COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 28 JUIN 2024
N° 2024/185
Rôle N° RG 21/17006 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIPQI
[Z] [I]
C/
S.N.C. DARTY GRAND EST
Copie exécutoire délivrée
le :
28 JUIN 2024
à :
Me Jacqueline LESCUDIER, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Françoise BOULAN de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 25 Octobre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 18/02194.
APPELANT
Monsieur [Z] [I], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Jacqueline LESCUDIER, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
S.N.C. DARTY GRAND EST prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège , demeurant [Adresse 8]
représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Nicolas LEGER, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 13 Mai 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme Emmanuelle CASINI, Conseillère , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseillère
Mme Emmanuelle CASINI, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Juin 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Juin 2024,
Signé par Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
La SNC Darty Grand Est (DGE) est spécialisée dans la vente de biens électroménagers et de matériels informatiques et audiovisuels. Elle appartient au Groupe FNAC DARTY.
Monsieur [Z] [I] a été engagé par la société DARTY GRAND EST suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er octobre 1986, en qualité de technicien TV, statut EOT.
Un premier avenant a été signé le 01 juillet 2003, pour lequel Monsieur [I] était technicien extérieur et bénéficiait d'un coefficient 190 position D - nouvelle classification 2-3-salaire de base : 1.181,45 euros + CDS +primes.
Un second avenant a été signé le 01 juillet 2016 suivant lequel sa fonction était technicien, catégorie employé, position III, échelon 3, sa rémunération étant constituée d'une partie fixe de 1.610 euros à laquelle venait s'ajouter une partie variable liée à la performance au cours du mois. Il pouvait être amené, en fonction des nécessités de l'entreprise, à être affecté à tout établissement de la société DARTY GRAND EST dans les départements 06-11-13-30-34-66-83-84.
La Société DARTY GRAND EST a défini un projet 'd'évolution de l'organisation de son service après-vente' emportant la création de 18 postes et la suppression de 102 postes.
Un accord majoritaire portant sur le contenu plan du Plan de Sauvegarde de l'Emploi (PSE) a été conclu le 30 novembre 2017 avec les organisations syndicales représentatives (CAT, CFE-CGC et CFTC).
Par courrier du 5 décembre 2017, la Société DARTY GRAND EST a informé Monsieur [I] de son rattachement à la catégorie professionnelle « Technicien / Atelier » au sein de laquelle des suppressions de postes étaient prévues, de la possibilité de se porter volontaire, entre le 15 janvier 2018 et le 9 mars 2018, à une mobilité interne au sein du Groupe FNAC DARTY ou à un départ externe dans le cadre d'un projet défini (formation qualifiante ou de reconversion, création ou reprise d'entreprise, embauche à l'externe, départ effectif à la retraite, projet associatif ou humanitaire, inscription à un concours administratif), des postes de reclassement interne disponibles au sein du Groupe et des mesures sociales et du dispositif d'accompagnement.
Le 18 décembre 2017, l'Administration a validé le Plan de Sauvegarde de l'Emploi.
Le Salarié ne s'est pas porté candidat à l'une des mesures prévues durant la phase de volontariat.
Il a été en arrêt de travail continu pour état dépressif à compter du 30 décembre 2017.
Par courriers en date des 5, 12, 27 février et des 7 et 12 mars 2018, il a reçu plusieurs propositions de reclassement interne et n'a pas souhaité y donner suite.
Par courrier en date du 16 avril 2018, la société DARTY GRAND EST a notifié à Monsieur [I] son licenciement pour motif économique comme suit ' Nous vous informons que nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour motif économique.
Cette mesure s'inscrit dans le cadre d'une procédure de licenciement collectif pour motif économique engagée au sein de la société Darty GRAND EST mise en oeuvre en raison de l'évolution de l' organisation du service après-vente au sein du groupe Fnac Darty.
Au terme de cette procédure, un accord sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi a été conclu le 30 novembre 2017 avec les organisations syndicales, après avis favorable du comité d'entreprise en date du 30 novembre 2017, puis validé par l'autorité administrative en date du 18 décembre 2017.Les raisons justifiant votre licenciement pour motif économique (motif économique détaillé dans le cadre duLivre II et repris de manière synthétique ci-dessous) sont les suivantes:
L'enseigne Darty doit faire face à de profondes mutations de son marché et des modes de consommation.Ainsi, bien qu'ils finalisent leurs achats sur un canal de vente unique, les consommateurs utilisent désormais généralement différentes sources d'information (internet ou magasins) pour affiner leurs intentions d'achat.Il en résulte que l'acte d'achat n'est donc plus le monopole des enseignes physiques. Ces schémas pluricanaux doivent permettre aux clicks and mortar de comprendre les intentions du client pour le mener vers une offre qui lui correspond. Darty n' a donc plus affaire à un consommateur isolé, mais à un groupesolidaire, nécessitant une expérience client irréprochable. Ces nouveaux parcours nécessitent donc de replacer l'expérience client au c'ur de la stratégie de distribution. Il en résulte que la société doit adapter son schéma de vente en prenant en compte le parcours effectué par les consommateurs pour accéder à ses produits, afin d'offrir la meilleure expérience d'achat possible. Dans le schéma de vente global, le Service Après- Yente (SAV) constitue un aspect fondamental de la relation avec le client. En effet, face à des consommateurs de plus en plus exigeants, les entreprises doivent rechercher perpétuellement à optimiser leur modèle de SAV dans le but de se différencier de leurs concurrents et de proposer une offre de qualité alliant rapidité, efficacité et personnalisation (livraison rapide, ou encore mise en service des appareils).
Dans ce contexte, et face à la forte intensité concurrentielle de son secteur d'activité, le groupe est dans l'obligation d'améliorer continuellement son SAV, tant en matière de rapidité d'intervention que de délai de réparation afin d'en faire un vrai levier permettant de se différencier et de développer la création de valeur.
