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02/07/2024 | FRANCE | N°20/08858

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 02 juillet 2024, 20/08858


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 02 JUILLET 2024



N° 2024/268









Rôle N° RG 20/08858 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGI55







S.A. LIXXBAIL





C/



S.A.S.U. A.C [K]

S.A.S. CESAM

















Copie exécutoire délivrée

le :





à :

- Me Joseph MAGNAN

- Me Alain BADUEL

- Me Thierry TROIN






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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal judiciaire de NICE en date du 27 Août 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 19/03093.





APPELANTE



S.A. LIXXBAIL

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

demeu...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 02 JUILLET 2024

N° 2024/268

Rôle N° RG 20/08858 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGI55

S.A. LIXXBAIL

C/

S.A.S.U. A.C [K]

S.A.S. CESAM

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Joseph MAGNAN

- Me Alain BADUEL

- Me Thierry TROIN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal judiciaire de NICE en date du 27 Août 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 19/03093.

APPELANTE

S.A. LIXXBAIL

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et ayant pour avocat plaidant Me Jean-Jacques BERTIN, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMEES

S.A.S.U. A.C [K]

représentée par sa dirigeante, Madame [J] [K], domiciliée audit siège,

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Alain BADUEL de la SCP MIRABEAU AVOCATS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Gabrielle SAMAT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

S.A.S. CESAM,

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Thierry TROIN de la SELARL BENSA & TROIN AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de NICE, et ayant pour avocat plaidant Me Gilles MENGUY de la SELEURL GM AVOCAT, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 04 Juin 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Olivier BRUE, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Madame Catherine OUVREL, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Anaïs DOVINA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Juillet 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 02 Juillet 2024,

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Anaïs DOVINA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTION DES PARTIES :

Mme [J] [K] qui exerce la profession d'infirmière libérale sous la forme de la SASU A.C. [K] a commandé le 13 septembre 2017 auprès de la SAS Cesam, un appareil de traitement des tissus adipeux par cryolipolyse dénommé 'Medical Cryo System' pour un montant de 43 800 € TTC, ainsi qu'un appareil de traitement de la peau par luminothérapie dénommé 'Medical Rejulight System' et un appareil de traitement de la cellulite dénommé 'Medical Cellu System' pour un montant total de 70 800 € TTC.

La SASU A.C [K] a versé deux acomptes de 2 000 € le jour même de la commande.

Le 3 novembre 2017, elle a commandé auprès de la même société un appareil de réjuvénation de la peau dénommé 'Jet Peel Esthetic' pour un montant de 15 600 € TTC et a versé un acompte de 1 000 €.

Ces quatre appareils ont été financés pour un montant de 108 500 € par un contrat de crédit-bail conclu entre la SASU A.C [K] et la SA Lixxbail, le 7 décembre 2017, prévoyant le paiement de 60 mensualités d'un montant de 2 270,32 € à compter du 12 février 2018 et jusqu'au 12 janvier 2023.

Par un avenant au contrat de crédit-bail en date du 19 août 2019, la durée du contrat a été fixée à 66 mois. L'avenant a prévu le paiement de 6 mensualités d'un montant de 219,87 € à compter du 12 juin 2019 puis 44 mensualités de 2 300,85 € jusqu'au 17 juillet 2023.

Par actes du 26 juin 2019, la SASU A.C [K] a assigné la SAS Cesam et la SA Lixxbail devant le tribunal de grande instance de Nice, après avoir été autorisée à les assigner à jour fixe par ordonnance présidentielle du 19 juin 2019 pour l'audience du 16 décembre 2019.

Par jugement réputé contradictoire du 27 août 2020, le tribunal judiciaire de Nice a :

- dit nuls les contrats de vente portant sur les appareils 'Medical Rejulight System', 'Medical Cryo System' et 'Medical Cellu System' conclus entre la SASU A.C [K] et la SAS Cesam en date du 13 septembre 2017,

- dit nul le contrat de crédit-bail conclu entre la SASU A.C [K] et la SA Lixxbail en date du 7 décembre 2017,

En conséquence,

- condamné la SAS Cesam à payer à la SASU A.C [K] la somme de 4 000 € en restitution des acomptes versés lors des commandes des matériels,

