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27/06/2024 | FRANCE | N°23/11722

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-9, 27 juin 2024, 23/11722


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9



ARRÊT AU FOND

DU 27 JUIN 2024



N° 2024/378





Rôle N° RG 23/11722 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BL4U3







[L] [C] épouse [X]





C/



[F] [J]



















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me LE LANDAIS

Me MEJEAN


























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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Juge de l'exécution de Marseille en date du 05 Septembre 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 23/01486.





APPELANTE



Madame [L] [C] épouse [X]

née le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 7], demeurant [Adresse 4]



représentée par Me Yannick LE LANDAIS, avocat au barreau d...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 27 JUIN 2024

N° 2024/378

Rôle N° RG 23/11722 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BL4U3

[L] [C] épouse [X]

C/

[F] [J]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me LE LANDAIS

Me MEJEAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l'exécution de Marseille en date du 05 Septembre 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 23/01486.

APPELANTE

Madame [L] [C] épouse [X]

née le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 7], demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Yannick LE LANDAIS, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIMÉ

Monsieur [F] [J]

Signification de la DA le 02 octobre 2023 à étude

né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 7], demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Geraldine MEJEAN, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale POCHIC, Conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2024

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Ingrid LAVALLEE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure et prétentions des parties :

[W] [C], célibataire sans enfant est décédé à l'age de 99 ans, en l'état de deux testaments olographes :

- le premier du 6 octobre 2010 déposé en l'étude de Me [Y], notaire associé à [Localité 7], aux termes duquel il avait institué pour ses deux légataires universels ses nièces, Mme [E] [C] et Mme [L] [C] épouse [X],

- le second testament du 8 janvier 2013 déposé en l'étude de Me [H], notaire à [Localité 6], portant révocation de tout testament antérieur et désignant comme légataires particuliers Les Petites Soeurs des Pauvres, M. [F] [J] époux de Mme [E] [C] et cette dernière légataire à titre universel.

Mme [E] [C] est décédée le [Date décès 2] 2017.

Contestant la validité de ce second testament Mme [L] [C] a par assignations du 3 avril 2018, saisi le tribunal de grande instance de Marseille pour voir prononcer la nullité de cet acte.

Puis par ordonnance sur requête rendue le 21 février 2018 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Marseille, elle a été autorisée à pratiquer une saisie conservatoire des comptes bancaires de M. [J] ou tous comptes hébergeant les fonds d'[E] [C], notamment ceux détenus par Me [H] dans le cadre des successions d'[E] [C] et [W] [C], pour avoir sûreté d'une créance évaluée provisoirement à la somme de 200 000 euros.

Par jugement du 18 décembre 2018 le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Marseille a débouté M. [J] de ses contestations et demandes de mainlevée de ces mesures conservatoires. Cette décision n'a pas été frappée d'appel.

Par jugement en date du 2 juillet 2019, rendu au contradictoire de M. [J], de la congrégation religieuse des Petites Soeurs des Pauvres et de Me [H], le tribunal de grande Instance de Marseille a ordonné, avant dire droit, une mesure d'expertise en écritures et désigné pour y procéder Mme [B] qui a déposé son rapport le 28 juin 2021 en retenant que [W] [C] était le scripteur et le signataire du testament daté du 8 janvier 2013.

A l'issue de ce rapport et par jugement du 7 juin 2022 le tribunal judiciaire de Marseille a pour l'essentiel, débouté Mme [C] de ses demandes et dit que le testament daté du 8 janvier 2013 a été écrit et signé par [W] [C].

L'appel de cette décision interjeté par Mme [C] , est actuellement pendant devant la cour de ce siège.

N'ayant pu obtenir la mainlevée amiable des saisies conservatoires pratiquées le 7 mars 2018, M. [J] a saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Marseille pour la voir ordonner et obtenir condamnation de Mme [C] à la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, demandes auxquelles celle-ci s'est opposée.

Par jugement du 5 septembre 2023 le juge de l'exécution a :

' ordonné la mainlevée desdites saisies ;

' condamné Mme [C] à payer à M. [J] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

' l'a condamnée au paiement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Mme [C] a interjeté appel de cette décision dans les quinze jours de sa notification par déclaration du 15 septembre 2023 mentionnant l'ensemble des chefs du dispositif dudit jugement.

Par ordonnance de référé rendue le 29 janvier 2024 par le magistrat délégué par premier président de cette cour, l'appelante a été déboutée de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement appelé et autorisée à consigner la somme de 6 500 euros auprès de la Carpa pour garantir le montant des condamnations prononcées.

Par dernières écritures notifiées le 26 mars 2024, auxquelles il est expressément fait référence pour plus ample exposé de ses moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [C] demande à la cour :

- de juger son appel recevable et bien fondé ;

- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- de juger qu'elle justifie d'un principe de créance à l'encontre de M. [J] ;

- de juger que les arguments révélés dans l'instance pendante devant la cour d'appel et les pièces produites à l'appui de la demande de nullité du testament daté du 8 janvier 2013 (rapports rendus par M. [N] [A] le 24 avril 2023, 14 octobre 2023 et 19 mars 2024 et rapport rendu par Mme [M] [P] le 9 novembre 2022) constituent autant de circonstances démontrant que le recouvrement de sa créance est menacé ;

En conséquence,

- de débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes ;

- de le condamner au paiement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

A l'appui de ses demandes et pour l'essentiel Mme [C] rappelle que M. [J] n'avait pas interjeté appel du jugement rendu le18 décembre 2018 tandis que le juge de l'exécution l'avait débouté de sa demande de mainlevée des mesures conservatoire en cause, et elle fait grief au premier juge de s'être exclusivement fondé sur le jugement de débouté rendu le 6 septembre 2022, pour écarter l'existence d'un principe de créance, alors qu'elle a relevé appel dudit jugement qui n'est pas assorti de l'exécution provisoire.

Elle estime que son appel a vocation, en l'état des conclusions et pièces échangées, à maintenir un principe de créance et que ce recours ne permet pas à M. [J] de prétendre à l'existence d'un élément nouveau survenu depuis le précédent jugement rendu par le juge de l'exécution le 18 décembre 2018, la situation étant juridiquement identique à celle que ce magistrat avait eu à connaître.

Elle développe les objections et critiques qu'elle fait valoir dans le cadre de l'appel du jugement de fond du 6 septembre 2022, au vu des rapports d'expertises amiables établis par M. [N] [A] et Mme [M] [P] qui contredisent les conclusions de l'expert judiciaire et ceux de Mme [V] [K], expert non inscrit sur la liste, et Mme [I] [O], mandatés par M. [J].

Elle s'approprie les motifs du jugement précédemment rendu par le juge de l'exécution le 18 décembre 2018 concernant les menaces pesant sur le recouvrement de sa créance et ajoute que dans le cadre de la procédure d'appel du jugement de fond elle sollicite la nullité du testament en cause et la condamnation de M. [J] à des dommages et intérêts conséquents.

Elle conteste sa condamnation à des dommages et intérêts, alors que les saisies litigieuses ont été autorisées et maintenues par décisions judiciaires et qu'aucun préjudice financier ne peut donc résulter de cette situation.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 5 avril 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé complet de ses moyens et prétentions, M. [J] demande à la cour :

A titre principal :

- de confirmer purement et simplement le jugement entrepris ;

A titre subsidiaire :

- d'ordonner la mainlevée des mesures conservatoires réalisées le 7 mars 2018 auprès de la Caisse d'Epargne pour un montant de 34 200 euros, auprès de la Banque Populaire pour un montant de 30 502,50 euros et auprès de la Lyonnaise de Banque pour un montant de 37 568,13 euros ;

- condamner Mme [C] à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice causé par la saisie conservatoire pratiquée à son encontre.

En tout état de cause :

- condamner Mme [C] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

- la débouter de l'ensemble de ses demandes ;

A titre infiniment subsidiaire ,

- dire et juger la demande formulée par Mme [C] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, excessive et la ramener à de plus justes proportions.

A cet effet il indique qu'en prétendant qu'il ne justifie pas d'élément nouveau depuis le précédent jugement du 18 décembre 2018 , dont il n'a pas souhaité faire appel ayant fait le choix d'attendre le jugement sur le fond, l'appelante fait fi du rapport d'expertise judiciaire du 28 juin 2021 concluant à l'authenticité du testament en cause, et du jugement du 6 septembre 2022 dont il rappelle la motivation quant à l'authenticité de cet acte et le discernement de son auteur.

Il ajoute que le moyen tiré d'un appel en cours contre ce jugement de fond, ne saurait suffire à justifier d'un principe de créance et les rapports d'expertise de M. [A] et Mme [P] communiqués par l'appelante se fondent sur de simples photocopies du testament contesté au contraire des experts qu'il a mandatés dont les conclusions rejoignent celles de l'expert judiciaire sur l'authenticité de cet acte.