Il en résulte que le Groupe se voit dans l'obligation de s'adapter et de revoir son offre de services, et particulièrement son SAV, afin d'améliorer l'expérience client pour lui permettre de sauvegarder sa compétitivité.
En effet, l'accroissement de la pression concurrentielle a pour effet d'accentuer la pression sur les prix ayant pour conséquence une baisse du chiffre d'affaires et un recul de la marge. Ainsi, il est anticipé une dégradation de 1 ,5% du chiffre d'affaires du Groupe entre 2016 et 2019.
La marge du Groupe dans le monde connaitrait une dégradation (-1,4% entre 2016-2019). Ce recul serait encore plus important au niveau de la France (-2,8% sur la même période).
Conséquemment le résultat opérationnel du Groupe se dégraderait fortement sur la période 2016-2019. Cette dégradation est d'autant plus préjudiciable que le Groupe doit maintenir un niveau d'investissement minimum pour soutenir son activité (rénovation/rafraîchissement des points de vente, maintien opérationnel des sites web, entretien des entrepôts logistiques, mise aux normes de sécurité, etc.). Sur la période 2015-2019, le Groupe doit ainsi maintenir un niveau d'investissement d'environ 100 à 115 millions d'euros chaque année, soit plus de 550 millions d'euros cumulés sur la période. La contraction des résultats associée à la politique d'investissement a pour conséquence une importante dégradation de la capacité d'autofinancement qui, sur la période 2015-2019, chutent de 43% au niveau du Groupe.
En conséquence, le Groupe se trouve dans une situation de marché où ilest essentiel de gagner en flexibilité afin de s'adapter rapidement pour résiser aux concurrents et, la transformation du SAV, vise à poursuivre cet objectif, indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de la société et du groupe auquel elle appartient.
Dans ce contexte, la transformation du SAV s'articule autour de deux axes.
Il s'agit, en premier lieu, de poursuivre l'amélioration de la qualité de service sur l'intervention à domicile, grâce au regroupement des 12 magasins de pièces détachées au sein d'un magasin unique situé à [Localité 10].Ce projet permettrait d'optimiser la gestion des pièces détachées en disposant notamment d'une plus importante profondeur de stock, soit 16000 références correspondant à l'ensemble des références demandées au moins une fois sur les deux dernières années, tout en assurant la livraison des pièces à J+I sur l'ensemble du territoire et, de ce fait, être en mesure d'assurer une réparation chez le client dès la première visite dans le plus grand nombre de cas.
Il s'agit en second lieu, de poursuivre l'adaptation des ateliers centraux de réparation et GRF. Depuis 2 ans, la priorité a été mise sur le SAV en magasin et l'assistance par téléphone afin d'améliorer la satisfaction client et la rapidité de réparation, avec un grand succès. Au regard de la baisse continue des volumes de produits ELA à réparer en atelier qui en résulte, il est envisagé de mutualiser leur réparation sur 4 sites ([Localité 2], [Localité 9], [Localité 4], [Localité 7]) afin d'en optimiser le fonctionnement. Ce projet permettrait en outre d'améliorer les délais moyens de réparation en atelier central. En parallèle, les organisations GRF ELA seraient adaptées au nouveau maillage atelier.
L'évolution du modèle de gestion des ateliers de réparation et des pièces détachées dotera le Groupe de moyens qui lui donneront la possibilité de répondre plus efficacement aux demandes de ses clients, grâce à une offre de services de premier rang et un parcours client plus flexible.Ainsi, la transformation du SAV vise à renforcer la performance opérationnelle du groupe ce qui en fait la force aujourd'hui.
La rationalisation de la gestion des pièces détachées, ainsi que la mutualisation des ateliers de réparation sont donc essentielles pour permettre au groupe de sauvegarder sa compétitivité.
La mise en 'uvre de ces orientations nécessite une réorganisation et une adaptation des effectifs de la société entrainant la suppression de 102 postes, dont le poste de technicien que vous occupez au sein du site de [Localité 5] la Valbarelle.
Conformément aux dispositions des articles L.1233-4 et L.1233-4-1 du code du travail, nous avons recherché toutes les solutions de reclassement possibles.
Ainsi, nous vous avons proposé, par courrier en date du 12 mars 2018 des offres précises et écrit concernant plusieurs postes de reclassement. Vous n'avez pas répondu à ce courrier dans le délai d'un mois imparti, en matérialisant ainsi votre refus d'accepter l'ensemble de ces propositions de reclassement.
En conséquence, nous sommes malheureusement contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour motif économique, pour les raisons ci-dessus exposées.(...)'
Au terme de son congé de reclassement, le 16 juillet 2019, le salarié a perçu des indemnités de rupture pour un montant total de 39.514,21 euros nets.
Par requête en date du 23 octobre 2018, Monsieur [Z] [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins de solliciter des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et pour discrimination et inégalité de traitement, ainsi que pour contester le lienciement économique intervenu, et solliciter l'indemnisation de son préjudice à ce titre.
Le syndicat CFDT Commerces et Services des Bouches-du-Rhône est intervenu volontairement à l'instance sollicitant, à cette occasion, des dommages et intérêts à hauteur de 30.000 euros.
Par jugement en date du 25 octobre 2021, le conseil de prud'hommes de Marseille a :
Déclaré irrecevable l'intervention volontaire du syndicat CFDT Commerces et Services des Bouches-du-Rhône ;
Dit que le licenciement du salarié repose sur un motif économique constitué ;
Dit que la société DARTY GRAND EST (DGE) a parfaitement rempli son obligation de reclassement individuel ;
Dit que le licenciement du salarié n'est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Jugé que la société DGE a exécuté de manière loyale et de bonne foi le contrat de travail du salarié;
Débouté Monsieur [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Débouté le syndicat CFDT Commerces et Services de l'ensemble de ses demandes ;
Condamné le salarié aux entiers dépens.
Monsieur [Z] [I] a interjeté appel du jugement par déclarations d'appel en date du 3 décembre 2021.
Ses deux déclarations d'appel ont été enregistrées par la cour d'appelsous les numéros RG n°21/17006 et 21/17008.