- condamné la SA Lixxbail à payer à la SASU A.C [K] la somme de 37 674,87 € en restitution des mensualités échues au 12 décembre 2019 et réglées,

- ordonné à la SASU A.C [K] de restituer les matériels 'Medical Rejulight System', 'Medical Cryo System' et 'Medical Cellu System' à la SA Lixxbail, dès paiement par celle-ci du montant des mensualités restituées, par tout moyen au choix de cette dernière et à ses frais et au besoin l'y condamne,

- condamné la SAS Cesam à payer à la SA Lixxbail la somme de 108 500 € en restitution du prix de vente,

- dit qu'en contrepartie, la SA Lixxbail devra restituer les matériels 'Medical Rejulight System', 'Medical Cryo System' et 'Medical Cellu System' à la SAS Cesam, par tout moyen au choix de cette dernière et à ses frais et au besoin condamne la SA Lixxbail à la dite restitution et la SAS Cesam à la récupération des matériels,

- débouté la SASU A.C [K] de sa demande au titre des frais de dossier formée à l'encontre de la SA Lixxbail et de sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de la SAS Cesam,

- condamné la SAS Cesam à payer la somme de 1 500 € à la SASU A.C [K] et la somme de 1 000 € à la SA Lixxbail sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires,

- condamné la SAS Cesam aux dépens avec distractions.

Par déclaration du 15 septembre 2020 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées la SA Lixxbail a relevé appel de cette décision en ce qu'elle a :

- dit nuls les contrats de vente portant sur les appareils 'Medical Rejulight System', 'Medical Cryo System' et 'Medical Cellu System' conclus entre la SASU A.C [K] et la SAS Cesam en date du 13 septembre 2017,

- dit nul le contrat de crédit-bail conclu entre elle et la société AC [K],

- condamné l'appelante à payer à la SASU A.C [K] la somme de 37 674,87 € en restitution des mensualités échues au 12 décembre 2019 et réglées,

- ordonné à la SASU A.C [K] de lui restituer les matériels 'Medical Rejulight System', 'Medical Cryo System' et 'Medical Cellu System' dès paiement par celle-ci du montant des mensualités restituées, par tout moyen au choix de cette dernière et à ses frais et au besoin l'y condamne,

- condamné la SAS Cesam à lui payer la somme de 108 500 € en restitution du prix de vente,

- dit qu'en contrepartie, elle devra restituer les matériels 'Medical Rejulight System', 'Medical Cryo System' et 'Medical Cellu System' à la SAS Cesam, par tout moyen au choix de cette dernière et à ses frais et au besoin condamne la SA Lixxbail à la dite restitution et la SAS Cesam à la récupération des matériels,

- débouté l'appelante de toutes ses demandes.

Pour statuer en ce sens, le tribunal a retenu que les trois contrats conclus le 13 septembre 2017 sont illicites, car ils ont pour objet des dispositifs médicaux au sens de l'article R 5211-1 du code de la santé publique et ne faisaient pas l'objet du certificat CE Medical exigé par l'article R 5211-3 du même code, dont les dispositions sont d'ordre public.

Les appareils ont été considérés comme médicaux car :

- l'appareil 'Medical Rejulight System' consistant à utiliser des Led pour émettre des ondes lumineuses a un objectif affiché de permettre entre autres une 'véritable restructuration dermo-épidermique progressive et durable'. Il s'agit donc d'obtenir une modification de l'anatomie en agissant directement ou en contrariant le processus naturel de vieillissement. Le matériel était accompagné seulement d'un certificat CE de la période du 14 octobre 2015 au 13 octobre 2018.

- l'appareil 'Medical Cryo System', utilisant la technique lipocryolyse permettant 'le traitement de la silhouette et des amas graisseux localisés' donnant des résultats définitifs, a pour effet d'obtenir une modification de l'anatomie en agissant directement ou en contrariant le processus naturel de constitution de la masse graisseuse. Le manuel d'utilisation du fabriquant BFP Electronique en date du 28 février 2017 prévoit son utilisation, pour un appareil similaire, par des médecins. L'ANSM n'a nullement affirmé que cet appareil ne serait pas un dispositif médical. La preuve du marquage CE lors de la conclusion du contrat le 13 septembre 2017 n'est pas rapportée,

- l'appareil 'Medical Cellu System' destiné au 'traitement de la cellulite et du relâchement cutané' a un objectif affiché de permettre un 'remodelage complet du corps et le raffermissement de la peau'. Il s'agit donc d'obtenir une modification de l'anatomie en agissant directement ou en contrariant les processus naturels de stockage des graisses et de vieillissement. L'ANSM n'a pas affirmé que cet appareil ne serait pas un dispositif médical. Le marquage CE dont la SAS Cesam se prévaut n'est pas étayé par des documents probants.

