce cadre.

Enfin, il a déjà été défalqué du coût total de dépollution le coût des travaux de terrassements nécessaires à l'opération immobilière en soi. La distinction suggérée par la SA SNCF Réseau relativement au surcoût lié à l'état de pollution des sols composant le lot D selon que les terres ont été traitées en CET 2 ou en CET 3, à raison de degré de pollution divers, n'apparaît pas pertinente dès lors qu'en tout état de cause la pollution des terres est avérée et justifiée. En conséquence, il appartient à la SA SNCF Réseau d'en assumer l'intégralité des conséquences, sans qu'il soit possible d'émettre des hypothèses en volume d'un surplus de tel ou tel type de terres polluées.

En définitive, il est établi que la SA SNCF Réseau doit supporter le coût du marché 10.42 confié à la société GRS-Valtech par la SA SOLEAM strictement mais intégralement lié au lot D, représentant 2 380 m³ de terres, sur les 4 382 m³ traités en totalité. Ainsi, c'est une somme de 210 854,13 € TTC qui doit être mise à la charge de la SA SNCF Réseau, et non la somme de 388 219,67 € TTC, de sorte que le jugement du 11 décembre 2018 doit être réformé de ce chef.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les dispositions du jugement du 11 décembre 2018 n'ont pas lieu d'être remises en cause s'agissant des condamnations prononcées au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, l'équité et la situation économique des parties commandent de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens d'appel demeurant à la charge de la SA SOLEAM.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,

Infirme le jugement du 11 décembre 2018 en ses dispositions soumises à la cour dans le cadre du renvoi de cassation, et uniquement en ce qu'il a condamné la SA SNCF Réseau à verser à la SA SOLEAM la somme de 324 598,64 € HT afférente au marché confié à la société GRS-Valtech, cette somme étant incluse dans la condamnation globale de 1 400 816,20 € HT par ailleurs non remise en cause,

Confirme le jugement du 11 décembre 2018 en ses autres dispositions soumises à la cour dans le cadre du renvoi de cassation,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne la SA SNCF Réseau à payer à la SA SOLEAM la somme de 210 854,13 € TTC au titre du marché 10.42 confié à la société GRS-Valtech,

Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile,

-7-

Déboute la SA SNCF Réseau de sa demande sur ce fondement,

Déboute la SA SOLEAM de sa demande sur ce fondement,

Condamne la SA SOLEAM au paiement des dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

-8-


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 23/13724
Date de la décision : 02/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-02;23.13724 ?
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