COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
[Adresse 2]
[Localité 1]
Chambre 1-2
N° RG 23/15209 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BMISO
Ordonnance n° 2024/M158
S.A.S. LE PALAIS DE LA TRUFFE
représentée par Me Laurence BRANDEHO de la SELARL ADENIUM AVOCATS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant
Appelante
S.C.I. SOUNY
représentée par Me Jérôme PASCHAL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant
Intimée
ORDONNANCE D'INCIDENT
Nous, Florence PERRAUT, Conseillère de la Chambre 1-2 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, statuant par délégation, assistée de Caroline VAN-HULST, greffier ;
Après débats à l'audience du 27 Mai 2024, ayant indiqué à cette occasion aux parties que l'incident était mis en délibéré par mise à disposition au greffe, avons rendu le 27 Juin 2024, l'ordonnance suivante :
Vu l'ordonnance en date du 15 novembre 2023, par laquelle le juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan, a :
- constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au contrat de bail conclu le 2 janvier 2021, entre la SCI Souny et la SASU le Palais de la Truffe à la date du 12 mai 2023 ;
- dit n'y avoir lieu à ordonné l'expulsion, les locaux étant libres d'occupation par la défenderesse au 31 août 2023 ;
- condamné la SASU le Palais de la Truffe à payer à la SCI Souny une indemnité d'occupation d'un montant de 2 252,78 euros par mois à compter du 1er juin 2023 au 31 aout 2023 ;
- condamné la SASU le Palais de la Truffe à payer à la SCI Souny la somme de 15 390,92 euros, à titre de provision à valoir sur les loyers impayés arrêtés au 31 mai 2023, outre les intérêts à taux légal sur la somme de 13 138,14 euros à compter du 11 avril 2023 et de l'assignation sur le surplus ;
- dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes en paiement de dommages et intérêts et au titre du dépôt de garantie ;
- condamné la SASU le Palais de la Truffe aux dépens ;
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile;
Vu la déclaration d'appel transmise au greffe par la SAS Le Palais de la Truffe, le 11 décembre 2023 ;
Vu l'ordonnance, en date du 13 décembre 2023, fixant l'affaire à l'audience du 8 octobre 2024 et la clôture au 24 septembre précédant ;
Vu l'avis de fixation adressé le même jour à l'appelante ;
Vu la constitution, le 7 février 2024, de Maître Jérome Paschal en défense des intérêts de la SCI Souny ;
Vu la notification, en date du 2 février 2023, des conclusions d'appelante la SAS Le palais de la Truffe ;
Vu les conclusions d'incident, transmises le 17 avril 2024, par lesquelles la SAS le Palais de la Truffe, demande au conseiller de la mise en état de :
- constater et déclarer irrecevables les conclusions de la SCI Souny notifiées le 18 mars 2024 et 26 mars 2024 ;
- condamner la SCI Souny à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Vu les dernières conclusions d'incident transmises le 22 mai 2024, par lesquelles la SAS le Palais de Truffe, demande au conseiller de la mise en état de :
- débouter la SCI Souny de ses demandes ;
- dire et juger sa déclaration d'appel ;
- déclarer opposable à la SCI Souny ses conclusions d'appelant ;
- déclarer irrecevables les conclusions notifiées par la SCI Souny le 18 mars 2024 et le 26 mars 2024 ;
- condamner la SCI Souny au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions d'incident n°3 transmises le 24 mai 2024, par lesquelles la SCI Souny, demande de :
- débouter la SAS Le Palais de la Truffe de ses demandes ;
- juger que l'appel est caduc et nul ;
- juger que la signification de la déclaration d'appel en date du 19 décembre 2023 juge les dispositions de l'article 909 du code de procédure civile, soit un délai de 3 mois pour l'intimé et non pas un mois, conformément à l'article 905-2 du même code ;
- juger en conséquence que l'opposabilité du délai d'un mois n'est pas applicable puisque non signifiée à l'intimé (article 902 du code de procédure civile) ;
- juger que la déclaration d'appel est nulle ;
- juger que l'office du juge est qu'il appartient à la cour de relever d'office l'irrecevabilité de l'appel incident tardif ;
- juger que l'appelante
* n'a ni signifié des conclusions le 2 février 2024, sans le texte des dispositions de l'article 905-2 du code de procédure civile ;
* n'ayant notifié aucune conclusion après la constitution de l'intimée ne peut se prévaloir du délai d'un mois imparti à l'intimé pour conclure en réponse conformément à l'article 905-2 du code de procédure civile ;
* n'a communiqué aucune conclusion par la voie du RPVA ;
- juger que la concluante a subi le grief d'encourir une nullité pour avoir conclu hors du bref délai, du fait de l'appelante qui n'avait pas porté à sa connaissance, au visa de l'article 114 du code de procédure civile ;
- condamner la SAS le Palais de la Truffe à lui paye la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civil, dont distraction au profit de Maître Paschal, outre les entiers dépens.
