COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-8a
ARRÊT AU FOND
DU 28 JUIN 2024
N°2024/175
RG 22/05396
N° Portalis DBVB-V-B7G-BJG2H
CPAM BOUCHES DU RHONE
C/
[V] [U] épouse [T]
[D] [T]
Copie exécutoire délivrée
le 28 juin 2024 à :
-CPAM BOUCHES DU RHONE
- Monsieur [D] [T]
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 10 Mars 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 18/00845.
APPELANTE
CPAM BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 4]
dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée à l'audience
INTIMEE
Madame [V] [U] épouse [T] est décédée, demeurant [Adresse 2]
décédée
PARTIE INTERVENANTE
Monsieur [D] [T], ayant-droit de Madame [V] [U] épouse [T] [Adresse 1]
comparant en personne
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Mai 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente
Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller
Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Juin 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Juin 2024
Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * * * * * * *
La caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône a versé à [Y] [T] des indemnités journalières sur la période du 1er octobre 2010 au 28 octobre 2011 alors qu'il bénéficiait d'une pension de retraite depuis le 1er octobre 2010.
Par courrier du 14 décembre 2011, la caisse a adressé à son assuré la notification d'un indu d'indemnités journalières d'un montant de 14.208,56 euros.
Par lettre recommandée avec accusé de réception retourné signé le 3 mai 2012, la caisse a mis en demeure [Y] [T] de lui payer la somme de 14.208,56 euros au titre de l'indu d'indemnités journalières.
Des retenues mensuelles ont été mises en place de janvier à mai 2014 et la caisse primaire d'assurance maladie a formé un recours devant la tribunal des affaires de sécurité sociale par déclaration au greffe en date du 2 décembre 2013, pour faire constater sa créance à l'égard de [Y] [T]. Celui-ci est décédé le 5 mai 2014 et la caisse primaire d'assurance maladie s'est désistée de son action contre lui.
Par lettre recommandée avec accusé de réception retourné signé le 29 janvier 2015, la caisse a mis [V] [T], veuve de [Y] [T], en demeure de payer la somme de 13.600,70 euros au titre du solde de l'indu d'indemnités journalières versées à son défunt époux.
Des retenues sur prestations de la [3] à [V] [T] ont été effectuées à compter du 1er décembre 2016.
Par courrier simple reçu le 23 janvier 2018, la caisse a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône afin d'obtenir la condamnation de [V] [T] à lui payer la somme de 5.979,95 euros au titre du solde de l'indu d'indemnités journalières.
Par jugement réputé contradictoire, rendu le 10 mars 2022, le tribunal judiciaire de Marseille ayant repris l'instance a :
- confirmé la notification d'indu en date du 14 décembre 2011 relative au versement à tort d'indemnités journalières pour la période du 1er octobre 2010 au 28 octobre 2011 au motif que [Y] [T] bénéficiait d'une pension d'assurance vieillesse depuis le 1er octobre 2010,
- débouté la caisse primaire d'assurance maladie de sa demande en condamnation de [V] [T] au remboursement de la somme de 5.979,95 euros au titre du solde de l'indu d'indemnités journalières,
- condamné la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône au dépens de l'instance.
Les premiers juges motivent leur décision de débouté, par le défaut, pour la caisse, de rapporter la preuve de l'acceptation de la succession de son époux par [V] [T].
Par courrier recommandé expédié le 8 avril 2022, la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône a interjeté appel du jugement.
Entretemps, [V] [T] est décédée le 5 janvier 2022 et la caisse primaire d'assurance maladie a fait citer M. [D] [T], son fils, en intervention forcée, aux fins d'obtenir le remboursement du solde de l'indu d'indemnités journalières auprès de lui.
A l'audience du 5 octobre 2023, la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, bien que régulièrement convoquée par courrier recommandé du greffe de la cour expédié le 13 janvier 2023, et reçu au plus tard le 6 mars suivant, date du courriel par lequel la caisse a fait connaître son intention de faire citer M. [T] pour cette audience, n'a pas comparu.
M. [T], comparant, a demandé oralement la confirmation du jugement. Il a fait valoir que [V] [T], sa mère, a renoncé à la succession de son défunt époux et qu'il entendait lui-même renoncer à la succession de son père en son nom propre et celui de ses enfants mineurs.
En cours de délibéré, la cour a pris connaissance de la demande de dispense de comparaître à l'audience du 5 octobre, présentée par courriel adressé au greffe de la cour le 2 octobre 2023, par la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
Par arrêt avant-dire droit du 23 novembre 2023, la présente cour a ordonné la réouverture des débats aux fins d'inviter M. [T] à communiquer à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône toutes les pièces, notamment la justification de la renonciation à succession de [Y] [T] par [V] [T] et par lui-même, dont il se prévaut au soutien de sa demande de confirmation du jugement.
