COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 27 JUIN 2024
N° 2024/372
Rôle N° RG 23/13725 N° Portalis DBVB-V-B7H-BMDVT
[O] [L]
C/
[M] [L]
S.D.C. VILLA HIBISCUS
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Leyla MONTIGNY
Me Romain CHERFILS
Me Eric MARY
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution de GRASSE en date du 20 Octobre 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 23/01406.
APPELANT
Monsieur [O] [L]
né le 26 Novembre 1947 à [Localité 6]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Leyla MONTIGNY, avocat au barreau de GRASSE
assisté de Me Richard ZELMATI, avocat au barreau de LYON
INTIMES
Monsieur [M] [L]
né le 08 Octobre 1949 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Romain CHERFILS de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, substitué par Me François BOULAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assisté de Me Luc ROBERT, avocat au barreau de l'AIN
Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier VILLA HIBISCUS
inscrit au Registre national des copropriétés sous la référence AH3-580-107, sis [Adresse 4],
pris en la personne de son syndic bénévole en exercice, la SAS LOISIRS LOCATIONS SERVICES (LLS), prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 5],
représenté et assisté par Me Eric MARY, avocat au barreau de NICE, substitué par Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 22 Mai 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Evelyne THOMASSIN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2024,
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, procédure et prétentions des parties :
Le tribunal judiciaire de Grasse, le 6 mai 2022, a condamné monsieur [O] [L] et monsieur [M] [L], co-indivisaires d'une maison située à [Adresse 8], à effectuer des travaux de reconstruction d'un mur ou de confortement d'un talus sur leur propriété à la suite d'une expertise judiciaire déposée le 16 septembre 2021 et conformément à ses conclusions, ce sous astreinte de 150 euros par jour commençant à courir 4 mois après la signification de la décision. En effet, à la suite d'un épisode particulièrement pluvieux en décembre 2019, admis comme catastrophe naturelle sur [Localité 7], des éboulements étaient survenus sur la propriété voisine, la villa Hibiscus, avec effondrement d'un mur de soutènement.
La signification du jugement est intervenue le 13 juin 2022. Appel a été interjeté.
Le syndicat des copropriétaires Villa Hibiscus, situé [Adresse 3] a saisi le juge de l'exécution de Grasse en liquidation de l'astreinte ainsi prononcée, lequel par une décision du 20 octobre 2023 a :
- rejeté la demande de monsieur [O] [L] d'un sursis à statuer dans l'attente de l'appel formé à l'encontre du jugement de condamnation au travaux du 6 mai 2022,
- liquidé l'astreinte à un montant de 22 650 euros que les consorts [L] ont été condamnés à payer au SDC, pour la période du 14 octobre 2022 au 13 mars 2023,
- rejeté la demande d'une astreinte plus coercitive,
- condamné les consorts [L] à la somme de 1 600 euros au titre des frais irrépétibles et à supporter les dépens de procédure.
Le magistrat constatait que les travaux n'avaient pas été réalisés et que leurs diligences n'étaient pas justifiées sans établir de difficultés particulières ou l'existence d'une cause étrangère.
Monsieur [O] [L] a fait appel de la décision par déclaration au greffe de la cour le 6 novembre 2023 (RG23-13702) et le 7 novembre 2023 (RG 23-13725), les procédures ont été jointes par ordonnance du 14 novembre 2023.
Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 3 avril 2024, auxquelles il est ici renvoyé, monsieur [O] [L] demande à la cour de :
- Infirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Grasse le 20 octobre 2023,
Et, statuant à nouveau,
In limine litis,
- le recevoir en sa demande de sursis à statuer et le dire bien fondé,
- débouter le SDC Villa Hibiscus de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de monsieur [O] [L],
- condamner tout succombant à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procedure civile,
- condamner tout succombant aux entiers dépens.
Il expose qu'il n'a pu réaliser les travaux ordonnés en raison d'une mésentente avec monsieur [M] [L], son frère indivis, qui en outre connait d'importantes difficultés de santé, de nature psychiatrique. L'appel interjeté contre la décision qui fixe l'astreinte lui parait justifier un sursis à statuer, car cet appel est une cause déterminée et justifiée au regard de l'article 378 du code de procédure civile qui peut fonder la suspension de l'instance. Il a fourni non pas un seul devis, mais 5 devis, et fait des démarches pour obtenir les financements nécessaires auprès du Crédit Mutuel et de la banque HSBC. Il a même devant la résistance de son co-indivisaire, entrepris une procédure rapide pour être autorisé à procéder seul à l'ensemble des travaux et même à vendre seul le bien indivis, ce qui a été obtenu par décision du 7 décembre 2023.
Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 26 janvier 2024, monsieur [M] [L] demande à la cour de :
- Infirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Grasse en date du 20 octobre 2023 en ce qu'il a :
* Liquidé l'astreinte pour la période du 14 octobre 2022 au 13 mars 2023 inclus à la somme de vingt-deux mille six cent cinquante euros,
* Condamné solidairement monsieur [O] [L] et monsieur [M] [L] à payer cette somme au SDC Villa Hibiscus, outre 1 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens,
- Confirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Grasse en date du 20 octobre 2023 en ce qu'il a débouté le syndicat des copropriétaires Villa Hibiscus de sa demande de fixation d'une nouvelle astreinte plus coercitive,
- Rejeter toute demande, fins et conclusions contraires,
Statuant à nouveau,
- Débouter le syndicat des copropriétaires Villa Hibiscus pris en la personne de son syndic bénévole en exercice, la SAS Loisirs Locations Services (LLS) de sa demande de liquidation de l'astreinte provisoire fixée par le jugement du 6 mai 2022 et de sa demande de condamnation de monsieur [M] [L] à régler celle-ci,
- Débouter le syndicat des copropriétaires Villa Hibiscus pris en la personne de son syndic bénévole en exercice, la SAS LLS de sa demande de condamnation de monsieur [M] [L] à lui payer la somme de 1 600 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
Y ajoutant,
- Condamner le syndicat des copropriétaires Villa Hibiscus pris en la personne de son syndic
bénévole en exercice, la SAS LLS ou toute partie succombante, à verser à monsieur [M] [L] la somme de 5 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner le syndicat des copropriétaires Villa Hibiscus pris en la personne de son syndic
bénévole en exercice, la SAS LLS ou toute partie succombante, aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel distraits au profit de maître Romain Cherfils, membre de la SELARL LX Aix-en-Provence, avocats associés aux offres de droit.
Il reproche au premier juge d'avoir liquidé l'astreinte à son montant maximum alors qu'il n'a pas tenu compte des difficultés personnelles importantes qu'il a rencontrées, car ancien notaire, il a été bouleversé à 70 ans par le fait de ne plus pouvoir exercer sa profession, ce qui a provoqué d'importantes difficultés psychologiques, un burn out. Il a également été très affecté par le décés de sa mère en août 2020 et subi une procédure collective. Il soutient malgré ses difficultés avoir procédé à différentes démarches et en particulier, malgré sa mésentente avec son frère, avoir proposé la vente de la villa en laissant alors à la charge de l'acquéreur le coût des travaux particulièrement importants, le bien estimé à 2 300 000 euros au moins, avait trouvé acquéreur en la personne de monsieur [K] à 1 400 000 €. Il a lui même contacté une société de travaux à [Localité 9] pour réaliser l'intervention, mais celle ci n'a pu donner suite. Lui même a été atteint par le Covid en octobre 2022. Il demande le débouté du SDC sur la liquidation de l'astreinte.
Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 16 janvier 2024 auxquelles il est renvoyé, le SDC Villa Hibiscus demande à la cour de :
- Confirmer le jugement,
- Condamner in solidum les consorts [L] au paiement de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens.
Il rappelle le contexte du dossier, les dommages causés par l'éboulement du mur voisin et l'engagement de monsieur [O] [L] de faire réaliser rapidement les travaux de remise en état, ce qui n'a pas été le cas. L'assureur Axa n'a fait aucune proposition d'intervention bien qu'intervenant pour madame [N] [L]. A ce jour, les lieux sont protégés par une bâche qui se déteriore avec le temps et part en lambeaux. Il rappelle que la villa Hibiscus est destinée à la location saisonnière et que les lieux doivent être sécures car une partie de la terrasse et l'accès à la piscine pourraient être impactés en cas de nouveau sinistre. La villa était déjà à l'abandon durant la vie de [N] [L] qui était en maison de retraite, il eut fallu la vendre rapidement. Il n'est pas justifié des réponses des banques aux demandes de financement, ni d'un mandat de vendre l'immeuble. L'appel n'est pas justifié.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 avril 2024.
Par conclusions du 1er mai 2024, monsieur [O] [L] demande la révocation de l'ordonnance de clôture afin de pouvoir communiquer aux débats la pièce 17, à savoir la promesse de vente de l'immeuble sous réserve de la protection de l'identité de l'acquéreur, laquelle constitue à ses yeux une cause grave, justifiant le report de la clôture.