Par ordonnance du 10 janvier 2022, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction de l'instance n° 21/17008 avec l'instance 21/17006 sous le seul numéro RG 21/17006.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 mars 2022, Monsieur [Z] [I] demande à la cour :
D'Infirmer, Réformer et ou Annuler le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de ses contestations et demandes suivantes :
Juger que le salaire moyen mensuel brut sur la base des trois derniers mois de salaires est de 2.600 euros ;
Juger que la Société DARTY GRAND EST n'a pas respecté ses obligations contractuelles au titre de l'exécution du contrat de travail ;
Juger que le licenciement économique est nul, à tout le moins dénué de toute cause réelle et sérieuse ;
Juger que le plan social fondé sur un motif économique inexistant et non établi est lui-même infondé illégitime et irrégulier ;
Juger que le reclassement interne n'a pas été respecté par la Société DARTY GRAND EST ;
Subsidiairement,
Juger que la société DARTY GRAND EST n'a pas respecté la recherche de reclassement de manière loyale et exhaustive ;
Statuant à nouveau :
Condamner la Société DARTY GRAND EST au paiement des indemnité suivantes :
Au titre de l'exécution contractuelle :
-Régularisation de primes (nov 2016 à décembre 2017 : 1.440 euros)
-Dommages et Intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail : 20.000 euros
-dommages et intérêts pour discrimination et inégalité de traitement : 20.000 euros
Au titre de la rupture du contrat de travail:
Dommages et Intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 83.200.00 euros
- Dommages et Intérêts pour violation de la mobilité interne : 20.000 euros
Subsidiairement, au titre du non-respect de la recherche de reclassement :
- Dommages et Intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 83.200.00 euros
Prononcer les intérêts courants à compter de la décision à intervenir prononcer la capitalisation de ces mêmes intérêts ;
Condamner la Société DARTY GRAND EST au paiement d'une somme de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles prévus par l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu' aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 1er juin 2022, la société DARTY GRAND EST demande à la cour de :
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de
Marseille le 25 octobre 2021, notamment en ce qu'il a :
Dit que le licenciement du salarié repose sur un motif économique constitué ;
Dit que la Société a parfaitement rempli son obligation de reclassement individuel ;
Dit que le licenciement n'est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Dit qu'elle a exécuté de manière loyale et de bonne foi le contrat de travail de Monsieur [I] ;
Et en conséquence, en ce qu'il a :
Débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Et l'a condamné aux entiers dépens.
Débouter Monsieur [I] de l'ensemble de ses demandes ;
Le condamner aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître Françoise BOULAN, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, Avocats associés, aux offres de droit.
La procédure a été clôturée suivant ordonnance du 6 mai 2024.
MOTIFS DE L'ARRET
A titre liminaire, la cour constate qu'elle n'est pas saisie de l'intervention volontaire du syndicat CFDT Commerces et Services des [Localité 3].
Sur l'exécution du contrat de travail
Sur le rappel de primes
Monsieur [Z] [I] demande à la cour de condamner la société DARTY GRAND EST à lui verser une somme de 1.440 euros au titre de la régularisation de sa prime variable 'activité diverses', dont il soutient que le montant a été diminué par l'employeur sans raison entre novembre 2016 et décembre 2017.
La société DARTY GRAND EST estime que le salarié n'apporte pas d'éléments pour justifier sa demande.
***
Le versement des gratifications contractuelles est obligatoire au même titre que le salaire lui même. Elles ne peuvent donc être réduites au supprimées par l'employeur qu'avec l'accord du salarié. L'employeur doit justifier des conditions d'attribution des primes contractuelles.
Il résulte de l'avenant au contrat de travail de Monsieur [I] en date du 01 juillet 2016 que sa rémunération est constituée d'une partie variable liée à la performance au cours du mois.
Le salarié verse aux débats ses bulletins de salaire de janvier 2016 à mars 2018 inclus faisant apparaitre le versement d'une prime 'act diverses' dont le montant a varié chaque mois, oscillant entre 465 euros en janvier 2016, 434 euros en septembre 2016, 401,40 euros en octobre 2016, 341 euros en novembre 2016 pour atteindre 390 euros d'avril 2017 jusqu'à mars 2018.
Il résulte de ces éléments, une baisse de la prime variable de Monsieur [I] à compter du mois de novembre 2016.
L'employeur n'ayant ni recueilli l'accord du salarié sur cette diminution, ni précisé les conditions d'attribution de cette gratification contractuelle, il y a lieu de faire droit à la demande du salarié qui sollicite le paiement d'un rappel de prime de 1.440 euros.
Dès lors, il convient d'infirmer la décision du conseil de prud'hommes ayant rejeté sa demande de rappel de primes.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail
Monsieur [I] estime que la société DARTY s'est montrée fautive à son égard durant l'exécution de la relation contractuelle, en le mutant de poste en poste de façon incessante depuis 2014 ce qui a contribué à bloquer son évolution de carrière et en diminuant sa rémunération depuis novembre 2016 alors même qu'il a acquis plus de 34 ans d'ancienneté sans aucun signalement, ni rappel à l'ordre. Il fait valoir à ce titre qu'il a été affecté en 2015 au poste de technicien pour des réparations rapides, puis en 2016 au poste de technicien vidéo; qu'en janvier 2017, sa voiture de fonction mise à disposition pour ses interventions extérieures, lui a été retirée entrainant une baisse de sa rémunération portée sur la baisse de ses primes, qu'il a saisi le syndicat, cette saisine l'ayant pénalisé, son responsable l'ayant mis à l'écart, qu'il a ensuite été affecté dans un autre atelier petit électroménager, qu'étant en arrêt pour accident du travail depuis mai 2017, il n'a appris la fermeture du site qu'en septembre 2017 et a été en arrêt maladie pour syndrôme anxio dépressif réactionnel à compter du 30 décembre 2017.