Concernant le contrat de crédit bail du 7 décembre 2017 conclu entre la SASU A.C [K] et la SA Lixxbail, son caractère accessoire et l'effet rétroactif de l'annulation des contrats principaux de vente des trois appareils conclus entre la SASU A.C [K] et la SAS Cesam retire tout effet aux dispositions contractuelles. Le contrat de crédit-bail accessoire à ces ventes doit donc être annulé.

Par dernières conclusions régulièrement notifiées le 6 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour un exposé plus précis des moyens, la SA Lixxbail demande à la cour, au visa des articles 1128 du code civil et 1178 du même code, de :

statuer ce que de droit sur la demande de nullité du contrat principal de vente formée par la SASU A.C [K] à l'encontre de la SAS Cesam,

En cas d'infirmation de la nullité du contrat principal de vente,

juger que le contrat de crédit-bail aurait dû être poursuivi jusqu'à son terme fixé au 12 juillet 2023,

En conséquence,

condamner la SAS A.C [K] à payer tous les loyers impayés, toutes taxes et assurances comprises depuis le 12 décembre 2019, soit la somme de 102 539,40 € TTC,

En cas de confirmation de la nullité du contrat principal de vente,

confirmer le jugement en ce qu'il a :

- ordonner la nullité subséquente du contrat de location financière,

- débouter la SASU A.C [K] de sa demande au titre des frais de dossier formée contre elle et de sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de la SAS Cesam,

- condamner la SAS Cesam à lui payer la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

infirmer le jugement en ce qu'il :

- la condamner à payer à la SASU A.C [K] la somme de 37 674,84 € en restitution des mensualités échues au 12 décembre 2019 et réglées,

- a ordonné à la SASU A.C [K] à lui restituer les matériels 'Medical Rejulight System', 'Medical Cryo System' et 'Medical Cellu System', dès paiement du montant des mensualités restituées, par tout moyen au choix de cette dernière et à ses frais et au besoin l'y condamner,

- a condamné la SAS Cesam à lui payer la somme de 108 500 € en restitution du prix de vente,

- dit qu'en contrepartie, elle devra restituer les matériels à la SAS Cesam, par tout moyen au choix de cette dernière et à ses frais et au besoin, la condamner à ladite restitution et la SAS Cesam à la réception des matériels,

Statuant à nouveau,

lui limiter le remboursement des loyers au bénéfice de la SASU A.C [K] à la somme de 34 462,62 € TTC,

condamner la SASU Cesam à lui payer la somme de 108 500 € soit 130 200 € TTC en restitution du prix de vente et subsidiairement, la somme de 124 080 € TTC en remboursement du prix des trois appareils, outre celle de 6 120 €TTC en réparation du préjudice financier subi du fait de l'annulation du contrat de crédit-bail,

condamner la SASU Cesam à récupérer à ses frais l'ensemble des matériels litigieux directement entre les mains de la SASU A.C [K],

En tout état de cause,

débouter toutes parties de toutes leurs demandes dirigées contre elle,

condamner toute partie succombante à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction.

A l'appui de ses demandes, elle soutient que :

- les contrats de vente et le contrat de crédit-bail sont licites car les appareils vendus par la SAS Cesam ne sont pas des dispositifs médicaux,

- les primes d'assurance ne peuvent faire l'objet de remboursement, car elle n'est que le collecteur de la prime qu'elle reverse à la compagnie d'assurance de personne ; l'éventuel remboursement des loyers ne peut donc se faire que sur la base de 2 226,92 € TTC.

- la SASU A.C [K] ayant payé la somme de 34 462,62 € entre le 12 février 2018 et le 12 novembre 2019, le remboursement des loyers ne peut donc excéder cette somme.

