COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-8a
ARRÊT AU FOND
DU 28 JUIN 2024
N°2024/176
RG 22/10571
N° Portalis DBVB-V-B7G-BJZQR
CARSAT DU SUD EST
C/
[I] [E]
Copie exécutoire délivrée
le 28 juin 2024 à :
-CARSAT DU SUD EST
- Monsieur [I] [E]
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 23 Juin 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 19/3056.
APPELANTE
CARSAT DU SUD EST, demeurant [Adresse 1]
représentée par Mme [L] [J] en vertu d'un pouvoir spécial
INTIME
Monsieur [I] [E], demeurant [Adresse 2]
comparant en personne
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Mai 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente
Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller
Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Juin 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Juin 2024
Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * * * * * * *
Par courrier daté du 1er juin 2018, la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Sud-Est (CARSAT) a notifié à M. [E] sa décision de lui attribuer une retraite personnelle à compter du 1er février 2018.
Par courrier du 4 juin 2018, reçu le 4 juillet suivant, M. [E] a formé un recours contre la décision de faire partir le bénéfice de sa pension de retraite à la date du 1er février 2018, devant la commission de recours amiable qui, dans sa séance du 10 janvier 2019, l'a rejeté.
Par courrier reçu le 25 mars 2019, M. [E] a élevé son recours devant le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille.
Par jugement rendu le 23 juin 2022, le tribunal a:
- débouté la CARSAT de sa demande tendant à ce que le recours de M. [E] soit déclaré irrecevable,
- fait droit à la demande de M. [E] tendant à ce que sa date d'entrée en jouissance de la pension de vieillesse servie par la CARSAT soit révisée,
- dit que la date d'entrée en jouissance de la pension vieillesse servie par la CARSAT doit être fixée le premier jour du mois suivant la réception de la demande de pension de vieillesse par la caisse nationale de sécurité sociale du Maroc, soit au 1er septembre 2016,
- dit que la date d'entrée en jouissance de la pension de vieillesse servie par la CARSAT à M. [E] doit être fixée au 1er septembre 2016,
- débouté la CARSAT de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la CARSAT aux dépens de l'instance.
Les premiers juges ont motivé leur décision sur le fait qu'aucun élément sur la demande de pension vieillesse adressée par l'assuré à la caisse nationale de sécurité sociale du Maroc ne permet de considérer que cette demande ne concernait que son activité professionnelle au Maroc; qu'en application de l'arrangement administratif général entre la France et le Maroc du 27 avril 2009, la date de la demande de pension vieillesse adressée à la caisse Marocaine doit être considérée comme étant la date d'introduction de la demande auprès de l'autorité compétente de
France, sauf si l'intéressé a expressément demandé que la liquidation de ses droits soit différée; qu'une telle demande de report ne figure pas sur la demande de pension de l'assuré, de sorte que la date à laquelle la caisse marocaine a reçu la demande de pension vieillesse doit être considérée comme étant la date à laquelle la demande a été introduite auprès de la caisse française.
Par courrier recommandé expédié le 20 juillet 2022, la CARSAT a interjeté appel du jugement.
A l'audience du 16 mai 2024, l'appelante reprend ses conclusions n°2. Elle demande à la cour de :
- infirmer le jugement,
- dire que la date d'effet de la retraite personnelle de M. [E] est régulièrement fixée au 1er février 2018,
- condamner M. [E] aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, la CARSAT explique que M. [E], domicilié au Maroc, a introduit une demande de pension auprès de la caisse nationale de sécurité sociale marocaine ( CNSS) le 17 janvier 2018 et que cette demande lui a été transmise par imprimé SE 350-13 reçu le 8 février 2018.
Elle fait valoir que la demande de M. [E] a faire fixer la date de départ de sa pension de retraite au 1er janvier 2017 comme l'ont fait les caisses ARRCO- AGIRC-PRO BTP pour sa retraite complémentaire est une nouvelle demande qui n'a pas été soumise à la commission de recours amiable et qui n'est pas fondée en ce que la demande de retraite complémentaire est sans emport sur la demande de retraite personnelle du régime général.