A l'audience du 16 mai 2024, la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, dispensée de comparaître, se réfère aux conclusions n°4 notifiées à la partie intimée par mail du 13 mai 2024. Elle demande à la cour :
à titre principal,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande tendant à la condamnation de [V] [U] veuve [T] à lui payer la somme de 5.979,95 euros au titre du solde de l'indu représentatif des indemnités journalières induement servies à [Y] [T] du 1er octobre 2010 au 28 octobre 2011,
- condamner, à titre reconventionnel, M. [D] [T] à lui rembourser la somme de 5.979,95 euros correspondant au solde de l'indu représentatif des indemnités journalières indument servies à [Y] [T] du 1er octobre 2010 au 28 octobre 2011,
- débouter M. [D] [T] de ses prétentions,
à titre subsidiaire, si la renonciation de M. [D] [T] à la succession de son père [Y] [T] était établie,
- la recevoir en ses conclusions et demande d'intervention de M. [D] [T] pris en sa qualité de représentant légal des enfants mineurs [C] [T], [F] [T] et [J] [T],
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande tendant à la condamnation de [V] [U] veuve [T] à lui payer la somme de 5.979,95 euros au titre du solde de l'indu représentatif des indemnités journalières indument servies à [Y] [T] du 1er octobre 2010 au 28 octobre 2011,
- condamner, à titre reconventionnel,M. [D] [T], en sa qualité de représentant légal de l'enfant mineur [C] [T] à lui rembourser la somme de 1.993,32 euros correspondant à la quotité de la somme de 5.979,95 euros correspondant au solde de l'indu représentatif des indemnités journalières indument servies à [Y] [T] du 1er octobre 2010 au 28 octobre 2011, réparti sur les trois héritiers de [Y] [T],
- condamner, à titre reconventionnel,M. [D] [T], en sa qualité de représentant légal de l'enfant mineur [F] [T] à lui rembourser la somme de 1.993,32 euros correspondant à la quotité de la somme de 5.979,95 euros correspondant au solde de l'indu représentatif des indemnités journalières indument servies à [Y] [T] du 1er octobre 2010 au 28 octobre 2011, réparti sur les trois héritiers de [Y] [T],
- condamner, à titre reconventionnel,M. [D] [T], en sa qualité de représentant légal de l'enfant mineur [J] [T] à lui rembourser la somme de 1.993,32 euros correspondant à la quotité de la somme de 5.979,95 euros correspondant au solde de l'indu représentatif des indemnités journalières indument servies à [Y] [T] du 1er octobre 2010 au 28 octobre 2011, réparti sur les trois héritiers de [Y] [T],
- débouté M. [D][T] de ses prétentions.
Au soutien de ses prétentions, la caisse fait valoir que la jurisprudence considère que l'héritier désigné par la loi est saisi de plein droit des biens du défunt et qu'il est tenu des dettes de la succession (Soc 19 juin 1980 n°78-14.715; Civ 1ère 7 juin 2006 n°04-10.594; Civ 2ème 9 avril 2009 n°08-14.835; Civ 1ère 19 septembre 2019 n°18-18.433). Elle considère que contrairement à ce qui a été retenu par les premiers juges, il appartenait à [V] [T] de démontrer qu'elle avait renoncé à la succession de son défunt époux et non à la caisse de justifier de l'acceptation pure et simple de la succession par la veuve héritière. Elle ajoute que [V] [T] ne s'étant pas opposée aux retenues opérées sur la pension de retraite versée par la [3], l'acceptation de la succession pouvait s'en déduire. Elle en conclut que le jugement doit être infirmé.
Elle fait valoir que si M. [D] [T] a justifié de la renonciation à la succession de sa mère [V] [T], elle n'a pas pu visualiser la pièce par laquelle il se pévalait de la renonication à la succession de son père [Y] [T].
Elle continue en indiquant que si cette dernière renonciation était établie, il résulte des dispositions de l'article 735 du code civil que si l'enfant renonce à la succession, ses descendants succèdent au défunt, sauf à ce qu'eux mêmes aient à leur tour renoncé à la succession, de sorte que M. [D] [T] devrait être tenu au paiement de la dette en sa qualité de représentant légal de ses enfants mineurs.
M. [D] [T] produit à l'audience la copie d'un récépissé de dépôt d'une déclaration de renonciation à succession de son père [Y] [T], délivrée le 26 janvier 2024. Il demande à la cour de confirmer le jugement et de débouter la caisse de ses prétentions.
Il fait valoir qu'il a justifié, auprès de la caisse, de sa renonciation à la succession de son père [Y] [T] et de sa renonciation à la succession de sa mère [V] [U] par mail du 26 avril 2024. Il explique que ses démarches pour faire renoncer ses enfants à la succession de leur grands parents sont en cours.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande prinicpale en remboursement de l'indu d'indemnités journalières versées à [Y] [T], présentée à l'encontre de M. [D] [T], son fils
Aux termes de l'article 756 du code civil : 'Le conjoint successible est appelé à la succession, soit seul, soit en concours avec les parents du défunt.'