La société DARTY Grand Est indique que le salarié ne démontre pas les prétendus manquements dans l'exécution du contrat de travail dont il fait état, ni le lien de causalité avec son arrêt de travail pour syndrôme anxio dépressif, étant précisé que toute procédure de licenciement pour motif économique est génératrice de stress, sans que cela ne constitue de la part de l'employeur une exécution fautive du contrat de travail.
***
Si Monsieur [I] allègue des 'mutations incessantes' ayant contribué au 'blocage de sa carrière', le retrait de sa voiture de fonction et une mise à l'écart de la part de son responsable, il n'apporte pas d'éléments à l'appui de ses affirmations (courriers au syndicat, échange de mails, notes internes par exemple).
Cependant, il est avéré que l'employeur a diminué sa rémunération variable de manière continue depuis le mois de novembre 2016 sans raison objective, ce qui constitue, à défaut de toute explication émanant de la société DARTY GRAND EST, une inexécution fautive du contrat de travail.
Monsieur [I] verse aux débats un certificat médical du docteur [M] en date du 5 décembre 2017 faisant état d'un syndrôme anxio dépressif, ainsi que d'un arrêt de travail du 30 décembre 2017 mentionnant un état dépressif sévère.
S'il ne peut être contesté que ces éléments médicaux font en partie suite à l'annonce de son licenciement économique, dont il dit avoir été avisé en septembre 2017, ils témoignent du préjudice moral subi par le salarié, auquel la baisse de sa rémunération a également contribué.
Il convient dès lors d'infirmer la décision du conseil de prud'hommes et de condamner l'employeur à verser à l'appelant une somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.
Sur la discrimination et l'inégalité de traitement
Monsieur [I] évoque le fait qu'il a été considéré de manière opportune comme faisant partie du site qui a été fermé et qui a concerné le licenciement de nombreux salariés; qu'il a été rétrogradé dans ses fonctions et a subi une baisse de sa prime variable sans aucune raison sérieuse; qu'il a ainsi fait l'objet d'une différence de traitement qu'il convient d'indemniser.
La société DARTY GRAND EST réplique que l'appelant n'apporte aucun document au soutien de ses allégations concernant un éventuelle discrimination ou inégalité de traitement; que le climat d'incertitude quant à l'avenir de certains emplois ne peut constituer par nature, un manquement de l'employeur; qu'elle a en tout état de cause mis en oeuvre un dispositif d'accompagnement au soutien de ses salariés (notamment mobilisation de l'ensemble des acteurs de la santé, soutien psychologique, renforcement de la communication
tel qu'il a été développé dans la note d'information remise au CHSCT-pièce individuelle n°12).
***
A titre liminaire, la cour observe que Monsieur [I] n'énonce pas le motif à raison duquel il aurait subi une discrimination au sens de l'article L.1132-1 du code du travail.Aucune discrimination directe ou indirecte ne peut donc être retenue.
S'agissant de l'inégalité de traitement, il résulte du principe " à travail égal, salaire égal" que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.
Il appartient au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.
Si Monsieur [I] établit une baisse de sa rémunération variable à compter du mois de novembre 2016, il ne verse aucun élément témoignant d'une 'rétrogradation' et, en tout état de cause, ne se compare pas à d'autres techniciens en versant notamment aux débats leurs bulletins de paie permettant de vérifier que le montant de leur prime variable n'aurait pas subi une baisse.
Ainsi, en l'absence d'éléments de comparaison concernant la rémunération d'autres techniciens du service après vente de la société DARTY Grand Est, placés dans une situation identique, la cour constate que les éléments de faits présentés par Monsieur [Z] [I] sont insuffisants pour permettre de présumer une inégalité de rémunération.
Il s'ensuit que l'inégalité de traitement n'est pas établie.
La demande de dommages et intérêts pour discrimination et inégalité de traitement sera en conséquence rejetée et la décision du conseil de prud'hommes sera confirmée de ce chef.
Sur la rupture du contrat de travail
Sur le motif économique
Monsieur [I] fait valoir, qu'alors que le motif invoqué pour procéder aux licenciements économiques collectifs est la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, la société DARTY ne justifie pas d'une menace sur la compétitivité de l'entreprise. Il expose que les chiffres présentés en septembre 2017 au comité d'entreprise pour justifier le réaménagement du service après vente, se sont avérés faux 5 mois après leur présentation dans le plan de sauvegarde et alors que les salariés n'avaient pas encore reçu leur lettre de licenciement , si bien que la société pouvait faire machine arrière; qu'en effet les résultats de la société DARTY, sans la FNAC, sont en hausse entre 2016 et 2017 alors qu'ils étaient présentés à la baisse. Le salarié fait encore valoir que la société DARTY a cherché à se défaire d'un grand nombre de salariés ayant acquis une ancienneté conséquente à moindre frais, pour rechercher ensuite activement des techniciens et vendeurs pour reconstituer le service après vente, une fois les licenciements devenus définitifs et le délai propre à la priorité de réembauchage, expiré. Il ajoute que l'inspecteur du travail de [Localité 5], saisi d'une demande d'autorisation d'un salarié protégé, Monsieur [X], technicien, a refusé le licenciement, estimant que le motif économique n'était pas fondé.
Monsieur [I]souligne enfin qu'alors qu'il est technicien extérieur bénéficiant d'une clause de mobilité suivant avenant du 1er juillet 2016 à son contrat de travail, il ne faisait pas partie des catégories professionnelles concernées par la mesure de licenciement pour motif économique et soutient que l'employeur l'a fait 'glisser' sur le centre d'activité concerné par la fermeture, alors que son poste n'est en réalité pas supprimé.
La société DARTY GRAND EST soutient pour sa part que, sur un marché peu porteur, l'arrivée d'une offre structurée de la part de société 'pure players' (site e-commerce) telle qu'Amazon ou Cdiscount, a exercé une forte pression sur le chiffre d'affaires et les marges des acteurs traditionnels (disposant de magasins physiques) dont le modèle économique s'est trouvé mis en cause; que face à ce marché très concurrentiel, elle a été contrainte d'améliorer son service, et notamment son Service Après Vente, lequel est le facteur principal la différenciant des autres sociétés d'e-commerce.