Elle considère, en outre, que les documents justifiant d'un dépôt d'une demande de retraite auprès de la caisse marocaine, ne concernent que le régime de sécurité sociale marocain pour l'activité exercée par l'intéressé au Maroc.
Elle se fonde sur l'article 22 de l'arrangement administratif général entre la France et le Maroc du 27 avril 2009 relatif aux modalités d'application de la convention de sécurité sociale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume du Maroc, prévoyant que la demande de pension personnelle pour l'obtention des droits en France doit être introduite devant la caisse nationale de sécurité sociale du Maroc laquelle se charge d'établir un formulaire spécial SE 350-13, pour démontrer que la date de présentation de la demande indiquée par la caisse marocaine sur le formulaire spécial, soit le 17 janvier 2018, est celle à laquelle la demande de pension de retraite est réputée avoir été déposée.
Elle ajoute qu'il résulte de la copie de la lettre du 12 novembre 2017 adressée par M. [E] à la caisse de sécurité sociale du Maroc, que celui-ci n'a expréssément sollicité la liquidation de ses droits au titre du régime français qu'à cette date et la caisse marocaine a transmis la demande à l'autorité compétente français lorsque la demande de l'intéressé a été établie en bonne et due forme, sans qu'il y ait à sous-entendre que la caisse marocaine aurait procédé à un envoi tardif.
Elle cite de la jurisprudence (Ccass 3 février 2011 n°10-13.617; Cass 25 janvier 2018 n°17-10.940)pour faire valoir que le point de départ de la retraite ne peut être fixé avant le dépôt de la demande règlementaire réalisée par le formulaire SE 350-13.
M. [E] reprend ses conclusions datées du 15 avril 2024. Il demande à la cour de confirmer le jugement.
Au soutien de sa prétention, M. [E] se fonde sur les dispositions de l'article 22 du règlement administratif portant application de la convention générale de sécurité sociale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume du Maroc pour faire valoir que la date d'introduction de sa demande est celle de la demande adressée à l'institution compétente dans l'Etat où il réside. Il se fonde notamment sur un avis d'attribution de la pension de vieillesse par la caisse marocaine dès le mois de septembre 2016 pour démontrer qu'il a présenté sa demande de retraite à la caisse marocaine le 18 août 2016, et fait valoir qu'il ne peut être tenu pour responsable du délai de transmission du dossier complet à l'autorité compétente en France. Il conteste avoir fait une nouvelle demande de retraite à la date du 17 janvier 2018 et considère que cette date indiquée par l'autorité compétente marocaine alors qu'elle même a admis avoir reçu un dossier complet dès le mois d'août 2016, ne fait que refléter les anomalies administratives dont la charge ne doivent pas lui incomber.
MOTIFS DE LA DECISION
Aux termes de l'article R.351-37 I : 'Chaque assuré indique la date à compter de laquelle il désire entrer en jouissance de sa pension, cette date étant nécessairement le premier jour d'un mois et ne pouvant être antérieure au dépôt de la demande. Si l'assuré n'indique pas la date d'entrée en jouissance de sa pension, celle-ci prend effet le premier jour du mois suivant la réception de la demande par la caisse chargée de la liquidation des droits à pension de vieillesse.'
En outre, selon l'article R.351-34 alinéa 1er du même code : 'Les demandes de liquidation de pension sont adressées à la caisse chargée de la liquidation des droits à prestations de vieillesse dans le ressort de laquelle se trouve la résidence de l'assuré ou, en cas de résidence à l'étranger, le dernier lieu de travail de l'assuré, dans les formes et avec les justifications déterminées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale (...)'