Par conclusions notifiées le 17 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour un exposé plus précis des moyens, la SASU A.C [K] sollicite du juge de :

déclarer recevables les présentes conclusions et pièces nouvelles,

révoquer l'ordonnance de clôture,

fixer la nouvelle date de clôture au jour des plaidoiries, soit le 4 juin 2024

infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre des frais de dossier formée à l'encontre de l'appelante et de sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de la SAS Cesam,

Statuant à nouveau,

condamner la SAS Cesam à lui payer la somme de 15 000 € de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices,

confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions,

débouter la SAS Cesam de l'ensemble de ses demandes contraires,

débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes contraires,

débouter la SAS Cesam de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la SAS Cesam à la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

A l'appui de ses demandes, elle fait valoir que :

- à titre liminaire sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture, elle est justifiée car la SAS Cesam a notifié ses conclusions de 46 pages et 66 nouvelles pièces après deux années de silence, 4 jours avant la date de l'ordonnance de clôture,

- sur la qualification médicale des appareils litigieux, le droit positif français, dont la jurisprudence, soumet le matériel esthétique commercialisé par la SAS Cesam aux règles d'ordre public des dispositifs médicaux relatives à la circulation sur le marché,

- cette qualification médicale des appareils litigieux résulte de la finalité de modification de l'anatomie ou du processus physiologique au sens du code de la santé publique,

- l'évolution du droit européen doit être observée par le juge français en raison du principe de l'interprétation conforme au droit de l'Union européenne,

- les appareils litigieux relèvent des dispositifs médicaux au sens du règlement UE 2017/745,

- les contrats de vente et le contrat de crédit-bail sont donc nuls, car les appareils répondant à la qualification de dispositif médical n'étaient pas accompagnés lors de leur vente du certificat de conformité nécessaire à leur mise sur le marché.

Par conclusions notifiées le 2 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la SAS Cesam demande à la cour de :

infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

débouter la SASU A.C [K] de toutes ses demandes,

condamner la SASU A.C [K] à lui verser la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

A l'appui de ses demandes tendant à rejeter la nullité des contrats conclus avec la SASU A.C [K] pour illicéité de l'objet, elle soutient que :

- les appareils vendus 'Cellu System', 'Rejulight System' et 'Jet Peel Esthetic'sont conformes à la réglementation en vigueur à la date de la conclusion des contrats, à savoir la directive 93/42/CE du 14 juin 1993 relative aux dispositifs médicaux, qui impliquait seulement un marquage CE Médical apposé par le fabricant ; cette conformité a été reconnue récemment par la jurisprudence pour des appareils similaires,

- la communication à l'ANSM du formulaire déclaratif de mise sur le marché postérieure à la vente des appareils ne peut constituer une cause de nullité des contrats,

- l'appareil 'Cryo System' n'est pas revendiqué comme un dispositif médical par le fabricant et est seulement un soin esthétique, de plus non invasif, et n'avait donc pas besoin d'être accompagné du marquage CE Médical lors de sa vente,

- Mme [J] [K], infirmière libérale, pouvait exercer des soins esthétiques qui ne sont pas incompatibles avec l'exercice de ses fonctions et pouvait utiliser les appareils qui ne sont pas réservés aux seuls médecins,

- la modification ultérieure de la législation, qui qualifie notamment des matériels n'ayant pas de destination médicale comme étant des dispositifs médicaux, n'est pas applicable en l'espèce, puisque l'entrée en vigueur du nouveau règlement est le 21 mai 2021.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 mai 2024.

SUR CE

La SASU A.C. [K] réclame l'annulation des contrats de vente des appareils Cellu System, Medical Cryo et Medical Rejulight System, pour illicéité, en application de l'article 1128 3° code civil.

Elle considère qu'il s'agit de matériels médicaux au sens des articles L5211-1 et R5211-1 du code de la santé publique, devant faire l'objet d'une certification de sécurité exigée par l'article L5211-3 du code de la santé publique et d'une certification CE Medical prévue par le Réglement UE 2017/745 du 5 avril 2017.

La SASU A.C. [K] expose que la nullité absolue du contrat est de droit en cas de dérogation aux règles d'ordre public, prohibée par l'article 1162 du code civil.