MOTIFS :
Il convient de rappeler, à titre liminaire, que les demandes de 'constater', 'dire et 'juger' ou 'déclarer', sauf dispositions légales spécifiques, ne sont pas des prétentions, en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques, mais des moyens qui ne figurent que par erreur dans le dispositif, plutôt que dans la partie discussion des conclusions.
Sur la caducité de la déclaration d'appel :
Sur la recevabilité de la demande :
Aux termes des articles 74 et 112 du code de procédure civile, les exceptions de nullité doivent à peine d'irrecevabilité être soulevées simultanément avant toute défense au fond.
L'article 12 du même code précise que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.
Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
En l'espèce, la demande de la SCI Souny s'analyse comme visant à constater en premier lieu la caducité de la déclaration d'appel, en raison d'irrégularités l'affectant.
Par conséquent, elle ne s'analyse pas comme une exception de nullité, devant être soulevée in limine litis avant toute défense au fond. Elle sera donc jugée recevable.
Sur la caducité :
Aux termes de l'article 905 du code de procédure civile, lorsque l'affaire semble présenter un caractère d'urgence ou être en état d'être jugée ou lorsque l'appel est relatif à une ordonnance de référé ou en la forme des référés ou à une ordonnance du juge de la mise en état énumérées au 1° à 4° de l'article 776 du code de procédure civile, le président de la chambre saisie, d'office ou à la demande d'une partie, fixe les jours et heures auxquels l'affaire sera appelée à bref délai.
En application des dispositions de ce texte, une ordonnance de référé relève de plein de la procédure à bref délai des articles 905-1 et 905-2 du code de procédure civile.
Aux termes de l'article 905-1 alinéa 1 du code de procédure civile, lorsque l'affaire est fixée à bref délai par le président de chambre, l'appelant signifie la déclaration d'appel dans les dix jours de la réception de l'avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office par le président de chambre ou le magistrat désigné par le premier président.
L'article 901 du même code précise que la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :
1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;
2° L'indication de la décision attaquée ;
3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle.
Par ailleurs l'article 649 du code de procédure civile, prévoit que la nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure.
Ainsi la nullité de l'acte de signification s'analyse comme une nullité pour vice de forme. Elle est donc régie par les dispositions des articles 112 à 116 du code de procédure civile et notamment par celles de l'article 114 alinéa 2 qui dispose que la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
En application de l'ensemble de ces textes, le défaut de mention des délais abrégés visés à l'article 905-2 dans l'acte de signification de la déclaration d'appel constitue un vice de forme.
En l'espèce la déclaration d'appel a été adressée au greffe le 11 décembre 2023 à 17h34.
L'avis de fixation a été notifié à l'appelante le 13 décembre 2023.
La SAS Le Palais de la Truffe a signifié sa déclaration d'appel le 19 décembre 2023 (à étude) à la SCI Souny.
Bien que l'huissier vise l'article 909 du code de procédure civile à la dernière page, l'acte de signification précise que l'appel est relatif à une ordonnance de référé en date du 15 novembre 2023, numéro de RG 23/03910. Elle comporte les éléments exigés à l'article 901 du code de procédure civile.