Enfin, l'article 22 de l'arrangement administratif général relatif aux modalités d'application de la Convention de sécurité sociale entre le Gouvenement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc, signée le 22 octobre 2007 à Marrakech, attrait à l'introduction et l'instruction des demandes de pension vieillesse. Il dispose que :
'1. L'intéressé qui sollicite le bénéfice d'une ou plusieurs pensions de vieillesse ou pensions de survivant en application de la convention adresse sa demande à l'institution compétente de l'État où il réside ou, s'il ne réside plus sur le territoire de l'un des deux États, à l'institution compétente de l'État où il a exercé en dernier lieu son activité, selon les modalités prévues par la législation qu'applique cette institution.
2. L'institution qui a reçu la demande transmet à l'institution compétente de l'autre État la "demande de pension de vieillesse" (formulaire SE 350-13) ou la "demande de pension de survivant" (formulaire SE 350-14) en indiquant la date à laquelle cette demande a été introduite, et en y joignant le relevé des périodes d'assurance établi sur l'"attestation concernant la carrière d'assurance" (formulaire SE 350-17) et, le cas échéant, le relevé mentionné au deuxième alinéa du paragraphe 3 de l'article 21du présent arrangement administratif.
Cette date est considérée comme la date d'introduction de la demande auprès de l'institution compétente de l'autre État, sauf si l'intéressé a demandé expressément que la liquidation de ses droits auprès de ladite institution soit différée.'
Il résulte de ces dispositions que la date à laquelle la demande de pension de vieillesse est réputée introduite auprès de la caisse d'assurance vieillesse française par un assuré résident au Maroc est
celle indiquée par l'institution compétente au Maroc sur le formulaire SE 350-13 de transmission de la demande.
En l'espèce, il résulte du formulaire SE 350-13transmis par la caisse nationale de sécurité sociale du Maroc à la CARSAT du Sud-Est le 9 février 2018, que l'institution compétente du Maroc a indiqué que la date de présentation de la demande de pension de vieillesse est le 17 janvier 2018.
Il s'en suit que la CARSAT est bien-fondée à liquider les droits de M. [E] à une pension de viellesse à compter du premier jour du mois suivant la date de dépôt de la demande, soit le 1er février 2018.
Le formulaire de demande de pension de vieillesse indiquant que M. [E] s'est présenté dans les bureaux de la caisse nationale de sécurité sociale du Maroc le 18 août 2016, l'attestation de vie en date du 1er septembre 2016, l'attestation de cessation d'activités datée du 1er août 2016, l'avis d'attribution d'une pension de vieillesse et l'attestation de bénéfice d'une pension, produits par M. [E], permettent de vérifier que celui-ci bénéficie bien d'une pension de vieillesse conformément aux dispositions du dahir, c'est-à-dire d'une pension de vieillesse au titre du régime marocain, à compter du 1er septembre 2016.
Il s'en suit qu'il est établi que M. [E] a bien déposé un dossier complet de demande de pension de vieillesse au titre du régime marocain avant le 1er septembre 2016.
Mais il n'est pas pour autant démontré, contrairement à ce qui est retenu par les premiers juges,
que M. [E] avait déposé sa demande de pension de vieillesse au titre du régime général français, dans les formes règlementaires, avant le 17 janvier 2018, date indiquée par l'institution compétente au Maroc.
En conséquence, c'est à tort que les premiers juges ont accueilli favorablement la contestation par M. [E], du point de départ de sa pension de viellesse au titre du régime général.
Le jugement sera infirmé et M. [E] sera débouté de ses prétentions.
En vertu de l'article 696 du code de procédure civile, M. [E], succombant à l'instance, sera condamné au paiement des dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par décision contradictoire,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau,
Déboute M. [E] de sa contestation de la date d'effet de sa pension de vieillesse due au titre du régime général,
Confirme la décision rendue par la CARSAT du Sud-Est le 1er juin 2018, et tendant à attribuer à M. [E] une pension de retraite à compter du 1er février 2018,
Condamne M. [E] au paiement des dépens de la première instance et de l'appel.
La greffière La présidente