L'article L5211-3 du code de la santé publique édicte que les dispositifs médicaux ne peuvent être importés, mis sur le marché, mis en service, utilisés, s'ils n'ont reçu, au préalable, un certificat attestant leur performance, ainsi que leur conformité à des exigences essentielles concernant la sécurité et la santé des patients, des utilisateurs et des tiers.

Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

La SAS Cesam indique dans ses dernières écritures d'appel que les appareils Cellu System et Rejulight sont des dispositifs médicaux bénéficiant du marquage CE Medical, conforme à la directive 93/42/CE du 14 juin 1993, applicable à la date de la commande.

Le courrier adressé au conseil de la SAS Cesam le 10 mai 2019 par le directeur adjoint de la direction des dispositifs médicaux des cosmétiques et des dispositifs de diagnostic in vitro de l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ANSM, mentionne que le dispositif Rejulight a fait l'objet d'une communication de mise sur le marché du 20 novembre 2018 et d'un certificat CE de conformité à la directive 93/42/CEE délivré par l'organisme notifié français 04059 Gmed le 24 septembre 2018, valide jusqu'au 13 octobre 2021.

Il convient de constater qu'est visé un certificat de conformité CE et non CE médical.

Est également produit pour ce matériel un certificat CE délivré par un établissement public valable du 22 décembre 2017 au 13 octobre 2018.

Le certificat CE du 16 septembre 2015 délivré par le laboratoire national de métrologie et d'essais ayant une validité du 14 octobre 2015 au 13 octobre 2018 concerne des produits distincts.

Il n'est donc pas justifié de la certification à la date de la commande de l'appareil Rejulight.

Aucun certificat n'est produit pour l'appareil Cellu System.

La communication d'un certificat établi le 1er mai 2018 concernant les produits Réaction et Trios ne peut être considéré comme un justificatif admissible eu égard à la date de la commande.

Il convient d'observer sur ce point que les pièces n° 44-1 n° 44-2, figurant dans le bordereau de pièces transmis par la SAS Cesam est un certificat de conformité daté du 13 février 2020 concernant d'autres produits et sa traduction et non une attestation du fabriquant selon laquelle le produit Réaction serait commercialisé en France sous le nom Cellu System.

Il en est de même pour la déclaration de mise sur le marché du 15 mars 2019, relative au produit Cellu System mais postérieur à la commande du 13 septembre 2017.

Il convient, en conséquence, d'annuler les contrats relatifs aux appareils Medical Rejulight System et Ceellu System qui ont un objet pouvant être qualifié d'illicite, dès lors qu'ils ne remplissent pas les conditions pour être mis sur le marché.

La SAS Cesam expose que l'appareil Cryo System est un appareil de soins à visée esthétique, dispensé de certification.

Par attestation du 31 août 2020, le fabricant BHP électronique déclare que l'appareil médical Cryo system est destiné à des soins de traitement de Cryolipolyse sans revendication médicale.

L'article 5211-1 du code de la santé publique définissant les produits soumis aux règles de mise en service de mise à disposition sur le marché des dispositifs médicaux vise notamment tout instrument appareil équipement à des fins médicales sur l'homme et dans son 3° ceux visant l'investigation, le remplacement ou la modification d'une structure ou fonction anatomique ou d'un processus ou état physiologique ou pathologique.

L'article R5211-1 du même code définit les dispositifs médicaux prévus à l'article L 5211-1, notamment comme les dispositifs destinés à être utilisés à des fins d'études, de remplacement ou de modification de l'anatomie ou d'un processus physiologique.

S'il évoque des fins esthétiques et thérapeutiques, le manuel d'utilisation de l'appareil Médical Cryo system mentionne que l'appareil est destiné à être utilisé par des médecins sur des patients adultes, sans citer les professionnels de l'esthétique, ni les professions paramédicales.

Ce document précise que ce matériel permet de pratiquer la Cryo lipolyse, consistant en la destruction du tissu adipeux par le froid et qu'il s'agit d'une méthode de liporéduction sélective, non invasive et indolore, permettant de réduire le tissu adipeux localisé en conséquence du

froid.

La plaquette de présentation évoque l'utilisation d'un choc thermique par une phase initiale de chauffe de quelques minutes, suivie immédiatement d'une phase de refroidissement à -5°, en vue de l'élimination des lipides, précisant que le revêtement cutané s'adapte sans difficulté aux modifications morphologiques engendrées. Elle ajoute la possibilité d'éliminer 30 % du pli graisseux en une séance.