MOTIVATION DE LA DÉCISION :
* sur le report de l'ordonnance de clôture :
A l'audience avant l'ouverture des débats, avec l'accord des parties, l'ordonnance de clôture a été révoquée afin qu'un débat complet et contradictoire s'instaure sur le litige, en permettant à la cour d'appel de statuer en prenant connaissance des dernières écritures et pièces des parties, tandis qu'elles estimaient toutes que le dossier était en état et qu'aucune d'elles ne voulait conclure à nouveau. La procédure a été clôturée par voie de mention au dossier le jour de l'audience, ce dont les parties ont été avisées verbalement sur le champ.
* sur le sursis à statuer :
Il ressort des débats et du jugement de première instance, que la demande de sursis à statuer est assez liée à l'espoir des consorts [L] d'obtenir en appel la mise en oeuvre de la garantie de leur compagnie d'assurances, afin qu'elle prenne en charge les travaux. Cependant il s'agit là d'un sursis à statuer facultatif, alors que les travaux ordonnés relèvent de la protection de la propriété voisine dont les locaux ont été endommagés en 2019, tandis qu'une protection provisoire est toujours en place et s'altère avec le temps. La décision qui a ordonné les travaux est assortie de l'exécution provisoire et ses termes doivent être mis en oeuvre et respectés, d'autant que les consorts [L] invoquent désormais la vente de l'immeuble (pièce 17) selon promesse de vente notariée du 24 avril 2024, impliquant la réalisation des travaux avant le mois de décembre 2024, à défaut de quoi, l'achat contracté sans recours à un emprunt pourrait être remis en cause.
Le sursis à statuer ne sera pas accordé.
* sur la liquidation de l'astreinte :
L'article L131-4 du code des procédures civiles d'exécution dispose que le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie, s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.
L'astreinte est une condamnation pécuniaire accessoire à une condamnation qu'elle assortit, elle doit permettre l'exécution volontaire d'une décision de justice en l'assortissant d'une contrainte financière.
Le juge de première instance a liquidé l'astreinte provisoire à son taux nominal sur la période du 14 octobre 2022 au 13 mars 2023 pour sanctionner l'absence de justificatifs suffisants démontrant leurs démarches afin d'exécuter la réalisation des travaux.
Devant la cour d'appel, il est établi qu'à la suite du sinistre, survenu en 2019, plusieurs devis avaient été obtenus des entreprises Face Sud, NGE Fondations, et que contact avait été pris avec l'entreprise Eric TTP, qui permettaient de chiffrer les travaux entre 122 000 euros et 190 000€.
Le Crédit Mutuel et la banque HSBC attestent que monsieur [L] les a contactées pour obtenir en novembre 2022 un financement à hauteur de 100 000 €.
Et plusieurs éléments du dossier justifient que monsieur [M] [L], qui était notaire, a connu entre août 2020 et mai 2023 d'importantes difficultés personnelles l'ayant même conduit à des hospitalisations sous contrainte tandis que son étude a fait l'objet d'un redressement judiciaire avec suspension de ses fonctions sollicitée par le procureur de la République en juin 2020.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments, désormais produits devant la cour, une exécution partielle des démarches utiles à la réalisation des travaux, dans le cadre de difficultés qui ne peuvent être niées. Sur la période, l'astreinte sera donc réduite à la somme de 15 000 euros étant observé au demeurant que l'immeuble est désormais vendu selon compromis communiqué aux débats.
Il serait inéquitable de laisser à la charge du SDC Hibiscus les frais irrépétibles engagés dans l'instance, une somme de 3 000 euros lui sera allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La partie perdante supporte les dépens, ils seront à la charge de monsieur [O] [L], et monsieur [M] [L] qui succombent pour l'essentiel de leurs prétentions, la liquidation de l'astreinte n'étant pas remise en cause en son bien fondé.
PAR CES MOTIFS :
La cour, après en avoir délibéré, statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe,
CONFIRME la décision déférée sauf quant au montant de liquidation de l'astreinte sur la période du 14 octobre 2022 au 13 mars 2023,
Statuant à nouveau de ce chef,
LIQUIDE l'astreinte à la somme de 15 000 €,
CONDAMNE messieurs [O] [L] et [M] [L] à payer cette somme au SDC de la résidence 'Villa Hibiscus',
CONDAMNE in solidum messieurs [O] [L] et [M] [L] à payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au SDC de la résidence 'Villa Hibiscus',
CONDAMNE in solidum messieurs [O] [L] et [M] [L] aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE