La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/06/2024 | FRANCE | N°23/12877

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-9, 27 juin 2024, 23/12877


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9



ARRÊT AU FOND

DU 27 JUIN 2024



N° 2024/369









Rôle N° RG 23/12877 N° Portalis DBVB-V-B7H-BMA4S







[R], [K], [T] [O]





C/



[L] [C]











Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Joseph MAGNAN



Me Roselyne SIMON-THIBAUD













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Juge de l'exécution de DRAGUIGNAN en date du 05 Septembre 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 23/01718.





APPELANTE



Madame [R], [K], [T] [O] veuve [C]

née le [Date naissance 3] 1936 à [Localité 7]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 4]



représentée par Me Josep...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 27 JUIN 2024

N° 2024/369

Rôle N° RG 23/12877 N° Portalis DBVB-V-B7H-BMA4S

[R], [K], [T] [O]

C/

[L] [C]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Joseph MAGNAN

Me Roselyne SIMON-THIBAUD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l'exécution de DRAGUIGNAN en date du 05 Septembre 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 23/01718.

APPELANTE

Madame [R], [K], [T] [O] veuve [C]

née le [Date naissance 3] 1936 à [Localité 7]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Cyrille AUCHE, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

Madame [L] [C]

née le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 8]),

demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assitée de Me Olivier MINGASSON, avocat au barreau de MONTPELLIER

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 22 Mai 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2024,

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES

Madame [C] est la fille aînée de [Z] [C], décédé le [Date décès 5] 2006, lequel a épousé madame [O] en seconde noces sous le régime de la séparation des biens.

Elle invoquait une créance entre époux au titre de la participation de son père à l'achat d'un terrain, au nom de madame [O], situé [Adresse 1] et à la construction de la maison.

Un jugement du 3 mars 2021 du tribunal judiciaire de Montpellier ordonnait l'ouverture des opérations de partage et de liquidation de la succession de [Z] [C] et disait que le notaire devra prendre en compte une créance entre époux à intégrer à l'actif successoral correspondant, à 50 % de la valeur, à la date du partage, de la maison à l'exclusion de la valeur du terrain et au profit subsistant.

Madame [C] formait appel de ce jugement et apprenait la vente du bien immobilier, objet du jugement, par madame [O].

Une ordonnance du 27 décembre 2022 du juge de l'exécution de Draguignan autorisait madame [C] à pratiquer une saisie conservatoire de créance aux fins de garantie de paiement de la somme de 296 500 €.

Le 30 janvier 2023, madame [C] faisait délivrer entre les mains de la Caisse d'épargne du Languedoc-Rousillon, la Caisse d'Epargne Côte d'Azur, la Banque Postale Centre Marseille, trois saisies conservatoires des sommes détenues pour le compte de madame [O] aux fins de garantir le paiement de la somme de 296 500 €.

Le 16 février 2023, madame [O] faisait assigner madame [C] devant le juge de l'exécution de Draguignan aux fins de mainlevée des trois saisies conservatoires précitées.

Par jugement du 5 septembre 2023, le juge de l'exécution de Draguignan :

- déboutait madame [O] de ses demandes de rétractation de l'ordonnance du 27 décembre 2022, mainlevée des saisies conservatoires du 30 janvier 2023, cantonnement desdites saisies,

- déboutait madame [O] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamnait madame [O] aux dépens et au paiement d'une indemnité de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le premier juge retenait une apparence de créance constituée par le jugement du 3 mars 2021 et des circonstances de nature en menacer le recouvrement en l'état de la vente du bien immobilier, objet du jugement précité, de la contestation du principe de la créance et du défaut de justification du patrimoine personnel de la demanderesse.

Ledit jugement était notifié par voie postale à madame [O] par lettre recommandée retournée au greffe avec la mention ' pli avisé non réclamé'. Par déclaration du 16 octobre 2023 au greffe de la cour, madame [O] formait appel du jugement précité.