Il résulte de ces éléments que cet appareil est de nature à modifier la structure anatomique du patient et qu'il s'inscrit donc dans la catégorie des dispositifs médicaux relevant des dispositions précitées du code de la santé publique.

Le fait que le catalogue disponible sur le site de la SAS Cesam fasse apparaître, sous sa seule responsabilité, l'appareil Cryo System, comme destiné aux professionnels de l'esthétique et ainsi qu'aux paramédicaux, n'est pas suffisant pour modifier cette analyse.

Dès lors que la SAS Cesam ne produit aucun justificatif de la certification du produit médical Cryo system, le contrat de vente conclu le 13 novembre 2017 pour ce produit, doit être annulé pour illicéïté.

L'annulation des trois contrats de vente entraine l'annulation du contrat de crédit bail souscrit le 7 décembre 2017 auprès de la SA Lixxbail, pour leur financement.

En application de l'article 1178 du Code civil, la SASU A.C. [K] doit être condamnée à restituer les appareils Rejulight System, Medical Cryo System et Medical Cellu System à la SA Lixxbail qui devra elle même les restituer à la SAS Cesam, aux frais de cette dernière.

La SASU A.C. [K] ne fournit aucune pièce justificative de la réalité de son préjudice à l'appui de sa demande en dommages-intérêts fondée sur les dispositions de l'article 1178 alinéa4 du Code civil. Celle-ci est donc rejetée.

La SA Lixxbail ne donne aucun motif valable pour échapper au remboursement des frais initiaux de dossier à concurrence de 435 € dont il est justifié qu'ils ont été réglés par la SASU A.C. [K].

Les primes d'assurance à concurrence de 954,80 €, dont elle a fait l'avance ne peuvent, en revanche lui être réclamées.

Au vu du décompte produit, prenant en compte le défaut de paiement de l'échéance du 12 décembre 2018, elle doit être condamnée à rembourser à la SASU A.C. [K] la somme de 34'462,62 €, outre celle de 435 €, au titre des frais initiaux de dossier.

En conséquence de l'annulation des trois contrats de vente susvisés la SAS Cesam doit être condamnée à rembourser à la SA Lixxbail les sommes de 31'600 + 36'900 + 34'900 = 103'400 € HT, soit 124 080 TTC.

La différence entre le prix de vente global, et les montants susvisés ne peut constituer le réel préjudice financier invoqué par la SA Lixxbail qui ne fournit aucun calcul précis et circonstancié de ce chef. Sa demande en dommages-intérêts formée pour la première fois en cause d'appel à ce titre est, en conséquence, rejetée.

Le jugement est confirmé, sauf en ce qui concerne:

- le montant remboursé par la SA Lixxbail à la SASU A.C. [K], dont les frais de dossier.

- le montant global du prix de vente remboursé par la SAS Cesam à la SA Lixxbail.

- la restitution des matériels.

Il y a lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile, au seul profit des intimées.

La partie perdante est condamnée aux dépens, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qui concerne:

- le montant remboursé par la SA Lixxbail à la SASU A.C. [K], dont les frais de dossier

- le montant global du prix de vente remboursé par la SAS Cesam à la SA Lixxbail.

- la restitution des matériels

Statuant à nouveau de ces chefs,

CONDAMNE la SA Lixxbail à payer à la SASU A.C. [K] la somme de 34 462,62 TTC, en remboursement des mensualités échues et celle de 435 €, au titre des frais initiaux de dossier.

CONDAMNE la SAS Cesam à payer à la SA Lixxbail la somme de 103'400 € HT, soit 124 080 TTC, en remboursement du prix des appareils dont la vente a été annulée.

Y ajoutant,

REJETTE la demande en dommages et intérêts pour préjudices financiers formée par la SA Lixxbail.

CONDAMNE la SAS Cesam à payer à la SASU A.C. [K], la somme de 3 000 €, en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS Cesam à payer à la SA Lixxbail,la somme de 2 000 €, en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

REJETTE la demande formée à ce titre par la SAS Cesam.

CONDAMNE la SAS Cesam aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 20/08858
Date de la décision : 02/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-02;20.08858 ?
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