La société DARTY GRAND EST explique qu'elle a ainsi décidé de réorganiser le SAV autour de deux axes: la centralisation de la gestion des pièces détachées au service intervention à domicile sur un seul site à [Localité 10] et la mutualisation des ateliers de réparation, afin d'améliorer de 10 à 15% le délai moyen de réparation en atelier et réaliser des économies à hauteur de 4,7 millions d'euros.
Elle fait valoir qu'elle a anticipé les difficultés économiques prévisibles et mis à profit une situation économique financière saine pour adapter ses structures à l'évolution de son marché dans les meilleures conditions et, plus précisément, l'activité de réparation dont l'évolution était particulièrement négative. Elle indique à ce titre que la menace sur la compétitivité doit s'apprécier au niveau du secteur d'activité SAV lequel constitue un secteur distinct de la vente, de part son objet (réparation non commercialisation) et la clientèle ciblée (l'activité du SAV DARTY ne se limitant pas à la réparation des produits achetés dans les enseignes FNAC ou DARTY). Elle fait valoir que l'activité en atelier était confrontée depuis 2014 à une forte baisse des volumes de produits à réparer, ce qui n'était pas contesté par les représentants du personnel. Elle affirme que les données présentées dans la note d'information qui leur a été adressé sont parfaitement réelles; que le chiffre d'affaire des entités FNAC DARTY était en baisse par rapport à celui de l'année 2016 sur le périmètre français, même si cette baisse était moins forte qu'anticipée; que les chiffres additionnés des entités DARTY et FNAC étaient très proches de ceux de la société AMAZON, mais que le baromètre trimestriel de l'audience du e-commerce (FEVAD) montrait une nette avance de cette dernière sur le premier trimestre 2017. Elle en conclut qu'il existait une menace réelle sur la compétitivité de l'entreprise ayant nécessité la réorganisation du service après vente. Enfin, elle indique qu'elle a lancé un nouveau service dénommé 'DARTY MAX' qui consiste en un abonnement réparation longue durée pour 9,99 euros par mois et que dans ce cadre, elle a dû effectivement recruter un grand nombre de réparateurs, mais exclusivement à domicile et non en atelier, de sorte que l'affirmation de Monsieur [I] selon laquelle, elle a voulu se débarrasser de ses salariés à moindre frais, est fausse.
***
En vertu de l'article L. 1233-3 du Code du travail, « Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : ['] 3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ».
La sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise est un motif économique autonome pouvant justifier une réorganisation, sans qu'il soit nécessaire d'invoquer des difficultés économiques actuelles ou des mutations technologiques (Cass. Soc., 11 janv. 2006, n°04-46.201).
La nécessité de sauvegarder la compétitivité s'inscrit dans une logique prévisionnelle : elle a en effet pour objet 'd'anticiper' des difficultés économiques à venir en prenant des mesures de nature à éviter des licenciements ultérieurs plus importants.
Le motif économique doit s'apprécier à la date du licenciement; il peut cependant être tenu compte d'éléments postérieurs à cette date permettant au juge de dérifier si la réorganisation était nécessaire ou non à la sauvegarde de la compétitivité.
Il incombe à l'employeur de justifier que des difficultés futures sont prévisibles et qu'il est nécessaire de les anticiper, afin que l'entreprise soit encore en mesure d'affronter la concurrence, nonobstant les évolutions qu'elle doit subir.
Lorsque l'entreprise appartient à un groupe, le périmètre d'appréciation de la menace sur la compétitivité s'apprécie au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise au sein du groupe.
Le juge doit vérifier l'effectivité de la suppression d'emploi invoquée par l'employeur.
En l'espèce, Monsieur [I] soutient qu'il exerce les fonctions de technicien extérieur, son contrat de travail comportant une clause de mobilité et que son poste n'aurait en réalité pas été supprimé.
Contrairement aux affirmations du salarié, la cour observe que, si au terme de l'avenant au contrat de travail du 1er janvier 2003, il relèvait de la catégorie 'technicien extérieur', il a conclu postérieurement un nouvel avenant à son contrat de travail au titre duquel il exerce désormais la fonction de 'technicien'. Il est spécifié à cet avenant que le lieu de travail de Monsieur [I] reste le Centre de Services de [Localité 5], étant précisé que l'existence d'une clause de mobilité pouvant l'amener à exercer ses fonctions de technicien dans les ateliers DARTY d'autres départements, ne signifie pas qu'il relève de la catégorie technicien extérieur amené à se déplacer au domicile des clients.
Ainsi, alors que l'accord majoritaire du plan de sauvegarde de l'emploi du 30 novembre 2017, validé par la DIRRECTE le 18 décembre 2017 vise expressément la catégorie 'techniciens/atelier' sur le site de [Localité 5], et que 15 postes sur 25 dans cette catégorie ont effectivement été supprimés, la société DARTY justifie de la suppression du poste de Monsieur [I], appartenant bien à cette catégorie.
La société DARTY GRAND EST soutient que le secteur d'activité constituant le périmètre d'appréciation de la menace sur la compétitivité de l'entreprise, doit être le secteur du service après vente, dans la mesure où l'activité de réparation constitue un secteur d'activité distinct de la commercialisation des produits vendus avec des ressources matérielles, humaines et logistiques distinctes et que la clientèle ciblée par le SAV ne recouvre pas nécessairement celle des magasins ou des sites internet du groupe FNAC DARTY, puisque des produits qui n'auraient pas été achetés dans les enseignes du groupe, peuvent également être réparés par le SAV.
Cependant, la cour relève que le Service Après Vente DARTY ne constitue pas une entité propre exerçant l'activité de réparation, sous une enseigne spécifique. Il n'est pas non plus soutenu que les services de réparation des deux entreprises FNAC et DARTY soient regroupés au sein d'une entité spécifique, constituant le service après vente du groupe. L'employeur ne démontre pas non plus que les moyens humains et logistiques seraient distincts de ceux des autres services de l'entreprise, comme il le soutient.