Un arrêt infirmatif du 24 novembre 2023 de la cour d'appel de Montpellier déboutait madame [C] de ses demandes de paiement de la somme de 501 404,96 € ou de reconnaissance d'une créance du montant précité au profit de la succession de son père.

Le 7 décembre 2023, madame [C] procédait à la mainlevée des saisies conservatoires précitées.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 12 mars 2024, auxquelles il sera renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, madame [O] demande à la cour de :

Vu l'arrêt du 24 novembre 2023 de la cour d'appel de Montpellier,

- infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

- rétracter l'ordonnance d'autorisation et dire n'y avoir lieu à mesure conservatoire,

- ordonner en conséquence la mainlevée des saisies conservatoires pratiquées,

- condamner madame [C] à lui payer une somme de 15 000 € de dommages et intérêts,

- débouter madame [C] de ses demandes,

- condamner madame [C] au paiement d'une somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle invoque l'absence de créance paraissant fondée en son principe dès lors que l'arrêt du 24 novembre 2023 a débouté madame [C] de toutes ses demandes et l'absence de circonstances de nature à en menacer le recouvrement au motif qu'elle a vendu sa maison pour se rapprocher de sa fille à [Localité 9]. Elle disposait de 400 000 € sur ses comptes bancaires de sorte qu'il n'existait aucun risque d'insolvabilité.

Elle fonde sa demande indemnitaire sur l'article L 512-2 du code des procédures civiles d'exécution lequel n'impose pas la preuve d'un abus ou d'une faute, et sur les préjudices physique et moral subis au motif qu'à l'annonce des saisies, elle a fait un accident vasculaire cérébral suivi d'une chute à l'origine d'une fracture du fémur ayant nécessité deux interventions chirurgicales. Elle évalue son préjudice financier à 10 000 € sur le fondement d'un rendement de 3 % au cours de l'année 2023.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 9 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, madame [C] demande à la cour de :

- déclarer les présentes conclusions recevables et bien fondées,

- rejeter toutes demandes, fins, moyens et conclusions contraires de madame [O],

- rejeter la demande de mainlevée des saisies conservatoires en l'état des mainlevées du 07 décembre 2023,

- juger n'y avoir lieu à ordonner la rétractation de l'ordonnance ayant autorisé les mesures de saisies conservatoires en l'état des mainlevées effectives intervenues depuis le 07 décembre 2023,

- juger n'y avoir lieu à ordonner la mainlevée des mesures de saisies conservatoires en l'état des mainlevées du 07 décembre 2023,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages et intérêts, au titre de l'article 700 du code de procédure civile des dépens de madame [C],

- rejeter la demande de dommages et intérêts de 15 000 €,

- rejeter la demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 10 000 € et au titre des dépens,

- condamner madame [O] au paiement de la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle soutient que l'appel et les demandes de madame [O] sont sans objet en l'état de la mainlevée intégrale délivrée le 7 décembre 2023.

Elle affirme qu'au jour de l'autorisation, sa créance paraissait fondée en son principe en l'état d'un jugement du 3 mars 2021 ayant autorité de chose jugée et d'une demande de cantonnement à 50 000 € formée par l'appelante devant le juge de l'exécution. La menace dans le recouvrement de la créance était établie par la dissimulation de la vente du bien immobilier, l'absence de séquestre, et un solde créditeur constitué uniquement du montant du prix de vente de son logement.

Elle conteste l'octroi de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L 512-2 du code des procédures civiles d'exécution en l'absence de mainlevée ordonnée par décision de justice. En tout état de cause, elle invoque l'absence de preuve du préjudice financier allégué et conteste le lien de causalité entre les préjudices invoqués et les saisies conservatoires délivrées.

Sur le fondement de l'article L 121-2 du code précité, elle relève le défaut d'abus de saisie en l'absence de preuve de son intention de nuire. En tout état de cause, elle conteste le lien de causalité entre l'accident vasculaire cérébral, la fracture du fémur, et les saisies et évoque l'âge de l'appelante.