Aux termes de l'article 735 du code civil : 'Les enfants ou leurs descendants succèdent à leurs père et mère ou autres ascendants, sans distinction de sexe, ni de primogéniture, même s'ils sont issus d'unions différentes.'
En outre aux termes de l'alinéa 1er de l'article 724 du même code : 'Les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt.'
Il s'en suit que la caisse a raison de considérer que les premiers juges ont inversé la charge de la preuve en exigeant de la caisse qu'elle rapporte la preuve de l'acceptation de la succession de l'assuré débiteur, [Y] [T], par sa veuve, [V] [U].
En réalité, il appartenait à [V] [U] veuve [T], héritière désignée par la loi, qui contestait devoir rembourser la dette de son défunt époux, de justifier de sa renonciation à la succession de celui-ci.
Il s'en suit que le jugement qui a débouté la caisse de sa demande en remboursement présentée à l'encontre de [V] [U] veuve [T] n'est pas bien fondé et cette mention du jugement sera infirmée.
Compte tenu du décès de [V] [U] en cours d'instance, le 5 janvier 2022, la demande en remboursement formée par la caisse à l'encontre de [V] [U] est sans objet.
En revanche, compte tenu de l'intervention forcée de son fils [D] [T], qui, à son tour, conteste devoir rembourser la dette de son père [Y] [T], il convient de vérifier si celui-ci justifie de sa renonciation à la succession de ses père et mère.
Or, il résulte de la renonciation à sucession établie le 15 juin 2023 par le greffe du tribunal judiciaire de Marseille que M. [D] [T] a renoncé à la succession de sa mère [V] [U] veuve [T].
De même, il résulte de la copie d'un récépissé de dépôt d'une déclaration de renonciation à succession délivrée le 26 janvier 2024, que M. [D] [T] a renoncé à la succession de son père [Y] [T], décédé le 5 mai 2014.
Il s'en suit que la caisse primaire d'assurance maladie n'est pas bien fondée à poursuivre le recouvrement de la dette d'indu d'indemnités journalières de son assuré décédé, [Y] [T], auprès de son fils [D] [T].
Elle sera déboutée de sa demande en ce sens.
Sur la recevabilité de la demande subsidiaire en remboursement de l'indu d'indemnités journalières versées à [Y] [T], présentée à l'encontre des enfants mineurs de M. [D] [T]
L'article 122 du code de procédure civile dispose que : 'Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.'
En outre, aux termes de l'article 68 du code de procédure civile : 'Les demandes incidentes sont formées à l'encontre des parties à l'instance de la même manière que sont présentés les moyens de défense.Elles sont faites à l'encontre des parties défaillantes ou des tiers dans les formes prévues pour l'introduction de l'instance. En appel, elles le sont par voie d'assignation.'
En l'espèce, la caisse primaire d'assurance maladie a présenté une demande incidente à l'encontre des trois enfants mineurs de M. [D] [T] en leur qualité d'héritiers de son assuré décédé [Y] [T].
Si M. [D] [T] est déjà partie à la procédure en son nom propre, en revanche, il est tiers à la procédure en sa qualité de représentant légal de ses enfants mineurs [C] [T], [F] [T] et [J] [T].
Il s'en suit que la demande en intervention forcée de M. [T], en sa qualité de représentant légal de ses enfants, doit être présentée par voie d'assignation conformément à l'article 68 du code de procédure civile.
A défaut pour la caisse d'avoir assigné M. [D] [T] en qualité de représentant légal des enfants mineurs [C] [T], [F] [T] et [J] [T], aux fins d'intervention forcée, la cour n'est pas régulièrement saisie des demandes en remboursement de la dette formées à leur encontre et M. [D] [T], comparant en son nom personnel, n'a pas qualité pour représenter ses enfants en défense de la demande de remboursement présentée à leur encontre par la caisse.
Cette demande subsidiaire de la caisse sera donc déclarée irrecevable.
Sur les dépens de l'instance
La caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, succombant à l'instance, sera condamnée au paiement des dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par décision contradictoire,
Infirme le jugement en ce qu'il a débouté la caisse primaire d'assurance maladie de sa demande en condamnation de [V] [T] au remboursement de la somme de 5.979,95 euros au titre du solde de l'indu d'indemnités journalières versées à son défunt époux [Y] [T] du 1er octobre 2010 au 28 octobre 2011,
Statuant à nouveau,
Déboute la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône de sa demande principale en condamnation de M. [D] [T] au remboursement de la somme de 5.979,95 euros au titre du solde de l'indu d'indemnités journalières versées à son défunt père, [Y] [T], du 1er octobre 2010 au 28 octobre 2011 ,
Déclare irrecevable la demande subsidiaire en remboursement de trois sommes de 1.993,32 euros chacune, au titre du solde de l'indu d'indemnités journalières versées à [Y] [T], du 1er octobre 2010 au 28 octobre 2011, présentée par la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône contre M. [D] [T] en sa qualité de représentant légal des enfants mineurs [C] [T], [F] [T] et [J] [T],
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône au paiement des dépens de l'appel.
La greffière La présidente