Il n'est pas contestable que la société DARTY GRAND EST appartient au groupe FNAC DARTY et réalise l'ensemble des activités du groupe, à savoir la distribution de produits électroménagers, informatiques, audiovisuels, électroniques, culturels et télécommunication, de sorte que le secteur d'activité qui doit être retenu est celui de l'ensemble du groupe FNAC DARTY sur le territoire national.
Monsieur [I] soutient que la société DARTY GRAND EST ne justifie pas de la cause économique du licenciement, en ce que les chiffres présentés par la société (cf note d'information en vue de la consultation du CE) ne laissent pas apparaître une menace sur la compétitivité du groupe FNAC DARTY et ont été présentés par l'employeur de manière faussée.
La société DARTY GRAND EST a exposé dans sa présentation aux institutions représentatives du personnel qu'il existait une menace sur la compétitivité, lié au fait que l'acte d'achat du consommateur n'était plus le monopole des enseignes physiques et que d'autres canaux de vente existaient (notamment l'e-commerce). Elle a ainsi indiqué que le groupe se trouvait dans une situation de marché où il était essentiel de gagner en flexibilité afin de s'adapter rapidement pour résister aux concurrents et que, la qualité du service après vente étant un des principaux critères d'achat de ses produits, elle était contrainte de réorganiser son offre de service.
Monsieur [I] estime que l'employeur aurait pu revenir sur sa décision de réorganiser le SAV avec suppression de certains emplois, car les résultats du groupe, à la fin de l'exercice 2017 étaient bien meilleurs que ceux présentés au comité d'entreprise en septembre 2017 pour justifier la réorganisation du service après vente. Il communique également les résultats annuels 2020 du groupe montrant une situation consolidée du groupe.
Cependant, il résulte bien des chiffres communiqués par la société DARTY GRAND EST à l'inspectrice du travail le 29 août 2018 sur lesquels s'appuie le salarié (pièce communes 14 de Monsieur [I]) que le chiffre d'affaires du groupe FNAC DARTY a connu une baisse sur le territoire français pour passer de 5740 millions d'euros en 2016 à 5646 millions d'euros en 2017, même si cette baisse est plus faible qu'attendue.
Surtout, pour apprécier la menace sur la compétitivité du groupe, il convient de se placer au moment où le projet de licenciement économique collectif a été envisagé.
En l'espèce, la société FNAC DARTY a soutenu qu'une forte pression concurrentielle lui imposait un ajustement de prix et la nécessité d'anticiper une dégradation de sa situation financière.
Elle justifie avoir ainsi présenté au comité d'entreprise en septembre 2017 une note ainsi que des tableaux présentant l'importance du SAV dans la détermination des achats des clients du groupe ainsi que des chiffres analysant le nombre de visiteurs uniques mensuels, au 4ème trimestre 2016, sur les sites internet FNAC (10,13) et DARTY (5,2 millions ) en comparaison des sociétés AMAZON (16,5 millions) et CDISCOUNT (11,9 millions).
Cette note fait également état des résultats économiques du groupe FNAC DARTY sur les exercices comptables 2015 à 2019 desquels il résulte une stagnation, voire une baisse du chiffre d'affaires envisagée de 1,5% qui entraineraît une baisse de sa marge de 2,8 % au niveau de la France, ainsi qu'une baisse de l'EBITBA ( indicateur financier américain désignant l'excédent brut d'exploitation) en 2018 et une importante dégradation des cash-flows (trésorerie) sur la période 2015-2019.
La cour constate que si Monsieur [I] critique la présentation faite par l'employeur des chiffres présentés en septembre 2017 dans cette note, il ne remet pas en cause les chiffres eux même.
En outre, les estimations économiques présentées, ont été reprises au sein des dispositions liminaires figurant à l'accord majoritaire de plan de sauvegarde de l'emploi au sein de l'UES DARTY GRAND EST signé le 30 novembre 2017 par les syndicats et validé par la DIRRECTE le 18 décembre 2017, de sorte que les projections chiffrées, non valablement critiquées, doivent être retenues.
Or il résulte de ces éléments, que s'agissant d'un marché concurrentiel, une réorganisation du service après vente, lequel connaissait une baisse d'activité en atelier, était justifiée par une dégradation envisagée du chiffre d'affaire, de la marge, de l'excédent brut d'exploitation et de la trésorerie, faisant peser une menace sur la compétitivité du groupe FNAC DARTY.
Monsieur [I] soutient que la société DARTY GRAND EST a voulu licencier des salariés ayant une importante ancienneté à moindre frais, alors qu'elle a recruté en masse des techniciens dès 2019.
Cependant, alors que l'employeur explique qu'il a lancé un nouveau service dénommé 'DARTY MAX et recruté dans ce cadre un grand nombre de réparateurs à domicile, la cour constate que les recrutements opérés par la société DARTY GRAND EST courant de l'année 2019 et 2020, concernent des techniciens SAV 'à domicile' (cf pièce collective 12 du salarié contrat pro en alternance et Offres d'emplois au 2 octobre 2020 (pièce collective 15 de l'employeur) et non des techniciens SAV/Atelier, catégorie à laquelle appartenait notamment l'appelant.
En outre, aux termes de l'accord majoritaire de plan de sauvegarde de l'emploi du 30 novembre 2017, il était prévu, concernant le site de [Localité 5], la suppression de 25 technicien/ateliers sur les 35 existants, tandis que les techniciens/relation client 'domicile' n'étaient pas concerné par la suppression de leurs postes.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le licenciement économique de Monsieur [Z] [I] est justifié par la supression de son poste dans le cadre de la réorganisation de l'entreprise DARTY GRAND EST nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité.
Il convient de confirmer la décision du conseil de prud'hommes qui a rejeté la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse formée par le Monsieur [I] au titre de la contestation du motif économique, en y ajoutant que le licenciement n'est pas non plus nul de ce chef.