La SCI Souny a constitué avocat le 7 février 2024. Le conseil de la SCI Souny, étant un professionnel du droit ne peut pas ignorer que l'appel qui porte sur une ordonnance de référé est soumis à la procédure à bref délai.
La déclaration d'appel a bien été signifiée dans le délai requis applicable en la cause .
En effet, par courrier reçu le 3 janvier 2024, la SAS le Palais de la Truffe a justifié de l'accomplissement de cette formalité auprès de la cour, faisant suite à la demande du greffe du 28 décembre 2023.
Cette signification est régulière, étant intervenu dans le délai de 10 jours à compter de l'avis de fixation. La déclaration d'appel de la SAS Le Palais de la Truffe sera donc déclarée valable.
Sur l'opposabilité des conclusions de l'appelante :
Aux termes de l'article 905-2 du code de procédure civile à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office par ordonnance du président de la chambre
saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l'appelant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe.
L'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.
En l'espèce, la déclaration d'appel du 11 décembre 2023 a été jugée valable.
Or la SAS Le Palais de la Truffe justifie avoir signifié ses conclusions reçues au RPVA de la cour le 10 janvier 2024, à la SCI Souny le 2 février 2024 (à personne), avant que cette dernière constitue avocat le 7 février 2024.
Ainsi, il est acquis en application des articles 906 et 911 du code de procédure civile, que l'appelant ayant remis au greffe et signifié ses conclusions à partie n'est pas tenue de les notifier à l'avocat de cette partie constitué postérieurement à sa signification.
En l'espèce, dans la mesure où le conseil de la SCI Souny s'est constitué postérieurement à la signification des conclusions par voie d'huissier, la SAS le Palais de la Truffe n'était pas tenue de lui notifier ses conclusions d'appelant par RPVA.
De plus, il n'est pas prévu par les articles 905-1 et 905-2 du code de procédure civile que les premières conclusions de l'appelant doivent mentionner le délai d'un mois pour permettre à l'intimé de remettre ses conclusions au greffe.
De même, comme rappelé précédemment, le présent litige concerne l'appel d'une ordonnance de référé, soumise de plein droit à la procédure à bref délai, ce que ne pouvait ignorer le conseil de la SCI Souny, en tant que professionnel du droit.
La signification des conclusions de l'appelante est donc parfaitement régulière et opposable à la SCI Souny.
Sur la recevabilité des conclusions de l'intimée :
L'article 642 du code de procédure civile dispose que tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures.
Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant
En l'espèce, la SAS Le Palais de la Truffe a signifié ses conclusions d'appelante le 2 février 2024.
La SCI Souny devait répliquer dans le délai d'un mois, soit le lundi 4 mars 2024. Or elle n'a répliqué que le 18 mars 2024, réitéré le 26 mars 2024.
Ainsi les conclusions de l'intimé, déposées hors du délai mentionné par l'article 905-2 précité, seront donc déclarées irrecevables.
Sur la recevabilité de l'appel incident :
La SCI Souny sollicite de la cour qu'elle relève d'office l'appel incident tardif de la SAS Le Palais de Truffe.
Or en l'espèce, les conclusions signifiées le 2 février 2024 ont été déclarées recevables. Par conséquent sa demande formulée à ce titre est devenue sans objet.
Sur les frais et dépens
Les dépens du présent incident suivront le sort de ceux de l'instance principale.
Succombant la SCI Souny sera condamnée à verser à la SAS Le Palais de la Truffe la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Statuant par mise à disposition au greffe et par décision susceptible de déféré devant la cour d'appel, dans les quinze jours de sa date,
Constatons la validité et la recevabilité de la déclaration d'appel ;
Déclarons opposable à la SCI Souny les conclusions d'appelante de la SAS le Palais de la Truffe du 2 février 2024 ;
Déclarons irrecevables les conclusions d'intimée notifiées les 18 mars 2024 et 26 mars 2024 par la SCI Souny ;
Disons que les dépens du présent incident suivront le sort de ceux de l'instance principale ;
Condamnons la SCI Souny à verser à la SAS Le Palais de la Truffe la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Fait à Aix-en-Provence, le 27 Juin 2024
La greffière Le magistrat désigné par le premier président