Il soutient par ailleurs l'absence de toute menace dans le recouvrement, les comptes bancaires saisis étant créditeurs de la somme totale 102 270,63 euros qui excède le legs dont il est bénéficiaire d'un montant de 100 000 euros et le notaire tiers saisi dispose de fonds pour un total de 400 000 euros. Il précise que Mme [C] omet d'indiquer qu'elle a fait pratiquer une hypothèque judiciaire sur le bien de [W] [C], qui a été autorisée par ordonnance du 15 mars 2018. Il précise qu'il ne détient pas les fonds ou biens figurant sur le testament en cause et ne peut donc en disposer en sorte que cette crainte n'est pas justifiée.

Sur sa demande indemnitaire il rappelle que l'article L.512-2 du code des procédures civiles d'exécution qui prévoit que lorsque la mainlevée est ordonnée par le juge, le créancier peut être condamné à réparer le préjudice causé par la mesure conservatoire, qui résulte en l'espèce du blocage de ses comptes bancaires depuis sept années le privant de ses avoirs alors qu'il est retraité et n'a pu profiter ou faire profiter ses proches des revenus d'une vie de travail. Il ajoute que sa demande de mainlevée amiable des mesures en cause n'ayant pas abouti il a du saisir à nouveau le juge de l'exécution générant une année supplémentaire d'indisponibilité de ses comptes.

L'instruction de l'affaire a été déclarée close par ordonnance du 9 avril 2024.

MOTIVATION DE LA DÉCISION :

La précédente décision rendue par le juge de l'exécution le 18 décembre 2018 rejetant la demande de mainlevée des mesures conservatoires en cause, ne peut être utilement invoquée dès lors que postérieurement à son prononcé un élément juridique nouveau est intervenu qui a modifié la situation antérieurement reconnue par cette décision, à savoir le jugement rendu au fond par le tribunal judiciaire de Marseille le 6 septembre 2022 qui a débouté Mme [C] de l'ensemble de ses demandes et dit que le testament litigieux a été écrit et signé par [W] [C].

Au fond il résulte des dispositions de l'article L.511-1 du code des procédures civiles d'exécution que toute personne justifiant d'une apparence de créance et de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement peut solliciter du juge de l'exécution l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur.

Le créancier saisissant doit donc justifier de conditions cumulatives tenant à une créance paraissant fondée en son principe et une menace dans son recouvrement.

Par ailleurs, le juge de l'exécution et la cour à sa suite, auxquels est demandé la main levée de la saisie conservatoire, doivent, pour statuer sur les mérites de cette demande, se placer au jour où ils statuent et non au jour où la mesure a été initialement autorisée ;

En l'espèce l'appelante ne peut se prévaloir d'un principe de créance à l'encontre de M. [J] dès lors que par jugement précité du 6 septembre 2022, qui en vertu de l'article 480 du code de procédure civile a autorité de chose jugée dès son prononcé même s'il est frappé d'appel et n'est pas assorti de l'exécution provisoire, Mme [C] a été déboutée de l'ensemble de ses demandes, notamment celle tendant à l'annulation du testament du 8 juillet 2013 qui l'écarte de la succession de [W] [C], le tribunal ayant retenu l'authenticité de cet acte ;

L'une des deux conditions cumulatives énoncées par l'article L.511-1 précité faisant défaut, le jugement qui a ordonné la mainlevée des saisies conservatoires mérite confirmation sur ce point.

Le premier juge sera encore approuvé en ce qu'il a condamné Mme [C] à payer à M. [J], dont les comptes bancaires sont indisponibles depuis six ans du fait de leur saisie et qui n'a pu obtenir la mainlevée amiable de ces mesures, la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice financier ;

Le moyen tiré de l'autorisation judiciaire de procéder à ces mesures conservatoires et de les maintenir, est inopérant, l'article L512-2 du code des procédures civiles d'exécution ne conditionnant pas la réparation du préjudice subi par le débiteur à la démonstration d'une faute commise par le poursuivant, qui en mettant en oeuvre une saisie conservatoire le fait à ses risques et périls à charge pour lui, si la mainlevée en est ordonnée, d'en réparer les conséquences dommageables.

Succombant dans son recours l'appelante supportera les dépens d'appel et sera tenue de verser à M. [J] contraint d'exposer de nouveaux frais pour se défendre, une indemnité de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, elle même ne pouvant prétendre au bénéfice de ces dispositions.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y Ajoutant,

CONDAMNE Mme [L] [C] épouse [X] à payer à M. [F] [J] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE Mme [L] [C] épouse [X] de sa demande à ce titre ;

LA CONDAMNE aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-9
Numéro d'arrêt : 23/11722
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;23.11722 ?
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