Elle soutient qu'à la date des saisies elle bénéficiait d'un jugement de condamnation assorti de l'exécution provisoire et que devant le juge de l'exécution de Draguignan, l'appelante a reconnu un principe de créance limité à 50 000 €.

Elle conteste l'existence, d'un préjudice moral au motif que le contentieux existe depuis l'année 2019, d'un préjudice physique en l'absence de lien avec les saisies, et d'un préjudice financier non établi par une preuve financière et bancaire.

L'instruction de la procédure était close par ordonnance du 23 avril 2024.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

- Sur les demandes principales d'infirmation et de mainlevée des saisies conservatoires du 30 janvier 2023,

La cour est saisie par la déclaration d'appel de madame [O]. En l'absence de désistement d'appel de cette dernière, elle reste saisie des demandes de l'appelante et doit statuer sur les demandes d'infirmation du jugement déféré et de mainlevée des saisies contestées.

L'article L 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge, l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.

En l'espèce, la cour, saisie d'une contestation de saisie conservatoire, doit tenir compte de l'évolution du litige et examiner l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe au jour où elle statue.

Or, il résulte de l'arrêt infirmatif du 24 novembre 2023 de la cour d'appel de Montpellier qu'il a débouté madame [C] de toutes ses demandes de condamnation de madame [O] à payer la somme de 501 404 € ou de reconnaissance d'une créance du montant précité à l'égard de la succession.

Si cet arrêt a fait l'objet d'un pourvoi, ce dernier n'a pas d'effet suspensif, de sorte que l'arrêt infirmatif a mis à néant le jugement du 3 mars 2021 ayant retenu une créance de l'intimée à hauteur de 50 % de la valeur du bien immobilier construit sur le terrain, propriété de madame [O]. Ainsi, l'existence d'un principe de créance n'est plus établie dès lors que l'arrêt du 24 novembre 2023 écarte le bienfondé de la créance alléguée par madame [C].

Par conséquent, le jugement déféré sera infirmé dans toutes ses dispositions.

Au titre des effets de l'infirmation, seul le juge ayant autorisé la saisie conservatoire peut rétracter son ordonnance de sorte que la procédure n'en est plus à ce stade et que la demande est désormais sans fondement.

De plus, la demande de mainlevée des saisies conservatoires contestées est sans objet dès lors que madame [C] a procédé à cette mainlevée par actes d'huissier du 7 décembre 2023.

- Sur la demande de dommages et intérêts,

L'article L 512-2 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution dispose que lorsque la mainlevée a été ordonnée par le juge, le créancier peut être condamné à réparer le préjudice causé par la mesure conservatoire.

L'article 121-2 du code précité dispose que le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages et intérêts en cas d'abus de saisie.

En l'espèce, la mainlevée de la saisie conservatoire ne peut être ordonnée par la cour puisque madame [C] en a donné mainlevée par actes d'huissier du 7 décembre 2023. La demande indemnitaire de madame [O] n'est pas fondée et doit donc être rejetée.

Madame [O] fonde exclusivement sa demande indemnitaire sur l'article L 512-2 précité et n'invoque pas le bénéfice de l'article L 121-2 du même code. En tout état de cause, elle n'invoque, ni n'établit, l'existence d'un abus de saisie de sorte que sa demande ne peut être accueillie sur le fondement de l'article L 121-2 du même code.

Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de madame [O].

- Sur les demandes accessoires,

L'équité commande d'allouer à madame [O] une indemnité de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [C], partie perdante, supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après débats en audience publique et après en avoir délibéré, conformément à la loi, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de madame [R] [O] veuve [C],

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

DIT que la demande de mainlevée des saisies conservatoires du 30 janvier 2023 est sans objet en l'état de leur mainlevée délivrée le 7 décembre 2023 par madame [L] [C],

CONDAMNE madame [L] [C] au paiement d'une indemnité de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE madame [L] [C] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-9
Numéro d'arrêt : 23/12877
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;23.12877 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award