Il convient également de confirmer la décision du conseil de prud'hommes qui a rejeté la demande de dommages et intérêts pour 'violation de la mobilité interne', dans la mesure où le salarié n'explicite pas sa demande, ne développe aucun argument à son soutien et ne caractérise pas non plus le préjudice qu'il invoque.
Sur la procédure de reclassement
Monsieur [I] fait valoir que l'employeur a manqué à son obligation de reclassement car il n'a pas mis en oeuvre sa clause de mobilité contractuelle et s'est contenté de préciser que l'activité des ateliers a été mutualisée sur les 4 secteurs (93,37,95 et 69) ne faisant pas partie de sa clause de mobilité et que dès lors, elle n'était pas applicable, alors que, conformément aux accords et textes en vigueur, il devait justifier avoir recherché toutes les alternatives préalables à un licenciement économique. Il soutient que la liste de postes qui lui a été communiquée le 5 décembre 2017, l'a également été au 62 autres salariés licenciés, alors qu'elle doit être individualisée et personnalisée; que cela ne satisfait pas à l'obligation de recherche loyale de reclassement; qu'alors que la société DARTY avait soutenu en janvier 2018, dans le cadre du PSE, proposer 15 postes suivant une liste affichée dans les locaux, aucune liste n'a été affichée et seuls 2 postes ont été proposés, dont il n'a pu prendre connaissance, compte tenu de son arrêt maladie. Il ajoute que l'employeur a manifestement violé l'accord conclu avec les partenaires sociaux, à savoir les deux avenants en date respectivement des 22 avril et 4 octobre 2010 portant sur les risques psycho-sociaux et l'accord portant sur les contrats de génération au sein de DARTY RHONE ALPES du 31 mai 2013 prévoyant notamment des actions garantissant l'accès et le maintien dans l'emploi des salariés âgés de 50 ans et plus.
La société DARTY GRAND EST réplique qu'elle a pleinement satisfait à son obligation de reclassement. A ce titre, elle fait valoir que l'accord collectif majoritaire du 30 novembre 2017 sur le plan de sauvegarde de l'emploi comporte des mesures de reclassement et d'acompagnement suffisantes, de sorte qu'il a été validé par la DIRECCTE le 18 décembre 2017, ce qui ne peut être remis en cause par les juridictions judiciaires. Elle précise qu'elle a notamment mis en oeuvre une phase de volontariat (du 15 janvier au 9 mars 2018) suivant laquelle la plupart des salariés ont pu trouver une solution professionnelle, soit dans le cadre d'un départ volontaire externe, soit dans le cadre d'une mobilité interne à la société, seul 10 salariés dont Monsieur [I] ayant refusé d'adhérer à ses mesures. L'employeur fait valoir que le salarié a été informé, par courriers des 13 novembre et 5 décembre 2017, de ce qu'il était, compte tenu de sa catégorie professionnelle d'appartenance, éligible aux mesures de départ volontaire prévues par le PSE, le courrier du 5 décembre 2017 étant accompagné d'une liste, à date, de l'ensemble des postes de repositionnement disponibles au sein de la société DARTY GRAND EST et du groupe, ainsi que d'une feuille de souhait et ce courrier lui ayant été remis en main propre contre décharge le 6 décembre 2017. Il ajoute que Monsieur [I] a reçu 20 propositions personnalisées de reclassement interne et n'a pas souhaité y donner suite. Il estime que le recours à une clause de mobilité dans le cadre d'une réorganisation prévoyant, pour la catégorie professionnelle concernée, des suppressions de poste, n'aurait pas été pertinent, le poste n'étant pas déplacé mais supprimé et qu'en tout état de cause, l'activité des ateliers a été mutualisée sur 4 sites [Localité 7], [Localité 9], [Localité 2] et [Localité 4], hors département concernés par ladite clause de mobilité. L'employeur ajoute que l'appelant ne précise pas en quoi il aurait violé les dispositions des accords collectifs sur les risques psychosociaux et sur le contrat de génération, étant observé que ce dernier accord est à durée déterminée et a cessé de produire ces effets au 30 septembre 2016.
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L'obligation de reclassement du salarié licencié pour motif économique est une obligation de moyen renforcée incombant à l'employeur.
Un plan de sauvegarde de l'emploi homologué dans le cadre d'un licenciement économique collectif, ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement.
Aux termes des dispositions de l'article L1233-4 du code du travail, 'Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie.
Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.
Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises'.
Si l'article L1233-4 du code du travail a été réformé par l'ordonnance du 22 septembre 2017 et l'ordonnance du 20 décembre 2017, les dispositions relatives notamment aux modalités de diffusion et au contenu des offres de reclassement, ont fait l'objet d'un décrêt d'application n° 2017-1725 en date du 21 déc. 2017, de sorte qu'elle ne sont pas applicables à la procédure de licenciement économique collectif engagée en l'espèce par la société DARTY GRAND EST en septembre 2017 (date de présentation de la lettre de convocation à la première réunion des instances représentatives du personnel.)
L'obligation de reclassement individuel, préalable à tout licenciement économique, exige ainsi que des propositions écrites, précises et personnalisées soient présentées à chaque salarié visé par la procédure.
En l'espèce, la cour observe que la catégorie technicien d'atelier du site de [Localité 5] était expressément visée à l'accord collectif majoritaire du 30 novembre 2017 (plan de sauvegarde de l'emploi) validé par la DIRRECTE le 18 décembre 2017 comme faisant partie des postes supprimés et que Monsieur [I] a bien été employé à cette fonction et affecté au site de [Localité 6] tel qu'il résulte de l'avenant à son contrat de travail en date du 1er juillet 2016, sans que le salarié ne démontre en quoi, il aurait occupé une autre fonction non visée par la procédure de licenciement.
En effet, peu important que cet avenant comporte une clause de mobilité, puisque le salarié ne soutient pas qu'elle aurait été mise en oeuvre et que l'employeur lui aurait demandé de travailler sur un autre site que celui de [Localité 5] Valbarelle sur lequel il aurait été affecté, lors de l'engagement de la procédure de licenciement économique. Comme précisé plus haut, Monsieur [I] faisait donc bien partie d'une des catégories professionnelles concernées par la mesure de licenciement économique.
En outre, il convient d'observer qu'aucune obligation de mettre en oeuvre la clause de mobilité d'un salarié, ne pèse sur l'employeur, dans cadre d'un licenciement économique.
S'agissant de la violation invoquée des avenants des 22 avril et 4 octobre 2010 à l'accord collectif sur les risques psychosociaux, la cour constate que le salarié ne développe aucune argumentation permettant de comprendre en quoi la société DARTY GRAND EST ne les aurait pas respectés. De même, s'agissant du contrat de génération du 31 mai 2013, son article 8 précise qu'il est à durée déterminée pour une durée de 3 ans et n'est donc pas applicable en l'espèce. En outre, l'accord majoritaire du plan de sauvegarde de l'emploi du 30 novembre 2017 prévoit bien, pour l'application des critères d'ordre au licenciement économique, un nombre de points plus important pour les salariés plus âgés, et Monsieur [I] ne soutient pas que les critères d'ordre prévus à cet accord, n'auraient pas été respectés.
L'article 3.1 de l'Accord de sauvegarde de l'emploi au sein de la société DARTY GRAND EST appartenant à l'UES, prévoit une information individuelle des salariés concernés afin de leur communiquer les coordonnées de l'espace mobilité emploi (EME) et de leur préciser comment accéder à la liste actualisée des postes disponibles au sein du groupe (bourse de l'emploi dénommée Talentsoft'). Sur la base de ces informations, il est prévu que les salariés pourront contacter l'EME afin de solliciter un complément d'information en vue de se positionner sur un poste disponible ou sein de l'entreprise ou du groupe. La liste des postes disponibles sera actualisée en temps réel par la Direction des Ressources Humaines.
En l'espèce, la société DARTY GRAND EST justifie avoir effectivement remis à l'appelant en main propre contre décharge, le 6 décembre 2017, la liste actualisée des postes disponibles au sein des différentes entités du groupe sur le territoire national, lui précisant qu'un Espace Mobilité Emploi était mis à sa disposition pour l'accompagner et lui permettre d'identifier ses souhaits et d'éventuellement construire son projet.
De même, l'article 3.2 de l'Accord de sauvegarde de l'emploi au sein de la société DARTY GRAND EST appartenant à l'UES, prévoit au titre des 'offres de reclassement interne personnalisées avant notification du licenciement ' que, à l'issue de la période consacrée aux départs volontaires sur la base du volontariat, l'entreprise sera à l'initiative des propositions internes personnalisées (...) préalablement à tout licenciement. Chaque salarié concerné par une rupture de son contrat de travail se verra adresser dans la limite des postes disponibles des propositions individualisées de reclassement interne. Il s'agit de postes correspondant aux qualifications et aux compétences du salarié concerné. Toutefois, à défaut de postes disponibles correspondant aux qualifications et aux compétences du salarié, des postes de qualification inférieure pourront lui être proposés. Les éventuelles propositions de reclassement interne (...) Préciseront les informations suivantes : la dénomination de l'entité d'accueil et sa localisation, l'intitulé du poste, le niveau de formation et d'expérience requis, la nature du contrat, la classification/niveau/échelon si applicable, la rémunération, la durée du travail et son organisation, la date de prise de poste et les éventuels autres pré requis (langue notamment en cas de reclassement à l'étranger, diplome technique etc)
En l'espèce, la société DARTY GRAND EST justifie avoir personnellement adressé à Monsieur [I] durant la période dite de volontariat, 4 courriers successifs en date des 5 février 2018, 12 février 2018, 27 février 2018 et 7 mars 2018 lui proposant des postes libérés par des salariés candidats à un départ volontaire externe (9 postes au total, tous situés sur le site de [Localité 5] Valberelle, comportant le libellé du poste, une fiche de poste détaillée des fonctions, ainsi que le statut, la classification, la durée du travail).
Puis, à l'issue de la période de volontariat et conformément au plan de sauvegarde de l'emploi, l'employeur lui a adressé personnellement par courrier du 12 mars 2018, onze propositions de reclassement sur le site de [Localité 5] Valbarelle, lesquelles comportaient les éléments mentionnés à l'article 3.2 (intitulé du poste, localisation, classification, durée du travail, date de prise de poste, montant de la rémunération (fixe et variable) etc) et portaient sur des postes à temps complet de catégorie équivalente (même niveau et même échelon) avec une rémunération équivalente, dont un poste de technicien mixte (atelier extérieur) de même catégorie que le poste occupé par Monsieur [I].
Il convient de constater que la société DARTY GRAND EST a ainsi rempli son obligation de reclassement en notifiant à l'appelant des offres individualisées et suffisamment précises, que ce dernier a cependant refusé.
Dès lors, il convient de confirmer la décision du conseil de prud'hommes qui a rejeté la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au titre du non respect de la recherche de reclassement.
Sur les intérêts
Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Les intérêts seront capitalisés à condition qu'ils soient dûs pour une année entière en application de l'article 1343 alinéa 2 du code civil.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L'équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles et de dispenser Monsieur [I] du paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Le salarié qui succombe dans ses demandes principales, sera tenu aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud'homale,
Confirme le jugement déféré sauf sur le rappel de primes, l'exécution fautive du contrat de travail et les frais irrépétibles,
Statuant des chefs infirmés et y ajoutant :
Condamne la société DARTY GRAND EST à payer à Monsieur [Z] [I] les sommes suivantes :
-1.440 euros au titre de la régularisation des primes de novembre 2016 à décembre 2017,
-1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,
Dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Ordonne la capitalisation des intérêts à condition qu'ils soient dûs pour une année entière,
Dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [Z] [I] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE